Baptisé «La promesse française», il se donne trois priorités:
- l’Éducation nationale (la principale),
- L’avenir des Outre-mer,
- La restauration essentielle de l’autorité de l’État, et la défense de l’État
de droit.
Ses trois objectifs principaux sont: se ressaisir, se réconcilier, se refonder.
Pour cela, il a proposé nombre de mesures :
- Priorité à la réduction de la dette pour éviter qu’elle devienne un obstacle
insurmontable pour les générations futures.
- Rationalisation des dépenses publiques
- Limitation du déficit public à 5,4 % du PIB en 2025 et 3 % d’ici 2029
- Création d’un fonds spécial dédié à la réforme de l’État financé par des
actifs, en partie, immobiliers.
- Audit financier des 1000 agences étatiques
- Réflexion sur la réforme des retraites avec mise en place d’une conférence
sociale de 3 mois, en « conclave », pour définir un nouvel équilibre
de cette réforme, appel à une mission flash de la Cour des comptes pour
clarifier la situation financière et un engagement
à explorer toutes les pistes de réforme, sans totems ni tabous, tout en
maintenant l’objectif de l’équilibre financier
- Préserver la biodiversité
- Favoriser les mobilités les plus adaptées, de l’hydrogène au Plan vélo
- Finalisation de la stratégie bas carbone et développement
des énergies décarbonées, notamment via le nucléaire et la géothermie
- Organisation d’une grande conférence nationale sur la gestion de l’eau
- Réactivation du comité interministériel de contrôle de l’immigration
- Rétablissement d’une trajectoire dynamique de l’aide au développement en 2026
- Définition d’un plan d’urgence pour le secteur pénitentiaire
- Priorité à l’Éducation nationale avec un focus sur les fondamentaux pour
renouer avec l’excellence sur la lecture comme les mathématiques
- Mettre en lumière et diffuser les meilleures pratiques des enseignants, pour
enrichir leur formation initiale et continue
- Engager une consultation sur le temps scolaire
- Poursuivre la réforme de l’enseignement professionnel
- Développement de la recherche en intelligence artificielle
- Renforcement de la lecture face au numérique par la mise en place d’une
« pause numérique »
- Création d’une Banque de la démocratie pour garantir un financement public et
transparent des partis politiques
- Reconnaissance des partis politiques et syndicats comme mouvements d’utilité
publique
- Ouverture d’une discussion sur le cumul des mandats et sur la réforme du mode
de scrutin législatif par la mise en place de la proportionnelle.
- Augmentation de l’ONDAM pour soutenir l’hôpital et améliorer les conditions
de travail des soignants
- Reconnaissance de la santé mentale comme grande cause nationale de 2025
- Construction de 15 000 logements étudiants par an pour lutter contre la
précarité étudiante
- Création d’un Haut-commissariat à l’enfance
- Remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025, dans le même temps de
l’organisation d’un comité interministériel du handicap
- Priorisation de l’égalité homme-femme par la lutte accrue contre les
violences sexuelles et sexistes, la réduction des inégalités économiques et la
défense des femmes opprimées dans le monde
- Ouverture d’un dialogue avec le Parlement et les départements sur le bien
vieillir et le maintien à domicile de nos aînés
- Abandon du déremboursement de certains médicaments et consultations
- Mise en œuvre du plan "Mayotte debout" pour répondre à l’urgence et
refonder le territoire
- Organisation de négociations pour la Nouvelle-Calédonie afin d’établir un
cadre politique et social pérenne
Nouveau Comité interministériel pour les outre-mer pour coordonner les projets
de développement
- Développement de filières industrielles stratégiques pour combler les
déficits de la balance commerciale
- Poursuite de la stratégie nationale pour l’IA et investissement accru dans la
recherche en mobilisant mieux les entreprises
- Mobilisation des entreprises pour construire des écosystèmes collaboratifs
entre grands groupes et PME
- Réduction des inégalités territoriales par un soutien accru aux collectivités
locales
- Efforts financiers demandés aux collectivités locales réduits de 5 milliards
à 2,2 milliards en 2025
- Mise en œuvre de 100 grands projets débloqués pour dynamiser les territoires
grâce à la méthode utilisée pour la reconstruction de Notre-Dame
- Révision de la politique de logement pour offrir des solutions accessibles à
tous : réduction des délais, allègement des demandes d’autorisation,
favorisation de l’investissement locatif, densification, etc.
- Relancer l’investissement locatif
- Favoriser l’accession à la propriété,
- Soutenir les maires bâtisseurs par un système d’encouragement à
l’investissement, y compris privé
- Révision et simplification des normes pour garantir une concurrence équitable
face aux importations et alléger leur charge.
- Poursuite de l’examen de la loi d’orientation agricole
- Revalorisation des salaires par le déploiement renforcé de l’épargne
salariale, d’intéressement et de participation et ouverture d’une grande
consultation sur ce sujet
- Soutien à la politique du patrimoine et à la création
- Nouvelle offre dans les maisons Sport Santé dans le cadre des parcours de
soins pour les malades chroniques, avec 100 000 bilans d’activités physiques
pour ces personnes
- Organisation rapide d’un comité interministériel du handicap et le
remboursement intégral des fauteuils roulants en 202
- Ouverture d’un dialogue avec le Parlement et les départements sur le bien
vieillir et le maintien à domicile
- Création d’un Haut-commissariat à l’enfance
- Construction de 15 000 logements étudiants par an pendant 3 ans, en
mobilisant le foncier disponible de l’Etat, avec une attention portée à la
carte universitaire sur le territoire.
► Discours
de François Bayrou
Mesdames et messieurs les députés, en vérité, contrairement à ce que
beaucoup pensent, la situation de ce Gouvernement présente un avantage
considérable. Sur ces bancs, même parmi ceux qui sont violemment hostiles à ce
que nous pensons ou à ce qu'ils croient que nous pensons, pas un ne trouve
notre position enviable. Et 84 % des Français jugent, paraît-il, que le
Gouvernement ne passera pas l'année. Et il m'arrive même de me demander où les
16 % restants trouvent la source de leur optimisme.
Au risque de vous surprendre, je crois que cette situation est un atout. Parce
que quand tout va bien, on s'endort sur ses lauriers et quand tout paraît aller
mal, on est contraint au courage. Il y a un deuxième atout décisif, c'est le
besoin, l'exigence, l'injonction que le pays nous assigne, retrouver la
stabilité. Tout le pays, tous les Français en ont besoin. Ils comprennent bien
que nous ne sommes pas d'accord sur tout, mais ils nous enjoignent, je le
crois, de joindre nos forces pour forcer les issues. Un grand pays, un pays
digne de ce nom, est un pays capable de regarder en face ses chances et nous
croyons qu'elles sont grandes et ses difficultés qui ne le sont pas moins. Les
sujets d'inquiétude sont innombrables, mais il en est un toutefois qui émerge
avec une force criante, c'est le surendettement de notre pays. Et nos
compatriotes, surtout les plus fragiles… nos compatriotes, surtout les plus
fragiles savent ce qu'est le surendettement. Quelles incertitudes et
difficultés cette situation suscite-t-elle ? Depuis la guerre, Mesdames et
Messieurs les députés, la France, dans son histoire, n'a jamais été aussi
endettée qu'elle l'est aujourd'hui. Et j'affirme qu'aucune politique de
ressaisissement et de refondation ne pourra être conduite si elle ne tient pas
compte de cette situation de surendettement et si elle ne se fixe pas comme
objectif de la contenir et de la réduire. Pourquoi cette situation nous
oblige-t-elle tous collectivement ? C'est parce que tous les courants dits de
Gouvernement y ont pris leur part. Quand François Mitterrand a été élu en 1981,
la France est l'un des pays les moins endettés du monde, avec à peine plus de
20 % de dettes sur notre production nationale. À la fin du second mandat en
1995, c'est 52 %, plus de 30 points d'endettement en 14 ans. À la fin des
années 90, la France, pour tous les critères de santé économique, est nettement
au-dessus de l'Allemagne. Notre commerce extérieur est largement excédentaire
et notre endettement inférieur à celui de nos voisins. Puis en 2000,
gouvernement de Lionel Jospin, brutalement les courbes se cassent et commence
une descente que rien paraît ne pouvoir arrêter. Entre 2007 et 2012,
gouvernements de Nicolas Sarkozy, accélération de l'endettement, 25 points de
produits intérieurs. Entre 2012 et 2017 : 10 points d'augmentation de
l'endettement. Et depuis 2017, Emmanuel Macron : 12 points. Je n'en fais pas un
motif d'accusation et je connais les raisons. François Mitterrand en 1981,
c'était l'alternance : il fallait que les Français, comme on disait à l'époque,
y trouvent leur compte. Nicolas Sarkozy, c'est la crise des subprimes. Emmanuel
Macron, coup sur coup, une cascade de crises, jamais vues et jamais imaginées,
dont je fais la liste : à partir de 2018, les Gilets jaunes, puis le covid et
un pays à l'arrêt, puis la guerre en Ukraine, l'inflation et l'explosion du
prix de l'énergie. J'affirme donc que tous les partis de Gouvernement, sans
exception, ont une responsabilité dans la situation créée ces dernières
décennies. Et j'affirme que tous les partis d'opposition, demandant à cette
tribune sans cesse des dépenses supplémentaires, ont dansé aussi le tango fatal
qui nous a conduits au bord de ce précipice.
