lundi 1 juillet 2024

L’Editorial d’Alexandre Vatimbella. Quand les mots sont instrumentalisés, la démocratie est en grand danger


Ces dernières années, avec la montée de la démagogie, du populisme, du basculement de l’information mise en scène («infotainment») devenue un vulgaire divertissement informatif, de l’intrusion des réseaux sociaux et autres moyens électroniques de communication, l’ensemble des discours publics est dominé par les superlatifs, les effets de manche, la dramatisation – sans même parler des mensonges véhiculés par les fake news et l’élucubrationisme (complotisme) – où s’effacent petit à petit et de plus en plus la réalité et les faits.

J’ai souvent écrit sur ce sujet et je dois dire que les dérives s’accélèrent et qu’aucune prise de conscience ne se fait jour, bien au contraire.

On en a encore vu des exemples lors des dernières campagnes électorales dans l’ensemble des démocraties.

La campagne présidentielle aux États-Unis est archi-dominée par ces phénomènes mais aussi la campagne législative en France.

Prenons un exemple.

Selon les médias, on a assisté à un «triomphe» du RN et au «naufrage» de la majorité présidentielle avec la «fin de règne» du Président de la république.

Sans évidemment contester que le RN a gagné le premier tour en arrivant en tête, que la majorité présidentielle est troisième à quelques encablures, tout le reste n’est que mensonges.

D’abord le triomphe du RN.

Si l’on prend son résultat dans les urnes, il a recueilli moins de 30% des voix.

Certes c’est un succès éclatant mais pas un triomphe.

Surtout si l’on prend son score vis-à-vis des inscrits qui descend alors à 19%, c’est-à-dire que moins d’un Français sur cinq inscrit sur les listes électorales a choisi la formation d’extrême-droite.

Non, ce n’est pas ce que l’on peut appeler un triomphe démocratique…

Cela n’enlève évidemment pas l’a nécessité impérieuse et le devoir cardinal de tous les démocrates d’éviter qu’il ne remporte le deuxième tour dimanche prochain.

Ensuite le naufrage de la majorité présidentielle.

Si l’on prend son résultat dans les urnes, elle a juste dépassé les 20%.

Certes c’est un recul par rapport à 2022 mais comment peut-on utiliser des mots aussi forts que «naufrage» et d’autres encore plus extrêmes pour une coalition qui obtient plus de 20% des votants (et plus de 13% des inscrits).

C’est évidemment une défaite mais pas la catastrophe à la une de tous les médias.

Quant à la «fin de règne» d’Emmanuel Macron.

Comme celui-ci l’expliquait, il n’était pas sur les bulletins de vote.

Certes, c’est sa majorité qui l’était et il l’a bien évidemment défendue.

Mais il y a une Constitution et qui dit très explicitement que le Président de la république même en cas de défaite de son camp aux législatives demeure à son poste avec toutes les attributions que lui donne sa fonction et qui sont importantes.

Rien de près ou de loin à une fin de règne.

Ajoutons cette opinion que l’on retrouve dans tous les médias comme quoi sa stratégie de convoquer des législatives anticipées pour effacer la défaite aux européennes aurait été un échec complet.

Or, ce n’était pas du tout le but d’Emmanuel Macron.

Certes, il aurait préféré que ce sursaut démocratique ait lieu mais il n’est pas assez bête ou enfermé dans un univers à sa gloire – dixit les médias – pour ne pas savoir que la dynamique de l’extrême-droite, avec l’aide de l’extrême-gauche mélenchoniste, conduisait Marine Le Pen tout droit à l’Elysée en 2027.

Pour éviter ce cataclysme, provoquer des législatives qui vont peut-être obliger le RN à gouverner trois ans avant la prochaine présidentielle – au grand dam de la petite entreprise le Pen – permettra, espère-t-il, de montrer sa dangerosité et son incompétence aux Français qui, enfin, se détourneront de lui et enterreront définitivement les ambitions lepénistes.

