Dans cette rubrique, nous
publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas
nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat
et de faire progresser la pensée centriste.
Alexandre Vatimbella est éditorialiste au CREC et son fondateur
Nicolas Levé est directeur des études du CREC
Si Matignon est souvent le tremplin des prétentions élyséennes (Pompidou et Chirac par exemple), ne va-t-il pas être le tombeau des ambitions de François Bayrou qui a toujours rêvé de s’installer dans le fauteuil présidentiel.
Oui et Non.
Oui, sans doute, parce que son passage risque d’être court et qu’il ne dispose d’aucune majorité pour mettre en œuvre sa vision politique.
Ce sera alors la démonstration de son peu de capacité à gouverner et unir, lui qui part déjà avec un handicap certain pour une présidentielle, son socle de 10% seulement de l’électorat.
Non, peut-être, s’il arrive à gouverner dans la situation politique explosive du moment en appliquant les principes du consensus et du compromis dans une sorte d’union nationale, lui permettant à la fois de durer quelque peu (au moins jusqu’à ce que la possibilité de dissolution par le Président de la République soit à nouveau effective) et de prouver sa capacité à réunir l’axe central.
Sa difficulté à former une équipe où se retrouvent toutes les forces de l’axe central (des sociaux-démocrates aux libéraux en passant par les libéraux-sociaux) avec, en sus, une partie de la droite conservatrice (aile droite de LR) ne plaide pas en faveur d’un gouvernement capable de prendre des mesures importantes et de s’inscrire dans la durée.
Sans oublier les ambitions présidentielles des deux candidats extrémistes et populistes, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, qui, tous deux, dans une sorte d’harmonie consensuelle, demandent la démission d’Emmanuel Macron.
Si l’on peut penser que les gesticulations grotesques du «leader maximo» de LFI n’auront guère d’influence sur un retrait du Président de la République, à l’opposé, les déboires judiciaires de la cheffe du RN qui pourrait l’amener à une peine d’inéligibilité donc à faire une croix sur l’Elysée, sont un motif suffisant pour que l’extrême-droite joue sur la politique du pire et le chaos afin de provoquer une crise de régime et espérer que celle-ci emporte Emmanuel Macron avant que la justice ne rende son verdict contre Marine Le Pen.
En revanche, l’effet catastrophique d’une nouvelle motion de censure votée par les extrêmes des deux bords – seule manière, rappelons-le, de faire tomber un gouvernement actuellement – est peut-être un atout pour pouvoir gouverner, c’est-à-dire agir et réformer, voter le budget ainsi qu’une loi établissant la proportionnelle, par exemple.
D’autant que le pays connaîtrait de très graves difficultés qui pourraient être imputées aux extrêmes et donc réduire leur chance à la prochaine présidentielle, qu’elle survienne maintenant ou en 2027.
Mais les débuts laborieux du centriste ont peut-être aussi montré ses limites dans ses compétences à occuper les plus hautes fonctions de l’Etat.
Ses plus récentes interventions ont été plus convaincantes, ce qui peut démontrer une capacité à reprendre la main.
Autre difficulté pour le président-fondateur du MoDem, des médias largement hostiles et agressifs à son encontre – encore plus que contre Michel Barnier – qui semblent parier de manière irresponsable sur son échec et le chaos qui s’ensuivrait.
Il y a donc de fortes probabilités que la tâche de François Bayrou soit quasi-impossible mais il existe néanmoins quelques éléments qui peuvent déjouer sa chute dans les semaines à venir.
C’est donc maintenant qu’il saura si l’Elysée reste possible ou si c’est un rêve qui s’évanouit…
Nicolas Levé
Alexandre Vatimbella