Cette dette est une épée de Damoclès au-dessus de notre pays et de notre modèle
social et ceci est d'autant plus grave que nous avons basculé dans un monde
nouveau et dangereux. Nous sommes passés du monde de la force de la loi au
monde de la loi de la force. Le 24 février 2022, au vu et au-dessus de la
planète, et avec l'indulgence d'un certain nombre des courants d'opinion, une
des principales puissances du monde, puissance géographique et militaire, la
Russie de Vladimir Poutine, a jeté son dévolu sur un pays souverain, l'Ukraine,
pour l'annexer. Un pays de la taille de la France, ce qui est un fait sans
précédent sur le sol européen depuis 75 ans. Cette agression a été un signal,
celui du règne de la force brutale. C'était rampant, c'est aujourd'hui affiché.
Et immédiatement et significativement, l'Iran, la Corée du Nord, sont entrés
dans le soutien à l'agression de Vladimir Poutine. Ce sont les autres maillons
de cette chaîne de puissance décidés à ne plus se laisser arrêter par des
règles que nous respections et dont ils contestent désormais la
légitimité-même. Et naturellement, les dirigeants chinois ne sont pas en reste.
En faisant l'éloge d'un monde multipolaire ; à juste titre, la Chine tisse en
réalité le réseau de sa domination économique, technologique, diplomatique et
militaire. L'excédent commercial chinois vient de franchir ce mois-ci le cap,
écoutez bien, des 1 000 milliards de dollars d'excédent. C'est une stratégie
programmée depuis 10 ans et dont le but, la conséquence et la visée est
purement et simplement de remplacer notre industrie. Dans la défense de ces
règles bafouées, nous avions un grand allié, c'était les États-Unis. Or,
ceux-ci ont choisi par d'autres voies, heureusement pas la violence, la même
politique de puissance et de domination. L'offensive monétaire, la captation de
la recherche mondiale, la poursuite de l'application extraterritoriale de leurs
droits, la domination technologique par des entreprises de taille planétaire et
le pouvoir que tout cela donne d'intervenir dans la vie démocratique d'autres
États. Ce nouvel ordre mondial, ou plutôt ce nouveau désordre mondial qui
menace tous les équilibres et toutes les règles de la décence, il y a un
certain nombre de figures qui l'incarnent sans complexe, comme celle de
Monsieur Elon Musk. Mais le président réélu des États-Unis lui-même, fait
inédit, articule des menaces d'annexion de territoires souverains, le
Groenland, le canal de Panama et même le Canada. Il est temps de regarder ces
choses en face, ces grandes puissances, c'est à nous de leur signifier qui nous
sommes et si nous ne sommes pas capables d'exprimer notre détermination, elles
l'oublieront et le négligeront. Dans ce nouveau monde de la force brutale, la
France a ses atouts, sa diplomatie, la force et la présence de son armée et
l'engagement de ses militaires auxquels je veux rendre ici hommage.
Ils nous protègent collectivement dans un monde brutal et c'est à ce moment
l'occasion d'évoquer le sort de nos otages retenus par le Hamas, ainsi que
celui de tous nos otages dont nous exigeons la libération. Mais pour que la
France fasse vivre son trésor de civilisation et continue de le partager au
monde, l'Europe doit devenir une communauté stratégique, une puissance
politique et de défense à la dimension de la puissance économique qu'elle
devrait être, une seule condition qui est que nous acceptions de nous définir
et de nous affirmer ensemble. La construction d'une communauté politique pour
faire vivre cette communauté de civilisation, c'est la question qui domine
notre vie publique depuis 1945. À cette construction ont contribué chacun à
leur manière. Le général De Gaulle, Jean Monnet, Robert Schuman, Valérie Giscard
d’Estaing, François Mitterrand, Jacques Delors et Emmanuel Macron. Tous ont
partagé cette conviction. L'indépendance de la France dépend de celle de
l'Europe. Et réciproquement, la prospérité de la France dépend de celle de
l'Europe, capable, si elle le veut, de devenir le premier marché de la planète,
de parler technologie, industrie, agriculture, à égalité avec les États-Unis et
la Chine. Et c'est la raison pour laquelle nous soutenons de toutes nos forces
le rapport que Mario Draghi a présenté récemment et qui signifie ou qui
entraîne l'idée que nous devons nous battre tous ensemble pour un
investissement à la hauteur de nos besoins. Mais l'Europe est travaillée, elle
aussi, par des ferments inutiles de division. Si nous ne reconstruisons pas
notre unité, comme le président de la République le fait jour après jour, à la
fois à la place de la France en Europe et de la vision française de ce que doit
être l'Europe, alors nous entrerions dans la soumission. Je salue le fait que
toutes les sensibilités rassemblées au sein de l'équipe gouvernementale sont
unies par cette conviction commune. C'est dans cet esprit que j'ai constitué
notre équipe gouvernementale. Elle reflète l'union des grandes sensibilités du
pays avec de l'expérience et de l'enracinement, avec de fortes personnalités.
Et cette équipe porte un message, comme aux heures où le sort même de notre
nation est en question, l'intérêt général oblige à dépasser les préférences
partisanes pour que le pays se ressaisisse. Je doterai chaque ministre d'une
feuille de route, et chaque feuille de route sera communiquée et partagée avec
les commissions compétentes du Parlement et du Conseil économique, social et
environnemental. Car je pense que la société civile organisée doit avoir pleinement
sa voix à ce chapitre. La confiance dans les partenaires sociaux, je
l'illustrerai dans une minute, elle est entière, elle est importante, elle est
centrale. Je crois qu'ils ont entre les mains une part décisive de notre avenir
national. Cette équipe de ministres reflète des choix révélateurs. L'éducation
nationale est à sa place, c'est-à-dire à la première place. Elle est confiée à
une personnalité, Elisabeth Borne, ancienne Première ministre, exemple de
méritocratie républicaine et de service de l'État, assistée de l'ancien
président du Centre national d'études spatiales et spécialiste des universités.
Les Outre-mer viennent ensuite. Cet engagement sur les Outre-mer n'a jamais été
porté aussi haut dans notre histoire. J'ai considéré que ce sujet et nos
compatriotes, à ce moment précis de notre histoire commune, avec tous les
risques et tous les dangers, devait être promu au rang de toute première
préoccupation de la nation. Et je remercie Manuel Valls, ancien Premier
ministre, d'avoir accepté d'en prendre la lourde et passionnante
responsabilité. Les questions de sécurité sont brûlantes pour nos concitoyens.
J'ai souhaité une coopération étroite entre les ministères de la Justice et de
l'Intérieur pour leur confier la restauration de l'autorité de l'État, qui est
indissociablement celle de l'État de droit. Deux ministres d'État, chacun avec
son tempérament, mais dont on sait la résolution commune. Deux ministres d'État
mèneront à bien cette action. La réponse au narcotrafic ou à la délinquance des
mineurs, sur laquelle Gabriel Attal et son groupe ont proposé un texte, la
présence des forces de sécurité sur le terrain, à travers de nouvelles brigades
de gendarmerie, par exemple, devront confirmer à nos concitoyens que l'État de
droit n'est pas l'État de faiblesse. Et nous devrons précisément être sans
faiblesse pour agir contre le terrorisme et tous les séparatismes. De même, il
faudra repenser, chacun d'entre nous le sait, notre projet pénitentiaire à
travers un plan d'urgence se fondant sur une nouvelle approche, mieux adaptée
aux différents types de détention. Et pour tous les pans de l'action du
Gouvernement, chaque membre du Gouvernement aura à agir dans chacun de ces
pôles, économiques, sociales, territoriales, écologiques, culturelles,
agricoles, pour les armées, l'Europe et les affaires étrangères, la
transformation publique et les sports, avec le sens de la responsabilité que le
moment que nous traversons exige.
