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mercredi 6 novembre 2024

La Chronique de Jean-Louis Pommery. La fin du «modèle américain»?


Depuis sa fondation, les États-Unis d’Amérique étaient parvenus à demeurer une démocratie et un modèle pour le monde libre.

Oh! bien sûr cette démocratie n’a jamais été parfaite loin de là avec des manquements considérables, l’esclavage étant l’un d’eux.

Pourtant, n’oublions pas que lorsque Lincoln la sauve lors de la guerre civile (guerre de Sécession), il s’agit de la seule qui existe sur terre ce qui lui permet de dire après la sanglante bataille de Gettysburg que le régime du peuple, pour le peuple et par le peuple a été sauvé.

N’oublions pas, non plus, que jusqu’à présent, quels que soient les événements intérieurs ou extérieurs, toutes les élections se sont tenues en jour et en heure prévus depuis la fondation du pays.

Quand je parle du «modèle américain», c’est aussi celui qui est parvenu, cahin-caha, à empêcher des extrémistes de prendre le pouvoir au cours de l’histoire des États-Unis.

Bien sûr, la droite radicale s’est parfois imposée comme lors des élections de Richard Nixon, de Ronald Reagan et de George W Bush.

Néanmoins, jamais à ces occasions, la démocratie n’a semblé en danger de disparition et ses fondamentaux ont continué à exister en témoigne les passations de pouvoir pacifiques à la fin des mandats de ces présidents.

Ce n’est plus du tout la situation dans laquelle nous nous trouvons depuis hier, 5 novembre 2024.

Un extrémiste populiste dangereux a remporté l’élection présidentielle sans contestation possible avec un nombre de voix importants, ce qui n’avait pas été le cas lors de son premier mandat en 2016.

Et, après avoir tenté de renverser la démocratie suite à sa défaite en 2020, il a fait maintes déclarations qui laissent à penser qu’il saisira toutes les occasions possibles pour asséner des coups mortels à celle-ci.

N’a-t-il pas déclaré qu’il se comporterait en «dictateur» dès son premier jour de mandat, n’a-t-il pas dit à ses supporteurs les plus ultras que ce serait sans doute la dernière fois qu’ils auraient à voter s’il était élu, n’a-t-il pas menacé tous ses opposants de poursuites judiciaires et de la prison au seul motif qu’ils ne sont pas du même avis que lui et n’a-t-il pas expliqué que son coup d’Etat manqué du 6 janvier n’était en réalité qu’une manifestation pacifique de ses électeurs venus visiter le Capitole de Washington?!

Sans oublier sa fascination pour tous les autocrates et les dictateurs de la planète, son admiration pour Hitler et ses généraux ainsi que son amitié qu’il revendique avec les pires bouchers au pouvoir, Poutine en Russie et Kim en Corée du Nord.

Aucun président des États-Unis n’a jamais réuni autant de caractéristiques d’un potentiel potentat.

Voilà qui est fait par la grâce d’une majorité d’électeurs qui a sciemment choisi de donner le pouvoir à celui qui pourrait effacer la plus vieille démocratie de la planète.

Il aura, pour le seconder, un Congrès à sa botte où ses admirateurs fanatiques feront tout pour limiter et supprimer des libertés acquises de haute lutte ainsi que de changer les systèmes judiciaires et électoraux pour leur permettre de demeurer au pouvoir aussi longtemps qu’ils le voudront, des attaques contre la démocratie qui se feront avec la bénédiction de la Cour suprême où, déjà, des conservateurs réactionnaires sont majoritaires.

On comprend bien que ce que je viens de décrire n’a aucun rapport avec un quelconque modèle de démocratie qui serait attaché aux États-Unis tels qu’ils se présentent désormais par la volonté de leur peuple.

Jean-Louis Pommery

 

Vues du Centre. La défaite du Centre aux États-Unis ou la victoire des passions négatives sur la raison

Par Aris de Hesselin


Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste. 
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.

La haine l’a donc emporté sur le consensus.

Réduire la victoire de l’extrémiste populiste Donald Trump sur la centriste Kamala Harris – qui ne peut pas être considérée comme un «accident de l’Histoire» – est évidemment un peu réducteur mais pas tant que cela.

