Lors d’un entretien avec le quotidien La Provence et l’hebdomadaire
La Tribune, Emmanuel Macron a posé les priorités des trois années restantes de
sa présidence qui sont l’emploi, l’école, la santé, la sécurité et l’écologie.
Dans son esprit la perduration de la baisse du chômage passe
par la réindustrialisation du pays qui entraîne également la réduction des
déficits, une meilleure cohésion sociale, l’innovation et une autonomie
stratégique.
L’école et la santé sont les deux services publics prioritaires
avec le choc des savoirs pour la première et une réorganisation du système pour
la seconde, notamment celle de l’hôpital public.
La sécurité se décline en celle d’assurer celle de la France
face aux menaces extérieures avec une accélération du réarmement et celle face
aux menaces contre les Français venues de l’intérieur avec une police plus présente
sans oublier la mise à niveau du système judiciaire.
Concernant l’écologie elle fait partie des transitions indispensables
et se place en tête de cet agenda.
Quant au bilan de ses sept premières années de présidence,
il estime que s’il a fait des erreurs, il a mené une politique avec des résultats grâce
notamment à son «en même temps» qu’il continue à défendre et qui est une devise
qui se rapproche du principe centriste du «juste équilibre».
Parlant des déficits publics, il défend sa politique de baisse
des impôts et de réformes ainsi que le soutien aux Français pendant les graves
crises traversées ces dernières années avec la mise en place du «quoi qu’il en
coûte» tout en précisant que la dette n’est pas une conséquence des décisions lors
de sa présidence mais est un héritage constant du passé.
Il se dit également prêt à mettre une dose de
proportionnelle dans les élections législatives – demande constante du MoDem –
si une majorité se dessine à l’Assemblée.
Dans cet entretien, Emmanuel Macron revient également sur la
crise engendrée par l’invasion de l’Ukraine par Poutine en défendant son «ambiguïté
stratégique» par rapport aux actions que pourrait prendre la France et l’UE en
cas de possible défaite de Kiev.
A propos des relations avec la Chine alors que son
président, Xi Jinping, vient en France pour une visite d’Etat les 6 et 7 mai,
il veut rééquilibrer les échanges commerciaux mais il veut maintenir des liens privilégiés
avec le régime communiste en place à Pékin au moment où l’on célèbre le soixantième
anniversaire du rétablissement des relations diplomatiques entre les deux pays
initiés par le Général de Gaulle.
Sur les désordres créés par l’extrême-gauche dont LFI et les
pro-palestiniens dans les établissements scolaires en rapport avec la crise au
Moyen-Orient, il prône la fermeté.
►Voici
les principaux extraits de cet entretien
> Il me reste tant de choses [à faire]. Il me reste à
aller au bout de beaucoup de dossiers et en ouvrir d'autres. J'ai quatre
priorités. D'abord poursuivre la réindustrialisation du pays. C'est la mère des
batailles, parce que c'est ce qui nous a permis ces dernières années de
conjurer cette maladie profonde de la France, qui est à mes yeux aussi la
source de beaucoup de ses divisions : le chômage de masse dans la durée. Nous
avons créé plus de 2 millions d'emplois et plus de 300 usines, en moins de sept
ans, c'est inédit. Il faut continuer en poursuivant notre politique en matière
d'innovation avec France 2030 et nos réformes du marché de l'emploi. Le
plein-emploi, c'est-à-dire à la fois la baisse du chômage et la hausse de
l'activité, est la bonne réponse à la question des finances publiques, de la
cohésion sociale, de la création de richesse et de notre autonomie stratégique.
Ensuite, je veux continuer à réarmer nos services publics, et en particulier l'école
et la santé. Là aussi, on a fait ces dernières années de vraies évolutions grâce à
un réinvestissement sans précédent. Beaucoup de transformations sont en cours
pour recréer une école de qualité : le choc des savoirs, la formation des maîtres,
le pacte enseignant... Il s'agit à la fois d'élever le niveau des élèves, de
transformer le système éducatif et de veiller à ce que l'école demeure un
sanctuaire. C'est pour moi aujourd'hui la bataille la plus importante. Celle
qui est au cœur de mon ADN : la lutte contre l'assignation à résidence.
Concernant la santé, alors que nous manquons et continuerons de manquer de médecins,
avec la fin du numerus clausus, la meilleure rémunération des professions médicales,
la réorganisation de l'hôpital, la délégation des actes, nous avons également
enclenché une transformation profonde du secteur afin de répondre à la demande
de soins et d'avoir une médecine plus préventive. Mon troisième axe, c'est le régalien.
Là aussi on a fait beaucoup. À la fin de ces dix ans, on aura doublé le budget
des armées, augmenté de 60% celui de la justice, de 50% celui de l'Intérieur.