Nous avons à faire face à trois échéances. La première, c'est l'urgence. Il
faut nous ressaisir pour adopter sans tarder les deux budgets de l'État et de
la Sécurité sociale. Cette précarité budgétaire, nous la payons tous au prix
fort, entreprises, investisseurs, familles, contribuables, emprunteurs.
Deuxième défi : mettre en place les conditions de la stabilité, qui impose de
se réconcilier, ce dont le pays a tant besoin et que ses citoyens ne cessent de
réclamer. Et troisième défi de plus long terme : notre pays doit refonder son
action publique, ce qui exige que nous nous attaquions sans tarder à tous les
problèmes devant nous et non à certains, à l'exclusion des autres. D'abord, se
ressaisir. Je sais bien que ça n'est pas l'habitude, mais je voudrais vous
conseiller qu'il est inutile de crier, parce que les micros sont coupés et
qu'on ne vous entend pas. Et donc, notre situation de blocage n'est pas
seulement financière, elle est aujourd'hui politique ! Le budget de la Sécurité
sociale a été censuré, le budget de la Nation entièrement repoussé en première
lecture à l'Assemblée, interrompu au Sénat, tous les secteurs d'intervention
publique entravés : éducation, sécurité, santé, solidarité, agriculture,
commerce extérieur. Des milliers de recrutements, par exemple, dans la justice
sont suspendus. Les mesures de soutien à la Nouvelle-Calédonie empêchées, la
loi de programmation militaire entravée et le fonds vert des collectivités
bloquées. Les investisseurs s'inquiètent et l'épée de Damoclès de la motion de
censure paraît avoir installé la précarité au sommet de l'État. Au cœur de ce
blocage, il y a notre incapacité à vivre le pluralisme, à être en désaccord
sans constamment nous menacer du pire. Les réquisitoires et les invectives
minent la confiance des citoyens. Il est temps de changer de logiciel
démocratique et donc de méthode : se confronter, mais aussi se respecter et
trouver des voies de passage sans abdiquer ce que l'on est, et le lieu de la
diversité où se résout ces différences en capacité d'action. Le lieu de ce
pluralisme, c'est le Parlement. C'est ici, précisément dans ces bancs, que les
différences s'exprimant, arrivent à se dégager une volonté et une stratégie et
des plans d'action pour le pays.
La première urgence, c'est de répondre à la question des retraites qui occupe
le débat public depuis longtemps. On voit combien cette question continue de
tarauder notre pays. Le déséquilibre du financement du système de retraite et
la dette massive qu'il a creusée ne peuvent être ignorés ou éludés. Je résume
les chiffres que nous avions établis au commissariat au plan en 2021 et qui
sont probablement aggravés depuis. Notre système de retraite verse chaque année
quelque 380 milliards d'euros de pension. Le système par répartition que nous
affichons voudrait, dans son principe, que chaque année, les actifs assument le
versement de ces pensions. Or, les employeurs et les salariés privés et
publics, sur ces 380 milliards, versent à peu près 325 milliards par an. Cette
somme s'obtient en additionnant les cotisations salariales et patronales du
privé et du public, estimées au même taux, et les impôts versés par les
contribuables et affectés aux retraites. 380 milliards moins 325 milliards :
restent 55 milliards, versés par le budget des collectivités publiques et au
premier chef, le budget de l'État, à hauteur de quelque 40 ou 45 milliards. Or,
ces 40 ou 45 milliards annuels, nous n'en avons pas le premier centime. Chaque
année, cette somme, notre pays l'emprunte. C'est-à-dire qu'il a choisi de
mettre à la charge des générations qui viennent ou qui viendront le service des
retraites que nous versons à chacun de nos concitoyens. Sur les plus de 1 000
milliards de dettes supplémentaires accumulées par notre pays ces 10 dernières
années, les retraites représentent 50 % de ce total. Jamais nous n'avons fait
l'effort de partager avec les Français cette évidence que la dette contractée
par notre pays concerne leurs propres enfants, nos propres enfants, que la
charge que nous leur laissons sera trop lourde pour être supportée.
Entendez-moi bien. Je ne dis pas que la dette en soi soit toujours immorale. Si
nous construisons des infrastructures ou si nous finançons la recherche, il est
légitime que nous partagions la charge avec ceux qui utiliseront ces
équipements ou profiteront de ces connaissances. S'endetter pour construire une
université ou un hôpital dont l'usage par les générations qui viennent durera
50 ou 80 ans, c'est légitime. Mais la dette est injuste et elle est
insupportable si elle met à la charge de nos enfants nos dépenses courantes de
notre vie d'aujourd'hui. Loin d'être seulement un problème financier ou social,
cette dette est d'abord un problème moral. Quand on est héritier dans une
famille, on peut toujours refuser l'héritage qui comporte trop de dettes. Mais
quand on est citoyen d'un État, on ne le peut pas. Ce problème social et moral,
le Gouvernement n'entend pas le laisser sans réponse. La réforme des retraites
est vitale pour notre pays et pour notre modèle social. Bien des gouvernements
successifs s'y sont engagés, depuis Michel Rocard jusqu'aux efforts courageux
du Gouvernement d'Élisabeth Borne. Je note dans ce débat passionnel un progrès
considérable. Plus personne ne nie qu'il existe un lourd problème de
financement de notre système de retraite. Et en même temps, nombre des
participants à ces discussions, notamment les organisations du dialogue social,
les organisations syndicales, ont affirmé qu'il existait des voies de progrès
et qu'on pouvait obtenir le même résultat par une réforme plus juste. Je
choisis donc de remettre ce sujet en chantier avec les partenaires sociaux pour
un temps bref et dans des conditions transparentes, selon une méthode inédite
et quelque peu radicale. La démarche s'appuiera sur un constat et des chiffres
indiscutables. Je vais demander à la Cour des comptes, en une mission flash de
quelques semaines, de nous donner l'état actuel et précis du financement du
système de retraite. Et ce résultat, le Gouvernement le communiquera à tous les
Français. La loi de 2023 a prévu que l'âge légal de départ passerait à 63 ans
fin 2026. Une fenêtre de tir s'ouvre donc, je souhaite fixer une échéance à
plus court terme, celle de notre automne, où sera discutée la prochaine loi de
financement de la Sécurité sociale. Nous pouvons, j'en ai la conviction,
rechercher une voie de réforme nouvelle, sans aucun totem et sans aucun tabou,
pas même l'âge de la retraite, à condition qu'elle réponde à l'exigence fixée.
La seule exigence fixée est que nous ne pouvons pas laisser dégrader
l'équilibre financier que nous cherchons et sur lequel presque tout le monde
s'accorde. Ce serait une faute impardonnable contre notre pays. Plusieurs des
partenaires sociaux ont indiqué qu'ils avaient identifié des pistes pour que la
réforme soit socialement plus juste et cependant équilibrée. Ces pistes
méritent toutes d'être explorées. Toutes les questions doivent pouvoir être
posées. Chacun des partenaires sociaux aura le droit de faire inscrire à
l'ordre du jour de ces discussions et négociations les questions qui le
préoccupe, rien n'est fermé. Une délégation permanente sera donc créée. Je la
réunirai dès vendredi. Je proposerai aux représentants de chaque organisation
de travailler autour de la même table, de s'installer dans les mêmes bureaux,
ensemble, pendant 3 mois, à dater du rapport de la Cour des comptes. Si au
cours de ce conclave, c'est ce qu'on dit quand on ferme les portes, si au cours
de ce conclave cette délégation trouve un accord d'équilibre et de meilleure
justice, nous l'adopterons. Le Parlement en sera saisi au prochain projet de
loi de financement, ou avant, et si nécessaire par une loi. Je souhaite que cet
accord soit trouvé, mais si les partenaires ne s'accordaient pas, c'est la
réforme actuelle qui continuerait à s'appliquer.