On peut également prendre la campagne des élections américaines avec le débat qui a opposé Joe Biden à Donald Trump.

Certes le centriste démocrate n’a pas été bon sur la forme face à l’extrémiste populiste républicain.

En revanche, il l’a littéralement enfoncé sur le fond d’autant que Trump a égrainé mensonges sur mensonges.

Considérer que Biden est fini, qu’il doit laisser la main à un autre candidat, qu’il est un gâteux sans avenir comme l’ont titré nombre de médias américains (qui militent depuis plusieurs années contre un deuxième mandat de sa part) est une instrumentalisation des mots qui ne correspond en rien à la réalité et aux réalisations du démocrate depuis près de quatre ans à la Maison blanche.

Et l’on pourrait continuer pendant des lustres à parler de cette falsification comme, par exemple, le terme «génocide» utilisé pour qualifier l’offensive armée d’Israël contre le Hamas ou la volonté d’entretenir la confusion en utilisant le mot «antisionisme» pour exprimer son antisémitisme de manière cachée, tout cela juste 80 ans après la fin de la Deuxième guerre mondiale et le génocide bien réel contre les Juifs où des petits enfants étaient jetés vivants dans des fours crématoires pour augmenter les cadences simplement parce qu’ils étaient juifs…

Les penseurs chinois, dans l’ancien temps, estimaient qu’il fallait que les mots soient utilisés à bon escient et s’attelaient souvent à cette tâche de la «rectification» de ceux-ci afin d’éviter qu’ils soient instrumentalisés notamment par le pouvoir impérial et pour tromper le peuple.

Albert Camus, également, estimait important de ne pas dévoyer la signification des mots dans une démocratie au risque de lui porter atteinte gravement, de la faire disparaître à terme.

Manifestement, la leçon n’est guère été apprise et, pire, c’est exactement le contraire que nous sommes en train de vivre.

 

Editorial du CREC. Le réel objectif: empêcher Le Pen d’accéder à l’Elysée en 2027


Comme prévu, le RN est arrivé en tête lors du premier tour des législatives et il peut espérer avoir le groupe le plus nombreux à l’Assemblée, voire même une majorité absolue avec ses alliés.

Cela est évidemment d’une grande tristesse.

Mais il vaut sans doute mieux avoir monsieur Bardella à Matignon en 2024 que madame Le Pen à l’Elysée en 2027.

Car si Emmanuel Macron a fait un pari, c’est bien celui-là.

Croire qu’un homme intelligent comme lui a dissout sous l’effet de l’émotion et sans réelle réflexion est d’une stupidité sans nom véhiculée par tous ceux qui vouent une véritable haine au Président de la république et ils sont très nombreux dans les médias.

Croire également qu’il pensait à un sursaut miraculeux après les européennes, c’est le prendre pour un naïf, ce qu’il n’a jamais été.

Il savait donc qu’il y avait de grandes chances que le RN arrive en tête au premier tour et qu’il puisse avoir la majorité à l’Assemblée au second sachant que le système électoral français amplifie souvent au second tour les résultats du premier.

A Matignon, le RN ne pourra pas faire ce qu’il veut d’autant qu’il sera constamment surveillé d’en-haut par le Président de la République (et le Conseil constitutionnel) qui pourra mettre en place toute une politique de «containment» et une communication offensive vis-à-vis d’un gouvernement qui sera dangereux tant par son programme que par l’idéologie qu’il véhicule et les personnes qui le composeront.

En revanche si il est à l’Elysée, le RN sera alors sur le toit du monde et pourra faire ce qu’il veut.

C’est en cela que la décision de dissoudre d’Emmanuel Macron est bonne et, surtout, peut empêcher le pire du pire de survenir.

Néanmoins, il est difficile de rester les bras croisés devant l’inéluctable que, rappelons-le encore une fois, Emmanuel Macron a empêché en 2017 et 2022.

