► Emmanuel Macron (Président de la République)
> Jean-Louis Debré a consacré sa vie à une certaine idée de la France. Une vie de fidélité, de rigueur, généreuse et libre. Il était un homme de droit et de droiture. Mes condoléances à ses proches.
► Gouvernement
[Nota: Ce gouvernement est
dirigé par un centriste, François Bayrou ; nous avons donc décidé de
reprendre les propos de tous les ministres puisqu’ils agissent sous l’autorité
d’un Président de la République et d’un Premier ministre centristes/centraux ;
néanmoins nous avons fait une distinction avec d’un côté les ministres
centristes-centraux et les autres puisqu’il s’agit d’un gouvernement de
coalition du fait que le Président de la République et le Premier ministre ne
disposent pas d’une majorité à l’Assemblée nationale]
●
Ministres centristes/centraux
François Bayrou (Premier ministre)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la sécurité en
Europe]
Le but de ce débat, organisé selon les termes de
l’article 50-1 de la Constitution, est que le gouvernement partage avec la
représentation nationale non seulement des informations – à dire vrai, il
en est peu que chacun d’entre nous ne connaisse –, mais une vision d’une
situation historique qui est à nos yeux la plus grave, la plus déstabilisée et
la plus dangereuse de toutes celles que notre pays et notre continent ont
connues depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Lors d’une réunion à huis clos avec tous les responsables des partis politiques
représentés dans cette assemblée, le président de la République a partagé une
analyse précise et préoccupante de la situation sur le terrain des armes et des
forces. Mais les choses s’accélèrent : vendredi soir, dans le bureau ovale
de la Maison-Blanche, s’est déroulée sous l’objectif des caméras du monde
entier une scène sidérante, empreinte de brutalité et de volonté d’humiliation,
dont le but était de faire plier par la menace le président ukrainien Volodymyr
Zelensky pour qu’il se rende aux exigences de ses agresseurs. Le tout résumé en
une phrase devant les caméras de la planète : « Ou bien vous trouvez
un accord avec Poutine, ou bien nous vous laissons tomber ! »
Pour l’honneur de la responsabilité démocratique, de l’Ukraine et, j’ose le
dire, de l’Europe, le président Zelensky n’a pas plié. Je crois que nous
pouvons lui manifester notre reconnaissance.
Il y a deux victimes dans cette scène : la première est potentiellement la
sécurité de l’Ukraine, qui se bat pour sa survie et pour le droit des nations
au prix de la vie de dizaines de milliers de ses enfants. La seconde est une
certaine idée de l’alliance que nous, pays de liberté, avions avec et autour
des États-Unis.
Peut-être plus grave encore pour l’avenir – je le dis au nom de ceux qui
n’ont pas oublié l’alliance séculaire, ni l’amitié, à laquelle nous sommes
attachés, avec le peuple américain –, une autre alliance fondamentale se
trouve compromise : celle que les États-Unis avaient avec eux-mêmes, leur
histoire et un certain idéal de défense du droit – de défense du faible
face au fort tyrannique.
Cette situation est le dernier développement d’un enchaînement de causes et de
conséquences que nous avons vu se dérouler sous nos yeux. Nous connaissons le
détonateur de cette séquence dramatique. C’est un événement précisément
daté : l’invasion, en vue d’annexion, de l’Ukraine par les forces armées
de la fédération de Russie, sur ordre de Vladimir Poutine, le 24 février
2022. Cette date a marqué un basculement entre deux mondes, aux conséquences
planétaires – nous avons été plusieurs à le dire à l’époque.
Depuis 1945, nous espérions que l’Europe, l’Occident tout entier, la communauté
des nations, vivaient avec l’idée qu’une loi internationale, respectant les
principes d’indépendance et de sécurité pour les nations, régissait chaque jour
davantage – et régirait un jour – l’ensemble des relations
internationales, diplomatiques, de défense, commerciales, financières.
Bien sûr, nous le savions, ces règles ont toujours fait l’objet d’une
application partielle, imparfaite et souvent partiale – nous n’idéalisons
pas le passé. Mais il y avait malgré tout des garde-fous qu’on pouvait évoquer,
des traités qu’on pouvait brandir, des résolutions qu’on pouvait invoquer, des
engagements qu’on pouvait rappeler. Tout ceci est fini : nous avons
basculé dans un autre monde.
Beaucoup sont sans voix tant le choc est violent ; beaucoup se trouvent
démunis tant tous les dispositifs que nous avions inventés sont démantelés.
Nous voici mis en demeure d’accepter des mœurs que nous refusons, de revoir les
chartes de nos libertés, de repenser les règles de la démocratie et de la
liberté d’expression, d’abandonner notre souci de décence pour accepter
l’indécence qu’on voudrait nous imposer.
Au fond, nous vivions avec la certitude paisible que le monde serait, sinon de
plus en plus démocratique comme l’affirmaient des esprits brillants, mais
incurablement optimistes, du moins de plus en plus sûr. C’est dans ce cadre que
la prospérité du continent européen, du monde libre et, par contagion, celle de
ceux qui vivaient une relation de confiance avec l’Occident, se développaient.
Certes, nous savions tous – de grands diplomates français le rappelaient,
comme Hubert Védrine – que les nations n’oublient jamais leurs intérêts,
et que, par la force des choses, ces derniers passent souvent avant leurs
principes. Mais nous avions, pour les uns, l’espoir, pour les autres, la
certitude, qu’au bout du compte demain serait plus sûr qu’aujourd’hui et que
les grands ensembles avec qui nous étions en relation en viendraient un jour à
respecter plus ou moins les mêmes grands principes.
Beaucoup le croyaient pour la Russie, en raison d’une proximité de civilisation
et d’une communauté d’histoire. Nous le croyions pour l’Inde, dont la
progression démographique, technique et scientifique et la situation de pays
non-aligné sont pour la France des éléments de confiance – pour ce pays
majeur, nous le croyons encore aujourd’hui.
C’était vrai à certains égards pour la Chine : la France n’a jamais oublié
qu’elle avait été le premier pays d’Occident à reconnaître et consacrer le
statut international de cet immense peuple et acteur politique. Nous
l’espérions même du Moyen-Orient tourmenté, dont nous imaginions favoriser
l’apaisement avant de voir triompher une paix garantie par la reconnaissance
des peuples, des communautés et des cultures.
Cette symphonie d’espoirs raisonnables a volé en éclats le 24 février
2022.
Qu’un pays, géographiquement le plus vaste de la planète, militairement parmi
les mieux armés, en particulier par la détention d’innombrables têtes
nucléaires, ayant construit une puissante armée mécanique de blindés aussi bien
que d’aviation, une puissance spatiale, un pays riche d’infinies ressources
naturelles – qu’un tel pays, membre du Conseil de sécurité des Nations unies et
à ce titre garant de l’ordre international, décide de se jeter sur un pays
voisin, une nation souveraine, de surcroît intimement mêlée à sa propre
histoire, pour l’annexer, en prendre le contrôle par la force et en chasser les
dirigeants élus, beaucoup d’entre nous, en fait, n’auraient même pas osé l’imaginer.
Or cette date de basculement de l’histoire a libéré les démons endormis et a
remis en cause, d’abord, le premier principe de sécurité sur lequel étaient
fondées nos règles internationales : l’intangibilité des frontières issues
de la seconde guerre mondiale. Cette agression a donné le signal qu’attendaient
en réalité depuis longtemps des forces tapies dans l’ombre et qui ne rêvaient
que de se donner carrière. Ces forces, il faut les nommer : c’est l’esprit
de domination ; c’est l’impérialisme militaire, idéologique, économique,
religieux, fanatique, la volonté d’asservir l’autre ; c’est le culte de la
force – nous le connaissons bien, car c’est la malédiction qui a coûté des
dizaines de millions de morts au XXe siècle, particulièrement
en Europe.
Sur toute la surface de la planète, le signal donné par cet événement n’a
échappé à personne. Qu’importeraient désormais la loi et les principes, les
délibérations internationales ? La force seule, la violence et la
brutalité suffiraient pour régler les conflits. Il s’agirait seulement de
réunir les moyens suffisants, de déployer la violence suffisante, et n’importe
quelle cause pourrait désormais l’emporter. C’est la fin de la loi du plus
juste, c’est le règne de la loi du plus fort.
Ainsi, par la décision d’un seul, devenu chef de meute, sont reniés les efforts
consentis depuis plus de cent ans pour arracher l’humanité à sa naturelle
inhumanité, en même temps que se trouve reniée la Charte des Nations unies,
dont voici un extrait du préambule : « Nous, peuples des Nations
unies, résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre qui
deux fois en l’espace d’une vie humaine a infligé à l’humanité d’indicibles
souffrances, à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de
l’homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l’égalité de
droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites, à
créer les conditions nécessaires au maintien de la justice » prenons
l’engagement solennel « qu’il ne sera pas fait usage de la force des
armes, sauf dans l’intérêt commun ».
Cette charte a été signée le 26 juin 1945 pour préserver les générations
au lendemain de la plus terrible des guerres que l’humanité ait connues
– 80 millions de morts et une victime perdue pour toujours, une
certaine idée de l’homme partie avec la Shoah, la tentative d’anéantissement
programmé, et pour la première fois techno-industriel, de l’un des peuples de
notre famille humaine. Ce qui se matérialisait sous nos yeux, vendredi soir,
alors que nous assistions sidérés à cet affrontement – et chacun d’entre
nous se souviendra où il se trouvait à ce moment –, c’était la rupture de
quelque chose d’infiniment précieux, dont nous étions au jour le jour peu
conscients, mais qui servait de cadre à notre regard sur le monde, à savoir
l’idée de l’identité et de l’unité de l’Occident.
Ce que nous avons brutalement découvert depuis quelques semaines, et qui
culminait en ce vendredi soir, c’est que nos alliés pouvaient nourrir sur nous
et sur notre avenir, sur l’avenir de leurs partenaires et voisins, la même
volonté de domination que nous prétendions combattre chez les puissances
auxquelles nous voulions résister.
Les déclarations du quarante-septième président des États-Unis à propos du
canal de Panama, de Gaza, du Groenland ou même du Canada nous ont, en temps
réel, fait mesurer la stupéfiante réalité : il n’y a plus de loi qui
s’impose à tous et nous, Français et Européens, ne sommes pas armés pour un
temps où la loi est tenue pour négligeable. Comment entendre en 2025 que
« personne n’a de droits sur le Groenland » ou que quiconque ayant
des droits devrait y renoncer car « nous avons besoin du Groenland pour
notre sécurité nationale », s’agissant d’un territoire certes peu peuplé,
mais grand comme quatre fois la France, au sous-sol riche des matières
premières les plus rares, d’une biodiversité préservée par le climat
particulier de cette région, et relevant de surcroît de la souveraineté d’un
pays membre de l’Otan ?
Il en va de même en matière commerciale. Nous étions préoccupés, nous le sommes
toujours, par le dumping auquel nous soumettait la puissance chinoise. Nous
considérions l’Organisation mondiale du commerce (OMC) comme capable, un jour,
de faire respecter des règles élémentaires. Nous voyions cette OMC comme un
atout pour des échanges où les États se respecteraient. Et d’un seul coup,
l’annonce de l’instauration de 25 % de droits de douane sur les
productions de tout un continent et l’inéluctable perspective de rétorsions
nous plongent dans un univers de guerre commerciale, au moment même où notre
continent traverse une crise qui met à mal sa croissance et ses emplois.
De surcroît, derrière les droits de douane qu’on veut relever, se prépare, nous
le savons bien, une offensive bien plus brutale, bien plus violente et bien
plus redoutable contre tout le dispositif réglementaire européen destiné à
encadrer le high tech et à prévenir une mainmise totale des entreprises
majeures du numérique américain sur notre économie et nos valeurs.
Il s’agit d’un enjeu déterminant, et ce n’est pas un hasard si certains
responsables américains de haut niveau ont explicitement indiqué qu’il nous
fallait désormais choisir entre la protection de l’Otan et l’abandon à toutes
les licences, y compris celles qui prônent la haine ou la ségrégation. On veut
nous cerner, on veut nous assujettir pour nous plier, nous aussi, à la loi du
plus fort. Et cela de la part de nos alliés !
L’annonce du retrait des organismes internationaux chargés du développement ou
de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) conforte l’idée d’un tel
basculement. Menacés de se retrouver sans recours militaire, bien des pays
membres de l’Otan désespèrent et posent en termes nouveaux les questions de
défense.
Ces questions, la France les a posées, la première et longtemps la seule parmi
les alliés. Tous ceux qui entendaient à chaque rencontre internationale l’appel
français à une plus grande autonomie de la défense européenne et qui levaient
les yeux au ciel en y voyant une lubie ou la défense d’intérêts égoïstes, tous
ceux-là mesurent aujourd’hui combien notre idée d’indépendance était fondée.
C’est dans cet esprit que nous avons bâti, nous Français, notre appareil de
défense, nos armées, à commencer par la dissuasion nucléaire et par ses
vecteurs, ce qui fait – il convient de le rappeler – que notre pays
est le seul, à l’égal des très grandes puissances, à disposer d’une armée
autonome capable d’affronter la plupart des situations de menace, sans avoir à
demander l’autorisation ou la permission de quiconque. L’effort de construction
de cette armée a demandé des investissements considérables, que la nation a
supportés avec courage et esprit de continuité. Cet effort, nous l’avons
supporté solitairement.
Mais la France avait raison ! Elle avait raison ! On le découvre
aujourd’hui, au moment même où notre principal allié paraît se ranger aux
éléments de langage du pays qui attaque l’Ukraine et menace le reste de
l’Europe. Face à cette situation, il est un constat que nous ne faisons pas
assez : nous, les Européens, sommes plus forts que nous le croyons ;
nous sommes forts et nous ne le savons pas. Pire, nous nous comportons comme si
nous étions faibles !
Rappelons les chiffres. L’Union européenne compte à elle seule
450 millions d’habitants ; avec la Grande-Bretagne et la Norvège, nos
alliés, nous sommes plus de 520 millions d’habitants, contre
340 millions aux États-Unis et 150 millions en Russie. Le PIB de
l’Union, additionné à celui de la Norvège et de la Grande-Bretagne, c’est plus
de dix fois le PIB de la Russie.
Les dépenses militaires de la Russie sont certes impressionnantes
– 40 % de son budget et 9 % de son PIB, chiffres qui donnent une
idée du déséquilibre dans les investissements. Cependant, l’efficacité
opérationnelle des armées russes est arrêtée depuis trois ans par l’armée
ukrainienne, qu’elles devaient pourtant emporter – affirmaient les
dirigeants russes – en trois jours.
En comparant les arsenaux, on découvre un rapport de force qui n’est pas du
tout celui qui est décrit habituellement. Nos forces armées continentales,
additionnées à celles du Royaume-Uni, comptent plus de 2,5 millions de
soldats professionnels, soit 25 % de plus que les forces russes ;
elles disposent de 2 991 avions de combat, deux fois plus que les
aviations des États-Unis et de la Russie, et de quelque 15 000 pièces
d’artillerie, contre moins de 10 000 pour la Russie et seulement
5 000 pour les États-Unis. Nous, pays européens, sommes une force même si
nous ne le savons pas.
Sur ce point, je le crois, la France se trouve en accord – pour une
fois – avec M. Trump. Si nous sommes forts, nous ne pouvons pas
demander à d’autres de nous défendre durablement à notre place. Si nous sommes
forts, c’est à nous, Européens, de garantir la sécurité et la défense de l’Europe.
Mais d’abord, et dans l’urgence, nous ne pouvons pas laisser le peuple
ukrainien sans défense. Nous devons aider l’Ukraine, mobiliser des ressources,
partager les matériels, aider à former, sécuriser autant que possible et ne pas
accepter qu’un retrait américain condamne à la défaite ce pays défenseur de nos
libertés.
Si nous demeurions impuissants, si la digue ukrainienne en venait à céder du
fait de notre impuissance ou de notre négligence, alors n’en doutez pas :
un jour ou l’autre, plus tard ou très tôt, ce sont nos pays, notre Union, qui
se trouveraient ciblés. En effet, il est une leçon que l’histoire nous a
enseignée et qui n’est jamais démentie : la force brutale ne se borne
jamais elle-même.
La situation nous dicte donc les questions que nous devons nous poser. Si les
alliances se renversent, les Européens ont-ils la volonté de résister ?
Ont-ils la volonté de défendre, non pas ce qu’ils ont, mais ce qu’ils
sont ? Au fond, la seule question est la plus ancienne question, non
seulement du théâtre, mais de la philosophie : to be or not to be ?
Cette question ne cesse de se poser depuis des décennies. Beaucoup, chez nous
et chez nos partenaires, mettaient en doute la nécessité de l’union. Avec
beaucoup d’autres, je crois et je soutiens que dans les circonstances créées
par une telle menace de déstabilisation du monde, l’Union européenne est pour
nous le seul chemin et la seule stratégie possible. C’est pour cela que face à
la guerre froide, nous l’avons voulue, fondée et fait progresser. Avons-nous
tout réussi ? Certainement pas. Nos institutions sont imparfaites, nos
politiques inabouties, la transparence démocratique trop faible, nos priorités
peu perceptibles, et des combats majeurs pour l’humanité, du climat au
développement, ne sont pas menés comme il conviendrait. Tout cela est vrai et
je pourrais en dire plus encore.
Mais lorsque le monde tremble sur ses bases, alors la solidarité, l’entente,
l’action en commun des pays de la famille européenne est la seule réponse
possible. C’est la seule réponse possible du point de vue de l’aide à apporter
à l’Ukraine – aide financière et logistique, aide à la formation, aide
militaire, aide diplomatique. C’est la seule réponse possible en matière
commerciale : si nous nous laissons diviser, morceler, jouer les uns
contre les autres, nous subirons tous la loi de ceux qui veulent nous affaiblir
pour nous soumettre. C’est la seule réponse possible en matière de réarmement
scientifique et technologique : si nous ne conduisons pas une telle
politique, nous resterons condamnés à former, de la maternelle jusqu’au prix
Nobel ou à la médaille Fields, les grands découvreurs qui continueront à aller
découvrir ailleurs.
C’est la seule réponse possible en matière industrielle et agricole pour que
nos pays retrouvent leur place de fournisseurs compétitifs sur leurs propres
marchés qui, autrefois déstabilisés par l’obsédante question du prix de la main
d’œuvre, peuvent dorénavant être rééquilibrés par l’automatisation, la
numérisation, l’algorithmique et la robotique.
L’action commune est la seule voie vers la maîtrise collective des questions
environnementales, que nous avons décidé de placer au premier plan de notre
stratégie industrielle quand tant d’autres les abandonnent, et par conséquent
vers la maîtrise de notre cadre de vie. C’est enfin la seule réponse possible
en matière de production intellectuelle : si elle retrouve son influence
culturelle, l’Europe redeviendra le lieu de création, de réalisation, de
production et d’invention qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être.
Tout se tient : notre solidarité en tant que pays de la famille
européenne, notre influence internationale, notre prestige collectif, notre
protection, notre croissance, notre marche en avant. Hélas, tout se tient aussi
dans l’autre sens, celui du déclin, de la soumission et de la perte
d’influence. Or – pardonnez-moi de vous le dire aussi crûment –
l’histoire a montré qu’il y avait au ressaisissement européen une condition
impérative : la vitalité et la force de la France.
En effet, cette idée d’une Europe indépendante, autonome dans ses décisions,
défendant elle-même sa liberté et ses intérêts, c’est la vision française. La
France l’a défendue seule, à partir de l’intuition du général de Gaulle, contre
tous ceux que les temps invitaient à la facilité. Voilà ce que le fondateur de
la Ve République, avec une prescience qui mérite d’être
soulignée, affirmait en 1962 : « On ne sait jamais d’où peut venir la
menace, ni d’où peut venir la pression ou le chantage. […] Il peut se produire
des événements fabuleux, des retournements incroyables. Il s’en est produit
tellement dans l’histoire ! » Après avoir observé qu’on ne sait pas
ce qui peut se passer aux États-Unis et énuméré tous les risques de
déstabilisation de la société américaine, il conclut : « Voilà
pourquoi, tout en demeurant les alliés des Américains, nous voulons cesser de
nous en remettre à eux. » C’était en 1962. Depuis, la France a défendu
cette vision inlassablement, en particulier lors des huit dernières années, par
la voix du président de la République.
Elle l’a défendue assez souvent dans la solitude, qui est le lot de ceux dont
la pensée est ferme. Je crois que les événements prouvent désormais aux yeux de
tous, notamment à ceux de nos partenaires, que cette vision est d’intérêt
général.
La France peut jouer un rôle central dans l’édification de ce nouveau monde, de
ce nouvel équilibre, mais elle ne le fera que si elle recouvre sa confiance et
son unité. Tout ce que nous, Français, avons à construire et à reconstruire est
la clé de cet autre monde. L’investissement militaire, la reconquête de notre
équilibre financier et de notre équilibre démocratique, l’efficacité de notre
système éducatif, notre politique de formation et de recherche, la place des
entreprises françaises et le soutien à leur apporter, l’aménagement du
territoire, notamment de nos outre-mer, l’efficacité de l’action publique et
l’équilibre du contrat social constituent chacun une clé de l’affirmation
française.
Face à la réalité d’un monde inattendu, tellement inattendu que nous ne
parvenons même pas à le qualifier proprement, il faut nous organiser avec
sang-froid, unité et détermination. Avec sang-froid, car tout affolement serait
perçu comme signe de peur et pousserait tous ceux qui ne nous veulent pas de
bien à poursuivre leur offensive psychologique, morale et politique – et,
qui sait, peut-être un jour militaire – contre nous. Avec unité, car il
serait dangereux qu’au-delà des déclarations communes et des résolutions
conjointes, chacun aille négocier ici ou là un avenant national avantageux au
dépeçage du monde, un sursis à exécution avant vassalisation.
Avec détermination, car les mots ne suffiront pas. Ce que nous aurons à
affirmer, ce sont des choix nationaux et des choix européens. Nous l’avons vu
récemment, beaucoup de choses évoluent parmi les opinions européennes et parmi
les gouvernants, nos partenaires.
L’événement ne nous laisse pas le choix. Dans les premiers mois de la guerre de
1914, dans un recueil composé au temps du fer, du feu et de la mort qu’il a
simplement intitulé Europe, Jules Romains a écrit ces quelques
vers : « L’événement est sur nous. Il a le pas et le poil d’une bête
quaternaire. » Il voulait simplement dire, lui si souvent accusé
d’idéalisme, qu’il est des moments où, devant le risque du pire, devant le
réveil de forces primitives et archaïques, on n’a pas le choix. Nous n’avons
pas vraiment le choix ; mais ce choix, au moins, est entre nos mains, et
c’est la première raison d’espérer.