Après les retraites, le budget. L'adoption d'un budget est indispensable pour
les Français, pour l'action de la France, pour son image et pour son crédit.
Cette orientation vers un retour à l'équilibre qui sera nécessairement
pluriannuelle et respectueuse de nos engagements européens, passera
nécessairement par des efforts de l'État lui-même. Nous ne changerons pas
l'objectif de retour au 3 % de déficit en 2029. Cette contrainte se présente
dès à présent. Les prévisions de croissance, à la suite en particulier de la
crise née du vote de la motion de censure. Ces prévisions de croissance ont
toutes été revues à la baisse. Nous ne voulons pas ignorer ces avertissements.
Le Gouvernement a donc décidé de revoir sa prévision de croissance pour 2025.
Elle était de 1,1 % avant la censure, nous la fixons à 0,9 %, conformément aux
prévisions de la Banque de France. Et il sera proposé de fixer le déficit
public pour 2025 à 5,4 % du produit intérieur brut. Des économies importantes
seront proposées. Et pour la suite, c'est un puissant mouvement de réforme de
l'action publique qu'il faut conduire. Il faudra trouver des méthodes
d'organisation de l'État qui ne requerront pas d'augmentation de nos dépenses
publiques. Il nous faut repenser tous nos budgets, à partir non pas du
prolongement de ce qui se faisait l'année précédente, augmenté d'un pourcentage
d'inflation, mais de ce qu'exige le service ou l'action à conduire. Ces budgets
redéfinis, repensés, je demanderai à tous les ministres de les préparer dès le
printemps. C'est un effort dont personne ne devra s'exclure, chacun à sa
manière, dans l'exercice de ses missions. Cet exercice devra interroger notre
organisation. Est-il nécessaire que plus de 1 000 agences, organes ou
opérateurs exercent l'action publique ?
Nous connaissons le rôle précieux de plusieurs d'entre elles, comme France
Travail, mais ces 1 000 agences ou organes, sans contrôle démocratique réel,
constituent un labyrinthe dont un pays rigoureux et sérieux peut difficilement
se satisfaire.
Les parlementaires seront pleinement associés à cet effort d'organisation de
rationalisation. C'est la fonction du Parlement qui s'exprimera à son degré le
plus éminent, contrôlé et évalué. Cet effort devra être prolongé et inventif.
Cet effort devra être soutenu dans le temps parce que, souvent, la réforme
prend du temps et, au début, coûte cher. J'annonce la création d'un fonds
spécial entièrement dédié à la réforme de l'État, financé en réalisant une
partie de ses actifs, en particulier, immobiliers qui appartiennent à la
puissance publique, de façon à pouvoir investir, par exemple, dans le
déploiement de l'intelligence artificielle dans nos services publics. Ces
sommes ne pourront pas être utilisées pour des dépenses courantes, pour abonder
tel ou tel budget, elles resteront donc uniquement consacrées à ces efforts de
réorganisation. Cette manière de rendre actif un patrimoine aujourd'hui inactif
nous permettra peut-être un jour d'initier le scénario de réduction de notre
endettement.
Deuxième grand objectif : se réconcilier. Nous avons, j'en ai la certitude,
devant nous une grande œuvre de réconciliation, réconcilier les Français entre
eux, réconcilier les Français avec leur État et leurs élus, et réconcilier les
Français avec les entreprises. L'unité du pays, nous ne la ferons pas à coup
d'incantation. Elle passe par l'association effective de tous de manière
continue aux affaires qui les concernent. Cette association porte un nom qu'on
utilise souvent sans lui donner sa vraie portée, c'est la démocratie. Pas
seulement la démocratie électorale, avec ses surenchères et ses éléments de
langage. Un philosophe qui a un jour siégé sur ces bancs, qui s'appelait Marc Sangnier,
après la guerre, a défini la démocratie comme l'organisation sociale, qui porte
à son plus haut la conscience et la responsabilité du citoyen. Et il n'y a pas
de citoyen conscient et responsable si l'on ne partage pas avec eux les vérités
les plus fondées et même les plus brutales. La politique du Gouvernement, c'est
la vérité partagée. Le Gouvernement considérera les Français comme des
partenaires des décisions à prendre, non comme les sujets d'une monarchie qui
n'aurait d'autre choix que d'obéir ou de se révolter. Nous ne laisserons aucun
problème hors de notre champ, et pour chacun d'entre eux, nous partagerons les
diagnostics avec les Français afin d'établir la délibération sur des bases
indiscutables. La démocratie, c'est aussi la question de la Vᵉ République,
c'est-à-dire, selon moi, concilier la capacité d'action de l'État avec le
pluralisme. Cette capacité d'action de l'État passe par une coopération entre
les pouvoirs. Le Parlement a de ce point de vue des prérogatives qui doivent
être pleinement respectées, et le seront. Je pense en particulier à son pouvoir
d'initiative qu'il ne manquera pas d'exercer sur des sujets importants dans
notre société comme la fin de vie. Notre société n'est plus enfermée dans
l'impasse de la bipolarisation et c'est heureux. On sait à présent que sur un
sujet donné, il n'y a pas que deux options définies à l'avance. Il y a
plusieurs sensibilités en contraste et qui ne s'excluent pas. Le but de la
démocratie, à mes yeux, n'est pas qu'une idée triomphe sur les autres, c'est
que ces différentes sensibilités puissent vivre ensemble. Pratiquement, la
question est celle de la reconnaissance du pluralisme. Il y a dans la vie
politique française aujourd'hui une pluralité de courants, peut-être 5 ou 6
principaux. Je respecte la réflexion de ceux qui estiment que ce doit être
source d'affrontements. Je connais bien Jean-Luc Mélenchon depuis longtemps, je
sais qu'il est un homme cultivé et un esprit stratège. Mais je n'approuve pas
la stratégie qu'il a définie très précisément et très explicitement, qui est de
tout conflictualiser, entre guillemets, de faire de tout sujet un conflit.
Parce que je me dis qu'à voir nos divisions, ceux qui veulent soumettre notre
pays doivent se frotter les mains. Je me dis que depuis longtemps, depuis des
siècles, l'idée de tolérance et de laïcité, qu'à une source, Henri IV a
définie, et qu'à l'autre source, les grands républicains du 19e ont défini,
cette idée qu'on n'a pas besoin, parce qu'on croit quelque chose, de vouloir
obliger les autres à abandonner leurs idées. Cette idée que nous avons acceptée
depuis longtemps en matière religieuse et philosophique. Cette idée peut aussi
s'imposer dans la vie politique du pays. Ce que l'on appelle laïcité - dont la
racine grecque signifie « faire un seul peuple » - ce qu'on appelle laïcité a
droit de cité aussi bien dans la vie politique qu'elle l'a dans la vie
religieuse et philosophique.
Faire un seul peuple, c'est reconnaître que le pluralisme est légitime, mais ce
pluralisme doit être organisé. Je suis un défenseur des partis politiques et
des syndicats et je souhaite que les partis politiques, comme les syndicats,
puissent être reconnus un jour comme des mouvements d'utilité publique. Je
souhaite qu'ils puissent se financer sans avoir besoin de passer par des
stratégies de contournement. C'est pourquoi je souhaite la création d'une
banque de la démocratie pour que le financement des partis politiques et des
campagnes ne dépendent plus de choix de banques privées, mais puissent
éventuellement, et en recours, être le fait d'organismes publics placés sous le
contrôle du Parlement. Je suis partisan, quand je vois l'état de la démocratie
américaine, que nous échappions à cette contrainte de voir la vie politique
tenue par l'argent. Je pense que l'argent a sa place, notamment dans le monde
des affaires, mais l'argent ne doit pas diriger les consciences et l'argent ne
doit pas prendre le pas sur la libre volonté des citoyens. C'est pourquoi la
Banque de la démocratie traitera du problème des financements de ces
organisations, de vos organisations. Mais je pense aussi qu'il faut que chacun
puisse trouver sa place au sein de la représentation nationale, à proportion
des votes qu'il a reçus. C'est la seule règle qui permettra à chacun d'être
lui-même authentiquement, sans être prisonnier d'alliances insincères. Je
propose que nous avancions sur la réforme du mode de scrutin législatif. Chacun
exprimera alors sa position, mais il y a une option à prendre sur ce principe
et une discussion à avoir sur ses modalités. On voit bien quels sont les
principaux choix. Mon opinion est que le mode de scrutin doit être enraciné
dans les territoires, et il faut que ne se créent pas plusieurs catégories de
citoyens avec des droits différents. Cette adoption du principe proportionnel
pour la représentation du peuple dans nos assemblées s'accompagnera
probablement, comme l'a dit le président du Sénat, nous obligera à reposer en
même temps la question de l'exercice simultané d'une responsabilité locale et
nationale. Enfin, la démocratie suppose un accès à une information fiable. Les
conclusions des États généraux de l'information lancées par le président de la
République devront être traduites. De même, la réforme de l'audiovisuel public,
bien commun des Français, devra être conduite à son terme.
