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samedi 28 décembre 2024

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Derrière la promesse ochlocratique du populisme, un objectif autocratique


L’ochlocratie est un régime politique dans lequel la foule – non le peuple – a le pouvoir d'imposer sa volonté.

Il s’agit donc du règne de la populace et de ses pires comportements basés sur les passions tristes (haine, peur, violence, ressentiment, vengeance…) que tous les populismes de ce début de millénaire promettent mais qui n’est qu’un moyen d’exciter celle-ci afin de créer le chaos et leur permettre, une fois au pouvoir, d’imposer un régime autocratique.

Aujourd’hui, c’est la stratégie de Donald Trump aux Etats-Unis ainsi que celle de Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen en France.

Hier, elle était utilisée par Adolph Hitler, Benito Mussolini ou Lénine.

Pour cela il faut flatter et exciter la foule, lui faire croire que l’on partage ses attentes et qu’on les consacrera une fois au pouvoir.

Cette tromperie pernicieuse est doublement dangereuse.

D’abord parce qu’elle fait croire à cette foule que tout lui est permis – comme on l’a vu lors de la tentative de coup d’Etat de Trump ou lors de l’épisode des gilets jaunes soutenu, et par Le Pen, et par Mélenchon, où plus aucune retenue n’existait, plus aucun respect, plus aucune humanité.

D’où un déferlement odieux de violence barbare.

Ensuite parce qu’elle a pour but de s’appuyer sur le chaos créé pour abattre les fondements de la démocratie républicaine libérale.

D’où, avant que cela survienne éventuellement, une instabilité chronique qui empêche les institutions démocratiques de fonctionner correctement.

Cette stratégie a évidemment besoin de relais que ce sont les réseaux sociaux mais aussi les médias traditionnels, les uns s’appuyant sur les autres et vice versa, afin de provoquer un buzz médiatique amplificateur de la réalité (quelques dizaines de milliers de séditieux tentant de prendre d’assaut le Capitole à Washington ou de casseurs ravageant les Champs Elysées de Paris et bloquant les carrefours des routes françaises étant présentés comme le «peuple»).

Cette promesse ochlocratique a déjà été expérimentée par des pouvoirs en place contre leurs adversaires politiques notamment au moment de la Révolution française lors de l’épisode de la Terreur où les autorités ont cédé face à la rage de la populace parisienne alors que le danger réel qui pesait sur les droits acquis par la population nécessitait, certes, des mesures fortes mais pas cette violence meurtrière et aveugle.

Et la Terreur déboucha sur le Directoire puis l’Empire…

Cette promesse exploite et manipule de vraies difficultés et des mal-être tout aussi réels mais n’est qu’un appât que le peuple paie ensuite au prix cher.

Souvent présentée comme étant de la démocratie directe, elle met, en fait, entre les mains de quelques excités et de leurs suiveurs, la capacité de créer le désordre qui plonge la société dans l’insécurité.

Une insécurité provoquée par ceux qui vont ensuite imposer leur ordre qui ne sera qu’une continuation de cette insécurité pour la majorité de la population.

Car l’ochlocratie n’est que le marchepied de l’autocratie.

 

Actualités du Centre. Etats-Unis – Résultats et enseignements des élections générales avec une démocratie républicaine en danger


En cette fin d’année, on peut faire le bilan et tirer les enseignements des élections générales qui se sont déroulées aux Etats-Unis même si, de manière assez incompréhensible, il n’y a pas encore des résultats définitifs et officiels de la présidentielle près de deux mois après sa tenue!

Toujours est-il que la victoire d’un Parti républicain dirigée par son aile radicale voire extrémiste est totale face à un Parti démocrate qui a pris une gifle même si celle-ci n’est pas aussi forte que certains, comme Trump, voudraient le faire croire afin de marginaliser tous les défenseurs de la démocratie républicaine.

- En ce qui concerne l’élection présidentielle, Donald Trump l’a donc emporté sans aucune contestation possible, alliant le vote populaire et le nombre de grands électeurs.

Notons, tout de même, que le populiste extrémiste n’a pas atteint les 50% de voix (49,8%) et son écart avec sa concurrente démocrate est un des plus faibles jamais enregistré mais qu’il a obtenu tout de même le deuxième plus grand nombre de voix lors d’une présidentielle avec plus de 77,3 millions de voix.

De son côté, Kamala Harris n’a pas démérité.

La candidate centriste a obtenu 48,4% des voix et le troisième plus grand nombre de voix lors d’une présidentielle (et pour une femme candidate ainsi que pour une personne non-blanche) avec plus de 75 millions de voix.

Néanmoins, elle a perdu plus de six millions de voix par rapport au score de Joe Biden en 2020 qui dépassait les 81 millions.

- En ce qui concerne les élections au Congrès, là aussi le Parti républicain remporte la mise.

Cependant, s’il gagne en sièges et en voix (74.826.851 contre 70.836.229) pour ce qui est de la Chambre des représentants, il s’agit tout de même du plus petit écart jamais enregistré entre les deux grands partis qui dominent la scène étasunienne.