Elisabeth Borne (ministre d’Etat, ministre de l’Education
nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche)
> Concernant les projets de création de départements d’IUT, nous
étudions actuellement toutes les demandes que nous avons reçues. Nous parlons
bien de demandes de moyens nouveaux, étant entendu que les établissements
peuvent aussi, en vertu du principe d’autonomie, redéployer des ressources pour
appliquer les évolutions de l’offre de formation dont ils ont la
responsabilité. Toutes ces demandes représenteraient un effort de création
nette de dizaines d’emplois d’enseignants, d’enseignants-chercheurs et de
personnels administratifs.
Nous devons disposer d’une vision consolidée au niveau national de tous les
besoins exprimés pour assurer une équité dans les réponses que nous apporterons
et que nous intégrerons dans la préparation du budget 2026.
> Le ministre chargé de l’enseignement supérieur et de la
recherche, Philippe Baptiste, et moi-même partageons totalement votre
préoccupation quant aux pratiques de certains établissements d’enseignement
supérieur privé à but lucratif et la volonté d’obtenir davantage de garanties
de leur part.
Depuis 2024, le ministère a engagé plusieurs travaux visant notamment à
améliorer la lisibilité et la transparence du contenu des formations sur
Parcoursup, à moderniser et à simplifier le cadre juridique applicable à
l’enseignement supérieur privé – ce qui devrait conduire à la réécriture
de certaines dispositions du code de l’éducation –, et à instaurer un
véritable contrôle de la qualité pédagogique des formations proposées par le
privé, notamment des brevets de technicien supérieur (BTS) en apprentissage. Il
s’agit ainsi, en coopération avec le ministère du travail, de conditionner
l’accès au financement de l’apprentissage à des critères de qualité de la
formation.
Nous sommes donc pleinement d’accord avec vous : il faut garantir aux
familles que les jeunes s’engagent dans des formations de qualité. Dans cet
esprit, nous envisageons la création d’un label de qualité distinct du label
Qualiopi, lequel constitue plutôt une certification formelle du respect des
exigences réglementaires. Cela passera sans doute, là encore, par l’adaptation
du code de l’éducation dans le but de mieux encadrer les formations supérieures
privées.
Jean-Noël Barrot (ministre de l’Europe et des Affaires
étrangères)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la sécurité en
Europe]
Je répondrai aux différentes interventions relativement à
leurs aspects diplomatiques et laisserai à Sébastien Lecornu, ministre des
armées, le soin d’aborder les considérations militaires.
M. Ciotti a mobilisé les mots les plus durs au sujet de l’Europe et des
États-Unis mais je ne l’ai pas entendu condamner à la tribune l’attitude de
Vladimir Poutine qui, depuis trois ans – en réalité depuis dix ans –,
agresse constamment l’Ukraine.
Vladimir Poutine ne s’arrête d’ailleurs pas à l’Ukraine, puisque la Moldavie,
la Géorgie et plusieurs pays européens sont également visés par cette attitude.
Madame Le Pen, vous avez rappelé que la France a eu raison de soutenir
l’Ukraine et qu’une aide civile et militaire lui a été apportée. Vous avez
soulevé la question de la mobilisation des actifs russes gelés. Ce sont
précisément les revenus tirés de ces actifs immobilisés en Europe et ailleurs
qui permettent de rembourser un prêt de 45 milliards d’euros consenti à
l’Ukraine ; autrement dit, cela ne coûte donc aucun euro au contribuable
européen. Un premier versement de 3 milliards d’euros est d’ores et déjà
parvenu aux Ukrainiens en janvier. C’est bientôt 1 milliard d’euros
supplémentaires qui seront versés à l’Ukraine de la même manière.
Vous avez indiqué que l’adhésion possible de l’Ukraine à l’Otan avait été une
justification à la guerre. Je laisserai Sébastien Lecornu y revenir mais il va
de soi qu’il s’agit d’un prétexte employé par Vladimir Poutine depuis longtemps
pour justifier sa guerre d’agression et la répression des manifestations. Cette
guerre, menée dès 2014, vise à faire obstacle à l’aspiration légitime du peuple
ukrainien à se rapprocher de l’Union européenne. L’Otan est une alliance
essentiellement défensive, comme l’ont montré la Finlande et la Suède lorsqu’elles
ont décidé, pour se prémunir de l’agressivité russe, d’y faire leur entrée.
Vous avez cité les réunions organisées à Riyad et à Istanbul, qui ont été le
théâtre d’échanges entre les États-Unis et la Russie, mais vous avez omis de
rappeler les deux rencontres importantes qui se sont tenues le 17 février
à Paris et hier à Londres et ont rassemblé non seulement les Européens mais
aussi les Norvégiens, les Canadiens et les Ukrainiens – le président
Zelensky était présent hier à Londres – afin de témoigner de l’unité entre
l’Ukraine et ses alliés.
Pour finir, vous avez convoqué Talleyrand pour railler une vidéo que j’ai mise
en ligne. J’accueille la critique avec une grande humilité, d’autant que cette
vidéo n’a rien à envier aux tiktokeries de M. Bardella.
Le président Gabriel Attal a rappelé que la guerre d’agression russe en Ukraine
n’est pas lointaine, car les attaques multiples et variées de la Russie ciblent
l’ensemble de l’Union européenne. Souvenons-nous des mains rouges, des
cercueils, des étoiles de David, des événements qui ont conduit à l’annulation
de l’élection présidentielle en Roumanie ou encore des colis piégés en
Allemagne. C’est toute l’Europe qui est désormais la cible de l’agressivité
russe.
M. Attal a également évoqué l’aide de la France à l’Ukraine et proposé que
soient saisis les actifs russes gelés. À ce stade, les autorités françaises
n’approuvent pas une telle mesure pour une raison simple : le prêt de
45 milliards d’euros que je mentionnais il y a quelques instants est assis
sur les revenus tirés desdits actifs. Leur confiscation pure et simple ferait
courir à la zone euro et à la Banque centrale européenne un risque financier
trop important, qui fragiliserait les États membres au moment où ils doivent
être aussi forts que possible pour soutenir l’Ukraine.
Enfin, M. Attal a abordé l’accélération de la procédure d’adhésion à
l’Union européenne de l’Ukraine. La doctrine du gouvernement français à cet
égard est très claire : l’adhésion à l’Union européenne repose sur les
mérites propres de chaque pays candidat. La procédure afférente est longue et
exigeante afin de garantir que tous les États qui intègrent l’Union partagent
l’ensemble de ses valeurs et rattrapent les autres pays membres. Aucun
raccourci n’est possible. Cependant, rien n’interdit aux États membres d’aider
les pays candidats : ainsi, la France a détaché des experts techniques
internationaux en Ukraine pour faciliter le déroulement de cette procédure.
M. Saintoul a semblé indiquer que la France se refusait à organiser toute
rencontre entre les Ukrainiens et les Russes. Pourtant, la seule rencontre qui
ait jamais eu lieu entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine s’est tenue en
2019 à Paris, sous l’égide du président de la République !
M. Saintoul a rapidement évoqué la fausse polémique née aujourd’hui au
sujet d’un supposé désaccord entre le Royaume-Uni et la France concernant le
plan de paix. Il n’en est rien. Le chef de l’État français et le chef du
gouvernement britannique, qui se sont rendus l’un et l’autre aux États-Unis la
semaine dernière, souhaitent tous deux proposer un plan pour parvenir à une
paix durable et solide. Ce plan prévoit, dans un premier temps, une trêve dans
les airs, sur les mers et à l’égard des infrastructures énergétiques, qui aura
vocation à tester la bonne foi et la volonté de Vladimir Poutine d’entrer dans
des négociations de paix. Jusqu’à présent, il n’a envoyé aucun signal en ce
sens.
Le président Boris Vallaud a rappelé que la France se tiendrait toujours aux
côtés des peuples libres – on ne peut qu’être d’accord. Il a également
rappelé que l’alliance nouée par les Russes avec les Nord-Coréens constitue une
extension de la menace que fait peser la Russie sur l’ordre international fondé
sur le droit.
Il a appelé de ses vœux un grand emprunt commun, qui sera au menu des
discussions qui auront lieu à Bruxelles lors du sommet européen de jeudi
prochain.
Il a enfin mis en avant le fait que, si le président de la République avait
plaidé pour une trêve, c’était pour éprouver la volonté réelle de Vladimir de
participer à des négociations de paix. Nous ne transigerons pas en faveur d’un
cessez-le-feu car, il y a dix ans, à Minsk, nous avions accepté le principe
d’un tel cessez-le-feu, qui a été violé par vingt fois et n’a pas empêché la
Russie de se lancer dans une invasion à grande échelle de l’Ukraine.
Monsieur Herbillon, vous avez abordé les conséquences humaines et humanitaires
de cette guerre, en particulier le sort des milliers ou dizaines des milliers
d’enfants ukrainiens arrachés à leur famille, déportés en Russie ou en
Biélorussie et concentrés dans des camps où l’on veut les rééduquer et les
amener à détester leur propre pays. La France soutient les centres qui
accueillent les enfants rentrés en Ukraine auprès de leur famille. Ils ont
besoin d’un accompagnement médical ; il est aussi nécessaire que leurs
témoignages soient entendus, notamment par les procureurs de la Cour pénale
internationale, puisque c’est cette déportation qui vaut à Vladimir Poutine le
mandat d’arrêt émis par la cour à son encontre.
Vous avez aussi évoqué la préférence européenne et les déclarations très
encourageantes du nouveau chancelier allemand. Vous avez cité un domaine
essentiel, celui de l’espace, en mentionnant notamment Galileo – système
de positionnement par satellites – et Iris2 – infrastructure de
résilience et d’interconnexion sécurisée par satellite. Sébastien Lecornu
voudra peut-être y revenir.
Mme la présidente Chatelain a interrogé le gouvernement sur les contours
du plan de paix que nous promouvons avec le Royaume-Uni. Comme je l’ai dit, il
vise à instaurer une trêve qui a vocation à assurer chacune des parties de la
volonté sincère de l’autre partie d’entrer dans des négociations de paix. La
cessation durable des hostilités sera conditionnée à l’acceptation par Moscou
de l’installation en Ukraine, suivant la volonté de ce pays, de capacités
militaires dissuadant la poursuite de l’agression russe – la Russie n’a
jamais admis une telle installation, ni à Minsk, ni à Istanbul au printemps
2022.
Vous avez abordé la dépendance européenne aux énergies fossiles, qui constitue
effectivement l’un des problèmes fondamentaux révélés par cette guerre
d’agression et qui met en jeu la capacité des Européens à soutenir l’Ukraine.
Lundi 24 février, trois ans après le début des hostilités, nous avons pris
un seizième paquet de sanctions, qui vise notamment quatre-vingt-quatre navires
de la flotte fantôme qu’utilise Vladimir Poutine pour contourner les sanctions.
Nous avons également pris de nouvelles sanctions ciblant des activités de
stockage et de traitement du pétrole dans l’Union européenne. Cela ne suffira
cependant pas à effacer toute la dépendance de l’Union européenne au pétrole
russe et, surtout, au gaz russe que nos méthaniers acheminent et qui se diffuse
dans le reste de l’Europe. C’est pourquoi nous plaidons si activement pour le
développement du nucléaire et des énergies renouvelables en Europe. Ce n’est
pas un luxe mais bien une manière de garantir notre indépendance.
S’agissant des doubles standards ou du double langage qui seraient les nôtres,
vous avez entendu la parole de la France aux Nations unies. M. Lecoq en a
également parlé. Nous dénonçons toutes les violations du droit international,
partout où elles se produisent. C’est vrai à propos de Gaza, d’Israël lorsque
le Hamas l’a attaqué, du Liban quand Israël a violé sa souveraineté, et ainsi
de suite.
Le président Marc Fesneau a rendu à Frédéric Petit un hommage, auquel le
gouvernement se joint évidemment. Il a terminé son intervention par une phrase
essentielle : « Lorsqu’il s’agit de dire non, le meilleur moment,
c’est le premier. » Cela nous rappelle combien nous devons nous montrer
exigeants pour ne pas retomber dans les errements du passé, en particulier ceux
de Minsk, qui nous obligent, dix ans plus tard, à affronter des problèmes bien
plus considérables que ceux que nous connaissions alors.
Le président Paul Christophe a rappelé les deux piliers sur lesquels repose la
position de la France : une Europe forte et l’attachement au droit
international. Mais si nous voulons défendre le droit international et nos
intérêts, nous n’avons plus d’autre voie, plus d’autre chemin dans le monde
dans lequel nous entrons, que celui qui nous amène vers beaucoup plus de force
et vers beaucoup plus d’indépendance. Notre pays soutiendra donc toujours le
droit mais, pour être entendus, nous devons être beaucoup plus forts.
Laurent Mazaury a soulevé un point important : celui de la légitimité de
Volodymyr Zelensky. À cet égard, lors des négociations de cessez-le-feu, sinon
de paix, qui ont été engagées il y a dix ans à Minsk, ou encore en 2022, la
Russie s’est toujours cachée derrière l’argument de l’illégitimité des
dirigeants ukrainiens pour ne pas consentir à des garanties de sécurité pour
l’Ukraine. Attendons-nous à ce que le jour où Vladimir Poutine arrive à la
table de négociation, il commence par demander la tête de Volodymyr Zelensky.
Je veux rappeler devant la représentation nationale et devant
M. l’ambassadeur qu’il y a deux semaines, la Rada a confirmé à l’unanimité
la pleine légitimité de Volodymyr Zelensky pour représenter son peuple et que
cette légitimité ne saurait être contestée !
Monsieur Lecoq, je n’ai pas dit que jamais on ne pourra parler à
M. Lavrov, mais qu’aujourd’hui, dans la mesure où la Russie de Vladimir
Poutine ne montre aucun signe indiquant sa volonté de mettre fin à cette
guerre, le prendre au téléphone n’est pas vraiment utile. Vous avez évoqué la
proposition de paix sino-brésilienne : je veux seulement vous rappeler que
même si la copie a été améliorée récemment, elle ne comportait au départ aucune
mention de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de l’Ukraine, ce
principe de souveraineté auquel vous êtes tant attaché quand vous faites
référence au cas du Sahara occidental.
Je tiens à revenir sur l’épisode de lundi dernier à l’ONU où, au Conseil de
sécurité, tous les Européens, soit cinq de ses quinze membres, se sont abstenus
sur une résolution américaine qui ne faisait pas même mention des principes de
la Charte des Nations unies, en particulier de celui de l’intégrité
territoriale, considérant la situation comme un conflit plutôt que comme une
guerre d’agression. Je veux néanmoins vous rappeler – vous auriez pu nous
féliciter – que le matin même, à l’Assemblée générale des Nations unies,
alors que les États-Unis avaient déposé cette proposition de résolution, nous
l’avons, avec le soutien de tous les Européens et de la communauté
internationale, amendée si bien qu’au final, ce sont les États-Unis eux-mêmes
qui se sont abstenus sur leur propre texte que nous avions rendu conforme au
droit international.
Nous voulons évidemment la paix mais, le premier le ministre l’a dit tout à
l’heure parfaitement bien, c’est par la force que nous obtiendrons la paix et
certainement pas par la faiblesse. Et la force, M. Thiériot l’a rappelé,
ne se manifeste pas seulement sur le champ de bataille, mais aussi dans les
esprits : c’est un réarmement moral dont nous avons besoin si nous voulons
être à la hauteur des défis qui sont devant nous, et ils sont nombreux.
Geneviève Darrieussecq a évoqué notamment des ingérences, et j’y reviens tant
elles parasitent notre vie démocratique, y compris les élections allemandes ces
deux dernières semaines, et les élections roumaines, et tant elles pourraient
perturber les élections polonaises et les nôtres. N’oublions pas que tout cela
a des origines en Russie.
M. Bonnecarrère a rappelé à raison qu’il n’y a pas de cessez-le-feu qui
soit acceptable sans traité de paix.
M. Fuchs, le président de votre commission des affaires étrangères, a
repris les propos du premier ministre qui a rappelé que l’Europe est une
puissance qui s’ignore alors même qu’elle a toutes les capacités à faire face à
la situation présente et à soutenir l’Ukraine autant que nécessaire.
Le président de votre commission de la défense, M. Jacques, nous appelle à
ouvrir les yeux sur le fait que la Russie représente une part toute petite de
la richesse mondiale, soit 2 %, là où l’Europe en représente 20 %,
dix fois plus, invitant à nous libérer de toutes nos dépendances – c’est
vrai dans le domaine militaire mais aussi évidemment dans le domaine
économique.
Le président de la commission des affaires européennes, M. Anglade, a
rappelé en conclusion qu’il n’y a qu’un agresseur, Vladimir Poutine, et qu’une
escalade, celle menée par la Russie, et que le Conseil européen de jeudi
prochain doit être un moment historique à la fois pour amplifier notre aide à
l’Ukraine et pour tracer le chemin vers une Europe de la défense qui assure la
sécurité de toutes les européennes et de tous les Européens.
> Nous ne voulons plus avoir à demander aux États-Unis de garantir la défense européenne. Nous devons l’assurer nous-mêmes. Par contre, nous leur demandons de ramener Poutine à la table des négociations pour qu’il mette fin à ses ambitions impérialistes.
> Nous voulons la paix, mais une paix solide et une paix durable.
> Les contacts entre Emmanuel Macron et Donald Trump sont très fréquents.
> Jamais le risque d’une guerre sur le continent européen, dans l’Union européenne, n’a été aussi élevé.
> La France, le Président de la République, dit depuis sept ans maintenant que nous devons relever notre défense pour dissuader la menace.
> À court terme, nous voulons que les États-Unis, par la pression, fassent venir Vladimir Poutine à la table des négociations. À long terme, nous devons garantir que l’Europe puisse assurer sa propre défense et sa propre sécurité.
> Si l’Ukraine venait à capituler, ce serait non seulement une nouvelle terrible pour ce pays, ce serait une nouvelle terrible pour les Européens, mais ce serait un aveu de faiblesse terrible pour les États-Unis d’Amérique.
> L’idée n’est pas de partager la dissuasion nucléaire, mais de développer en Europe une culture stratégique de la dissuasion.
> Cette trêve dans les airs, sur les mers et sur les infrastructures énergétiques permettra d'attester de la bonne foi de Vladimir Poutine au moment où il s'engagera dans cette trêve.
> Tous les Européens ont conscience qu’un cessez-le-feu n’est pas suffisant. Une paix doit être entourée de toutes les garanties pour que les combats cessent définitivement et que la souveraineté de l’Ukraine soit respectée.
Agnès
Pannier-Runacher (ministre de la
Transition écologique, de la Biodiversité, de la Forêt, de la Mer et de la Pêche)
> Agriculture, pêche, écologie : un seul et même combat, un seul et même
levier pour la souveraineté alimentaire de la France. Mes nombreux échanges au
Salon international de l’Agriculture avec ceux qui ne comptent pas leurs heures
pour nous nourrir l’ont bien prouvé !
> Un grand merci à Barbara Pompili pour son rapport sur la planification écologique dans les pays du G20 et de l’Union européenne. Il montre de manière encourageante que beaucoup de pays y compris parmi les plus peuplés ont engagé des démarches poussées de planification écologique. Ce rapport conforte également le modèle français et nous permettra de nous inspirer des meilleures pratiques pour renforcer notre action.
> La raison d’être de l’écologie est de protéger les Français. Les protéger contre les catastrophes naturelles liées au dérèglement climatique. Les protéger du manque d’eau, contre la flambée des prix de l’alimentation, de l’énergie. Les protéger contre les pollutions qui affectent leur santé. L’écologie est aussi devenue une arme de souveraineté face à la raréfaction des ressources naturelles. Qu’il s’agisse de l’eau, des matières premières ou de l’énergie.
> On assiste à une raréfaction des ressources halieutiques et à la baisse des rendements agricoles. Ce n’est pas propre à la France. Et, ailleurs dans le monde, difficile de dire que c’est la faute de l’écologie ! L’écologie est même la meilleure solution pour y répondre. La question de la souveraineté est plus frappante encore en matière énergétique. Nous importons 99 % de nos énergies fossiles. A-t-on envie d’être dépendant pour notre gaz de la Russie, des États-Unis, de l’Algérie ? La seule façon d’en sortir, c’est d’en finir avec les énergies fossiles.
> [Chantier de l’autoroute A69] Je vais être très claire : je soutiens la décision du gouvernement de faire appel de cette décision. Ce projet est considéré d’intérêt majeur pour la population et je m’en remets sur ce point aux élus locaux. Qu’ils soient de gauche, comme Carole Delga, présidente de région, du centre ou de droite, une majorité soutient ce projet de désenclavement. J’ajoute que nous avons en France l’un des droits les plus exigeants au monde en matière d’environnement. Tout nouveau projet s’accompagne d’un travail très rigoureux – que l’on nous reproche parfois – d’évitement, de réduction et de compensation de l’impact environnemental.
> [Zones à faibles émissions (ZFE)] De quoi parle-t-on ? De 48 000 décès précoces chaque année du fait de la pollution de l’air, de 30 000 enfants qui, chaque année, deviennent asthmatiques. Et ce ne sont pas les populations aisées des centres-villes arborés qui sont touchées, mais celles qui vivent le long des grands axes routiers. Là aussi, je fais confiance aux élus locaux, de droite comme de gauche, qui déploient les ZFE. Ils ne demandent pas de retour en arrière. Sur les 42 zones concernées, seules deux – Paris et Lyon – sont tenues de prévoir des restrictions de circulation pour des voitures de plus de quinze ou vingt ans, du fait de leur mauvaise qualité de l’air. Et les élus peuvent évidemment prendre des dérogations pour les personnes qui ne peuvent pas se passer de leur voiture. Pour moi, l’écologie doit être populaire, elle doit bénéficier aux personnes les plus vulnérables et les protéger.