Je voudrais ensuite parler de l'État. Je suis le premier à mesurer la qualité
de notre fonction publique. Et nous le voyons, à chaque catastrophe, la
présence de l'État force le respect. Ce que nous avons vu, plusieurs d'entre
nous, Madame la Présidente à Mayotte, force le respect. Mais notre bureaucratie
est trop lourde. Elle est incroyablement nuisible au développement du pays. Une
étude récente a été publiée récemment qui montre, à partir des études de
l'Institut Bruegel, que le poids des normes qui vient pénaliser la croissance
des pays est de 0,8 % en Italie, de 0,3 % en Espagne, de 0,17 % en Allemagne.
Et chez nous, en France, cette étude dit que le poids de ces normes et de cette
bureaucratisation est de près de 4 %, 10 fois plus que chez nos voisins. Je
considère que cette contrainte, dont chacun connaît la lourdeur, est un frein
insupportable à l'activité de notre pays et de toutes ses disciplines. Le
Gouvernement s'engagera donc dans un puissant mouvement de débureaucratisation.
Le projet de loi de simplification de la vie économique, qui a commencé à être
examiné, devra être adopté rapidement. Mais il faut agir plus en profondeur et
dans le temps. Selon quelle méthode ? Je n'en connais qu'une : rendre du
pouvoir au terrain. Grâce à France Expérimentation, les acteurs de terrain
devront redéfinir eux-mêmes, en partenariat avec l'État, les simplifications,
suppressions et allègements d'obligations utiles. C'est vrai pour les
entreprises, c'est vrai pour les collectivités locales et c'est vrai pour l'agriculture,
par exemple. Je veux indiquer que les collectivités locales doivent avoir dans
ce projet une place centrale. Les collectivités locales, ce sont elles qui
portent une grande part de l'investissement de notre pays, beaucoup plus que
l'État. 70 % de l'investissement de notre pays est porté par les collectivités
locales. Quand l'activité fléchit, c'est cet effort des collectivités qui
soutient le bâtiment, les travaux publics, l'équipement de nos villes. Ce sont
elles qui soutiennent l'importation d'entreprises, sont aux côtés des
associations ou maintiennent le tissu social dans ces dernières mailles. Cet
effort d'investissement, il est précieux pour le pays. Mon gouvernement
confortera les avancées sur des sujets très attendus comme l'eau,
l’assainissement, le statut et la protection des élus. Les initiatives
parlementaires prises en ce sens devront aboutir. Sur le plan financier,
l'effort demandé aux collectivités sera ramené, comme les débats parlementaires
l'ont proposé, de 5 milliards initialement à 2,2 milliards en 2025. Et j'ai
tout à fait confiance dans la capacité des élus à mener cet effort. Avoir
confiance dans la responsabilité des collectivités, c'est aussi pour certaines
tenir compte de leurs spécificités. C'est le cas qui me tient à cœur pour la
Corse et c'est le cas que nous allons explorer et travailler pour les
collectivités d'outre-mer. Un calendrier a été fixé, conformément aux
orientations du président de la République, pour la Corse, pour aboutir à une
évolution constitutionnelle fin 2025, ce calendrier sera respecté. Soutenir
l'esprit d'entreprise, c'est le projet ou c'est le chantier suivant. Il existe,
chez nous, un réflexe déjà ancien et nuisible. Il s'agit, dans les débats, de
cibler les entreprises, et plus spécialement les entreprises françaises, et en
particulier, celles qui réussissent le mieux à l'exportation. Les entreprises
que l'on dit multinationales sont en réalité celles qui, par leur savoir-faire,
leur recherche, leur esprit de conquête, ont réussi à être sélectionnées pour
la compétition mondiale. Elles font honneur à la France et contribuent à sa
richesse. Ma conviction est que ces entreprises, nous devons leur faciliter la
tâche dans toutes les conditions fixées par la démocratie sociale. Elles
doivent être prémunies contre des augmentations exponentielles d'impôts et de
charges, sans quoi nous nous retrouverions dans la même situation que décrit la
fable de la Fontaine, de la poule aux œufs d'or qui offrait à son propriétaire
tous les matins la ponte d’un œuf d'or alors, il s'est dit qu'il devait y avoir
un trésor dans la poule. Il a saisi la poule, il lui a fait un sort et puis il
l'a ouverte et à l'intérieur, il n'y avait bien, et La Fontaine conclut qu'il
s'était lui-même ôté le plus beau de son bien. L'entreprise produit les
richesses et l'emploi pour tout le pays grâce à ses dirigeants, ses chercheurs,
ses cadres et ses salariés. Mais si elle se voit surchargée de prélèvements et
de normes, alors elle cesse de produire. Le trésor est dans l'activité, la
créativité et la souplesse. Cette œuvre de réconciliation, à laquelle nous
sommes appelés, ne sera possible que si nous offrons une perspective à notre
pays. Nos efforts doivent être tendus vers un but qui suppose la lucidité et le
courage que je décrivais, c'est celle d'une nouvelle promesse française. C'est
là une œuvre de refondation républicaine que je vous propose d'examiner à
l'instant. Cette promesse française, c'est celle qui offre à chacun les
conditions de sa dignité en tant que citoyen et en tant que personne. Pour
cela, la France ne s'en remet pas à la seule loi du marché. Elle a toujours
porté en elle l'idéal de fraternité et de solidarité. La solidarité envers chacun,
quel que soit son milieu de naissance, son accent, sa couleur de peau, sa
condition d'origine. C'est pour tous la possibilité de s'affirmer, d'avoir une
deuxième chance si on échoue, une troisième chance si on a encore rencontré des
difficultés. C'est l'intuition fondatrice que le président de la République a
défendue en 2017. Et je veux réaffirmer ici que cette intuition est nécessaire.
La promesse française, c'est aussi l'attention portée à l'égalité entre les
femmes et les hommes. C'est un combat de civilisation que nous devons porter
ici et ailleurs, partout où les femmes subissent l'intolérable. Je pense en
particulier au sort des femmes afghanes et iraniennes, enfermées vivantes,
interdites d'aller à l'école, interdites d'aller à l'université, interdites
même de chanter et de sortir à l'extérieur de leur maison. Cette égalité, chez
nous, suppose une lutte sans merci contre les violences sexuelles ou sexistes,
mais aussi une lutte pour l'égalité salariale et professionnelle. Je voudrais
m'arrêter un instant à un mouvement que nous avons tous connu et qu'à mon sens,
nous avons négligé, c'est le mouvement des Gilets jaunes. Sur les ronds-points,
il y a 6 ans, ils ont dénoncé l'état qu'ils ressentaient de notre société. Et
cet état, c'était la division du pays entre ceux qui comptent et ceux qui ne
comptent pas, ceux qui passent à la télévision et ceux qui sont devant l'écran,
ceux qui sont des milieux de pouvoir, des arrondissements, par exemple,
centraux de Paris et les autres, qui ont la certitude d'être oubliés et d'être
négligés. Je suis assuré, je suis certain, que la promesse française suppose
que nous puissions abattre le mur qui existe entre les uns et les autres. Et
c'est la raison pour laquelle nous devrons reprendre l'étude des cahiers de
doléances qui ont été présentés par les Gilets jaunes de manière que
s’expriment dans notre société les attentes, souvent les plus inexprimées, qui
sont celles des milieux sociaux exclus du pouvoir. Chercher une forme
d'harmonie, c'est accepter aussi d'évoquer les craintes et les réalités que
suscite dans notre pays l'immigration. Et cela ne date pas d'hier. La misère,
les conflits, les bouleversements climatiques se conjuguant, l'immigration est
devenue une question brûlante sur toute la planète. Elle l'est pour ceux qui
supportent les vagues migratoires et ceux qui craignent d'être menacés par de
prochaines vagues. Et les réseaux sociaux attisent cette crainte tous les
jours. La conviction profonde, c'est que cette immigration, qui se développe
aujourd'hui sous toutes les latitudes de la planète, est d'abord une question
de proportion. L'installation d'une famille étrangère dans un village pyrénéen
ou cévenol, c'est un mouvement de générosité qui est suscité et qui se déploie
; des enfants fêtés et entourés à l'école, des parents qui reçoivent tous les
signes de l'entraide. Mais que 30 familles s'installent et le village se sent
menacé et des vagues de rejet se déploient. La situation est exactement celle
que nous connaissons à Mayotte. À Mayotte, la présence des illégaux en nombre
dans des bidonvilles, au nombre de 80 000 sur 300 000, c'est exactement comme
s'il y avait à Paris intra-muros 500 000 illégaux en bidonville. Nos
compatriotes de Mayotte ne le supportent pas. Et nier que cette immigration
illégale soit un facteur de déstabilisation sur la société mahoraise, c'est se
voiler les yeux et en réalité se mentir et leur mentir.