Ainsi les républicains ont obtenu 220 sièges (perte de deux sièges) contre 215 (gain de deux sièges) aux démocrates et il suffira, par exemple, de trois voix républicaines qui se porteraient du côté démocrate pour inverser la majorité (ce qui n’est pas rare dans l’histoire de la politique américaine même si la polarisation de ces dernières années voulue par les républicains rend cette hypothèse moins vraisemblable).

Au Sénat, les républicains ont réussi à reprendre la majorité avec 53 élus contre 47 aux démocrates alors que la parité était de mise ces deux dernières années avec la voix majoritaire de la vice-présidente, Kamala Harris, qui était de droit la présidente de la chambre haute avec la possibilité de départager les scrutins par son vote.

- Au niveau fédéral, donc, tous les pouvoirs politiques sont pour au moins deux ans avant les élections de mid-term du mandat de Trump dans les mains d’un Parti républicain aux ordres du populiste extrémiste et largement à la droite de la droite ce qui n’augure rien de bon pour la démocratie républicaine qui est l’adversaire désignée des proches du prochain président.

- Ajoutons à cela que la Cour suprême, grâce aux stratagèmes des républicains puis aux nominations de Trump est dominée également par l’extrême-droite avec six sièges pour les républicains et trois sièges pour les démocrates.

Rappelons que cette cour, qui n’est plus du tout un organe judicaire mais essentiellement politique, a annulé son arrêt qui légalisait l’avortement dans tout le pays et qu’elle a jugé qu’un Président des Etats-Unis était au-dessus des lois pendant son mandat, ce qui va évidemment servir le nouvel hôte du Bureau ovale qui ne cache pas son admiration pour les régimes autoritaires et totalitaires.

- Pour être complet, le Parti républicain conserve sa majorité pour ce qui est des gouverneurs des Etats (27 contre 23) ainsi que sa mainmise sur une majorité de Congrès des Etats.

On le voit, le paysage politique américain a subi un véritable chamboulement avec la possibilité de voir la plus vieille et plus grande démocratie du monde ainsi que la première puissance mondiale, basculer dans un autocratisme à la Viktor Orban (le premier ministre de la Hongrie que Trump admire), voire plus.

Il est difficile d’expliquer comment un personnage qui n’avait jamais remporté une élection en termes de voix (battu en 2016 par trois millions de voix d’écart par Hillary Clinton et par sept millions en 2020 par Joe Biden), dont la présidence avait été catastrophique, dont les propos sont souvent dénués de tout sens, qui admire les dictateurs, qui pense qu’Adolf Hitler a fait de bonnes choses pour l’Allemagne, qui est tout autant corrompu que menteur, qui a été reconnu coupable pénalement et qui a fomenté un coup d’Etat en janvier 2021 pour garder le pouvoir, a pu être réélu.

Force est de reconnaître qu’une majorité d’électeurs américains a estimé qu’il était digne d’occuper la Maison blanche.

D’autant que les raisons économiques et sociale invoquées dans les sondages ne correspondent pas à la réalité d’un pays qui sous le centriste Joe Biden a connu une croissance soutenue, a porté au plus bas le chômage, a mis en place des aides et des filets de sécurité pour les plus démunis et a fait profiter de cette situation la classe moyenne.

Dès lors, un constat terrible qui ne concerne malheureusement pas que les Etats-Unis peut être fait: les peuples démocratiques, tout au moins une majorité d’électeurs, sans fondement réel et objectif ont basculé avec l’aide des populistes et des extrémistes qui n’ont cessé d’exciter leurs peurs et leurs «colères», dans une haine irraisonnée de la démocratie républicaine libérale.

Ce qui est d’autant plus terrifiant pour la démocratie, c’est que les projets de Trump sont de déconstruire l’Etat de droit, de fermer nombre d’administrations (dont celle de l’Education nationale ou de la Santé) et de réduire l’Etat de manière drastique pour qu’il ne puisse plus remplir son rôle tout en phagocytant la Justice afin de l’utiliser à des fins personnelles pour se fabriquer une immunité et s’attaquer à ses opposants.

Ses premières nominations pour son gouvernement ont démontré cette volonté avec des personnages tout aussi extrémistes, menteurs, élucubrationistes (complotistes) qu’incompétents dans les domaines où ils interviendront, tout ceci pour provoquer le chaos dans l’appareil de l’Etat fédéral.

La nomination la plus emblématique étant celle du milliardaire Elon Musk dont les convictions politiques sont proches de celles des dictateurs et dont la volonté est de détruire la démocratie républicaine aux Etats-Unis mais aussi dans le monde.

Avant même de commencer, le nouveau mandat de Donald Trump laisse présager des jours sombres pour les Etats-Unis mais également pour le monde libre et plus particulièrement pour les démocraties européennes.

Reste que si Donald Trump a été élu par 77 millions d’électeurs, il n’a pas obtenu la majorité des voix du peuple américain ce qui peut-être une raison d’entretenir un espoir, certes ténu, qu’il ne pourra pas agir comme il l’entend et comme il le clame partout haut et fort.

Alexandre Vatimbella