> [ZAN (zéro artificialisation nette)] Il ne s’agit pas
d’interdire les projets, mais de diminuer l’artificialisation des sols. Nous
artificialisons beaucoup plus que nos voisins européens, ce qui est très risqué
quand il y a des inondations : nous avons tous en mémoire le drame de Valence,
en Espagne, qui a ainsi fait 224 morts. Quant à la mise en œuvre du ZAN,
les présidents de région des Hauts-de-France, de Bretagne et du Grand-Est nous
demandent d’arrêter de changer les textes. Ils se sont emparés du sujet, ils
ont adapté leurs territoires et se sont déjà organisés avec les maires pour ne
pas geler des projets de développement économique ou de logements. Faisons-leur
confiance. (…)
J’écoute ce que me disent les élus de terrain, j’avance et je suis prête à
aménager les réglementations en fonction de leurs retours d’expériences. Ils
sont bien mieux placés pour cela que nos opposants politiques qui caricaturent
l’écologie et prennent ce sujet en otage pour fracturer la société. Le
climatoscepticisme est une arme de destruction massive.
> [DPE (diagnostic de performance énergétique) restreint l’accès à la location] D’abord, je veux préciser que ce que prévoit la loi, ce n’est pas une interdiction de la location mais la possibilité pour le locataire d’exiger une baisse de loyer si des travaux de rénovation ne sont pas engagés pour faire baisser la facture. L’injustice criante contre laquelle, avec Valérie Létard, ministre du Logement, nous nous battons, c’est le fléau de la précarité énergétique. Cela touche un Français sur trois. Des locataires qui subissent la triple peine: vous payez le loyer de marché, votre facture d’énergie est trois fois supérieure à celle de vos voisins et, de surcroît, vous avez froid l’hiver. Vous trouvez ça acceptable ? Moi non. Mais oui, il faut aider les propriétaires. Nous avons mandaté la sénatrice Amel Gacquerre pour trouver des solutions de financement pour les propriétaires modestes. Et le budget de l’État pour la rénovation thermique est au plus haut malgré nos efforts de réduction des dépenses publiques : nous y consacrons 2,3 milliards d’euros.
> Le prix de l’électricité sur les marchés de gros est aujourd’hui stable pour 2026, et les experts n’anticipent pas de hausse du prix, sauf événement exceptionnel, comme on l’avait vécu avec la guerre en Ukraine.
> [L’augmentation du prix du gaz] Cela montre l’absolue nécessité de sortir des énergies fossiles. Nous en avons les moyens, car nous sommes parmi les meilleurs producteurs au monde d’électricité, qu’il s’agisse de renouvelable ou de nucléaire. Je le porte d’autant plus fortement que je suis la ministre qui a obtenu la reconnaissance du nucléaire, contre les Allemands ! Aujourd’hui, la présidente de la Commission européenne reconnaît le nucléaire comme un élément de notre souveraineté européenne dans lequel nous devons investir. C’est une de mes grandes fiertés !
> [EPR] Les travaux avancent à Penly. L’objectif est que la première paire de réacteurs nucléaires soit livrée par EDF entre 2035 et 2037. Plus globalement, notre production d’électricité renouvelable et nucléaire a augmenté de plus de 30 % en deux ans avec un record historique d’exportation l’année dernière. Et le prix réglementé a baissé de 15 % en février dernier, comme je m’y étais engagée.
> [Plan national d’adaptation au changement climatique] Il s’agit de nous adapter au dérèglement climatique et de protéger les Français face à une météo détraquée. Je dévoilerai une liste de 51 mesures. Je réunirai dès mardi prochain les élus du littoral pour agir concrètement contre la submersion marine et le recul du trait de côte. Des crédits sont déjà budgétés. Je ferai de même avec les élus de montagne dont les territoires sont exposés aux risques d’éboulements et de ruptures de lacs sous-glaciers. Et un pan entier de ce plan concerne les agriculteurs pour leur garantir l’accès à l’eau et adapter les cultures aux conséquences de l’évolution du climat.
> [Office français de la biodiversité (OFB)] L’OFB est la police la plus vieille de France. Elle trouve son origine au Moyen Âge. Nous ne la supprimerons pas. Nous avons besoin d’une police de l’eau, de l’environnement et de la chasse, comme le défendent une majorité d’agriculteurs et de chasseurs. Je regrette cette instrumentalisation de l’écologie pour des raisons politiciennes. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas agir. Avec ma collègue Annie Genevard à l’Agriculture, nous travaillons avec les agents de l’OFB pour que les contrôles se passent bien. Cela passe par le port d’arme discret, la formation des agents aux problématiques des agriculteurs et la formation des agriculteurs au droit de l’environnement.
À ceux qui évoquent une forme de harcèlement, je rappelle que seuls 6 % des contrôles de l’OFB concernent les agriculteurs, et seuls 0,05 % sont problématiques. Une exploitation agricole est contrôlée administrativement en moyenne tous les 120 ans. Par contre, il y a parfois des signalements. Et effectivement, dans ce cas, en tant qu’officiers de police, les agents de l’OFB interviennent. Ils instruisent et transmettent soit au préfet, soit au procureur. Sur cet aspect, je veux privilégier les sanctions administratives pour les atteintes à la loi les moins problématiques. Quand vous vous garez mal, vous avez un PV, vous ne vous retrouvez pas devant le juge.
> En tant que ministre de la Biodiversité, j’ai besoin des chasseurs pour réguler les populations de cervidés et de sangliers qui sont trop nombreux en l’absence de prédateurs et occasionnent des dégâts importants en forêt et dans les exploitations agricoles.
> À cette heure, je n’ai pas l’intention d’interdire la chasse à courre.
> Ce gouvernement est une preuve de maturité politique de notre pays. Enfin ! Nous sommes une coalition, pas une alliance. J’assume mes désaccords avec mes collègues LR sur des sujets précis, ce qui ne veut pas dire que je suis en désaccord sur tout. Ces derniers mois, nous avons fait la démonstration que nous étions capables de travailler ensemble au service des Français. De faire preuve de dépassement, comme le président de la République en avait eu l’intuition.
Patrick Mignola (ministre délégué auprès du Premier
ministre chargé des Relations avec le Parlement)
> Depuis 7 ans, Emmanuel Macron appelle les Européens à bâtir une Europe
puissance. Sur ces défis, on a écouté la France parfois avec ironie, parfois
avec ennui. Le temps de l'ironie est terminé. L'heure de la souveraineté
européenne a sonné.
> Mélenchon, parce qu’il est obsédé par le destin présidentiel qu’il se prête, est en train de jouer avec le feu le plus brulant, celui de la laïcité. Je crains qu’en empruntant ce chemin et en adoptant cette dérive, LFI et Jean-Luc Mélenchon après avoir été la honte de la gauche deviennent la honte de la France. Il y a évidemment une dérive antisémite. Les propos de Rima Hassan nourrissent toutes les formes d’antisémitisme dans notre pays.
> La France insoumise, en flirtant avec l'antisémitisme, pense - à tort - flatter nos compatriotes musulmans. Je suis en désaccord total avec cette stratégie fondée sur le communautarisme qui voudrait réduire nos concitoyens à leur religion ou leurs origines.
> LFI essaye de flirter avec l’antisémitisme en imaginant ainsi flatter l’électorat musulman.
> Avec Mélenchon, on vit dans 1984 d’Orwell où on essayait de tout transformer et de tout travestir. Je pense qu’il a délibérément un problème avec la vérité. Quand vous voulez tout nazifier, vous finissez par tout dénazifier
> Les propos de Rima Hassan nourrissent, évidemment, l'antisémitisme dans notre pays. Et c'est fait, peut-être pas conviction - et c'est condamnable. C'est fait par calcul - et c'est pire encore.
> [Décision du Tribunal administratif de Toulouse de suspendre les travaux de l’autoroute A69] J’ai été étonné que le Tribunal administratif déborde de son rôle. Je veux rappeler une règle : la séparation des pouvoirs et la Justice doit rester une autorité, ne doit pas se vivre comme un pouvoir. Si demain ce sont les Tribunaux administratifs qui annulent les possibilités d’aménagement du territoire en France, on va se confronter à de graves difficultés.
> On n’a pas de problème avec les Algériens. C’est le gouvernement algérien qui veut créer artificiellement un problème avec le gouvernement français. Il faut en sortir. Le Premier ministre a emprunté la voie de la fermeté et de la bienveillance avec l’Algérie. Nous disons notre volonté de travailler avec l’Algérie et de bâtir plutôt un contrat d’avenir qu’une politique de rétroviseur.
Aurore Bergé (ministre déléguée auprès du Premier
ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte
contre les discriminations)
> Le fléau des violences sexuelles faites sur nos enfants doit nous
obliger. La force et la dignité des victimes doit nous obliger. Le 3 avril, le
Sénat examinera ma proposition de loi sur l’imprescriptibilité des crimes
sexuels commis sur nos enfants. Nous le devons aux victimes. Pour que plus
jamais on leur dise: c'est trop tard, il fallait parler plus tôt.
> Le président de la République, la France et les Français sont aux côtés des Ukrainiens depuis le premier jour. Et nous serons à leurs côtés jusqu'au dernier jour, celui de leur intégrité territoriale retrouvée. L'esprit de défaite qui anime trop de populistes est insupportable. L'indépendance et la souveraineté européennes sont le chemin que nous devons impérativement construire.
> Des parcours d'exception qui ne doivent plus être exceptionnels ! Dans l'industrie, dans les carrières scientifiques et techniques, dans l'agro-alimentaire et l'agriculture, les femmes occupent des places essentielles. Plus personne ne doit entendre "ça n'est pas pour toi". Plus aucune petite femme comme plus aucun petit garçon ne doit voir son avenir entravé. C'est le message que nous lançons depuis Périers dans la Manche !
> Elle avait 80 ans. Elle a été assassinée sous les coups de feu de son mari. Elle voulait le quitter. La liberté des femmes n'est pas négociable. Quel que soit l'âge, le territoire, nous nous battons chaque jour pour chacune d'entre elles.
> Il serait inacceptable et insupportable que des féministes soient exclues de la marche du 8 mars au motif qu'elles rappellent à juste titre que le 7 octobre 2023 des femmes ont été prises pour cibles, que des femmes ont été violées, torturées. Nous ne cèderons jamais à ces intimidations et nous protégeons le droit de chacune et de chacun à manifester pour faire progresser les droits des femmes.
> On ne corrige que ce qu'on mesure bien. La France a été le premier pays européen à créer un index d'égalité salariale. Et chaque année les résultats s'améliorent. Nous réunissons dès mardi les organisations syndicales et patronales pour transposer la directive européenne et aller plus loin dans la transparence et l'égalité.
> [Retraites] Les concertations sont une véritable chance
laissée aux partenaires sociaux. Une lettre du Premier ministre a vocation à
préciser le cadre des discussions et poser l’objectif d’améliorer notre système
de retraite tout en visant son retour à l’équilibre pour 2030. Le retour à
l’équilibre est donc bien un des objectifs recherchés dans le cadre de cette
concertation. Je rappelle que le déficit du système de retraites – qui se
chiffre déjà à 7 milliards d’euros cette année, 15 milliards en 2030
et 32 milliards en 2045 si l’on ne fait rien – compte dans le déficit de
l’ensemble de nos finances publiques !
Revenir à l’équilibre n’est pas le seul objectif. L’autre est de déterminer si
et comment améliorer le système issu de la réforme de 2023, je pense en
particulier à ceux qui exercent des métiers usants, aux petites pensions des
femmes et à l’emploi des seniors. Les partenaires sociaux sont donc invités à
mettre sur la table tous les sujets liés aux retraites qu’ils souhaitent et
sont libres de discuter de ce qui pourrait bouger sur tous les leviers
paramétriques du système. L’âge d’ouverture des droits [AOD] est en effet un de
ceux-là. Ce n’est pas le seul.
Je trouve que le rapport de la Cour des comptes [chargé d’établir un état des
lieux sur l’équilibre actuel et à venir du système, présenté la semaine
dernière aux partenaires sociaux] est extrêmement bien fait. Ce rapport
s’achève en détaillant le coût de plusieurs options de modifications de l’âge
d’ouverture des droits. La Cour rappelle par exemple qu’un abaissement de l’âge
d’ouverture des droits à 63 ans entraînerait une aggravation du solde du
système de retraites de 6 milliards d'euros en 2035. Si l’âge était abaissé,
alors oui, il faudrait financer ce changement. Tout au long de cette concertation,
nous resterons à la disposition des partenaires sociaux pour les aider à
chiffrer les différentes options sur la table et accompagner la recherche de
compromis. (…)
Je veux faire confiance aux organisations patronales et syndicales. Ensuite,
comme nous l’avons mentionné avec le Premier ministre et Catherine Vautrin à
plusieurs reprises, cette concertation peut aussi tout à fait aboutir à des
accords ponctuels. Il existe des points d’injustice qui méritent d’être
corrigés. Je pense notamment au sujet de l’usure professionnelle, avec un fort
départ en inaptitude professionnelle sur certains métiers. Réfléchir sur
l’usure professionnelle peut aussi amener les partenaires sociaux à repenser le
dispositif des carrières longues, dont les objectifs et effets sont hélas
souvent confondus avec les dispositifs de réponse à l’usure professionnelle. Il
y a aussi la question des femmes et de leur traitement dans le système actuel.
> Je suis, depuis ma nomination en tant que ministre du
Travail en septembre dernier, très attachée au dialogue social et j’ai
confiance en la capacité des partenaires sociaux - parce qu’ils sont ancrés
dans la vie économique et sociale de notre pays - à trouver les bons compromis.
Toute avancée qui irait dans le sens de la consolidation financière et vers
plus de justice serait un succès.
Il faut sortir de cet imaginaire français autour de la réforme des retraites,
qui consiste à penser que la réforme en cours représente "la Der des
Der". Comme si, une fois celle-ci actée, il ne fallait plus rien faire
bouger. Le système des retraites est une matière vivante, en constante
évolution. De nombreux paramètres évoluent au fil du temps, qu’il s’agisse de
la natalité, de l’espérance de vie, de la croissance économique ou encore de la
productivité. Il ne faut donc pas exclure une approche qui consiste à avancer
par ajustements progressifs.
Enfin, la Cour des comptes vient de nous rendre un rapport sur la trajectoire
financière du système de retraite et son impact purement budgétaire. Elle nous
livrera aussi dans quelques semaines un autre rapport que j’ai demandé au sujet
cette fois de l’impact économique de notre système de retraite sur l’emploi et
la compétitivité. Il ne faut pas éluder la question du taux d’emploi des
seniors, du coût du travail ou encore du pouvoir d’achat des travailleurs.
> Nous soumettrons au Parlement l’accord ou les accords
trouvés par les partenaires sociaux sur les retraites qui respecteront le cadre
fixé. En cas d’accord ponctuel financé, nous soumettrons les sujets qui font
l’objet de cet accord. (… Je veux redire ici que cette discussion n’a pas pour
vocation à faire payer au privé les retraites du public. Il existe des
paramètres communs entre les retraites de la fonction publique et du secteur
privé - l’âge d’ouverture des droits par exemple. Pour parler spécifiquement
des régimes de retraite de la fonction publique, un format ad hoc pourra être
mobilisé. (…)
Je souhaite que les partenaires sociaux bénéficient d’une vraie marge de
manœuvre. Ils ne négocient pas un accord national interprofessionnel car nous
ne sommes pas dans le champ de la négociation collective. Nous serons sur un
document qui s’apparentera sûrement plus à un relevé d’échanges. Aux
partenaires sociaux de décider du meilleur format. La responsabilité qui leur
incombe est importante - assurer la soutenabilité de notre régime par
répartition et en corriger certains points qui sont vécus comme des injustices.
> [Conférence sociale] Il s’agit de prendre un moment
pour parler ensemble de la 'réalité' quotidienne et concrète du travail. Pour
commencer, il faut d’abord avoir un diagnostic commun, en particulier sur les
sujets d’arrêts de travail qui ne peuvent être séparés des questions de santé,
de conditions de travail et de service de médecine et de prévention au travail.
Il me semble également important d’avoir un point d’éclairage sur la
dégradation de la situation économique afin d’aborder la dimension emploi. Je
ne fais pas partie de ceux qui veulent opposer travail et emploi. Les
conditions de travail peuvent, par exemple, nuire au maintien en emploi,
notamment s’agissant des seniors.
Au regard de la dégradation de la situation du marché du travail, nous avons
également souhaité élargir les sujets pour y intégrer ceux portant sur les
mutations économiques, la reconversion professionnelle. Les partenaires sociaux
ont souhaité dans leur unanimité pouvoir avancer sur une simplification des
dispositifs. Nous avons déjà commencé à travailler avec eux et nous pourrons
évoquer ce sujet à l’occasion de cette conférence. Enfin, cette conférence a
vocation à se répéter. Le travail évolue, il faut en parler en continu. (…)
Nous sommes en train de discuter du calendrier, afin de l’articuler au mieux
par rapport aux discussions sur les retraites. (…)
Je ne veux pas d’une grande opération de communication. Le premier objectif de
la conférence c’est de mettre en visibilité ces sujets et de faire réfléchir
ensemble différents acteurs de l’écosystème : partenaires sociaux,
experts, think tanks. Ce sera à eux de déterminer les points de sortie de la
conférence. Mais n’attendez pas de grandes annonces de réformes législatives ou
réglementaires. Je préfère des mesures concrètes de valorisation de bonnes
pratiques ou d’accompagnement des entreprises, ou encore d’invitations des
partenaires sociaux à s’en saisir par le dialogue social.
> [Reconversions professionnelles] Il y a une volonté
commune d’avancer sur la question, pour simplifier les outils existants et
répondre à l’évolution du marché du travail que nous constatons. Les travaux
déjà engagés par les partenaires sociaux seront évidemment précieux pour
rénover les dispositifs de transition et de reconversion. L’accord
d’avril 2024 peut servir de base, mais nous souhaitons une adhésion plus
globale côté syndical et patronal. (…)
D’abord, d’où partons-nous ? On parle beaucoup de reconversions. Elles
sont indispensables à la continuité salariale et professionnelle dans un
contexte économique qui se durcit, plus généralement pour lutter contre l’usure
professionnelle dans certains métiers qui ne sont pas tenables tout une vie, ou
encore pour répondre à des besoins mouvants de l’économie. Mais les systèmes
existants – individuels, collectifs, à la main de l’employeur, à la main du
salarié –, sont illisibles et pour certains peu opérants.
Une piste consiste à conserver un outil de reconversion à la main du salarié –
le projet de transition de professionnelle –, mais à le positionner sur les
métiers en tension et la prévention de l’usure professionnelle. Il serait
toujours géré par les ATPro, mais avec une plus grande lisibilité, conformément
aux recommandations de l’Igas. L’idée est aussi d’opérer une simplification des
dispositifs de reconversion à la main de l’employeur. On pourrait avoir un
outil qui remplacerait les outils existants – Transco et ProA - et qui serait
positionné sur le contrat de professionnalisation. Nous serons ainsi beaucoup
plus opérationnels et efficaces.
> La carence, c’est du paramétrique qui peut être très justifié quand il y a de l’abus et totalement injuste quand il n’y en a pas. Il nous faut comprendre ce qui se passe réellement sur les arrêts de travail. Nous avons une multiplication des arrêts de courte et de longue durée, avec des motifs qui changent. Pour décider avec les uns et les autres des meilleures réponses à donner, il faut d’abord analyser et comprendre ce phénomène. Les indemnités journalières, ce sont près de 17 milliards d’euros fin 2024. Nous parlons de beaucoup d’argent, quasiment l’équivalent budgétaire de la mission travail-emploi !
> Il faut s’attaquer au fond du problème. Le coût des
arrêts de travail dans le privé pour la Sécurité sociale a explosé pour
atteindre 17 milliards d’euros. Peut-on s’en satisfaire ? Non. En dix
ans, plus de la moitié de la hausse est liée au vieillissement de la population
et à la hausse du Smic mais l’autre est liée à d’autres facteurs. C’est ce
qu’il faut comprendre et ce sur quoi il faut agir.
Les indemnités journalières ce ne sont pas qu’un montant en euros. Ce sont
aussi et surtout des arrêts de travail, et ce n’est bon pour personne : ni
pour la personne qui est en arrêt de travail, car quelque chose ne va pas, ni
pour les équipes qui restent et qui ont une surcharge de travail, ni pour
l’entreprise parce qu’elle peut finalement voir son activité désorganisée, et
enfin donc, ni pour la collectivité avec les coûts associés. À nous de voir,
tous ensemble, comment trouver des solutions concrètes.
> La santé au travail et les conditions de travail deviennent des sujets de plus en plus importants, surtout avec la question du maintien en emploi des seniors. Le taux d’activité des 55-59 ans s'est considérablement amélioré en France. Il est désormais à un niveau comparable à celui de l’Allemagne. Le sujet, c’est le taux d’activité des 60-64 ans, avec des problématiques de santé, de prévention de la désinsertion professionnelle et de prévention de l’inaptitude professionnelle. Ces réflexions seront l’occasion de regarder comment améliorer la discussion de proximité sur la santé et les conditions de travail dans les entreprises.
> [Rémunération du travail] Cette question est une préoccupation constante du ministère. J’ai présidé un comité de suivi des salaires avec les partenaires sociaux il y a quelques semaines. Nous avons reçu plusieurs branches en situation de blocage. Par exemple, j’ai reçu la branche du caoutchouc dont les minima étaient inférieurs au Smic depuis mai 2023. Cette branche a finalement signé il y a quelques jours un accord sur les salaires. Cela montre bien que notre démarche d’accompagnement fonctionne.
> S’il y a une question très structurante qui doit arriver sur la table, c’est celle du financement de la protection sociale en France. Notre protection sociale est, par rapport à d’autres pays européens, beaucoup plus financée par le travail. Cette situation a un impact sur le coût du travail, même en prenant en compte les allégements de cotisations patronales qui coûtent déjà assez cher, et sur le pouvoir d’achat, notamment s’agissant du salaire net. Si l’on veut regarder la question du pouvoir d’achat des travailleurs, c’est aussi sous cet angle qu’il faut le faire. Ensuite, le premier facteur de pauvreté laborieuse, ce n’est pas le Smic lui-même, c’est le temps partiel subi – justement souvent payé au Smic horaire. L’amélioration du pouvoir d’achat c’est donc aussi la promotion de la qualité de l’emploi et du temps plein quand il est voulu.
> J’ai de fortes réticences sur une revalorisation
anticipée du Smic, dans un contexte de signaux préoccupants sur la situation de
l’emploi. Le vrai sujet, c’est le tassement des grilles salariales, le fait que
le Smic soit à 60 % du salaire médian. Les grilles salariales ne sont pas
assez dynamiques et certaines classifications sont obsolètes. C’est pour cela
que je rencontre les branches pour les inciter à les renégocier quand ce n’est
pas fait régulièrement.