Bien sûr, la différence de niveau de vie entre Mayotte et les Comores et entre
Mayotte et la métropole est considérable. Le niveau de vie aux Comores est 10
fois inférieur en richesse par habitant qu'il est à Mayotte et Mayotte, c'est
même 4 ou 5 fois inférieur au niveau de vie que nous avons en métropole. Mais
ceci, excusez-moi de le dire, Mayotte est un département et nous n'avons pas le
droit de laisser dans un département se développer un désordre aussi profond
que celui qui déchire la société mahoraise. [Applaudissements]. Voilà pourquoi
il est de la responsabilité du Gouvernement de maintenir et faire respecter
l'ordre à Mayotte comme en métropole. Bien sûr, nous savons bien que dans notre
humanité, c'est la misère qui pousse à fuir son pays. Nous le savons bien, les
Basques, les Béarnais, les Bretons qui, avant au 19e siècle, ont fourni tant de
contingents d’émigrés. Mais la volonté de protéger et d'appliquer nos lois doit
être sans faille et respectueuse de ceux que les vagues de la vie ont conduit
jusqu'à nous. Respecter ces personnes, c'est les intégrer dans un ordre où tous
peuvent se reconnaître. Il est donc de notre devoir de conduire une politique
de contrôle, de régulation et de retour dans leur pays de ceux dont la présence
met en péril par leur nombre la cohésion de la nation.
Mais comment faire alors que 93 % des obligations de quitter le territoire
français ne sont pas exécutées ? Ne laissons pas passer ces chiffres sans nous
arrêter une seconde. Sur les obligations de quitter le territoire français, 140
000 prononcées tous les ans. Sur ces obligations, on en exécute 7 %, ce qui
veut dire que 93 % ne sont pas exécutées. Et leur exécution ne dépend pas
principalement de la volonté du Gouvernement. Elle dépend principalement du
refus des pays d'origine d'accueillir leurs ressortissants lorsqu'ils sont
obligés de quitter notre territoire. Si nous ne résolvons pas cette question,
toutes nos déclarations d'intention seront vaines. Cette politique que doivent
mener fermement le ministère de l'Intérieur et le ministère de la Justice,
supposent aussi l'action de tous les autres ministères. C'est pourquoi je
réactiverai le comité interministériel de contrôle de l'immigration. Et je sais
que les parlementaires ne manqueront pas de prendre des initiatives également.
Il nous appartiendra de les articuler avec la nécessaire transcription du Pacte
européen migration - asile. Il nous appartiendra de mieux user de notre aide au
développement en retrouvant dès 2026 une trajectoire dynamique. Notre cap,
c'est l'intégration ; notre cap, c'est l'incorporation à la nation de ceux qui
sont amenés à la rejoindre. Par le travail qui crée des liens et donne la
reconnaissance par la langue qui est une patrie, par l'apprentissage et
l'acceptation des façons de vivre et des valeurs qui nous guident. En particulier,
par le respect de la liberté des femmes et le respect de ceux qui croient
différemment de vous ou qui ne croient pas. En revanche, contre tous ceux qui
prônent l'inverse, nous serons sans faiblesse. La République n'existe que si
elle se fait respecter.
Les grandes politiques, je ne me lancerai pas dans le catalogue de mesures qui
est si souvent le lieu des déclarations de politique générale. Mais ces grandes
politiques doivent être inspirées par l'idée du long terme, par l'esprit du
plan que je veux voir présent dans tous les ministères. Il ne peut y avoir ni
partage des grands choix avec les citoyens, ni débat sérieux au Parlement, sans
vision de long terme. C'est particulièrement évident pour deux grandes
questions qui engagent nos orientations sur plusieurs décennies.
La première question, c'est la transition écologique. L'écologie, au contraire
de ce que certains pensent, ce n'est pas le problème. C'est la solution ou en
tout cas, la solution que nous privilégions. L'effort à mener sur ce sujet
crucial, cette adaptation au changement climatique, la France l'a commencée
mieux et davantage qu'aucun autre pays au monde. Cette ardente obligation, elle
doit être poursuivie et amplifiée : planifier la transition en finalisant notre
stratégie bas carbone, préserver notre biodiversité, produire de façon
décarbonée grâce à des technologies nouvelles et je pense en particulier à
notre politique énergétique. Cette politique a un but, l'énergie décarbonée
accessible à tous. Pour y parvenir, la production d'électricité d'origine nucléaire
est un axe essentiel et la géothermie sous nos pieds, réservoir inépuisable de
calories gratuites et d'ailleurs aussi de frigories sous nos pieds, l'est
aussi. La question de l'eau, nous devons la saisir à bras-le-corps au travers
d'une grande conférence nationale déclinée dans les régions. La transition
écologique, c'est aussi favoriser les mobilités mieux adaptées de l'hydrogène
au plan vélo qui doit être poursuivi avec les moyens qui lui sont nécessaires.
