En cette fin d’année, on peut faire le bilan et tirer les
enseignements des élections générales qui se sont déroulées aux Etats-Unis même
si, de manière assez incompréhensible, il n’y a pas encore des résultats définitifs
et officiels de la présidentielle près de deux mois après sa tenue!
Toujours est-il que la victoire d’un Parti républicain dirigée
par son aile radicale voire extrémiste est totale face à un Parti démocrate qui
a pris une gifle même si celle-ci n’est pas aussi forte que certains, comme
Trump, voudraient le faire croire afin de marginaliser tous les défenseurs de
la démocratie républicaine.
- En ce qui concerne l’élection présidentielle, Donald Trump
l’a donc emporté sans aucune contestation possible, alliant le vote populaire
et le nombre de grands électeurs.
Notons, tout de même, que le populiste extrémiste n’a pas
atteint les 50% de voix (49,8%) et son écart avec sa concurrente démocrate est
un des plus faibles jamais enregistré mais qu’il a obtenu tout de même le
deuxième plus grand nombre de voix lors d’une présidentielle avec plus de 77,3
millions de voix.
De son côté, Kamala Harris n’a pas démérité.
La candidate centriste a obtenu 48,4% des voix et le troisième
plus grand nombre de voix lors d’une présidentielle (et pour une femme candidate
ainsi que pour une personne non-blanche) avec plus de 75 millions de voix.
Néanmoins, elle a perdu plus de six millions de voix par
rapport au score de Joe Biden en 2020 qui dépassait les 81 millions.
- En ce qui concerne les élections au Congrès, là aussi le
Parti républicain remporte la mise.
Cependant, s’il gagne en sièges et en voix (74.826.851
contre 70.836.229) pour ce qui est de la Chambre des représentants, il s’agit
tout de même du plus petit écart jamais enregistré entre les deux grands partis
qui dominent la scène étasunienne.
Ainsi les républicains ont obtenu 220 sièges (perte de deux sièges)
contre 215 (gain de deux sièges) aux démocrates et il suffira, par exemple, de
trois voix républicaines qui se porteraient du côté démocrate pour inverser la
majorité (ce qui n’est pas rare dans l’histoire de la politique américaine même
si la polarisation de ces dernières années voulue par les républicains rend
cette hypothèse moins vraisemblable).
Au Sénat, les républicains ont réussi à reprendre la
majorité avec 53 élus contre 47 aux démocrates alors que la parité était de
mise ces deux dernières années avec la voix majoritaire de la vice-présidente, Kamala
Harris, qui était de droit la présidente de la chambre haute avec la
possibilité de départager les scrutins par son vote.
- Au niveau fédéral, donc, tous les pouvoirs politiques sont
pour au moins deux ans avant les élections de mid-term du mandat de Trump dans
les mains d’un Parti républicain aux ordres du populiste extrémiste et
largement à la droite de la droite ce qui n’augure rien de bon pour la démocratie
républicaine qui est l’adversaire désignée des proches du prochain président.
- Ajoutons à cela que la Cour suprême, grâce aux stratagèmes
des républicains puis aux nominations de Trump est dominée également par l’extrême-droite
avec six sièges pour les républicains et trois sièges pour les démocrates.
Rappelons que cette cour, qui n’est plus du tout un organe
judicaire mais essentiellement politique, a annulé son arrêt qui légalisait l’avortement
dans tout le pays et qu’elle a jugé qu’un Président des Etats-Unis était
au-dessus des lois pendant son mandat, ce qui va évidemment servir le nouvel hôte
du Bureau ovale qui ne cache pas son admiration pour les régimes autoritaires
et totalitaires.
- Pour être complet, le Parti républicain conserve sa
majorité pour ce qui est des gouverneurs des Etats (27 contre 23) ainsi que sa
mainmise sur une majorité de Congrès des Etats.
On le voit, le paysage politique américain a subi un véritable
chamboulement avec la possibilité de voir la plus vieille et plus grande démocratie
du monde ainsi que la première puissance mondiale, basculer dans un autocratisme
à la Viktor Orban (le premier ministre de la Hongrie que Trump admire), voire
plus.
Il est difficile d’expliquer comment un personnage qui n’avait
jamais remporté une élection en termes de voix (battu en 2016 par trois
millions de voix d’écart par Hillary Clinton et par sept millions en 2020 par
Joe Biden), dont la présidence avait été catastrophique, dont les propos sont
souvent dénués de tout sens, qui admire les dictateurs, qui pense qu’Adolf
Hitler a fait de bonnes choses pour l’Allemagne, qui est tout autant corrompu
que menteur, qui a été reconnu coupable pénalement et qui a fomenté un coup d’Etat
en janvier 2021 pour garder le pouvoir, a pu être réélu.
Force est de reconnaître qu’une majorité d’électeurs
américains a estimé qu’il était digne d’occuper la Maison blanche.
D’autant que les raisons économiques et sociale invoquées
dans les sondages ne correspondent pas à la réalité d’un pays qui sous le
centriste Joe Biden a connu une croissance soutenue, a porté au plus bas le
chômage, a mis en place des aides et des filets de sécurité pour les plus démunis
et a fait profiter de cette situation la classe moyenne.
Dès lors, un constat terrible qui ne concerne
malheureusement pas que les Etats-Unis peut être fait: les peuples
démocratiques, tout au moins une majorité d’électeurs, sans fondement réel et
objectif ont basculé avec l’aide des populistes et des extrémistes qui n’ont
cessé d’exciter leurs peurs et leurs «colères», dans une haine irraisonnée de
la démocratie républicaine libérale.
Ce qui est d’autant plus terrifiant pour la démocratie, c’est
que les projets de Trump sont de déconstruire l’Etat de droit, de fermer nombre
d’administrations (dont celle de l’Education nationale ou de la Santé) et de réduire
l’Etat de manière drastique pour qu’il ne puisse plus remplir son rôle tout en
phagocytant la Justice afin de l’utiliser à des fins personnelles pour se
fabriquer une immunité et s’attaquer à ses opposants.
Ses premières nominations pour son gouvernement ont démontré
cette volonté avec des personnages tout aussi extrémistes, menteurs,
élucubrationistes (complotistes) qu’incompétents dans les domaines où ils
interviendront, tout ceci pour provoquer le chaos dans l’appareil de l’Etat
fédéral.
La nomination la plus emblématique étant celle du milliardaire
Elon Musk dont les convictions politiques sont proches de celles des dictateurs
et dont la volonté est de détruire la démocratie républicaine aux Etats-Unis
mais aussi dans le monde.
Avant même de commencer, le nouveau mandat de Donald Trump
laisse présager des jours sombres pour les Etats-Unis mais également pour le
monde libre et plus particulièrement pour les démocraties européennes.
Reste que si Donald Trump a été élu par 77 millions d’électeurs,
il n’a pas obtenu la majorité des voix du peuple américain ce qui peut-être une
raison d’entretenir un espoir, certes ténu, qu’il ne pourra pas agir comme il l’entend
et comme il le clame partout haut et fort.
Alexandre Vatimbella