Le problème c’est aussi le fait que pour augmenter de 100 euros le reste à
vivre d’une mère célibataire de deux enfants locataire et au Smic, entre
l’augmentation de cotisations et les baisses des APL et de prime d’activité,
cela coûte 770 euros à l’employeur. C’est avec l’Allocation sociale
unifiée, sur laquelle Catherine Vautrin travaille, que ce type d’effets de bord
combinés pourront être résorbés.
> La transposition de la directive européenne sur la
transparence des rémunérations est en cours. Je voudrais que nous aboutissions
à un texte discuté avec les partenaires sociaux d’ici septembre 2025. Une
présentation sur cette problématique sera faite au Haut Conseil des
rémunérations au début du mois de mars, afin de continuer les travaux. Des
discussions ont déjà commencé avec les organisations syndicales et patronales.
Sur les sept indicateurs prévus par la directive, nous travaillons pour que six
d’entre eux soient automatisés. Un septième est plus compliqué à collecter et à
fournir, et donc forcément plus difficile à appréhender pour les petites et les
moyennes entreprises.
La transposition de la directive va avoir un impact, y compris pour les
demandeurs d’emploi, car toutes les entreprises auront l’obligation d’indiquer
le niveau de salaire dans les offres d’emploi. C’est un changement culturel
dans un pays où nous avons encore un peu de mal, peut-être moins chez les
jeunes générations, à parler salaire. Il sera également interdit de demander à
un candidat sa rémunération actuelle, pratique qui est un vrai handicap pour
les femmes car les recruteurs calent souvent leurs propositions sur le salaire
antérieur. Cette directive contient des éléments qui vont redonner de
l’information et de la marge de négociation pour les employeurs et les
salariés.
> [Aide à l’embauche d’apprentis] Il y avait une
forte demande pour que les employeurs continuent à bénéficier de l’aide dans le
cadre d’une poursuite d’études. J’ai souhaité pouvoir y répondre. En effet,
cela ne concernait que 3,5 % des apprentis mais c’était un très mauvais
signal. La mention "pour la même certification" permet de lutter
contre certains abus observés, où des ruptures pouvaient intervenir pour
pouvoir bénéficier de nouveau de l’aide lors de la deuxième année du contrat.
(…)
La restriction des exonérations ne va concerner que le flux des nouveaux
apprentis, et non pas tous les apprentis. Donc aucun apprenti ne verra de perte
de salaire net sur sa fiche de paie. Ensuite, cette compensation aurait
entraîné une augmentation du coût du travail. La rapporteure du PLFSS au Sénat,
Madame Élisabeth Doineau, a également exprimé sa volonté d’harmoniser le
pouvoir d’achat net d’un apprenti avec celui d’un salarié. Enfin, pour assurer
la protection sociale des apprentis, et notamment leur retraite, il faut
pouvoir leur construire des droits, et donc les financer.
> Il est très important de faire attention à la dynamique de l’apprentissage aujourd’hui - surtout dans le contexte de durcissement des conditions économiques pour les entreprises – et de continuer à travailler sur la qualité. Sans augmenter les entrées en apprentissage, nous pouvons améliorer les taux de sortie des apprentis en diminuant les taux d’abandon et les taux de rupture. Ces sujets font l’objet de discussions dans le cadre de la concertation sur le financement des CFA.
> [Comité national pour l’emploi] Nous avons discuté des
indicateurs qui vont être suivis au niveau national et local. Il faut que nous
soyons beaucoup plus dans une logique de qualité dans la sortie des dispositifs
plutôt que de comptage des entrées. Je pense par exemple aux contrats aidés,
avec 55 % de taux de sortie en emploi, et aux contrats d’engagement
jeunes, avec un taux d’environ 50 %. Nous devons travailler beaucoup plus
sur la capacité à piloter ces dispositifs en fonction de leurs débouchés vers
des solutions structurantes et vers l’emploi. C’est un sujet extrêmement
important.
Il faut faire de la contrainte des baisses de crédits du ministère du Travail –
et je ne m’en suis pas plainte car nous devons tous contribuer à l’effort de
réduction de la dépense publique - une opportunité pour revoir en profondeur
ces dispositifs dans une logique d’insertion professionnelle et pas simplement
de placement. Ce sont des outils qu’il faut pouvoir donner à l’ensemble des
opérateurs et des décideurs pour qu’ils choisissent les meilleures solutions en
fonction de leur capacité à insérer : IAE, recrutements par simulation,
formations pré-embauche, apprentissage, écoles de la deuxième chance et de
production… Les solutions qui marchent sont nombreuses, à nous, en fonction de
la qualité de l’accompagnement, de mieux orienter nos demandeurs d’emploi.
Marc Ferracci (ministre délégué auprès du ministre
de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et Numérique,
chargé de l’Industrie et de l’Energie)
> Face aux défis mondiaux, l'Europe doit rester unie. Avec un marché de
450 millions de consommateurs, nous devons répondre collectivement aux menaces
commerciales, sans escalade mais avec fermeté. L’unité européenne est
essentielle pour défendre nos intérêts économiques.
> Bonne nouvelle pour l’industrie automobile européenne et nos constructeurs ! Le 5 mars, la Commission annoncera un plan stratégique très attendu par l’industrie automobile européenne. L’introduction d’un mécanisme de flexibilité sur 3 ans pour éviter des amendes sur les émissions de CO2 en 2025 est une excellente nouvelle. Bravo à Stéphane Séjourné pour son engagement en faveur de notre industrie. L’Europe sait s’adapter pour soutenir l’automobile !
Juliette Méadel (ministre déléguée auprès du ministre
de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation chargée de la Ville)
> Nous sommes convaincus que l'entrepreneuriat est un levier essentiel
pour transformer les quartiers. Nous avançons ensemble pour relancer Entrepreneuriat
quartiers 2030, en mettant un accent particulier sur l'entrepreneuriat féminin
et le micro-crédit. C’est avec un soutien solide de la BPI et de la Caisse des
dépôts que nous ferons grandir ces projets.
> J'ai demandé aux bailleurs sociaux d'entretenir plus les logements sociaux dans les quartiers prioritaires de la politique de la Ville. De la propreté des parties communes, au bon fonctionnement des ascenseurs. C’est crucial pour garantir un minimum de dignité.
● Autres
ministres
Eric Lombard (ministre de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté
industrielle et numérique)
> Des finances publiques mieux pilotées et en plus grande transparence.
C’est l’objet du plan que nous avons présenté ce matin avec la ministre des
Comptes publics.
Trois priorités :
1. Communiquer clairement sur les incertitudes budgétaires et identifier
rapidement les écarts.
2. Augmenter les contrôles pour rendre des comptes au Parlement, aux
partenaires et aux citoyens.
3. Améliorer la collecte de données pour anticiper et réagir rapidement aux
aléas.
> [Présentation co-signée avec Amélie de Montchalin du
Plan d’action pour améliorer le pilotage des finances publiques] Nous évoluons
dans un monde marqué par une accélération des crises : sanitaires, économiques,
géopolitiques, énergétiques et inflationnistes. Ces bouleversements simultanés
ont mis à l’épreuve nos modèles de prévision et remis en question les
fondements de notre gestion budgétaire. Cette réalité nous impose d’adapter nos
outils et de renforcer notre capacité de réaction. Tout comme la méthode
nouvelle retenue pour construire les textes financiers de 2025 afin d’aboutir à
un compromis nous impose, en miroir, de mieux associer l’ensemble des
partenaires institutionnels et politiques au suivi de l’exécution des budgets.
Nous portons ces impératifs conjointement comme ministre de l’Économie, des Finances
et de la Souveraineté industrielle et numérique et comme Ministre chargée des
Comptes publics, pour répondre à l’urgence de la dette, garantir la
soutenabilité budgétaire et restaurer la confiance en nos finances publiques.
Nous saluons le travail remarquable mené par les équipes de Bercy. Leur
engagement, particulièrement lors de cette séquence budgétaire inédite de
préparation, de suivi et d’adoption des textes financiers pour 2025, mérite
reconnaissance et soutien. Conscients que les écarts de prévision sont
inhérents à la recomposition permanente de notre environnement, nous devons
améliorer encore nos capacités de suivi et d’anticipation.
C’est pourquoi nous présentons aujourd’hui un plan d’action ambitieux,
structuré autour de trois axes :
- Une meilleure gestion du risque et de l’incertitude : nous devons mieux
communiquer autour des incertitudes entourant les prévisions, mieux expliciter
les aléas de prévision ex ante et mieux identifier les sources des écarts de
prévision constatés en cours d’année et a posteriori.
- Une transparence et une redevabilité accrues : nous devons
accroître la fréquence des points d’étape tout au long de l’exercice budgétaire
en associant le Parlement et devant les Français afin d’assurer un suivi
rigoureux, lisible et objectivé de nos finances publiques.
- Un renforcement et une amélioration continue des outils de prévision : nous
devons améliorer notre collecte de données et notre capacité à détecter et à
répondre rapidement aux signaux faibles pour développer une culture de
l’anticipation et de l’adaptation.
Rétablir la crédibilité de nos finances publiques est une priorité. Pour
inverser la trajectoire de la dette, nous devons disposer d’un cap clair et
d’un suivi rigoureux et partagé. Ce plan d’action est une étape déterminante pour
garantir la résilience, la soutenabilité et la transparence de nos finances
publiques dans un monde aussi fluctuant. C’est également une association
inédite de l’ensemble des acteurs concernés et, en cela, un renforcement de
notre pacte démocratique.
Sébastien Lecornu (ministre des Armées)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la sécurité en
Europe]
Merci aux parlementaires qui se mobilisent sur ce sujet important, jusqu’à
cette heure tardive pour une séance de l’après-midi. Cinq points, que je vais
regrouper de manière thématique, font l’objet à mon avis de débats que
j’aimerais retracer devant vous, sous l’autorité du premier ministre, en
réponse aux différents intervenants et en complément de ce que Jean-Noël Barrot
a dit à l’instant.
Tout d’abord, il y a un décalage politico-médiatique avec la réalité militaire
sur le terrain puisqu’on assiste à un grignotage de 50 à 100 kilomètres
carrés par semaine, ce qui au regard de l’ampleur de la ligne de front est
assez résiduel, mais montre l’avantage en train d’être pris par les forces
armées de la Fédération de Russie, sachant que la résistance ukrainienne
demeure importante tout en reposant évidemment beaucoup sur le rythme
d’arrivages des armes. On en a peu parlé, mais il faut avant tout que l’aide
militaire continue d’arriver en Ukraine pour permettre d’entamer des
négociations dans le cadre d’un rapport de force maintenu. Le président Trump,
citant le président Reagan, rappelait que « la paix par la force »
suppose évidemment qu’il y ait toujours la force. Il nous faut donc préparer
des paquets d’aide pour les semaines et les mois qui viennent, compte tenu du
décalage entre le rythme des discussions et évidemment ce qu’il va se passer
sur le terrain.
Et même s’il y a trêve, Jean-Noël Barrot a rappelé que la capacité à la faire
respecter sur une ligne de front aussi longue sera redoutablement difficile. On
va donc poursuivre l’aide militaire, selon des paramètres que vous connaissez
déjà puisque vous avez voté la loi de finances pour cette année, ce qui permet
d’employer des vieux équipements du format de l’armée de terre française et
dont l’Ukraine va immédiatement bien sûr profiter : je me dois de citer
une fois de plus les véhicules de l’avant blindé (les AMX-10 RC) et un certain
nombre de missiles complexes en fin de vie.
Pour compléter la réponse de mon collègue à la présidente Le Pen, je
précise au passage que nous avons isolé une tranche des avoirs gelés russes
pour acheter des armes directement auprès de nos industriels de défense. Cette
première tranche s’élève à 304 millions d’euros, ce qui a permis d’acheter
des obus de 155 millimètres, des missiles Mistral, des missiles Aster
– conformément à l’accord avec l’Italie – mais aussi douze canons
Caesar.
Je pousse beaucoup, avec les diplomates du Quai d’Orsay, pour continuer à
prélever sur les avoirs gelés pour les futurs paquets d’aide discutés à
Bruxelles parce que cela permet d’épargner le contribuable français et surtout
de brancher directement cet argent sur les carnets de commandes de nos
industriels européens. Mais, osons le dire, cela dépend aussi du sort des
sanctions qui, vous le voyez bien, ne sont pas forcément irréversibles au vu
des paramètres des discussions actuelles. Il faudra aussi se mobiliser à cet
égard.
Deuxièmement, je suis frappé de voir qu’on est peu entré dans le détail cet
après-midi sur le contenu même des garanties de sécurité – même si
certains d’entre vous et le président Vallaud ont évoqué cette question.
Et pourtant, c’est bien ce qui mobilise beaucoup les médias et les
commentateurs, sachant que les discussions à ce sujet, secrètes ou non, ont
lieu et que, vous l’avez bien compris, leur cadre évolue. Néanmoins, pour
rendre compte au Parlement, je souligne que plusieurs pistes se dessinent en
matière de garanties de sécurité. La première d’entre elles demeure avant tout
la question de l’avenir de l’armée ukrainienne parce que la première garantie
de sécurité pour l’Ukraine reste son armée. C’est du bon sens, mais il faut le
rappeler au vu de la teneur des débats susceptibles de survenir. Jean-Noël
Barrot et moi le voyons bien au vu de la communication russe sur la
démilitarisation de l’Ukraine.
Cela renvoie à mon premier point sur la suite à donner à l’aide à l’Ukraine
parce que même quand les armes vont se taire, il faudra continuer d’avoir un
plan d’action pour aider l’armée ukrainienne. C’est un point clef et cela passe
par des partenariats industriels, y compris sur place en Ukraine pour nos
industries de défense – on a commencé à les mettre en œuvre avec Arcus,
Thales, KNDS et Delair. C’est un des moyens de créer des garanties de sécurité
sur le long terme, et n’ayons aucun état d’âme à défendre les intérêts des
industries de défense françaises dans ce qui sera le marché ukrainien, sachant
que beaucoup de pays anglo-saxons ont pris de l’avance sur nous ces dix ou
quinze dernières années.
La question de la formation renvoie au risque pris en créant la brigade dite
Anne de Kiev car, quand les armes vont se taire, il faudra continuer à
massifier la formation. Ce sera vrai pour les fonctions de combat d’infanterie
mais également pour un certain nombre de fonctions de combat spécialisé.
J’en viens à la question de la présence de troupes françaises, qui évidemment
retient beaucoup l’attention médiatique et politique. Le chef de l’État l’a dit
à de nombreuses reprises et le premier ministre aussi : il ne s’agirait
pas de troupes de combat. Il ne faut pas laisser à penser à nos concitoyens,
dans le champ informationnel politique et démocratique, que nous envisageons
d’envoyer des troupes de combat en Ukraine. En revanche, pourquoi pas des
troupes de maintien de la paix, des troupes de réassurance, des troupes de
déconfliction, autant de modèles d’emploi des forces armées françaises qu’on a
déjà connues dans le passé (je pense évidemment à la présence de l’armée
française à Berlin-Ouest pendant la guerre froide ou encore dans le cadre de
mandats effectués à la demande des Nations unies) ? C’est à prendre en
compte dans les paramètres de discussions et de négociations, mais nous n’en
sommes pas là.
Je souligne à nouveau le décalage médiatique par rapport aux discussions du
moment, mais la question se pose évidemment parce que, Jean-Noël Barrot l’a
rappelé, il y a déjà eu Minsk 1, puis Minsk 2, et que nous sommes
bien en droit de réfléchir à des mécanismes a minima d’observation voire, mieux
encore, capables d’assurer le respect des éventuels cessez-le-feu feu ou
accords de paix. C’est évidemment sur la table, mais nous n’en sommes qu’au
début et il y a un décalage parfois important entre nos débats et la réalité de
ce qu’il convient de mettre en place.
Quant à notre propre armement, c’est un sujet dont nous avons largement débattu
pendant l’examen de la loi de programmation militaire, mais sur lequel
j’aimerais, sous l’autorité du premier ministre, dire tout de même un mot. Je
reste persuadé que les orientations que nous avons prises alors collectivement
sont bonnes, qu’il s’agisse du modèle d’armée ou encore de l’épaulement mixant
le nucléaire et le conventionnel – comme l’a dit l’ancien ministre
Thiériot – et du principe de la souveraineté de notre industrie de
défense. Je sais qu’il peut encore y avoir quelques débats ici ou là sur la
forme que doit prendre le futur porte-avions, mais le vrai sujet, qui ne fait
pas consensus ici, c’est évidemment la place de la France au sein de l’Otan.
Pendant l’examen de la loi de programmation, je m’étais engagé auprès des
députés Lachaud et Saintoul à vous remettre un rapport sur le retour de la
France dans le commandement intégré de l’Otan qui pourrait être une base de
discussion, et j’ai saisi à cet effet l’inspection générale. Je pense qu’il
faut objectiver cette affaire et non pas la placer dans le champ purement
politique : voyons ce qu’il en est sur le plan de l’interopérabilité, des
contributions réelles en matière de défense de l’Europe et ce que cela veut
dire pour nos voisins. Je pense que c’est un bon débat, mais qu’il vaut mieux
l’avoir à froid, de manière technique, peut-être dans le cadre des commissions
de la défense ou des affaires étrangères. Tout le monde en parle de ce sujet,
mais personne ne l’a jamais vraiment documenté ni complètement travaillé, en
tout cas pas ici. En revanche, si nos orientations sont bonnes, je pense qu’il
y a quelques fragilités sur lesquelles il va falloir revenir. La première
d’entre elles, c’est évidemment l’hybridité qu’a évoquée le député
Bonnecarrère. La volonté du président de la République de remettre à jour la
revue nationale stratégique tient au fait que nous avons désormais d’énormes
défis sécuritaires, d’énormes menaces extérieures, face auxquels la réponse ne
sera pas uniquement militaire : je pense évidemment au cyber, à la
manipulation de l’information comme à celle de nos flux énergétiques et, on le
voit bien, cela renvoie davantage à la défense globale, aux compétences du
SGDSN – le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale –,
ce qui suppose d’embarquer avec nous les collectivités territoriales, les
entreprises et les associations La réinvention de la guerre par Moscou, sur ce
théâtre de l’hybridité, est un des moyens de contourner notre dissuasion
nucléaire, tout va très très vite en ce domaine et il faut savoir se mettre à
jour.
Autre sujet de débat : le rythme de réarmement. Il est clair que le
contexte a changé depuis le vote de la loi de programmation militaire et que
les menaces se sont précisées. On n’a pas dit un mot de celle que fait peser
l’Iran, pratiquement au seuil de l’enrichissement, ni sur les nouvelles
attaques, notamment le long des routes maritimes – on voit bien ce qui se
passe en mer Rouge. L’évolution du contexte stratégique n’est tout de même pas
joyeuse. Par conséquent, notre réarmement d’ici 2030, pari que nous avions fait
collectivement dans cet hémicycle, pose la question du rythme à choisir. Les
cibles à atteindre pour 2030 méritent sûrement de l’être plus vite, et les
cibles à atteindre pour 2035 sûrement d’être réexaminées pour la même raison.
Cela pose évidemment la question redoutable des choix budgétaires à faire,
sachant qu’ils représentaient 31 milliards d’euros en 2017,
50,5 milliards d’euros cette année dans la loi de finances que vous avez
votée, avec comme perspective 67 milliards ou 68 milliards d’euros à
la fin de la programmation militaire. Voilà qui m’amène à répondre au député
Lecoq : je ne crois pas aux injonctions en termes d’effort de défense
exprimé en pourcentage du PIB et 5 % n’aurait pas de sens. On a parlé de
gaullisme militaire et, en effet, notre modèle d’armée est singulier et même
unique, et on ne peut donc pas établir de comparaison à partir d’une telle
donnée, de surcroît relative.
> Dimanche, un avion de chasse SU-35 russe a adopté un
comportement dangereux à l’égard d’un drone Reaper français, en mission de
surveillance dans l’espace aérien international au dessus de la Méditerranée
orientale.
Trois passages successifs à grande proximité, qui auraient pu entraîner la
perte de contrôle du drone, attestant une volonté de restreindre la libre
circulation aérienne dans les espaces communs. Une action intentionnelle,
non-professionnelle et agressive qui n’est pas acceptable. La France continuera
d’agir pour défendre la liberté de navigation dans les espaces aériens et
maritimes internationaux.
Annie Genevard (ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté
alimentaire)
> Je suis tout à fait consciente de la situation dans laquelle se
trouvent nos viticulteurs. Pour venir en aide à la filière viticole, nous avons
pris de nombreuses mesures d’aide : nous avons par exemple créé, en
février 2024, un fonds d’urgence de 80 millions d’euros, et nous avons
obtenu, à l’initiative de mon prédécesseur, Marc Fesneau, le feu vert de
Bruxelles pour réaliser la réduction du potentiel viticole, réclamée par la
profession, à hauteur de 120 millions d’euros. La semaine dernière, lors
du Salon de l’agriculture, j’ai annoncé un fonds de 10 millions d’euros pour
venir en aide aux jeunes viticulteurs, qui, plus encore que les autres, sont
frappés par les aléas climatiques et doivent être aidés dans les premières
années sensibles de leur installation.
Enfin, outre ces mesures conjoncturelles, j’ai décidé de prendre des mesures
d’aide structurelles. Ainsi, le premier contrat d’emprunt de long terme,
garanti à 70 % par l’État, a été signé au Salon de l’agriculture, comme je
m’y étais engagée. Par ailleurs, la loi de finances de fin de gestion pour 2024
a ouvert, au programme 149, les 20 millions d’aides à destination des
viticulteurs (…). Ces crédits, compte tenu de la censure et du report de
l’adoption de la loi de finances, n’ont pas pu être consommés en 2024 et seront
reportés en 2025, comme je l’ai instamment demandé. (…) Je suivrai avec
beaucoup d’attention l’affectation de ces crédits et pour veiller à la bonne
utilisation de ces fonds dans les tout prochains mois.
S’agissant des coopératives agricoles, un problème se pose incontestablement. Il
y a le travail de restructuration à mener avec elles, ainsi que les
10 millions destinés à les y aider. Nous allons entamer ce travail avec
les coopératives. Outre la question budgétaire se pose celle de la manière dont
doit être conduite cette restructuration. Nous devons en définir les contours
avec les coopératives elles-mêmes, qui doivent nourrir un projet pour lequel
nous affecterons ces moyens. Ce travail préalable est nécessaire avant
d’apporter un soutien budgétaire.