Dans la refondation de notre projet, l’Éducation nationale, l'enseignement
supérieur et la recherche sont un sujet essentiel. Une des fiertés de ma vie
est d'avoir été un enseignant de l'Éducation nationale et d'avoir des enfants
enseignants de l'Éducation nationale. Une des fiertés de ce Gouvernement est
d'avoir placé en premier le ministère de l'Éducation nationale de
l'enseignement supérieur et de la recherche et de l'avoir confié à une femme au
parcours exemplaire qui est en ce moment au Sénat en train de lire la même
déclaration de politique générale. Mais comment accepter que l'école française,
qui était la première au monde, se voit classée au rang qui est le sien
aujourd'hui en mathématiques comme en lecture. Les enseignants de notre
université dépeignent des étudiants de première année, après 13, 14 ou 15
années d'école, qui ne parviennent pas à écrire un texte simple,
compréhensible, avec une orthographe acceptable. Ceci, c'est pour moi le plus
grand de nos échecs. C'est le plus grand de nos échecs et c'est un échec dont
sont victimes les plus faibles parce que ceux qui viennent des milieux qui
n'ont pas les codes, qui ne connaissent personne, comme on dit, qui n'ont accès
ni à l'influence ni au pouvoir, se voient écartés sans recours dès l'instant
qu'on ne leur donne pas les armes pour affronter la traversée de ces formations
supérieures. Et j'ajoute que tout cela, l'obligation d'orientation précoce les
perturbe et les met en danger. Les enfants ne sont pas comme les poireaux, ils
ne poussent pas tous à la même vitesse. Et vouloir sélectionner précocement
sans que murie l'esprit et les attentes. Je pense que c'est une erreur, en tout
cas une faiblesse. Et je pense que, dans notre système scolaire et
universitaire, il faut que puisse être accepté et même favorisé les
réorientations, les changements de formation. Vous avez raison, Parcoursup est
une question. Et donc, nous avons besoin d'ouvrir les portes, sans doute en
inventant la période, l'année d'articulation entre l'enseignement secondaire et
l'enseignement supérieur. Ce qu'on appelait autrefois propédeutique,
c'est-à-dire la préparation à un enseignement dont on ne maîtrise pas jusque-là
les bases et les capacités, doit être, devrait être une préoccupation pour
l'organisation de notre système éducatif. Parce que ces enfants et ces jeunes,
si on les écarte dès la classe de seconde, naturellement, on rend à la nation
le plus mauvais des services. Combien sur ces bancs étaient, lorsqu'ils avaient
13, 14 ou 15 ans, plutôt en rupture d'école qu'en succès à l'école. Combien ont
trouvé dans la vie des chemins jusque-là inimaginables pour eux ? Ce que je
trouve regrettable dans notre système éducatif, c'est que très tôt les choses
se jouent, trop tôt pour ceux qui n'appartiennent pas aux milieux les plus
favorisés. Ma conviction est que les gisements de progrès sont du côté des
enseignants. Tous, ici, nous avons devant les yeux le visage et la voix
d'enseignants qui nous ont révélés à nous-mêmes, qui, parce que leur regard
s'est posé sur l'enfant que nous étions, ont changé sa vie. Ces enseignants magnifiques
existent, ils sont nombreux, mais notre organisation de l'éducation nationale
ne parvient pas à les repérer, ou les repères si peu et les trésors de
pédagogie qu'ils ont élaborés sont perdus. Je veux rappeler ici, je le disais à
l'instant, l'intuition fondatrice que le président de la République a présentée
au pays en 2017 : combattre l'assignation à résidence, l'assignation de la
naissance, du quartier, de la religion, de la consonance du nom, de l'accent,
ces difficultés nées de familles éclatées, de l'adolescence solitaire, offrir à
tout cela, tout au long de ma vie, de nouvelles chances. Parmi les combats à
mener, la promotion de la lecture contre le monopole des écrans. Je sais qu'un
chemin est possible en formant mieux nos professeurs afin de mieux les
préparer. Je sais les difficultés parce que les écrans ont pris désormais le
pas sur tout autre mécanisme de transmission des connaissances. Mais cet enjeu
est un enjeu national et je proposerai que nous le reprenions en faisant appel
à toutes les compétences qui ont pu se créer pour transmettre la lecture, par
exemple à l'intelligence artificielle. Et aussi en poursuivant la grande
réforme de l'enseignement professionnel qui a été engagée par les gouvernements
précédents. La culture dans la promesse française joue un rôle essentiel. La
défense et l'affirmation d'une politique culturelle est une politique sociale.
L'émerveillement partagé devant la beauté d'un monument, d'une ville que l'on
restaure, d'une pièce de théâtre, d'un concert que l'on partage, tout cela
élève, rend fier et rassemble. C'est pourquoi la défense du beau, Madame la
ministre de la Culture, est un devoir d'État. Cela passe par une politique de
patrimoine ambitieuse, ce patrimoine qui est l'une de nos principales fiertés,
et cela passe aussi par un soutien à la création. Je veux parler dans cette
promesse française des Outre-mer. Nous avons présenté le plan « Mayotte debout
» à l'occasion de notre venue sur l'île. C'est un plan ambitieux, non seulement
pour traiter de l'urgence, mais aussi pour refonder Mayotte. J'ai parlé de la
crise migratoire que connaissait ce département. Le débat doit être ouvert sur
ce sujet, notamment sur les conditions nouvelles d'exercice du droit du sol que
vous avez évoquées, Madame la Présidente, dans vos vœux. Mais je pense aussi à
la Nouvelle-Calédonie qui doit construire son avenir. Les événements de mai
2024 ont plongé ce territoire dans un profond marasme. Je souhaite que le
processus politique reprenne avec des négociations qui devront aboutir à la fin
de ce trimestre. J'inviterai en janvier les forces politiques à venir à Paris
pour ouvrir ces négociations en demandant au ministre des Outre-mer de suivre
particulièrement ce dossier. Je crois que là encore, femmes et hommes de bonne
volonté peuvent trouver des voies novatrices pour le bien de tous les
Calédoniens. Mais je pense à tous nos Outre-mer, eux qui sont cette fenêtre
ouverte sur le monde que nous vantons souvent et nous enrichissent par leur
identité propre. Chacun de ces territoires a sa situation, ses chances et ses
difficultés. Nous définirons pour un plan de développement et de financement
dans le cadre d'un nouveau Comité interministériel des Outre-mer que le
ministre d'État préparera avec les élus de ces territoires. Un autre chapitre,
c'est la méthode que nous suivrons pour retrouver la production, l'innovation
et l'industrie. On voudrait nous condamner sur ces sujets au déclassement alors
que, par ailleurs, la Silicon Valley déroule ses tapis rouges à nos ingénieurs
du numérique et de l'intelligence artificielle. Nous sommes, nous, Français,
des géants de la recherche informatique, algorithmique et automatique. Ne nous
laissons pas devenir des nains de la nouvelle économie qui sera précisément
fondée sur le numérique. Et il en est de même pour l'espace ou les énergies
décarbonées. Le Gouvernement est attaché à la trajectoire d'investissement dans
la science définie par la loi de programmation de la recherche. La recherche
dans les universités et les laboratoires, mais aussi ailleurs dans la recherche
de l'entreprise.
L'intelligence artificielle, dont je ne sais si elle est intelligente et si
elle est artificielle, mais dont je sais qu'elle est un changement d'être pour
notre humanité, cette stratégie nationale doit entrer dans sa troisième phase.
Ambitieuse pour la diffusion de l'intelligence artificielle dans l'industrie,
dans l'action publique, la formation et la recherche, appuyée sur un programme
d'investissement dans les infrastructures et le Sommet de l'intelligence
artificielle qui se tiendra à Paris en février, traduira cette ambition. Dans
ces domaines, il nous faut définir des politiques de filières, produit par
produit, en partant des faiblesses et des manques de notre balance commerciale.
Chaque filière unira grandes entreprises, sous-traitants, États et régions
autour d'un enjeu de production. Les géants mondiaux qui sont sur notre sol et
qui ont nos racines chez nous, Dassault Systèmes, Safran, Total, Airbus,
Saint-Gobain, Danone ont un potentiel de partage des capacités, des mises au
point et de soutien des entreprises nouvelles, notamment sur les produits et
les secteurs d'où nous sommes absents. Retrouver la production, c'est aussi
tourner nos regards vers l'agriculture. Je veux avoir un mot particulier pour
les filières agricoles. Quand nous évoquons leur crise, nous voyons ce qui
saute aux yeux, la crise des revenus, le sentiment qu'ont nos agriculteurs de
n'être pas respectés. À l'origine de cette situation, il y a une crise morale.
Les agriculteurs, les paysans, le monde dont je viens, avaient jusqu'à il y a
peu la certitude d'être les meilleurs connaisseurs et les meilleurs défenseurs
de la nature. Aujourd'hui, on les accuse de nuire à la nature et c'est une
blessure profonde. Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter
les fossés ou les points d'eau avec une arme à la ceinture dans une ferme déjà
mise à cran par la crise, c'est une humiliation et c'est donc une faute. Pour
notre agriculture, le principal enjeu aujourd'hui est celui de l'égalité des
armes. À l'intérieur même de l'Europe, on impose à nos agriculteurs des normes
et des obligations qui ne sont pas imposées à nos voisins européens, et je ne
parle même pas de ceux qui sont très au-delà de nos frontières, en particulier
en Amérique du Sud et la question est évidemment celui de l'accord avec le
Mercosur. Je veux dire que de très grandes injustices risquent aussi d'être
commises dans la gestion des ressources en eau. Je ne suis pas d'accord pour
qu'on assimile la gestion de l'eau de surface au pompage des nappes profondes,
comme si c'était la même chose. Nos agriculteurs vivent cela comme une
injustice. Sur le sujet de l'eau, j'ai dit que je souhaitais que des
conférences soient organisées au plan national et régional pour définir une
stratégie de long terme. Toutes ces questions seront traitées dans la loi
d'orientation agricole. Je m'engage à ceci, c'est que pour les entreprises
agricoles, comme pour les entreprises et les familles, nous remettions en
question les pyramides de normes en donnant l'initiative aux usagers. Ceux que
l'on contrôle doivent avoir leurs mots à dire sur les contrôles et s'il faut
des remises en cause, nous les conduirons avec eux dans un temps bref.