Oui, ce sont bien les passions négatives charriées jusqu’à l’overdose par Trump qui ont triomphé du message raisonnable dans tous les sens du terme porté par Harris.

Le discours centriste et central n’a donc pas fait le poids devant la vision apocalyptique et vengeresse partagée par donc une majorité d’électeurs américains.

La défaite du Centre interpelle évidemment tous ceux qui défendent le Centrisme comme solution politique.

Non pas qu’il soit devenu tout d’un coup une pensée erronée vis-à-vis de ce qu’est l’existence et la condition humaines, mais qu’il soit rejeté ces dernières années par des populations influencées par les simplismes hargneux de l’extrémisme et du populisme et par le déversement vomitif des fake news et des théories complotistes demande réflexion sur l’incapacité de son message à être dominant.

Comment comprendre cette volonté populaire qui semble majoritaire ou en passe de l’être dans la plupart des pays démocratiques et qui rejette ce qui fait le fondement même de leur système de gouvernement?

Comment comprendre que ces peuples du monde libre soient capables de remettre leur destin à des aventuriers qui, l’Histoire l’a montré, les conduisent vers le chaos et la misère?

Comme l’a rappelé ici maintes fois Alexandre Vatimbella, il y a l’échec du projet démocratique qui n’a pas su élevé ces peuples à la hauteur de son espérance.

Est-ce une condamnation définitive du Centre et du Centrisme?

Gardons-nous des jugements définitifs en la matière.

C’est en tout cas à une introspection et une délibération que les centristes sont conviés pour penser le présent et envisager l’avenir à l’aune de cette nouvelle réalité.

Et pas demain mais tout de suite.

Aris de Hesselin

 

 

Editorial du CREC. Sauver la soldate Europe

 
Que ce soit à l’intérieur de ses frontières comme à l’extérieur, la victoire de Trump est un challenge existentiel pour l’Union européenne.

A l’extérieur, elle va renforcer les autocraties et les régimes totalitaires, ses ennemis, qui doivent être particulièrement contents du résultat des élections étasuniennes et y verront une ouverture pour la déstabiliser voire plus.

A l’intérieur, les forces extrémistes y trouveront, à la fois, une légitimité renforcées comme avec Orban en Hongrie ou Meloni en Italie, et un motif d’espoir pour leur conquête du pouvoir comme le RN en France mais aussi des partis en pleine dynamique comme les néo-nazis de l’AfD en Allemagne et les néo-franquistes de Vox en Espagne.

Oui, l’Europe est en danger et doit se donner les moyens de combattre ses ennemis d’où qu’ils viennent.

C’est le sens de la première réaction d’Emmanuel Macron après la victoire de l’extrémiste populiste américain et son appel au chancelier allemand Scholz de se mobiliser en faveur d’un renforcement de l’Union.

Au moment où les États-Unis ne peuvent plus être considérés comme le leader du monde libre, ce rôle doit échoir à l’Europe, à la fois, pour entretenir la flamme de la démocratie républicaine mais également et surtout pour sauver ce régime en son sein.

Les Européens seront-ils capables de relever le défi?

On voudrait bien le croire alors qu’ils en ont été incapables jusqu’à présent.

La menace existentielle permettra-t-elle cette prise de conscience au-delà des mots et des déclarations d’intention?

Rien n’est moins sûr si on s’en tient au passé et au présent de l’Union européenne.

Oui, c’est vrai, pendant la pandémie de la covid19 et ensuite face à la récession économique qu’elle a provoquée, les Européens ont réussi à s’unir comme jamais.

De même, jusqu’à présent, dans leur soutien à l’Ukraine qui est aussi un soutien à leur propre existence en tant que peuple libre malgré quelques voix dissonantes.

Cependant, c’est à une vitesse nettement supérieure qu’il faut désormais passer.

Le résultat de l’élection présidentielle demande un électrochoc d’une toute autre amplitude et rien ne prouve que les Européens en soient capables, plus, qu’ils en aient réellement le désir.

Pourtant, pour demeurer libres, indépendants, maître de leur destin tout en assurant leur sécurité et leur prospérité, il n’y a qu’un seul moyen: une Union européenne qui s’élève à un niveau qu’elle a toujours refusé d’atteindre pour l’instant.

Les prochains mois seront, à ce titre, révélateurs de cette volonté ou de son absence…

L’équipe du CREC