Yannick Neuder (ministre délégué auprès de la ministre du
Travail, de la Santé, de la Solidarité et des Familles, chargé de la Santé et
de l’Accès aux soins)
> Le paysage conventionnel de la branche sanitaire, sociale et
médico-sociale privée à but non lucratif se caractérise par ses nombreuses
fédérations professionnelles et ses nombreuses conventions collectives,
applicables à une multitude d’acteurs. Cette situation rend difficilement
lisible l’harmonisation des conditions d’emploi et le renforcement de l’attractivité
d’un secteur dans lequel, par ailleurs, un salarié sur cinq n’est pas couvert
par une convention collective.
Les négociations engagées par les représentants de la branche à l’été 2022 ont
cependant abouti, le 4 juin 2024, à la conclusion de deux accords. Le
premier a permis d’étendre le Ségur aux professionnels qui n’en bénéficiaient
pas encore, quand le second a donné un cadre et un calendrier à la négociation
en vue de la future convention collective unique étendue. Ces accords,
largement signés par les partenaires sociaux – je les salue ici –,
contribuent pleinement à renforcer l’attractivité du secteur, objectif à la
réalisation duquel le gouvernement reste associé. Agréés dans le respect des
dispositions de l’article L.314-6 du code de l’action sociale et des
familles, ils sont opposables au financement des établissements et des services
sociaux et médico-sociaux relevant de la branche de l’action sanitaire, sociale
et médico-sociale.
La branche autonomie, en tant que contributeur majoritaire, a déjà financé leur
mise en œuvre, dès juillet 2024, à hauteur de 300 millions d’euros. Pour
les associations relevant du financement de l’État, certaines compensations ont
déjà été versées en 2024, dans le cadre de la loi de finances de fin de
gestion. D’autres compensations seront versées au cours de l’année 2025 quand
la loi de finances entrera en vigueur.
► Assemblée
nationale
Yaël Braun-Pivet (présidente)
> Les européens font face. Unis et déterminés à assurer la paix sur le
continent. En responsabilité.
> Présider l'Assemblée nationale, « ce lieu magique de la République », fut pour Jean-Louis Debré « l’honneur d’une vie » et « cinq ans de bonheur absolu ». Du prétoire au Perchoir, en passant par le gouvernement et la présidence du Conseil constitutionnel, il n’aura eu de cesse de protéger notre République et ses institutions. Nous perdons et pleurons un immense serviteur de l'État.
> Il y a un an, le Parlement inscrivait dans la Constitution la liberté de recourir à l'interruption volontaire de grossesse. Un message au monde. Une garantie pour l’avenir. Un combat qui continue.
> Face aux menaces, la France et l’Estonie partagent la même conviction : seule une Europe forte, maîtresse de sa défense et forte de ses valeurs peut protéger notre sécurité collective. Le soutien à l'Ukraine n'est pas négociable.
► Partis
politiques
● Renaissance
[Nota: dans ce parti, les propos de ses membres qui ne sont pas centristes
et se considèrent à droite ou à gauche ne sont plus retranscrits]
Gabriel Attal (député, secrétaire
général de Renaissance, président du groupe Ensemble pour la république à
l’Assemblée nationale)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la sécurité en
Europe]
Il y a des scènes qui marquent à jamais, qui restent dans votre esprit et vous
travaillent, parce qu’elles vous inspirent à la fois une profonde tristesse et
un immense espoir. J’ai assisté à l’une de ces scènes, il y a quelques jours,
en Ukraine. Avec nos collègues Natalia Pouzyreff et Delphine Lingemann, nous
étions à Zaporijjia, ville martyre, depuis trois ans sous le feu des bombes.
Là-bas, les autorités ukrainiennes m’avaient invité à l’inauguration d’une
école souterraine – la cinquième de la ville, car il n’y a désormais que
sous terre que l’on peut apprendre au calme.
Rarement je n’ai éprouvé autant de peine qu’en observant ces enfants, qui sont
l’avenir de l’Ukraine, descendre des escaliers pour aller étudier en se terrant
quinze mètres en dessous du sol ; mais rarement je n’ai ressenti autant
d’espoir qu’en observant le sourire de ces jeunes, heureux de retrouver l’école
pour la première fois depuis trois ans. J’ai vu l’espoir de cette jeunesse
ukrainienne qui refuse de céder face à la fureur des bombes et continue à aller
à l’école, à étudier, à vivre ; l’espoir d’une nation tout entière, qui
vit comme un acte de résistance le fait de former de nouvelles générations de
citoyens et de leur transmettre l’esprit critique qui est au fondement de nos
démocraties. Cet espoir, c’est celui d’une Ukraine qui reste debout ; cet
espoir, c’est celui d’incarner l’avenir d’une Ukraine souveraine ; cet
espoir, il est le reflet de celui de tout le peuple ukrainien, qui refuse de
plier et se bat héroïquement depuis maintenant des années.
Ne cessons jamais de rappeler une chose simple : si la Russie arrête de se
battre, il n’y a plus de guerre ; si l’Ukraine arrête de se battre, il n’y
a plus d’Ukraine. Alors, je veux le dire très clairement, et plus encore après
les échanges entre les présidents Trump et Zelensky : l’Ukraine n’a
d’excuses à présenter à personne. Le peuple ukrainien ne mérite qu’une
chose : le respect. Je tiens à rendre hommage avec vous à ces femmes et
ces hommes qui refusent la fatalité, la défaite, qui refusent tout simplement
de disparaître. Plus encore en revenant d’Ukraine, plus encore après les
événements de ces derniers jours, je crois qu’il n’y a pas de question plus
forte, plus existentielle, plus révélatrice aussi, que la position de chacun de
nous sur le conflit en Ukraine. Plus forte, parce qu’il est clair que nous
sommes à un point de bascule. Ce qui se joue en Ukraine, ce n’est pas seulement
l’avenir d’un pays souverain : ce sont aussi les intérêts de la France et
des Français qui sont en danger.
Qu’on le veuille ou non, cette guerre nous concerne aussi, et de son issue
dépendra une part de notre avenir. Si, pour certains, le simple fait de
défendre une démocratie agressée ne suffit pas à vaincre les réticences, alors
qu’ils pensent aux conséquences matérielles et sociales pour la France et les
Français. Car oui, une victoire de la Russie aurait des conséquences
dévastatrices, y compris pour nous. Je pense à notre approvisionnement en
énergie, à notre accès aux céréales, au pouvoir d’achat des Français, qui
seraient confrontés à une inflation puissance 10 ; je pense à des
mouvements de populations sans précédent, ainsi qu’à la sécurité de l’Europe.
Le coût d’une victoire de la Russie serait donc infiniment plus fort que ne
l’est celui d’un soutien à l’Ukraine. Ce n’est pas une guerre lointaine qui se
joue, c’est la vie quotidienne des Français qui est en première ligne.
Je crois, ensuite, qu’il n’y a pas de question plus existentielle que l’avenir
de ce conflit. La diplomatie est en danger de mort et elle pourrait être
supplantée par un ordre mondial brutal, fondé sur la loi du plus fort et les
instincts de prédation ; un ordre mondial vidé de son sens et de ses
valeurs, où les démocraties libérales seraient incapables de se défendre ;
un ordre mondial où les intérêts purement transactionnels auraient remplacé une
communauté de valeurs et de destin.
Car derrière l’Ukraine, c’est l’Europe qui est en danger. Que personne ne soit
dupe : Vladimir Poutine ne cherche qu’à gagner du temps pour reprendre son
souffle, face à une résistance ukrainienne qu’il ne parvient pas à étouffer.
Mais l’appétit du Kremlin est insatiable, et personne ne doit douter que
derrière l’Ukraine, il y a la Moldavie, la Roumanie, les États Baltes, la
Pologne, la Finlande, l’Union européenne et l’Otan. Le régime russe ne tient
désormais que par et pour la guerre.
Ce n’est pas seulement une affaire européenne : le monde entier regarde
l’Ukraine. Si la loi du plus fort et la brutalité l’emportent impunément, qui
sait quelles conséquences d’autres puissances pourraient en tirer ? Avec
les brutes et les prédateurs, la faiblesse n’a jamais eu d’autre effet que de
leur désigner leur prochaine victime.
Alors non, la France ne peut rester impassible. La France, pays des Lumières et
terreau de la liberté, a une responsabilité. La France, seule puissance
nucléaire de l’Union européenne, a une responsabilité. La France, qui connaît
trop bien le prix de la lâcheté et des paix de dupes, a une responsabilité. Je
suis fier, monsieur le premier ministre, que votre gouvernement, après les
précédents, fasse bloc autour de l’Ukraine. Je suis fier d’avoir défendu et
fait adopter à cette tribune, il y a quelques mois, à la place qui est
aujourd’hui la vôtre, un accord de sécurité historique entre la France et
l’Ukraine. Je suis fier de voir le président de la République s’imposer parmi
les acteurs incontestables de la recherche d’une résolution du conflit et d’une
réponse européenne forte.
Car ce conflit est aussi un grand révélateur. Ces dernières années, la France
n’a jamais failli dans son soutien à l’Ukraine. Avec le président de la
République, avec l’ensemble des gouvernements, avec les députés de mon groupe
parlementaire, nous avons tenu le cap. Nous n’avons jamais hésité une seconde,
jamais flanché face à la tentation de la reddition et d’une paix bâclée, dont
les Français seraient aussi victimes. Nous n’avons jamais failli, et nous
étions bien seuls. Bien seuls quand d’autres refusaient de voter le soutien à
l’Ukraine, ici comme au Parlement européen.
Bien seuls quand d’autres revendiquaient leur loyauté envers la Russie ou
relativisaient la portée du conflit. Bien seuls face à la légèreté de ceux qui
se moquent du destin de la France et de l’Europe, n’ont pas de problème à voir
un leader démocratiquement élu insulté en direct et ne s’opposent pas à une
victoire russe qui barrerait lourdement la route à l’avenir des Français.
Nous sommes dans un moment où le voile se déchire, où l’on s’aperçoit que
l’instinct capitulard est en fait bien souvent un esprit de complicité. Nous
avons déjà vécu tout cela.
Mme Le Pen nous donne des conseils de géostratégie, alors même
qu’elle proposait, pendant la campagne présidentielle de 2022, une alliance en
matière de défense avec la Russie ; alors même qu’elle disait encore,
quelques jours avant l’invasion russe, que ce pays n’envahirait jamais
l’Ukraine ; alors même qu’elle estimait, comme Jean-Luc Mélenchon, que les
Ukrainiens ne tiendraient ni trois jours ni trois semaines – et voilà
trois ans qu’ils résistent héroïquement !
Tout à l’heure, madame Le Pen, quand l’ensemble de l’hémicycle s’est levé
pour applaudir et saluer le courage du peuple ukrainien, le seul groupe qui est
resté assis et n’a pas applaudi, c’est le vôtre. Votre intervention l’a
confirmé : l’Ukraine brûle et vous regardez ailleurs, encore une fois.
Je reste convaincu que, face à la puissance des enjeux, l’esprit de
responsabilité peut l’emporter. Le moment appelle l’unité ; il n’est pas
trop tard pour se rallier à la seule ligne juste, celle qui assure la
protection de la France et la sécurité des Français. Avec le groupe Ensemble
pour la République, nous savons où sont nos valeurs et nous les défendrons
jusqu’au bout.
Nous vivons une période d’accélération extraordinaire, où les vérités et les
certitudes de la veille ne sont pas celles du lendemain, où le président des
États-Unis peut être prêt à signer un traité avec l’Ukraine le matin et à
malmener le président ukrainien l’après-midi, où le vice-président d’un pays allié
peut venir insulter les Européens sur leur propre sol, et où chaque jour
apporte son lot d’incertitudes et de contradictions. Dans cette période, je
m’exprime devant vous avec trois convictions.
La première, c’est que le monde libre a besoin d’un nouveau leader. Les
déclarations du président Trump sont claires : plutôt que les valeurs de
démocratie et de liberté, seuls compteront désormais les intérêts économiques
américains, et tous ceux qui tenteront d’émettre des réserves seront
marginalisés. Il revient donc à la France, aux nations européennes, de prendre
enfin la relève, de montrer au monde que tout n’est pas permis, que tout ne se
vaut pas, que tout n’est pas deals et transactions. On ne monnaye pas la
défense de la liberté, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. On ne
monnaye pas le soutien à la démocratie.
L’Europe doit devenir la nouvelle place forte de la liberté et de la
démocratie. Cela ne signifie pas tourner le dos aux États-Unis – malgré
les outrances, malgré l’indignation, il existe un chemin –, mais prendre
notre avenir en main, ne plus avoir peur de notre propre puissance, penser,
peser, exister par nous-mêmes.
Au-delà d’un nouveau leader, le monde libre a besoin d’une nouvelle grammaire,
d’une nouvelle manière de fonctionner, d’une nouvelle organisation. Ces
dernières décennies ont été marquées par la lente agonie de certaines de nos
organisations multilatérales. Former une communauté nécessite de partager des
principes, des lois et des valeurs : le concept de communauté
internationale n’existe plus. Nous devons en prendre acte et bâtir une alliance
qui ne se borne pas aux frontières de l’Europe, mais rallie tous ceux qui
refusent l’avènement de la loi du plus fort, l’effacement de nos valeurs.
C’est là ma deuxième conviction : puisque certaines grandes puissances ne
comprennent plus que le rapport de force, assumons-le ! Si la défense
ukrainienne est dépendante de l’aide américaine, l’Ukraine subira les
conditions de paix voulues par d’autres. Une place à la table des négociations
ne se quémande pas, elle s’impose. Il y a urgence à ce que l’Europe accroisse
son soutien militaire à l’Ukraine : c’est ainsi que nous pourrons pallier
un éventuel désengagement américain, que l’Ukraine, si l’on veut lui imposer
une paix factice, pourra continuer de résister. Afin de financer ce soutien
supplémentaire, la France doit reconsidérer sa position concernant les avoirs
russes gelés. Je comprends les préventions de certains à ce propos : je
les ai partagées. Seulement, la situation a changé. La menace a franchi un
nouveau palier. Avant d’envisager de faire payer les Français, les Européens,
consacrons à l’Ukraine les près de 300 milliards d’euros que représentent
ces avoirs !
Par ailleurs, l’heure est venue d’accélérer le processus d’adhésion de
l’Ukraine, qui mène depuis des mois des réformes fortes, courageuses, afin de
pouvoir intégrer l’Union européenne. Cette adhésion rapide constituerait un
moyen de faire front lors des échanges à venir, ainsi que d’offrir à l’Ukraine,
par la suite, des garanties de sécurité. Cela peut se faire de manière adaptée,
avec des clauses de sauvegarde pour notre agriculture, par exemple.
Cette observation m’amène à mon troisième point : la période actuelle ne
doit pas susciter la tétanie, mais le sursaut. Dans leur aveuglement, les
nouveaux empires qui nous mettent au défi ont commis une erreur
d’appréciation : ils croient notre vieux continent fatigué de sa propre
histoire et n’y voient pas couver une toute jeune communauté, si jeune que,
dans sa naïveté, elle a longtemps pris pour argent comptant les discours sur sa
faiblesse prodigués à dessein, mais qui vient peut-être de s’éveiller à elle-même,
de prendre conscience de sa force, d’assumer son aspiration à l’indépendance, à
la souveraineté. Ces dernières semaines, le temps des illusions a enfin cessé.
À l’Élysée il y a deux semaines, hier à Londres, dans un format plus large, je
veux croire que les nations européennes ont ouvert les yeux. L’Europe n’étant
la vassale de personne, notre objectif doit tenir en deux mots : zéro
dépendance. Les résultats des récentes élections en Allemagne nous fournissent
une occasion historique de progrès en ce sens. Accélérons ce qui a été entamé
depuis 2017, notamment à l’initiative de la France, atteignons l’autonomie stratégique !
Instaurons pour l’Union une garantie de sécurité collective qui ne doive rien à
qui que ce soit. Accroissons nos dépenses militaires – notre pays le fait
depuis huit ans – et excluons-les du calcul des 3 % de déficit :
c’est la condition d’un réarmement européen.
Créons une base d’industrie et de défense européenne bien plus ambitieuse,
en travaillant à des programmes industriels communs et en imposant la
préférence européenne.
N’ayons pas peur, en vue de financer nos programmes de défense, d’émettre de la
dette en commun. Face au covid-19, nous avons su le faire ; faisons de
même pour préparer l’avenir. Au-delà de la défense, étendons cette logique à
tous les domaines. Cessons de craindre l’indépendance, construisons-la
– une indépendance industrielle, en simplifiant nos règles et en assumant,
je le répète, la préférence européenne ; une indépendance technologique,
grâce à des investissements communs et massifs, notamment dans l’intelligence
artificielle ; une indépendance financière, en achevant enfin l’union des
marchés de capitaux, ce qui nous donnera la force et la capacité
d’investissement nécessaires. N’ayons pas peur : l’Europe doit cesser de
s’excuser d’exister. Pour réussir, pour s’imposer, elle a toutes les cartes en
main.
L’Europe a d’abord été une culture, puis une raison ; elle doit devenir
une force – une force de paix, de prospérité, une force tranquille.
Monsieur le premier ministre, vous pourrez compter sur mon groupe pour défendre
encore et toujours une Union européenne plus puissante, plus indépendante. C’est
là notre ADN, ce que nous faisons depuis 2017, avec le président de la
République. L’heure d’une grande accélération a sonné. Rien n’est écrit :
il y a trois ans, beaucoup ne donnaient pas deux semaines à l’Ukraine avant
qu’elle ne s’effondre ; elle est toujours debout. Depuis trois ans, malgré
la souffrance du deuil, le drame de la destruction et la brutalité de
l’invasion, malgré les horreurs des bombardements, l’utilisation du viol comme
arme de guerre, les déportations d’enfants vers la Russie, les Ukrainiens
résistent héroïquement, nous montrant l’exemple d’un peuple qui se bat pour son
pays, bien sûr, mais aussi pour la démocratie, pour la liberté, pour l’Europe.
Puissions-nous, nous autres Européens, puiser dans son impressionnant courage
la force de réagir, de nous affirmer, ne plus fuir le rapport de force, assumer
enfin notre puissance !
L’histoire jugera durement ceux qui ont tourné le dos à l’Ukraine ; elle
sera intraitable à l’égard de ceux qui ont cru pouvoir pactiser avec la
Russie ; mais être du bon côté de l’histoire ne suffit pas, encore faut-il
l’écrire. Nos valeurs ne sont rien si nous ne nous tenons pas prêts à les
défendre. Nous ferons bloc : l’avenir de la France, l’avenir de l’Europe
en dépend. L’Ukraine vaincra. L’Europe sera.
> Certains essaient de faire croire aux Français qu'il ne peut rien se passer sur les deux ans qui viennent. Donald Trump multiplie les executive orders, la Chine accélère ses investissements, et nous on va faire la planche ?
> La doctrine d'Emmanuel Macron sur l'arme nucléaire est la même que celle de Présidents précédents, comme Jacques Chirac : elle vise à défendre nos intérêts vitaux. Et nos intérêts vitaux ont évidemment une dimension européenne. En cas de désengagement américain, le chef de l'État a ouvert la porte pour bâtir, tous ensemble, une protection européenne.
> Je défends une accélération du calendrier d'adhésion à l'Union européenne, avec des clauses de sauvegarde, comme sur l'agriculture.
> En Europe, il y a près de 300 milliards d'euros d'avoirs russes qui sont aujourd'hui gelés. Avant de faire financer l'effort aux Français et aux Européens, faisons payer les Russes.
> J'ai été invité par les autorités ukrainiennes pour inaugurer une École souterraine à Zaporijia, à quelques dizaines de kilomètres du front. Quand vous voyez des enfants descendre sous 15 mètres sous terre pour aller à l'École, vous ressentez une profonde tristesse. Mais aussi de l'espoir ; un peuple sous les bombes, menacé, agressé, continue de faire de l'Éducation de ses jeunes et de son avenir une priorité.
> C'est la fin d'une illusion. C'est la fin d'une illusion d'une Amérique qui resterait éternellement le rempart de l'Europe. Avec Donald Trump, les alliés deviennent des clients. C'est un électrochoc pour tous les Européens. Nous devons désormais prendre notre destin en main.
Thomas Cazenave (député)
> Suspendre l’aide à l’Ukraine, c’est fragiliser un peuple qui lutte
pour sa liberté. Les Ukrainiens résistent pour leur souveraineté et pour une
paix juste. L’Europe doit, sans délai, prendre le relais de cette aide
indispensable.
Pierre Cazeneuve (député)
> La paix c'est difficile", c'est le nouveau "La guerre c'est
pas bien". Merci beaucoup pour cette prise de position et cette analyse
puissante Marine Le Pen, tout de suite on se sent rassuré.
Olivia Grégoire (députée)
> « Si la Russie arrête de se battre il n’y a plus de guerre. Si
l’Ukraine arrête de se battre, il n’y a plus d’Ukraine ». Notre président
de groupe Gabriel Attal porte un message fort: cette guerre nous concerne et
concerne notre avenir.
Prisca Thevenot (députée)
> Quinze minutes de prise de parole de Marine Le Pen à la tribune de
l’Assemblée nationale sur l’Ukraine. 15 min à pointer du doigt l’Ukraine, la
France, l’Union Européenne et pas un mot contre Poutine. 15 min qui rappellent
que le patriotisme du RN ne concerne pas la France.
> Même la honte rougit quand elle vous écoute Jordan Bardella! Vous êtes précisément dans les mains de Poutine et vous venez nous donner des leçons de patriotisme ? Sur l’Ukraine, qui a eu peur de voter au Parlement européen les sanctions contre la Russie ?
Pieyre-Alexandre Anglade (député)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la sécurité en
Europe]
Vous l’avez dit très justement au début de notre débat, monsieur le premier
ministre, la situation internationale est grave – vraisemblablement la
plus critique depuis 1945. Ce qui se joue actuellement ne concerne pas
seulement l’Ukraine, mais bien toute l’Europe, donc la France et la sécurité
des Françaises et des Français. Ce qui est en jeu, c’est notre capacité à
garantir notre sécurité, notre indépendance et notre souveraineté, autrement
dit à assurer à nos enfants qu’ils pourront vivre sur un continent libre, en
paix et prospère tel que nous le connaissons.
Pour y parvenir, les dirigeants européens devront prendre des décisions à la
hauteur de la situation, car nous parlons d’un enjeu de vie ou de mort. Vous
l’avez parfaitement expliqué, comme la plupart des forces de l’hémicycle
– et je m’en félicite.