Il faut donc faire barrage absolument à l’extrême-droite le 7 juillet (ainsi qu’aux plus extrémistes de la Nupes).

En faisant cela, ce serait une bataille de remportée mais, malheureusement, certainement pas la guerre dont la bataille décisive se déroulerait en 2027 alors même qu’aucun parti de l’axe central n’a aujourd’hui de candidat crédible pour cette échéance.

Oui, le camp démocratique est dans un dilemme complet mais sa dignité lui fera quand même faire barrage autant qu’il le peut à cette extrême-droite nauséabonde qui réclame le pouvoir.

Mais c’est bien 2027 qui sera la date-clé.

L’Equipe du CREC

 

 

Actualités du Centre. Législatives – Résultats officiels: majorité centriste à 20,04%; RN à 29,25%; Nupes-Nouveau front populaire à 27,99%


Selon les résultats officiels (voir ci-dessous), le RN remporte les élections législatives avec moins de 30% des voix (29,25%), devant la Nupes-Nouveau front populaire avec 27,99% des voix et la majorité présidentielle centriste avec 20,04% des voix.

Si l’on ajoute au RN ses alliés radicaux du LR, cette coalition obtient 33,15%.

Si l’on ajoute à la majorité présidentielle les candidats ayant concourus sous le sigle unique UDI ou Horizons, cette coalition obtient 21,07%.

A noter le faible score de LR (6,57%) et l’effondrement de Reconquête (0,75%).

Quant à la participation elle est juste au-dessus des deux-tiers de l’électorat (66,71%) ce qui signifie que pour une élection aussi importante que celle-là, 16,5 millions d’électeurs ne se sont pas rendus aux urnes.

Ainsi, si l’on ne prend en compte que les inscrits, les trois principales forces ne dépassent pas les 20% (19,01% pour le RN, 18,19% pour la Nupes-Nouveau front populaire, 13,02% pour la majorité présidentielle-Ensemble)

 

Résultats du 1er tour des législatives

Liste des nuances

Voix

Inscrits

Exprimés

Sièges

RN Rassemblement National

9 377 185

19,01

29,25

37

UG Union de la gauche

8 974 548

18,19

27,99

32

ENS Ensemble ! (Majorité présidentielle)

6 425 570

13,02

20,04

2

LR Les Républicains

2 104 981

4,27

6,57

1

UXD Union de l'extrême droite

1 251 205

2,54

3,90

1

DVD Divers droite

1 172 541

2,38

3,66

2

DVG Divers gauche

491 069

1,00

1,53

0

DVC Divers centre

391 418

0,79

1,22

0

EXG Extrême gauche

367 165

0,74

1,15

0

REG Régionaliste

335 822

0,68

1,05

0

REC Reconquête !

239 986

0,49

0,75

0

HOR Horizons

231 664

0,47

0,72

0

ECO Ecologistes

181 989

0,37

0,57

0

UDI Union des Démocrates et Indépendants

163 072

0,33

0,51

0

DIV Divers

142 890

0,29

0,45

0

DSV Droite souverainiste

90 090

0,18

0,28

0

EXD Extrême droite

59 679

0,12

0,19

1

SOC Parti socialiste

29 242

0,06

0,09

0

RDG Parti radical de gauche

12 434

0,03

0,04

0

FI La France insoumise

12 223

0,02

0,04

0

COM Parti communiste français

3 126

0,01

0,01

0

VEC Les Ecologistes

2 668

0,01

0,01

0

 

 


Nombre

Inscrits

Votants

Inscrits

49 332 729



Abstentions

16 421 470

33,29


Votants

32 911 259

66,71


Blancs

582 017

1,18

1,77

Nuls

268 673

0,54

0,82

Exprimés

32 060 569

64,99

97,42










En raison des arrondis à la deuxième décimale, la somme des pourcentages peut ne pas être égale à 100%.