L'obligation de revaloriser le travail, c'est une obligation qu'on évoque sur
tous les bancs. Je souhaite que la concertation sur le travail et les salaires,
sur la qualité de la vie au travail, sur sa rémunération et sur son sens, que
ces questions soient abordées comme celles de la santé au travail, de la
prévention, de la prise en charge des arrêts de travail, ainsi que la situation
des travailleurs pauvres et l'égalité salariale femme-homme. Il nous faudra que
ces efforts en matière de revalorisation salariale soient conduits et
poursuivis, notamment avec la mise en place de dispositifs d'épargne salariale,
d'intéressements et de participation dans tous les secteurs. Enfin, la question
d'un territoire français plus équilibré. En 1947 paraissait un livre qui a fait
beaucoup de bruit à l'époque qui s'appelait « Paris et le désert français ». Je
crois qu'aujourd'hui, il y a Paris, les grandes métropoles et le désert
français avec un gouffre à chaque étape. Le reste du tissu national éloigné
géographiquement disparaît médiatiquement et politiquement. L'aménagement du
territoire est l'une des grandes questions devant nous. Elle touche aux
conditions de vie de nos concitoyens, aux services publics, au transport et au
logement. Nous avons construit un grand ministère autour de François Rebsamen.
Ce ministère incarne l'objectif qui est le nôtre, que chaque personne ait sa
chance, que chaque territoire ait sa reconnaissance et sa chance. Aujourd'hui,
ce n'est pas le cas. Tant d'esprits, de volontés, d'initiatives, de capacités
provinciales et des quartiers périphériques ont le sentiment ou plutôt la
certitude d'être écartés et oubliés. Je veux m'arrêter sur le sujet du
logement. Si l'on ne peut pas se loger, on ne peut pas se faire reconnaître.
Nous avons besoin d'une politique du logement repensée et de grande ampleur. Je
salue les efforts menés par les précédents gouvernements pour lever les
contraintes en matière de construction de logements. Nous pouvons aller plus
loin encore en réduisant les délais, en allégeant les demandes d'autorisation, en
favorisant la densification, en facilitant les changements d'usage. Cela
suppose de relancer l'investissement locatif et l'accession à la propriété, de
soutenir les élus bâtisseurs par un système d'encouragement à l'investissement,
y compris à l'investissement privé. Quant au transport, qui est la condition
même de l'égalité des droits sur le territoire, nous avons devant nous tous les
défis en matière de financement des infrastructures et des équipements
nouveaux. Le financement durable sera organisé avec les collectivités locales
et les professionnels pour se préparer à relever ces défis. La santé est une
des toutes premières préoccupations d'urgence et quotidienne au cœur du modèle
social français. Nous avons tous été confrontés, pour nous ou pour un proche, à
l'impossibilité de trouver un médecin généraliste, un spécialiste, un dentiste
pour se faire soigner. Et l'hôpital connaît aussi une crise, en particulier
financière, qui est plus que préoccupante. L'absence d'une vision pluriannuelle
des ressources consacrées à notre système de santé, le prive de facto de sa
capacité à se doter de projets à moyen et long terme et complique ainsi sa
capacité à anticiper les besoins des santés futures des Français. Il faut
passer d'une logique budgétaire annuelle, Madame la ministre, à une logique de
financement pluriannuel. Il faut aussi travailler sur l'enjeu, retravailler sur
l'enjeu clé de la démographie médicale, en impliquant notamment les élus
territoriaux et en menant de front la question jusqu'ici irrésolue de la
formation des soignants. Je veux confirmer que la santé mentale devra être la
grande cause nationale de 2025, comme l'avait décidé mon prédécesseur Michel Barnier
que j'ai soutenu et à qui j'adresse mon amitié. Dans ce cadre, pour faire face
à l'enjeu de la soutenabilité de l'hôpital, le Gouvernement proposera une
hausse notable de l’Ondam, ce qui permettra d'améliorer les conditions de
travail des soignants et de protéger les plus fragiles. À cette fin, la mesure
de déremboursement de certains médicaments et de consultations ne sera pas
reprise. Le sport est, comme la culture, un puissant facteur de cohésion,
d'épanouissement et de fierté. Nous avons vécu une année olympique historique,
avec, devant nous, le projet Alpes 2030, et nous savons que c'est à l'école que
se joue l'avenir du sport. Dans le cadre des parcours de soins, par ailleurs
pour les maladies chroniques, nous devons, par exemple, proposer une nouvelle
offre dans les maisons sport-santé, 100 000 bilans d'activité physique pour les
personnes atteintes de telles maladies. C'est évidemment le cas autour de la
politique du handicap, dont nous allons fêter le 20ᵉ anniversaire avec la loi
de 2005. C'est l'objet de l'école pour tous qui est en crise et qu'il faut
améliorer, alors que cette politique de l'école inclusive a atteint une masse
critique. Et par ailleurs, le Comité interministériel du handicap sera organisé
dans les meilleurs délais et je tiens à confirmer à l'Assemblée nationale le
remboursement intégral des fauteuils roulants dès 2025. [Applaudissements].
Dans le cadre de la grande politique démographique qui s'impose à nous, il nous
faut avancer sur la question du grand âge, l'objectif de permettre aux
personnes de bien vieillir et d'avoir le choix de leur domicile quand ils
vieillissent suppose l'ouverture d'un dialogue avec le Parlement et les
départements. Je réaffirme aussi la priorité qui est pour moi attachée à la
protection de l'enfance, avec la création du Haut-commissariat à l'enfance, qui
s'inscrira dans la continuité de cette politique. J'ajoute que parmi les
personnes qui souffrent de précarité, il y a les étudiants en situation de
précarité, en particulier lorsqu'ils ont l'obligation de se loger dans des
grandes villes où les loyers dépassent les moyens de leur famille. C'est
pourquoi la carte universitaire et le réseau des universités sont non seulement
une question académique, mais une grande question sociale. Nous lancerons
parallèlement la construction de 15 000 logements par an pendant trois ans, en
mobilisant le foncier disponible de l'État.
Voilà le projet qui s'appelle, que nous appelons, « la promesse française ».
Nous n'avons pas le droit, au nom de nos passions politiques, d'hypothéquer la
vie de nos concitoyens. C'est des actes qu'ils attendent et c'est sur nos actes
qu'ils jugeront de nos paroles, de nos promesses et de nos indignations. C'est
sur nos actes qu'ils nous jugeront tout simplement. Le but de cette déclaration
de politique générale est de permettre à ces concitoyens de passer de la plus
extrême inquiétude à la conviction que même si nous ne sommes pas certains de
les résoudre tous, nous traiterons tous les problèmes qui se posent avec toutes
nos forces et tous nos moyens. Nous n'allons pas d'un seul coup passer de
l'ombre à la lumière. Nous n'allons pas vivre le grand soir. Mais si nous
parvenons à nous faire entendre de vous, élus de la nation, alors nous pourrons
passer du découragement à un espoir ténu, mais raisonnable. C'est ce projet que
j'ai voulu présenter devant vous. Je connais tous les risques. Si nous nous
trompons, nous nous corrigerons. Mais le risque, c'est la vie. Pierre Mendes France,
et la référence n'est pas ici par hasard, a dit : « Il n'y a pas de politique
sans risque, il n'y a que des politiques sans chance ». C'est ces chances que
nous voulons saisir. Avec foi dans le peuple français, avec foi dans ses
représentants, je sais les ressources d'intelligence, de bravoure et de
droiture de notre nation lorsqu'elle choisit de surmonter l'épreuve. J'ai la
certitude que notre peuple, notre pays, avec son histoire, ont la capacité de
se ressaisir. Je n'en veux que deux preuves vérifiables. Nous sommes
aujourd'hui le plus jeune des pays européens, en dépit du fléchissement de
notre démographie, que nous aurons besoin de mesurer et de corriger. Et puis,
si l'on regarde la croissance sur les 40 dernières années, sans exception, sur
les 40 dernières années, la France a été devant l'Allemagne, en particulier au
cours de ces 7 dernières années. Nous sommes un peuple de ressources à la
condition qu'il trouve l'unité qui si souvent lui manque, il l'a fait bien des
fois, j'allais dire chaque fois au cours de son histoire, et c'est à nous
aujourd'hui que cette mission, cette charge et cette chance reviennent.