Cependant, au terme d’un débat d’une telle importance, nous ne pouvons faire
comme si certaines voix ne s’étaient pas prêtées à ce que je décrirais comme
une forme de trahison. Madame Le Pen, vous avez eu – ce n’est pas
nouveau – les mots les plus durs et les plus forts contre la France et
l’Europe, mais à aucun moment contre la Russie de Vladimir Poutine qui mène en
Ukraine une guerre brutale, totale, massive, depuis plus de trois ans, voire dix
ans si nous pensons à la situation dans le Donbass et en Crimée.
Lorsque l’on refuse d’aider l’Ukraine – comme ont pu l’exprimer certains,
à mots couverts – ou l’on s’oppose à la construction de la défense
européenne, on ne favorise pas la paix mais on crée les conditions de l’abandon
de l’Ukraine, donc de son effondrement, ainsi que les conditions de
l’apparition de nouveaux conflits, demain, sur le continent européen.
Dans un tel moment, évitons de propager de fausses informations, de distiller
des mensonges concernant ce qui a été dit par le président de la République à
propos de la dissuasion nucléaire française. Car nos alliés nous écoutent, tout
comme nos concurrents et nos adversaires.
Ces derniers jours, nous avons entendu de nombreux discours mettant sur un même
plan l’agresseur et l’agressé. Or, nous le savons, l’Ukraine n’est pas attaquée
pour ce qu’elle fait : elle n’agresse ni ne menace personne. Elle est
attaquée pour ce qu’elle est : un pays libre, démocratique et ouvert, qui
a choisi de se tourner vers l’Europe. Il est très clair que le dirigeant russe
mène cette guerre brutale contre l’Europe, contre ce qui fonde notre identité
d’Européens, et qu’il ne s’arrêtera pas à l’Ukraine si nous ne l’arrêtons pas
maintenant.
Voilà pourquoi nous devons, aussi longtemps que nécessaire, assistance et
reconnaissance au peuple ukrainien pour son courage, pour le sacrifice et le
sang versé. À l’heure où la nouvelle administration américaine menace de
suspendre le soutien qu’elle lui a accordé jusqu’ici, il nous revient
d’intensifier le nôtre, car la paix en Europe passe par une paix durable,
fiable et solide en Ukraine.
Dans ce contexte, l’Europe n’a d’autre choix que celui de la puissance car, à
Munich puis à la Maison-Blanche, nous avons vu la relation transatlantique se
fracturer. Nous avons à présent besoin d’actions courageuses et le Conseil
européen de ce jeudi doit être l’occasion de décisions historiques.
La première urgence est de bâtir rapidement et quoi qu’il en coûte un plan
d’aide militaire à l’Ukraine pour éviter son effondrement à la suite du
revirement américain. Dans cette optique, il faut travailler très sérieusement
sur la saisie des avoirs publics russes gelés. Ce sont 209 milliards
d’euros que nous pourrions affecter au soutien à la résistance ukrainienne.
La seconde priorité doit être de façonner maintenant l’Europe de la défense que
le président de la République promeut depuis 2017. Le moment est propice :
nos partenaires européens y sont prêts, l’Allemagne en tête.
Mobilisons des financements en commun, comme nous avons su le faire au moment
de la crise sanitaire. Élaborons un grand plan d’investissement qui permettrait
de lancer des programmes militaires communs et de renforcer nos armées et nos
équipements militaires. Il est clair que le contexte actuel exige un effort
massif de chacun des États membres : tous les pays de l’Union européenne
devront rehausser les budgets qu’ils consacrent à la défense.
Nous assistons à la fin d’un monde et nous devons sans délai passer aux actes
pour que notre Europe devienne capable d’assurer sa défense, sa sécurité et son
autonomie stratégique. Sans une défense européenne commune, l’Ukraine
s’effondrera tôt ou tard. Si nous faisons preuve de faiblesse et de désunion,
la Russie continuera de mettre à l’épreuve notre détermination et notre
capacité à riposter. Si nous nous montrons attentistes, nous l’encouragerons à
étendre ses ambitions à d’autres parties du continent européen.
Nos opinions publiques l’ont parfaitement compris depuis qu’elles ont assisté à
la sidérante mise en scène au cours de laquelle, dans le fameux Bureau ovale,
on a humilié le chef d’un État européen souverain, courageux et infatigable,
qui tente de sauver son pays.
En défendant l’Ukraine, nous défendons la liberté de l’Europe, la démocratie
libérale, humaniste et respectueuse de l’État de droit et de la démocratie. Il
n’est pas trop tard. Soyons unis, résolus, déterminés, et nous y arriverons.
> Le plan présenté par la Présidente Von der Leyen pour réarmer l’Europe prend enfin en compte la nouvelle donne internationale. Il y a urgence à amorcer un réarmement massif afin de de défendre l’Ukraine et de protéger le continent et notre démocratie.
> Le Sommet de Londres marque une étape importante dans l’indispensable sursaut des Européens. L'Europe n'a plus d'autre choix que la puissance. Elle doit poursuivre sur le chemin tracé aujourd’hui.
> L’heure des choix est venue pour l’Europe et il n’y a pas d’autre chemin que celui de la puissance. Si nous voulons aider l’Ukraine à résister et garantir la sécurité sur notre continent il faut agir maintenant.
Violette Spillebout (députée)
> « L’explosion antisémite que traverse notre pays ne trouble pas
ceux qui, d’ordinaire, s’insurgent contre le racisme », dénonce un
collectif de personnalités, parmi lesquelles la sociologue Eva Illouz ou
l’historienne Annette Wieviorka, dans une tribune au quotidien Le Monde.
David Amiel (député)
> [Comment l’Europe peut faire plier Trump : notes stratégiques
pour organiser la résistance» coécrit avec Shahin Vallée]
Après le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, l’Europe fait face à une
crise existentielle. Les initiatives du président américain et le changement
d’ère symbolisé par le discours de J. D. Vance à la conférence sur la sécurité
de Munich obligent à un sursaut collectif — pour l’Ukraine, pour l’architecture
de sécurité européenne, mais également, et c’est l’objet de cet article, pour
ses relations économiques. Car le risque est en effet grand que les offensives
américaines en la matière ne conduisent, dans les prochains mois, à un
« Munich économique » : une capitulation en ordre dispersé
devant les États-Unis qui assurerait à la fois le déshonneur et la défaite.
Pour cela, il convient cependant de regarder lucidement nos vulnérabilités.
Stratégiquement, l’Europe a longtemps adossé son architecture de sécurité et de
défense sur les Américains, ce qui donne aux États-Unis un levier considérable.
Les menaces de Donald Trump concernant le financement de l’OTAN, la perspective
d’un accord de paix avec la Russie signé sur le dos de l’Ukraine ou encore son
intérêt pour le Groenland n’ont suscité que de trop rares réactions de la part
des institutions européennes et des dirigeants nationaux, avant les réunions
d’urgence organisées à Paris, Washington et Londres par Emmanuel Macron et Keir
Starmer. Économiquement, l’Europe a une carte à jouer, mais elle a trop
souvent peur de sa propre force, restant le dernier défenseur impuissant d’un
ordre commercial international libéral en pleine désagrégation. Elle doit enfin
accepter de mener une politique économique plus offensive, pour ne pas être
broyée par la tenaille sino-américaine. Cet examen de conscience va plus loin
que de simples considérations de politiques publiques. Idéologiquement, la
transformation du paradigme dominant des relations internationales, passé du
libre-échange néolibéral au mercantilisme et d’un « ordre international
multilatéral ouvert fondé sur des règles » à un monde fondé sur l’usage de
la force, du primat de l’économie à celui de la géopolitique, plonge l’Europe
dans la tétanie.
Le sursaut est toutefois possible, car les Européens prennent progressivement
conscience de la nécessité d’une révolution culturelle. La possibilité de
tarifs généralisés de l’ordre de 25 % sur tous les biens européens dès le
mois d’avril rend la réaction européenne urgente. Le thème de la
« souveraineté » européenne progresse et le langage de la puissance
effraie de moins en moins. Par ailleurs, le rapport Draghi a permis un début d’aggiornamento
économique européen sur la politique économique intérieure. La « Boussole
sur la compétitivité » présentée mi-janvier par la présidente de la
Commission européenne a pour but de le mettre en œuvre, mais il faudra un grand
nombre d’initiatives législatives dans les mois à venir pour être à la hauteur.
En outre, et c’est le cœur de notre propos ici, le rapport Draghi doit être
complété par un aggiornamento sur la politique économique extérieure.
L’Union, si elle le souhaite, peut bâtir un véritable « protectionnisme
de dissuasion », c’est-à-dire un arsenal de mesures capables de
riposter de manière crédible, durable et efficace à une offensive économique
américaine qui s’annonce bien plus large que les initiatives tarifaires
prises lors du premier mandat de Donald Trump : il faudra donc être
capable de déclencher des frappes économiques dans la profondeur contre des intérêts
américains, au-delà de « simples » ripostes tarifaires.
Cette première étape, indispensable, doit permettre d’en ouvrir une seconde, où
l’Europe reprendrait enfin la main, ce qui requiert des changements profonds
dans la politique commerciale, industrielle, fiscale mais aussi dans la
politique macroéconomique du continent. C’est à ce prix qu’elle peut être
capable de lancer une contre-offensive face aux initiatives américaines, qui
dépasseront elles aussi le terrain commercial, en relançant immédiatement
l’investissement intérieur, en nouant une alliance « de revers » avec
les économies émergentes tout comme en ouvrant la voie, sans doute à moyen
terme, à un nouvel accord du Plaza avec les États-Unis et la Chine. En
défendant ses intérêts, l’Europe ouvrira aussi la voie à une feuille de route
de réforme de la mondialisation, qui, sans céder au trumpisme, prendrait acte
des faillites du modèle actuel, et tenterait d’avancer vers un nouvel ordre
international qui donnerait toute sa place aux grandes économies émergentes en
lieu et place de feu le « consensus de Washington ».
Pour un « protectionnisme de dissuasion » capable de frapper en
profondeur
L’Europe ne peut plus se contenter d’une réponse tarifaire classique et ciblée,
aussi nécessaire soit-elle, sur le marché des biens pour faire face au
protectionnisme américain. L’approche adoptée en 2017-2018 par la Commissaire
au Commerce extérieur, Cecilia Malmström, et la Commission Juncker 1, dit « Plan Juncker » qui
consistait à appliquer des contre-mesures douanières ciblées et négocier un
accord d’achats (de biens agricoles ou de gaz), ne serait aujourd’hui ni
efficace ni soutenable.
L’approche de Trump I était relativement ciblée en concentrant son
attention sur l’acier et l’aluminium et sur le secteur automobile. L’approche
de Trump II semble bien plus généralisée. Il a été évoqué pendant la campagne
des tarifs douaniers sur tous les biens de 10 % et plus récemment, une
élévation de tous les tarifs douaniers américains au niveau des tarifs
douaniers réciproques. S’il prend en compte la TVA comme une barrière non
tarifaire comme il le suggère, cela pourrait impliquer des tarifs douaniers
massifs contre l’Union. Nous devons donc élargir considérablement notre arsenal
car la riposte commerciale devra être complétée par d’autres.
En outre, les offensives américaines elles-mêmes ne se limitent pas aux
droits de douane mais visent à contraindre l’Union européenne à modifier ses
politiques économiques, dans un sens favorable aux intérêts américains,
notamment dans le domaine numérique. Les menaces contre le DSA et le DMA sont
claires et doivent nous pousser à utiliser ces instruments de manière plus
offensive même s’ils n’ont pas été conçus comme des outils politiques. Dès les
premiers jours de la présidence de Donald Trump, le mémorandum America First
Trade Policy annonçait une refonte globale des outils de protection économique.
Il prévoyait notamment un examen approfondi de la base industrielle et
manufacturière des États-Unis, ainsi qu’un durcissement des contrôles à
l’exportation visant à préserver l’avance technologique américaine dans des
secteurs stratégiques comme l’intelligence artificielle ou les semi-conducteurs.
Par ailleurs, il est notable que cette offensive précède même l’entrée en
fonction de l’administration Trump : l’administration Biden avait pris,
dans ses derniers décrets présidentiels notamment le 13 janvier 2025, des
mesures fortes de restrictions des exports de puces et semi-conducteurs à
certains pays de l’Union, ouvrant potentiellement des questions importantes
pour l’intégrité du marché unique, de la politique commerciale européenne.
Il est donc urgent que la Commission européenne identifie l’ensemble des
exportations de biens et de services américains qui pourraient faire l’objet
d’une riposte massive. Cette liste devrait être construite afin de maximiser
les dommages infligés, et être autant que possible mise en œuvre quels que
soient les biens européens visés par les Américains, tout en prévoyant des
mesures spécifiques d’accompagnement de soutien à ces filières, afin de ne pas
laisser s’installer des tensions entre États membres et des négociations
bilatérales entre eux et les États-Unis.
Par ailleurs, l’Europe doit renforcer ses propres instruments de défense
économique. Comme l’Union est un exportateur de premier plan dans un contexte
de croissance faible, une guerre commerciale symétrique affaiblira
nécessairement davantage ses industries, sans garantir un rapport de force
favorable face aux États-Unis. Comme le montre la récente opposition de cinq
pays, dont l’Allemagne, à l’introduction de droits de douane européens sur les
véhicules électriques chinois en octobre dernier, les tensions entre la
nécessité de défendre les industries européennes et la protection des intérêts
économiques à court terme de certains États peuvent empêcher l’émergence d’une
ligne stratégique claire dans la durée.
Face à ces défis, l’Union doit repenser son arsenal de rétorsion et adopter une
stratégie plus large, combinant politique commerciale, politique de
concurrence, soutien à l’innovation et protection des secteurs stratégiques. Il
ne s’agit pas de céder à un protectionnisme aveugle, mais bien d’instaurer un
« protectionnisme de dissuasion », envoyant un signal clair aux
États-Unis en étant capable de lancer des frappes économiques dans la
profondeur.
Un premier levier réside dans la politique financière, notamment à travers la
réglementation et la supervision du secteur. L’Union pourrait restreindre
l’accès des entreprises financières américaines au marché des services
financiers européens en durcissant les exigences réglementaires, et l’accès au
marché européen des entreprises américaines, notamment les licences bancaires
ou de manière plus subtile par les mesures dites du « second pilier »
de supervision. Cela pourrait également contraindre l’accès des gérants
américains à l’épargne européenne via une modification de la directive
AIFMD. L’Union pourrait également utiliser son mécanisme de screening
des investissements étrangers pour limiter les accès américains aux
entreprises/actifs européens si nécessaire. Cette approche permettrait de mieux
protéger les intérêts européens face à des acteurs américains dominants tout en
garantissant des règles du jeu plus équitables.
L’accès au marché numérique constitue également un point clé, particulièrement
dans un contexte où les grandes entreprises technologiques américaines, les GAFAM,
cherchent à se soustraire aux obligations européennes en matière de
surveillance des contenus et d’égalité de traitement politique. L’Union dispose
déjà d’instruments puissants, tels que le Digital Markets Act (DMA) et
le Digital Services Act (DSA), qui imposent des obligations strictes aux
plateformes dominantes. Renforcer leur application et durcir les sanctions en
cas de non-respect offrirait à l’Europe un moyen de pression supplémentaire
pour défendre ses intérêts numériques et éviter que des entreprises américaines
ne dictent unilatéralement leurs conditions sur le marché européen même si la
simple mise en œuvre du droit européen actuel semble remise en cause par la
nouvelle administration américaine. Une confrontation dans le domaine du
numérique semble de plus en plus inévitable.
Un autre axe de riposte repose sur la politique de concurrence. L’Union
pourrait renforcer sa surveillance des abus de position dominante et du
contrôle des concentrations, afin d’éviter que des entreprises américaines
n’acquièrent une influence excessive sur les marchés européens. Par le passé, la
Commission européenne a déjà utilisé ces instruments, notamment en infligeant
de lourdes amendes à Google, Apple, Microsoft pour pratiques
anticoncurrentielles. Il est possible d’envisager également des mesures
comportementales pouvant aller jusqu’à la cession de certains actifs. C’était
le sens de la première affaire Microsoft il y a plusieurs décennies et c’est
actuellement ce qui est débattu dans les affaires pendantes devant le juge
américain concernant Google – ce serait en réalité un retour aux origines du
droit de l’antitrust avec le Sherman Act. L’Union a toujours été plus réticente
dans ce domaine mais ce pourrait être opportun que de faire évoluer ce
paradigme et d’endosser une géopolitique de la politique de concurrence. La
Commissaire Vestager avait indiqué avant la fin de son mandat que cela pourrait
être une option. Les entreprises américaines exercent aujourd’hui une emprise stratégique
dans l’intelligence artificielle ou le cloud computing, ce qui peut créer non
seulement des vulnérabilités stratégiques mais aussi des positions dominantes
dangereuses pour l’économie numérique européenne contre lesquelles il faut
pouvoir se prémunir.
Enfin, l’Europe doit être en mesure de répondre aux outils puissants utilisés
par les États-Unis pour extra-territorialiser leurs restrictions à
l’exportation et leurs sanctions, à l’image des mécanismes mis en place par le Bureau
of Industry and Security (BIS) et la règle du Foreign Direct Product
Rule (FDPR). Ces instruments permettent à Washington d’imposer des
restrictions à des entreprises étrangères sous prétexte qu’elles utilisent des
technologies américaines. C’est le cas par exemple de l’entreprise néerlandaise
ASML, leader mondial des machines de lithographie pour semi-conducteurs,
régulièrement sous la menace américaine si elle n’interrompt pas ses
fournitures de matériels à la Chine. Ces menaces étaient d’abord limitées à
quelques produits permettant de produire les semi-conducteurs les plus avancés,
mais la liste tend à s’étendre à mesure que le conflit sino-américain s’étend.
Ce point est devenu central dans la réponse à l’extraterritorialité des
contrôles exports américains. La Commission s’y prépare enfin 7 en insistant sur la
coordination des contrôles exports alors qu’ils relèvent en principe uniquement
des États membres. Et elle pourrait être amenée à faire usage d’instruments
tels que le règlement de blocage ou le mécanisme anti-coercition, dont il faudrait
s’assurer qu’il puisse être utilisé pour contrer les restrictions imposées via
les contrôles à l’exportation.
Reprendre la main : pour un art du deal européen
Le « protectionnisme de dissuasion », même musclé, ne suffira
pas à déclencher une contre-offensive durable contre les initiatives
trumpistes.
L’Europe doit aussi reprendre le contrôle du débat mondial. Sa réponse pourrait
se bâtir en trois temps : d’abord, un nouveau cadre macroéconomique
européen pour rendre possible la mise en œuvre du programme de
compétitivité ; ensuite, un pacte avec les pays émergents pour
saisir les failles de l’unilatéralisme trumpiste ; enfin, le travail
à un nouvel accord du Plaza, avec la Chine et les États-Unis, pour répondre aux
déséquilibres globaux en évitant une guerre commerciale.
Pour une grande modernisation du cadre macroéconomique européen
La mise en œuvre simultanée des investissements nécessaires aux dépenses
militaires, à l’innovation et à la transition énergétique — dont on ne se lasse
pas de rappeler qu’elles sont également au service de notre autonomie
stratégique en réduisant notre dépendance aux importations d’énergies fossiles
— ne peut se faire à cadre macroéconomique constant. En parallèle des mesures
visant à stimuler la productivité en approfondissant le marché intérieur, une
vraie réforme des règles budgétaires — plus ambitieuse que la réforme du Pacte
de Stabilité et de Croissance d’avril 2024 — est indispensable. Notons que les
élections législatives allemandes représentent un tournant décisif, car elles
ouvrent la perspective d’une réforme des règles constitutionnelles outre-Rhin.
Cela pourrait favoriser une politique budgétaire plus expansionniste au niveau
national et ainsi influencer le rapport de pouvoir entre les
« frugaux » et les autres au Conseil concernant l’assouplissement des
règles budgétaires. Au niveau de l’Union, le financement de la défense
européenne, a minima, nécessitera inévitablement la mise en place d’un
nouvel emprunt commun et d’une politique d’achats centralisée, avec une
préférence claire pour les industries européennes. Dans ce contexte, il est
impératif que l’Union ne réduise pas son investissement public et qu’elle
prolonge également NextGenerationEU, tout en élargissant son budget à l’horizon
2027.
Ces capacités d’emprunt devront être gagées sur l’affectation de nouvelles
ressources propres. En matière de fiscalité, l’Europe ne peut plus attendre un
consensus mondial qui ne viendra pas avec le tournant de la politique
américaine. Elle devra non seulement préserver et approfondir les mesures
visant à lutter contre l’optimisation fiscale des multinationales, malgré
l’éloignement définitif des perspectives de ratification par le Congrès
américain de l’accord trouvé au niveau de l’OCDE mais aussi s’engager davantage
concernant l’évasion fiscale des particuliers, l’arrivée au pouvoir de Donald
Trump rendant plus pessimiste encore sur des progrès au niveau du G20. Un impôt
européen concernant les particuliers les plus fortunés serait une première
étape utile, accompagné de la mise en place d’une exit tax, coordonnée
sur le plan européen pour éviter les travers des initiatives nationales, afin
d’éviter que les grandes fortunes ne déplacent leurs actifs dans des
juridictions plus clémentes au moment de quitter un pays.
La digue que constitue le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (CBAM)
est fragilisée par les Etats Unis (en réalité sous Biden déjà) et doit être
urgemment consolidée et renforcée. À travers des dispositifs tels que l’IRA et
le CBAM européen, une même idée s’imposait, celle d’opérer une convergence
entre impératifs économiques, énergétiques, stratégiques et
environnementaux : si les États-Unis renoncent à leurs engagements
climatiques et abandonnent toute ambition de transition énergétique, ils affaibliront
leur propre politique environnementale et endommageront activement les efforts
européens. La pression exercée par Washington contre le CBAM européen constitue
une menace existentielle pour toute la politique industrielle et climatique de
l’Union puisqu’en l’absence d’un tel mécanisme d’ajustement carbone aux
frontières, le marché européen des droits à polluer (ETS) deviendrait
insoutenable. Or pour une Europe qui a fait du prix du carbone le pivot central
de sa stratégie de transition, une telle remise en cause représenterait un
recul stratégique considérable. Il est urgent de renforcer le CBAM à la
fois en étendant le périmètre des biens concernés, notamment aux produits
finis, en simplifiant sa méthodologie et sa mise en œuvre, et en se dotant d’un
mécanisme de subvention aux exportations « décarbonées ». En effet,
le CBAM renchérit le prix des biens importé « carbonés », assurant
une égalité de traitement avec la production européenne, mais n’abaisse pas le
coût des biens « décarbonés » exportés : cette
vulnérabilité peut devenir encore plus douloureuse dans le monde qui se
dessine où les États-Unis sortiraient de l’accord de Paris et où toute
perspective de généralisation de ce type de dispositifs s’éloignerait. Un
renforcement du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières servira également
à dégager des ressources pour des investissements communs.
Pour une alliance de revers entre l’Europe et les émergents
L’unilatéralisme de Donald Trump, symbolisé par la mise en sommeil de l’aide
américaine (USAID), offre une opportunité dont les Européens peuvent se saisir
rapidement pour forger une nouvelle alliance avec les pays en développement. Il
était dans l’intérêt général de la planète de permettre à ceux-ci d’avoir les
moyens d’investir, notamment dans la transition énergétique, et c’était l’un
des enjeux essentiels du sommet de Paris en 2023. Il devient désormais dans
l’intérêt vital des Européens de se saisir de l’interrègne américain pour
défendre leurs intérêts stratégiques de sécurisation d’approvisionnement en
matériaux critiques, de sauvegarde des accords de Paris, de coopération en
matière de sécurité et de migrations… Pour 50 milliards de dollars par an — le
budget de l’USAID — l’Union aurait l’opportunité de prendre une position
déterminante dans les économies en développement et un nouveau rôle stratégique
majeur au côté des grandes économies émergentes.
À court terme, les Européens pourraient répondre aux mesures prises par Donald
Trump pour renforcer leurs propres dispositifs, en relançant l’idée de
« Routes de la soie » européennes. Sur le plan institutionnel, il
devient nécessaire d’engager l’Europe dans une réforme de la gouvernance des
institutions financières internationales, en accordant une place accrue aux
grandes économies émergentes et d’assumer tous les risques de tensions fortes
avec Washington que ceci provoquerait. Enfin, une restructuration de la dette
des pays en développement semble inévitable, un nouveau « plan
Baker » mais qui devrait cette fois inclure la Chine, dont le rôle est
devenu absolument central dans de très nombreux cas.
Les fragilités de l’Administration Trump doivent ainsi être systématiquement
exploitées. Dans un tout autre domaine, l’Europe pourrait contribuer à
organiser une « fuite à l’envers des cerveaux » présents aux
États-Unis, ciblant les chercheurs, les innovateurs, qu’ils soient d’ailleurs
de nationalité américaine ou européenne, en leur proposant des avantages
matériels, professionnels et une procédure accélérée pour une venue sur le
continent.
Vers un nouveau « Plaza »
Au cœur de l’obsession trumpiste figurent les déficits commerciaux chroniques
des États-Unis.
Il est vrai les excédents massifs accumulés en Asie et dans certains pays
européens, particulièrement l’Allemagne, ont déstabilisé l’économie mondiale
ces dernières décennies, en pesant sur la demande lors des phases de
ralentissement économique et en fragilisant des filières industrielles clefs
tout au long du cycle, y compris en phase « haute » avec l’empilement
de « surcapacités », comme on l’observe actuellement en Chine. Il est
d’ailleurs notable que depuis la crise financière mondiale qui avait fait de ce
sujet un élément clé des discussions au G20, il n’y ait eu aucun progrès
notable.
Mais il est faux de croire qu’on y répondrait par une augmentation généralisée
des tarifs douaniers. Les effets les plus probables d’une hausse des droits de
douane seraient une plus forte inflation aux États Unis, une appréciation du
dollar et un ralentissement mondial qui neutraliseraient rapidement les
bénéfices attendus de ces mesures protectionniste sur la demande, tout en ayant
un effet délétère sur l’offre, en déstabilisant profondément les chaînes de
valeur. À cela s’ajoute naturellement que l’effet d’incertitude liée à des
décisions erratiques en matière commerciale risque de gripper nombre
d’investissements.
Ces analyses semblent infuser y compris au sein des proches de Donald Trump. Le
duo composé de Peter Navarro et Robert Lighthizer, respectivement conseiller du
Président et United States Trade Representative sous Trump I, était très animé
par la volonté d’utiliser les tarifs douaniers pour rééquilibrer le déficit
courant américain. Un nouveau duo, composé de Stephen Miran, Président du
Council of Economic Advisors et Scott Bessent, Secrétaire du Trésor, a en
revanche produit des analyses convergeant autour de la sur-évaluation
structurelle du dollar comme cause centrale du déficit courant américain. Elles
ne sont pas exemptes de tension, puisqu’elles défendent à la fois le rôle du
dollar comme monnaie de réserve (ce qui a un effet haussier sur le change) et
la nécessité impérative de réduire les déficits courants (ce qui plaiderait
pour une dépréciation). À cette tension économique s’ajoute une tension
politique entre la multiplication des annonces de droits de douane (ce qui aura
un effet haussier sur le change) et la pression mise sur la Réserve fédérale
pour obtenir des taux d’intérêt bas, favorables aux marchés financiers (ce qui
aurait un effet baissier sur le change).
L’Europe, on l’a vu, doit soutenir bien davantage sa demande intérieure. La
Chine, quant à elle, doit rééquilibrer son économie en favorisant la
consommation plutôt que l’investissement excessif. Pour atteindre cet objectif,
une relance budgétaire d’ampleur est nécessaire, accompagnée d’un ajustement
important du taux de change : une appréciation significative du renminbi
(RMB) permettrait de rééquilibrer l’économie chinoise, mais risquerait d’avoir
un impact déflationniste sur la Chine et de ralentir la croissance mondiale si
elle n’était pas accompagnée de mesures de soutien intérieur suffisantes. Les
États-Unis ne peuvent pas se contenter de dénoncer les déséquilibres extérieurs
sans admettre leur propre responsabilité dans cette situation, car leur consommation
intérieure excessive et leur politique budgétaire expansionniste sont des
facteurs majeurs à l’origine des déséquilibres globaux. Pour y remédier,
Washington doit s’engager dans une consolidation budgétaire forte et crédible.
Toutefois, une telle réduction du déficit ne peut être mise en œuvre sans
risque récessif pour l’économie mondiale, sauf si l’Europe et la Chine prennent
le relais en stimulant leur propre demande. À l’heure actuelle, chaque grand
bloc économique adopte donc précisément la stratégie inverse de celle
nécessaire à un rééquilibrage global : l’Europe n’investit pas assez, les
États-Unis ne consolident pas assez et la Chine ne consomme pas assez.
Un rééquilibrage durable implique notamment un accord comparable à l’Accord du
Plaza (1985). Il devrait mener à une appréciation du yuan, à une dépréciation
du dollar, et à une relance de la demande intérieure européenne — via une
hausse de l’investissement public appuyée par de nouvelles ressources
propres —, en contrepartie d’une trêve dans la guerre commerciale.
L’Europe, si elle parvient à retrouver une position de force, devrait prendre
l’initiative de ce sommet multilatéral sur la coordination des changes et des
politiques macroéconomiques. Cette approche nécessite une vraie révolution pour
les Européens, puisque la politique de change y demeure un sujet tabou et que
l’Union s’est historiquement montrée réticente à prendre des engagements
multilatéraux en matière budgétaire, y compris lors de la crise financière de
2008, malgré d’importantes pressions américaines.
Conclusion : une alternative européenne à la guerre
commerciale
La tétanie des Européens devant l’offensive trumpiste reflète un désarroi
idéologique plus profond : celui d’une grande partie des élites
occidentales face à la désagrégation des illusions de Pax Americana, du
« doux commerce » et du modèle néo-libéral. La crise du Covid-19 et
la montée des tensions géopolitiques ont révélé les vulnérabilités générées par
une intégration des chaînes de valeur mondiales et remis au premier plan les
enjeux de souveraineté. La montée du vote pour les partis populistes a rappelé
à ceux qui étaient tentés de le refouler les fractures sociales et
territoriales creusées par la nouvelle économie mondialisée. Les déséquilibres
persistants et massifs des comptes courants apparaissent progressivement comme
insoutenables. La force de séduction du nationalisme économique de Donald Trump
vient de sa capacité à donner le sentiment, erroné, de répondre à ces failles
réelles.
Il est à ce titre révélateur que Joe Biden n’ait pas choisi de revenir à la
ligne économique de Barack Obama. Sa politique industrielle s’est traduite par
une utilisation massive des subventions directes et des crédits d’impôt,
promulgués par le biais de l’Inflation Reduction Act (IRA), du CHIPS Act, et du
Research and Development, Competition, and Innovation Act — tous tournés sur
des industries jugées particulièrement critiques ou stratégiques,
principalement les semi-conducteurs et les technologies vertes. Sa politique
commerciale s’est traduite notamment dans la doctrine dite du « small
yard, high fences », qui relevait d’un protectionnisme ciblé et au service
de la transition énergétique.
Les Européens ne peuvent non plus prêcher un retour au statu quo ante.
Ils doivent solidement défendre leurs intérêts, accélérer leur politique
d’innovation et de derisking et, sur la base de rapports de force et de deals
successifs, proposer une alternative aussi ambitieuse que celle de Donald Trump
pour « reprendre le contrôle » de la mondialisation, en s’attaquant à
la concurrence fiscale, aux déséquilibres macroéconomiques, au financement de
la transition énergétique par un nouvel élan de coopération avec les pays du
Sud. La reprise en main de ces flux financiers est, à long terme, la seule
manière de répondre à la vague nationaliste et d’éviter une guerre commerciale
destructrice et vaine.
Si cette perspective de long terme ne suffira sans doute pas à convaincre
nombre d’Européens d’opérer une révolution culturelle, ils pourraient se
contenter de considérer leurs intérêts de court terme. Il serait illusoire de
croire que l’on pourrait, dans la discussion transatlantique, séparer les
enjeux stratégiques, liés à l’architecture de sécurité en Europe, des questions
économiques, tout comme nous ne pourrons traiter de celles-ci en négociant de
manière distincte les volets fiscaux, commerciaux, macroéconomiques,
réglementaires, etc. Si l’organisation politique du continent, ainsi que ses
habitudes idéologiques, l’ont habitué à des approches en silos, il serait
mortifère de raisonner ainsi face à une Administration Trump qui ne cesse de
croiser les dossiers. C’est en définissant le plus rapidement une approche
complète que les Européens pourront enclencher un rapport de force plus
favorable, évitant de vendre leurs intérêts à la découpe dans les prochains
mois, dans un Munich sans cesse recommencé.
Marie Lebec (députée)
> Les Etats-Unis envisagent de suspendre l'aide militaire à l’Ukraine. La
Russie trouve que c'est « la meilleure contribution pour la paix ». Les
Etats-Unis parlent d'alléger les sanctions. La Russie exige leur levée. Qui
sort vainqueur de cette équation ? Certainement pas Kiev.
> Tout ce que fait l’Ukraine, c’est défendre son peuple et son territoire. Nous ne serons jamais les spectateurs de son anéantissement. La France et l’Europe doivent se montrer à la hauteur de l’Histoire.
> Depuis le début, nous sommes aux côtés de l’Ukraine pour une paix durable. Jamais nous n’avons failli. Madame Le Pen, qui voulait encore une alliance avec la Russie en 2022, donne des leçons ? Aujourd’hui, tout l’hémicycle s’est levé pour saluer le courage des ukrainiens, un seul groupe est resté assis : le RN.
Jean-Michel Jacques (député)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la
sécurité en Europe]
Moi qui ai combattu aux côtés de soldats américains en Afghanistan lors de
l’opération Liberté immuable, c’est le cœur lourd et serré que j’ai vécu
l’altercation entre les présidents Trump et Zelensky, qui a fait perdre aux
États-Unis leur légitimité à revendiquer le leadership du monde libre. Ce
jour-là, Trump a trahi l’âme du peuple américain. Ce coup de poker
irresponsable a mis mal à l’aise un grand nombre de diplomates, militaires et
vétérans américains ainsi que, bien sûr, tous les gouvernements des autres pays
membres de l’Otan.
De son côté, la France, fidèle à son histoire, continue à aider le peuple
ukrainien, qui défend courageusement et légitimement sa liberté. Force est de
constater que la France et l’Europe figurent à présent parmi les derniers
remparts du droit international. Cette nouvelle donne stratégique doit sonner
le réveil d’une Europe plus menacée que jamais.
Pourquoi ? D’une part, si l’Ukraine venait à tomber entre les mains de
Vladimir Poutine, rien ne nous garantit que d’autres États du continent ne
seraient pas, tôt ou tard, confrontés à ses velléités impérialistes. D’autre
part, les bouleversements géostratégiques en cours déstabilisent profondément
nos démocraties et mettent à mal notre sécurité et notre prospérité.
Plus que jamais, les Européens doivent avoir conscience que leur défense est
uniquement de leur responsabilité. L’Europe doit être puissante et doit se
libérer de sa dépendance aux États-Unis afin de rester maîtresse de son destin.
Il nous faut mieux développer l’Europe de la défense, dans laquelle la France a
un rôle moteur, et préparer la paix en nous réarmant davantage. Notre sécurité
a un prix, et chacun doit y prendre sa part.
Nous, Français, n’avons pas attendu pour agir. Dès 2017, sous l’impulsion du
président Emmanuel Macron, nous avons amplifié la hausse du budget de notre
défense – qui aura doublé en dix ans. Nos efforts, conduits par le
ministre des armées Sébastien Lecornu à travers la loi de programmation
militaire votée par notre assemblée en juillet 2023 – et dont j’étais le
rapporteur –, nous ont permis de transformer notre outil de défense pour
disposer aujourd’hui de la première armée d’Europe.
Cela dit, face à l’évolution des menaces et de la situation géostratégique, il
est impératif de procéder à un nouvel état des lieux. C’est d’ailleurs tout le
sens de la réactualisation de la revue nationale stratégique, à laquelle
contribue la commission de la défense nationale et des forces armées de notre
assemblée et qui est attendue pour mai prochain. Ce travail constituera une
base pour réajuster nos efforts dans différents domaines stratégiques et, sans
aucun doute, pour accélérer l’acquisition de certaines capacités de défense. Je
pense notamment à une augmentation du nombre de frégates, de Rafale et de drones,
sans oublier, entre autres, le renforcement de nos moyens dans les domaines de
la guerre électronique, du spatial et du cyber.
Nous sommes à un moment crucial de notre histoire. La classe politique
française doit prendre ses responsabilités de façon claire. L’ère qui s’ouvre
nous impose de dépasser les clivages et d’agir dans l’intérêt supérieur de la
nation.
Alors, n’ayez pas peur ! L’Europe compte 450 millions d’habitants et
la Russie seulement 143 millions. Le PIB de l’Europe s’élève à
17 000 milliards d’euros, alors que celui de la Russie atteint
uniquement 2 000 milliards. Soyez conscients de notre force. Soyez
fiers de notre armée et de ses valeureux soldats. Alors, en avant, et que vive
l’Ukraine ! Vive l’Europe, vive la République, vive la France !
● MoDem
Marc Fesneau (député, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la sécurité en
Europe]
Ma collègue Geneviève Darrieussecq fera écho à mon propos. Permettez-moi de
débuter ma courte intervention en rendant hommage à notre collègue Frédéric
Petit, qui, depuis des années et singulièrement depuis février 2022, n’a pas
ménagé ses efforts pour nous alerter et agir.
Dans les heures que nous vivons, dire les choses telles qu’elles sont est sans
doute le premier des impératifs. Il faut donc dire, sans relâche, qu’il y a
trois ans, l’Ukraine a été envahie par la Fédération de Russie dans une guerre
d’agression et d’annexion comme nous n’en avions pas vu sur le sol européen
depuis la fin de la seconde guerre mondiale, et que cette guerre ne venait pas
de nulle part, puisqu’elle avait été précédée en 2014 par l’annexion illégale
de la Crimée et la guerre – déjà – dans le Donbass.
Certains avaient cru que 2014 marquait seulement un soubresaut de la
dislocation de l’empire soviétique. De fait, il s’agissait du début d’une
offensive géopolitique qui sonnait comme un test de la résistance de nos
démocraties et du droit international face à l’émergence d’un nouvel
impérialisme. Or nous n’étions pas nombreux à le dénoncer. En effet, il y a
plus de dix années, s’élevaient déjà des voix, nombreuses, pour nier ou dénier,
attitudes qui, au fond, protégeaient les visées de Poutine.
Il y a bel et bien un agresseur et un agressé. Il paraît bien curieux que l’on
en vienne à le nier, y compris aux États-Unis, dans le Bureau ovale, afin de
justifier toutes les compromissions, comme nous l’avons vu vendredi dernier. Je
salue d’ailleurs l’attitude du président Ukrainien, qui a certainement sauvé
notre honneur de démocrates et, peut-être, ouvert le chemin d’un
ressaisissement collectif.
Depuis trois années, le soutien des Européens à leurs frères ukrainiens n’a pas
faibli. S’ajoutant à celui d’autres pays, il a permis à l’Ukraine, forte du
courage de son peuple et de ses dirigeants, de résister et de ne pas se rendre.
Au fond, les Ukrainiens se battent pour nous.
Mais depuis quelques semaines, alors qu’il nous faut sans cesse rechercher la
paix, la situation a pris un tour bien plus dramatique. En effet, les
États-Unis, alliés auxquels nous lie une relation transatlantique séculaire,
ont adopté une orientation diplomatique qu’on ne saurait encore qualifier, mais
dont on peut d’ores et déjà affirmer qu’elle est en rupture absolue avec la
tradition et plus encore avec les valeurs que nous pensions avoir en
commun : la primauté du droit sur la force, du dialogue sur le rapport de
force et le respect des accords internationaux. Ainsi, le 24 février
dernier, à l’Assemblée générale des Nations unies, les États-Unis ont voté aux
côtés de la Biélorussie, de la Russie et de la Hongrie pour s’opposer à une
résolution qualifiant Moscou d’agresseur dans le conflit en Ukraine.
Ces épisodes cumulés nous imposent, en France comme dans toutes les capitales
européennes, de nous prendre enfin en main pour construire notre indépendance
collective, et donc individuelle. Nous ne pouvons pas l’avoir réclamée pendant
des années et ne pas nous en donner les moyens aujourd’hui ! C’est de
l’existence même de l’Europe qu’il est question désormais. À la sidération et à
l’impuissance doivent à présent succéder l’action et la lucidité ;
celle-ci doit nous conduire à renforcer notre coopération de défense, à
consacrer des moyens autonomes à notre protection collective, à refonder les
rapports internationaux et nos alliances stratégiques, enfin à engager un
réarmement aussi bien intellectuel qu’économique et militaire.
Dès 2017, le président Emmanuel Macron indiquait, en Sorbonne, que l’Europe ne
pouvait se « confier aveuglément » à « l’autre côté de
l’Atlantique », et que nous devions créer une « capacité d’action
autonome de l’Europe » en matière de défense, mais aussi dans les domaines
économique et industriel. Il nous faut retrouver la capacité d’instaurer un
nouveau rapport de force. Si nous ne pesons plus, quel sera demain le chemin
d’une Europe déconsidérée, humiliée et divisée ?
J’entends d’ici ceux qui nous taxeront d’être va-t-en-guerre ou inconscients.
En écho à ceux qui, en 1939, demandaient par la voix de Marcel Déat :
pourquoi « mourir pour Dantzig ? », ils demanderont :
pourquoi prendre tant de risques pour Kiev ?
Je les entends d’ici nous inviter à chercher la paix à tout prix, c’est-à-dire
à n’importe quel prix : celui de déséquilibres et de guerres encore plus
certaines. Je les vois d’ici ériger la paix non plus en objectif que nous
partagerions, mais en moyen de justifier toutes les lâchetés et tous les
renoncements.
Parce que nous abhorrons la guerre, nous n’acceptons pas une paix du plus fort,
une paix à tous les prix. Nous n’accepterons la paix que si elle est le produit
d’hommes et de femmes libres et courageux, non le fruit des lâchetés, des
faiblesses et de petits intérêts. Ce serait une fausse paix, l’histoire nous
l’enseigne.
Nous voulons la paix, nous aussi. Et parce que nous voulons la paix, nous ne
pouvons donner la victoire à l’agresseur et à ceux qui ont voulu cette guerre.
En ces jours où résonnent comme de puissants échos à l’esprit munichois, je ne
peux qu’espérer que nous n’aurons jamais à ajouter une nouvelle strophe au très
beau poème du pasteur Martin Niemöller qui décrivait les renoncements
successifs ayant conduit à la guerre et la somme des lâchetés ayant abouti à la
victoire du totalitarisme en Allemagne. Pour ceux qui s’en souviennent, le
texte commence ainsi : « Lorsqu’ils sont venus chercher…» J’espère
que nous n’aurons jamais à dire : « Lorsqu’ils sont venus chercher
les Ukrainiens, je n’ai rien dit, je n’étais pas Ukrainien » – et que
nous ne finirons pas seuls.
En 1938, après les accords de Munich, un aîné de notre famille politique
écrivait dans le journal L’Aube : « Lorsqu’il s’agit de dire
non, le meilleur moment, c’est le premier. » En ces temps, nous avons
parfois le sentiment que certains ont dit non trop tard. C’est pourquoi je
reprends, comme en écho : c’est désormais le meilleur moment pour affirmer
notre liberté, nos valeurs et notre puissance face aux impérialismes qui
galopent et qui menacent.
Erwan Balanant (député)
> [Opinion : Garantir
l’effectivité des droits voisins»] La succession des décisions de l’Autorité
française de la concurrence depuis 2021 témoigne de conditions de négociations
déséquilibrées entre les éditeurs et agences de presse d’une part et les
grandes plateformes numériques d’autre part. Ce déséquilibre, en faveur des
grandes entreprises, conduit à une perte de plusieurs millions d’euros par an
pour les éditeurs et agences de presse. La poursuite en justice des plateformes
par les acteurs de la presse devient un recours quasiment systématique afin de
négocier les droits voisins.
Une étude réalisée conjointement par l’ARCOM (autorité de régulation de la
communication audiovisuelle et numérique) et le ministère de la Culture début
2024 souligne en effet la part grandissante de recettes des médias que
capteront les entreprises du numérique, et ce alors même que leurs revenus
continueront de progresser d’ici 2030. A contrario, les médias qui investissent
dans les contenus d’information et de création (…) continueront de voir
leurs ressources diminuer.
Une nécessité : renforcer la procédure de négociation des droits voisins
Dans ce contexte, il est d’autant plus nécessaire de protéger et de défendre le
pluralisme et la liberté de la presse. Ce texte a dès lors pour objectif de renforcer
la procédure de négociation des droits voisins en rééquilibrant le rapport des
éditeurs et agences de presse aux plateformes numérique.
Ainsi, ce texte introduit tout d’abord une obligation de traitement non
discriminatoire de l’affichage des contenus des éditeurs de presse pendant la
durée des négociations.
Il propose ensuite d’établir par décret une liste des éléments dont la
transmission, par les plateformes aux acteurs de la presse, doit être
obligatoire. Il impose à ce titre un délai de transmission de ces informations
de six mois afin de lutter contre la rétention d’information lors des
négociations.
En cas d’absence d’accord dans un délai d’un an, une procédure de médiation par
l’Autorité française de la concurrence serait créée.
Enfin, il vise à renforcer le caractère dissuasif des amendes.
Bruno Fuchs (député)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la sécurité en
Europe]
Pour commencer, je veux partager avec vous les mots de Jean Monnet :
« L’Europe se fera dans les crises et elle sera la somme des solutions
apportées à ces crises. » Aujourd’hui, au cœur d’une crise mondiale, d’une
crise de modèle, d’une crise de gouvernance et d’une crise existentielle, le
temps n’est plus au doute, l’hésitation n’a plus sa place.
Depuis plus de trois ans, l’agression injustifiable de la Russie contre
l’Ukraine bouleverse l’ordre international et menace notre sécurité collective.
La France, fidèle à ses valeurs et à ses engagements internationaux, a adopté
dès le début une position claire : soutenir sans ambiguïté la
souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine – un
soutien multiforme, constant et sans faille.
Je veux ici exprimer toute mon admiration et ma reconnaissance au peuple
ukrainien et à son armée pour leur courage et leur patriotisme. Ils doivent
être un exemple pour toutes celles et tous ceux qui, dans le monde, sont épris
de justice et de liberté. Je salue au passage l’ambassadeur d’Ukraine qui, dans
la tribune, assiste à notre débat depuis le début.
Peut-être avons-nous péché par naïveté. Nous pensions – de bonne foi, pour
la plupart – que l’ordre mondial issu de la seconde guerre mondiale, fondé
sur le multilatéralisme, la démocratie et le respect du droit international,
allait progressivement et naturellement s’imposer à tous.
Aujourd’hui, nous faisons face à la pire menace depuis la fin de la seconde
guerre mondiale. Cette menace est amplifiée par la volte-face de notre allié
historique, qui sonne pour nous comme une trahison – non seulement de nos
engagements, mais aussi de l’idéal américain. Je rappelle qu’il y a quelque
soixante ans, sur le sol français, 300 000 jeunes Américains ont sacrifié
leur vie à cet idéal de paix et de liberté, partagé des deux côtés de
l’Atlantique il y a quelques jours encore.
Face à cette nouvelle donne, comme l’a dit le président de la République, il
nous faut agir et non subir. Défendre l’Ukraine, c’est défendre non seulement
les Ukrainiennes et les Ukrainiens, mais aussi nos valeurs et enfin nos
intérêts directs.
Le 19 février dernier, sans attendre le délai réglementaire prévu, la
commission des affaires étrangères de l’Assemblée a adopté une proposition de
résolution européenne déposée par notre collègue Laurent Mazaury, appelant à
renforcer sans réserve notre soutien à l’Ukraine.
La majorité d’entre nous est convaincue que la paix ne pourra advenir
durablement que si l’Ukraine se retrouve, au moment de la négociation, en
position de force avec de réelles garanties de sécurité. Fort de son
leadership, le président de la République a pris une initiative forte en
réunissant la plupart des dirigeants européens pour échanger sur la situation
et proposer de nouvelles orientations.
Comme l’a rappelé le premier ministre, l’Europe est forte et puissante
– bien plus qu’elle ne le croit. Seule l’expression de cette puissance,
dans toutes ses dimensions, permettra d’assurer la protection et la sécurité de
nos concitoyens. Avec 450 millions d’habitants, et même 520 millions
si l’on ajoute ceux du Royaume-Uni, face aux 340 millions d’Américains et
aux 140 millions de Russes, l’Europe est, sans le moindre doute ni la
moindre ambiguïté – j’y insiste –, la seule capable de défendre les
intérêts de la France et des Français.
Dès lors, pour garantir une protection et une paix juste et durable, il nous
faut assurément dire oui à une défense européenne et à un emprunt européen
commun, dire oui – par responsabilité et parce que nous voulons avant tout
la paix – à l’augmentation de nos dépenses militaires et dire oui, bien
sûr, à la discussion sur une possible dissuasion nucléaire élargie.
L’histoire frappe à notre porte. Elle ne demande pas si nous sommes prêts ni ne
nous laisse le choix. Elle exige une réponse forte, puissante et coordonnée dès
aujourd’hui.
Pour conclure, je veux dire que notre soutien inconditionnel à l’Ukraine est
aussi un message adressé au reste du monde : celui d’une Europe unie face
à l’agression et résolue à défendre ses principes et à faire respecter le droit
international. Pour l’Europe, pour nos valeurs, pour notre avenir et pour nos
enfants, nous continuerons d’accompagner l’Ukraine jusqu’à ce qu’une paix juste
et durable soit possible.
Frédéric Petit (député)
> En Pologne, devant le ministre de la Défense polonais ,
Kosiniak-Kamysz, j’ai rappelé que la nouvelle administration Trump était au
service d’une oligarchie qui menace chaque jour l’architecture de sécurité
européenne. Elle ne garantie plus notre sécurité ! À l’Europe d’agir !
● Parti radical
> Le Parti radical appelle à une diplomatie et à une armée européennes
dans les meilleurs délais
L’incident diplomatique grave de vendredi dernier entre MM. Trump et Zelenski
confirme que les États-Unis ont profondément modifié leur vision du
monde. Cette « diplomatie transactionnelle » des Républicains
traduit une logique marchande des relations internationales et un désengagement
des Etats-Unis sur la scène internationale, qui trahit, selon les dirigeants du
Parti Radical, les valeurs qui ont fondé la Nation américaine.
Nous gardons confiance dans la force de ce peuple américain qui s’est rangé par
deux fois à nos côtés alors que nous étions agressés et nous ne doutons pas que
la démocratie finira par triompher.
Toutefois, « l’Europe doit prendre acte de cette situation nouvelle et,
forte de nos valeurs communes, se donner les moyens pour constituer dans les
meilleurs délais une diplomatie et une armée européenne capables de protéger
tous les territoires de l’Union » précise la ministre Nathalie Delattre, présidente
du Parti radical. L’Union européenne, menée par la France, doit accompagner de
tout son poids économique l’Ukraine dans un processus de paix inéluctable
désormais mais qui doit respecter les intérêts du peuple ukrainien.
Geneviève Darrieussecq (députée)
> [Débat à l’Assemblée sur la situation en Ukraine et la sécurité en
Europe]
Voilà trois longues années désormais que la Russie a agressé et envahi
– il faut le répéter et le marteler – son voisin, un pays souverain,
l’Ukraine, violant ainsi le droit international. Nous nous souvenons des
premiers jours, à l’image d’anciens films, lorsque les colonnes russes
paraissaient avancer inexorablement vers Kiev sans que rien ne semble en mesure
de les arrêter ; puis Marioupol, Kharkiv, Donetsk, Odessa, furent ciblées
les unes après les autres.
Vladimir Poutine pensait que ce qu’il nommait une « opération
spéciale » ne durerait que quelques jours ou quelques semaines, mais la
réalité fut tout autre. Elle le fut d’abord grâce à l’extraordinaire vaillance,
résistance et résilience du peuple ukrainien – que je tiens à saluer. Il a
encaissé les coups, avant de les rendre et de regagner du terrain, jusqu’à
obtenir des victoires inespérées qui ont ébranlé l’armée russe.
Elle le fut également grâce au courage du président Zelensky qui, dans sa
détermination, a su mobiliser son peuple pour la défense des valeurs affirmées
par le pays depuis sa révolution orange de 2004 jusqu’à celle de Maïdan en 2013
– à savoir la recherche de l’indépendance et de la liberté, la libre
détermination, la démocratie et le souhait d’épouser les valeurs européennes.
Elle le fut enfin par la mobilisation et le soutien que l’Europe tout entière,
les États-Unis, le Canada et le Japon lui apportèrent, au nom de ces mêmes
valeurs.
Par cette invasion, la Russie faisait basculer le monde dans l’inconnu, où le
mépris de l’ordre international prime et où la force redevient le moyen
privilégié pour parvenir à ses fins, c’est-à-dire l’inverse de ce que les
nations avaient patiemment bâti depuis la fin de la seconde guerre mondiale.
Notre monde change vite, très vite ! L’élection du président Trump et ses
prises de position comme celles du vice-président Vance, simplistes, radicales,
voire brutales envers l’Ukraine et son président mais aussi envers l’Europe, au
mépris de l’histoire des États-Unis et de leurs principes, au mépris de tous les
partenariats qui nous lient – ou nous liaient – changent la donne et
ouvrent un jeu néfaste et dangereux pour l’équilibre du monde.
Devons-nous avoir peur ? Non, au contraire ! Nous devons être plus
que jamais déterminés à soutenir l’Ukraine et à rechercher les éléments d’une
paix durable et juste dans ce conflit. Nous devons le faire en Européens, car
c’est bien à cette échelle que tout se joue, quoi qu’en disent certains, et
c’est bien la sécurité de l’Europe, menacée par les velléités hégémoniques du
président russe et, désormais, par les attaques verbales américaines, qui est
en jeu. L’Europe, dont les 450 millions d’habitants constituent la plus
grande richesse, doit être unie pour assurer la sécurité et devenir un verrou
de stabilité pour le monde.
Plus que jamais, nous devons être déterminés à lutter contre toutes les
ingérences venues de l’Est ou de l’Ouest, qui veulent nous déstabiliser, nous
affaiblir et, finalement, nous piller économiquement, moralement et
humainement.
Le groupe Les Démocrates s’est toujours engagé en faveur d’une Europe forte et
souveraine ; il soutient la volonté inébranlable du président de la
République et du gouvernement de poursuivre dans cette direction.
Certains pays européens ont accepté de déléguer leur sécurité à une puissance
tutélaire, mais cet allié historique se défie aujourd’hui de notre continent.
Nous devons dès à présent en tirer toutes les conséquences.
Plus que tout autre pays, la France a anticipé cet état de fait en conservant
une industrie de défense robuste et en développant une dissuasion nucléaire qui
lui permet d’assurer sa sécurité de manière quasi-autonome. Depuis toujours, et
en particulier sous la présidence d’Emmanuel Macron, elle a exhorté ses alliés
et amis européens à suivre le même chemin. Il faudra bien que chacun réponde un
jour à cette question cruciale : voulons-nous dépendre des autres ou
assumer notre liberté, fût-ce au prix d’importants efforts ?
L’objectif d’une Europe de la défense disposant d’une autonomie stratégique
européenne a souvent été raillé, mais il est aujourd’hui vital. Pour
l’atteindre efficacement et rapidement, concentrons-nous sur une stratégie
fondée sur une règle de base : respecter l’autonomie de chaque pays en la
mettant au service du collectif européen. Analysons en temps réel les capacités
dont nous avons besoin pour répondre aux deux enjeux majeurs que sont le
soutien actuel à l’Ukraine et la protection permanente de l’Europe. Définissons
une stratégie industrielle pour constituer une base de défense autonome à
l’échelle européenne. Décidons du niveau que doivent atteindre nos budgets de
défense, à ce stade largement insuffisants ; il faut consentir des
efforts, à l’échelle de chaque pays et à l’échelle européenne. Le Fonds
européen de la défense, qui finance la recherche et le développement
industriel, est doté de 7,9 milliards d’euros pour la période de 2021 à
2027 ; ce montant devrait être largement supérieur !
Depuis 2017, la France a pris la mesure des enjeux en augmentant
considérablement le budget dédié à la défense grâce à deux lois de
programmation militaires, qui ont été respectées et le sont toujours. Si cette
trajectoire est actée, nous avons tous conscience qu’elle doit être amplifiée.
Le groupe Les Démocrates y est prêt. De même, nous sommes prêts à mener la
nécessaire réflexion sur nos accords globaux et bilatéraux de sécurité et de
défense. Nos partenariats doivent être renforcés pour que nous fassions émerger
une véritable préférence européenne en matière de défense et d’achat de
matériel. Nous devons investir plus massivement dans le champ de la guerre
hybride, atteindre l’indépendance de nos réseaux satellitaires, clé de l’accès
à l’espace, car c’est la base du renseignement, dont le rôle est essentiel.
Le sommet tenu hier à Lancaster House témoigne que les choses bougent chez nos
alliés européens. Nous sommes heureux de la position du Royaume-Uni, qui
confirme les forts liens historiques qu’entretiennent nos deux pays en matière
de défense. Nous accueillons également avec intérêt la position du premier
ministre polonais Donald Tusk, qui assure la présidence du Conseil
européen : dans son discours, il a insisté sur la priorité que constitue
le renforcement de la sécurité européenne. Nous saluons enfin l’évolution de la
position allemande, si nécessaire à notre unité commune.
Ne nous y trompons pas, cette guerre et les « opérations spéciales »
engagées par la Russie en Géorgie, en Moldavie et, demain peut-être, dans les
pays d’Europe de l’Est, n’ont qu’un objectif : poursuivre inlassablement
le dessein impérialiste nourri par le président Poutine depuis son arrivée au
pouvoir.
Oui, nous avons conscience que les Ukrainiens se battent aussi pour notre
sécurité. Je tiens à saluer à mon tour notre collègue Frédéric Petit, qui a
passé la semaine dernière en Ukraine auprès des Ukrainiens pour leur renouveler
notre soutien. Il est présent aujourd’hui et demain en Pologne au congrès
européen des collectivités territoriales, auquel participent des collectivités
ukrainiennes.
Bien sûr, ce conflit doit s’arrêter. Un cessez-le-feu pourra-t-il bientôt être
signé ? Les États-Unis et la Russie disent le vouloir, mais assez
brutalement… Soyons donc forts ensemble, soutenons un processus de paix qui
soit respectueux à la fois de ce pays souverain agressé et de l’Europe, à qui
il reviendra d’assurer la paix. Cela nécessite que nous nous prenions en charge
de façon vigoureuse, mais aussi que nous éclairions l’Ukraine sur nos
intentions immédiates en matière de soutien économique et sécuritaire, mais
aussi, à plus long terme, quant à son rattachement à notre espace politique.
Je le dis aussi clairement que possible : si nous n’offrons pas une telle
perspective à l’Ukraine, nous aurons manqué à notre devoir : faire de
l’Europe une aire de puissance démocratique dans le monde ; en faire une
puissance géopolitique qui entend gérer directement elle-même les affaires qui
la concernent ; en faire une puissance tout court, à même de protéger ses
habitants et ses valeurs. Les destins de l’Ukraine et de l’Europe sont liés.
Il faut accepter de voir ce que nous voyons : la fin d’un monde où le
droit primait et où le règlement pacifique et diplomatique des différends était
la norme. Le rapport de force redevient l’arme des despotes et des dictateurs
en tous genres et nous devons prendre avec force et détermination les mesures
qui s’imposent pour sauvegarder ce à quoi nous tenons. Que vaudrait un idéal
auquel nous renoncerions ? Être fidèles à nos principes et à notre
histoire, c’est être du côté de l’Ukraine et du peuple ukrainien.
► Autres
● Organisations centristes
♦ Renew Europe
(Députés français du groupe centriste au Parlement européen)
Valérie Hayer (députée, présidente)
> Le sens de l'action européenne aujourd'hui est de permettre à
l'Ukraine de négocier un accord de paix durable, en ses propres termes.
> La sécurité des Ukrainiens est la sécurité des Européens. La Russie mène une guerre hybride contre nos démocraties à coup de désinformation et d'ingérence, comme lors de l'élection présidentielle roumaine.
> Il est temps de prendre acte de la nouvelle réalité : les États-Unis de Trump ne sont plus nos alliés. Nous devons assurer seuls notre sécurité. Il ne s’agit pas de rompre nos liens diplomatiques avec les États-Unis, mais d’être lucides.
> L’UE compte plus de 1,3 million de militaires. Un marché unique de 450 millions de consommateurs. Une force de frappe en matière d’investissement hors du commun. Elle doit se projeter comme une puissance unie.
Bernard Guetta (député)
> [Opinion L’erreur de Donald Trump]
Et si l’on renversait la question ? Si nous cessions un instant de nous
demander « que peut faire l’Europe ? » et nous demandions plutôt
ce que peut faire Trump après avoir agressé Volodymyr Zelenski dans le
bureau ovale.
Pour obliger les Ukrainiens à accepter l’annexion de quelque 20% de leur
territoire sans même que les Etats-Unis ne leur offrent de garantie de
sécurité, le président américain peut évidemment leur couper toute aide
militaire et financière.
Non seulement il menace de le faire mais il l’avait déjà fait lorsqu’il
avait enjoint, l’année dernière, la majorité républicaine de la Chambre
d’empêcher que l’Ukraine ne reçoive un seul dollar et une seule arme des
Etats-Unis. Cela avait duré six mois mais les Ukrainiens avaient tenu bon et
les trumpistes avaient dû finir par lever leur blocus.
Soumise à une même pression, l’Ukraine pourrait à nouveau faire face
puisqu’elle produit de plus en plus d’armes et que les Européens lui en
livreraient en nombre. Là encore, parce qu’elle durerait, la partie ne serait
pas gagnée d’avance pour Donald Trump qui pourrait donc choisir d’immédiatement
priver les Ukrainiens d’accès au renseignement américain.
C’est son arme absolue. Aide européenne ou pas, héroïsme ou non, les
Ukrainiens ne pourraient pratiquement plus parer les frappes russes contre
leurs lignes de front, leurs villes et leurs infrastructures. Ils ne pourraient
plus longtemps résister mais, au vu du monde, c’est alors le président
américain qui aurait assuré au président russe la victoire qu’il était
incapable de s’adjuger depuis l’entrée de ses troupes en Ukraine.
En Europe comme en Asie, les alliés des Etats-Unis perdraient le peu de
confiance qu’ils leur gardent. La Chine pourrait se dire qu’elle a carte
blanche pour envahir Taiwan et imposer ses diktats à ses voisins. Plus rien
n’empêcherait la Russie d’annexer l’Ukraine toute entière avant de s’attaquer à
la Moldavie et aux Pays baltes. L’Inde, le Brésil, la Turquie et bien d’autres
pays se rapprocheraient de l’Europe comme le Canada le fait déjà et ce fiasco
diplomatique auquel l’Amérique n’aurait strictement rien à gagner affaiblirait
considérablement Trump et ses amis sur leur scène intérieure.
Vendredi, Donald Trump s’est placé dans une impasse et considérablement
isolé car Moscou mise à part, aucune capitale n’a approuvé son attitude.
L’erreur qu’il a commise là est immense. Son intérêt n’est certainement pas de
persister à jouer les supplétifs du Kremlin et il faut tout faire pour lui en
faire voir les dangers et retrouver un terrain d’entente entre Américains,
Européens et Ukrainiens.
C’est la première des deux tâches de l’Union européenne, du Royaume-Uni, du
Canada, de la Norvège, voire même de la Turquie. Comme ils s’y sont résolus
dimanche à Londres, les Européens doivent accroître leur aide à l’Ukraine, en
assurer la durée, faire des propositions de démarche diplomatique commune à
Donald Trump et obtenir ainsi qu’il accepte d’accorder une protection aérienne
des Etats-Unis aux troupes que les Européens déploieraient en Ukraine après la
signature d’un accord de paix.
Ce n’est pas injouable, certainement pas facile mais possible, et l’Union
européenne doit parallèlement accélérer sa marche vers la constitution d’une
Défense commune en coordonnant ses productions d’armes et étendant le parapluie
nucléaire français à ceux des 27 qui le demanderaient, comme l’Allemagne vient
de le faire.
C’est sa seconde tâche et elle ne se fera pas en jour. Il faudra plusieurs
années pour que la force de frappe française protège l’Union comme le nucléaire
américain protégeait l’ensemble de l’Alliance atlantique. Il faudra aussi plus
qu’un claquement de doigts pour constituer des entreprise paneuropéennes
d’armement mais Donald Trump, Vladimir Poutine et leurs impérialismes ont
maintenant enraciné une volonté politique européenne de se doter d’une Défense
commune et de trouver les moyens de la financer.
Le train est parti. Une nouvelle Union européenne s’affirme sous nos yeux
et ses 450 millions de citoyens, sa richesse et ses alliés pèseront bientôt
assez sur la nouvelle mappemonde pour qu’on ne se demande plus :
« Que peut l’Europe ? ».
> Zelensky a la carte des minerais mais surtout depuis hier la carte d'un soutien massif des pays européens, de l'ensemble des pays qui comptent dans l'alliance Atlantique à part les États-Unis.
> Trump a une arme fatale entre les mains, il pourrait priver les Ukrainiens du renseignement américain. S'il le faisait, ce serait terrible pour les États-Unis.
> La Hongrie est devenue le cheval de Troie du Kremlin dans l'Union européenne.
> Les Français soutiennent très fortement l'Ukraine. Il y a un attachement à la justice, une sensibilité.
Pascal Canfin (député)
> L’Europe commence à réagir très sérieusement à la nouvelle donne
trumpiste. 800 milliards pour la défense de notre continent, de notre
démocratie, de nos libertés.
Christophe Grudler (député)
> Le général de Gaulle. 1962. Une vision. « Il nous faut notre
propre force de dissuasion nationale. Si nous ne pouvions compter que sur la
force de frappe américaine, nous n'aurions plus de vraie garantie. (…) La force
de dissuasion n'est pas faite seulement pour dissuader un agresseur. Elle fait
aussi bien pour dissuader un protecteur abusif. C'est pour ça qu'elle doit être
tous azimuts. D’ailleurs, on ne sait jamais d'où peut provenir la menace, ni
d'où peut venir la pression ou le chantage. (...) Un jour ou l'autre, il peut
se produire des événements fabuleux, des retournements incroyables. Il s'en est
produit tellement dans l’histoire ! L'Amérique peut exploser du fait du
terrorisme, du racisme, que sais-je, et devenir une menace pour la paix. (…)
Personne ne peut dire d'avance où se situera le danger. Et comme il faut vingt
ans pour se mettre en mesure d'y parer, alors nous prenons tout de suite nos
dispositions. (…) Voilà pourquoi, tout en demeurant les alliés des Américains,
nous voulons cesser de nous en remettre à eux. »