Et je ne parle pas des recrutements. (…)
Les Français ne perçoivent pas encore tous les changements. Pourtant, on a
d'ores et déjà de manière très perceptible des réductions de délais judiciaires
qui sont liées à ce réengagement de l'État, comme les fameuses opérations « place
nette XXL » pour lutter contre le trafic de drogue l'ont montré. Sur les
violences faites aux femmes, on a doublé le nombre de condamnations parce que
l'on a amélioré significativement l'accueil des victimes par les enquêteurs
puis par la justice et convaincu les magistrats de prioriser le traitement de
leurs plaintes, de juger plus de dossiers et plus vite. Il y a cinq ans, les
mises sous protection des femmes victimes de violences nécessitaient une
attente de quarante-deux jours. C'est six aujourd'hui... Dans les semaines qui
viennent, je veux compléter notre travail avec une série d'actions pour traiter
en profondeur la racine du mal. Ce sera par un nouveau volet sur les mineurs en
préventif et en répressif afin d'accroître la cohésion de la nation. J'ai
demandé au Premier ministre d'engager une large concertation qui permettra
d'ouvrir une série de débats, et je prendrai de premières décisions dans les
prochaines semaines sur les écrans, à la suite du rapport que m'a remis cette
semaine la commission d'experts qui a réfléchi à ces questions. Il y aura aussi
la question du service national universel et de sa généralisation. Enfin, les
grandes transitions et la transition écologique seront mon quatrième axe
prioritaire - tout aussi important que les autres. La France a été condamnée
pour non-respect de ses engagements climatiques en 2018. J'ai été élu en
2017... Sur la période 2018-2022, on a remis le pays dans le chemin. On a réduit
nos émissions de CO2 de 2% par an. Et depuis ce nouveau quinquennat, on
est un peu au-dessus de 4,5%. Nous sommes en train de démontrer qu'il est
possible de créer de la richesse en baissant les émissions : c'est cela, l'écologie
à la française. Et nous devons en être fiers.
> J'ai fait de nombreuses erreurs en sept ans. Mais qui
peut dire, en politique comme dans la vie, qu'il n'en commet jamais ? Le tout
est de les reconnaître, ce que je fais, et d'avoir des engagements qui sont
respectés. C'est la fierté d'un travail collectif avec la majorité et mes
gouvernements. J'aurais voulu faire la réforme des retraites par points promise
pour le premier quinquennat. La crise des gilets jaunes puis le covid19 nous en
ont empêché. En fait, elle était plus difficile à mener que celle qu'on a faite
l'an passé car elle refondait plus fondamentalement le système. Je pense que
c'est un élément qui aurait changé en profondeur les choses. Et j'aurais aussi
aimé mener à son terme la réforme institutionnelle stoppée en 2018. À côté de ça,
il y a également des mots que j'ai pu avoir, et qui ont pu être mal interprétés
et blesser. Ça, ça ne fait jamais avancer le schmilblick. Donc, honnêtement, je
les regrette. Il faut avoir l'humilité d'apprendre chemin faisant.
> Quand je regarde les sept années qui viennent de s'écouler,
je crois vraiment qu'on a fait des choses que tous nos prédécesseurs n'avaient
pas osé faire. Le « en même temps », ce n'est pas un mauvais compromis ou faire
tenir ensemble des choses irréconciliables, c'est refuser d'opposer des choses
de manière artificielle pour des raisons politiciennes. C'est assumer que la
question n'est pas de savoir si une proposition est de gauche ou de droite mais
de savoir si elle est efficace. Ce n'est pas une dilution, c'est une double
radicalité. Au fond, c'est une formule gaulliste. J'assume donc d'avoir fait
des réformes beaucoup plus audacieuses que mes prédécesseurs de droite sur les
questions justement de sécurité, de défense, de retraite, d'emploi, de fiscalité,
qui ont permis de lancer notre réindustrialisation, d'être numéro un en matière
de création de start-up en Europe et d'être depuis cinq ans, chaque année, le
pays qui attire sur le continent le plus d'investissements étrangers. J'assume
aussi d'être beaucoup plus audacieux que mes prédécesseurs de gauche en matière
de politique sociale, notamment en investissant comme personne ne l'avait
jamais fait avant moi dans la santé ou l'éducation. La plus grande injustice,
c'est quand l'école n'est pas au rendez-vous. C'est pourquoi nous avons décidé
le dédoublement des classes, l'accompagnement en groupes au collège, l'évaluation
afin de ne plus laisser des enfants passer automatiquement d'une classe ou
l'autre... C'est parce qu'on a eu de la constance et de l'audace, qu'on n'a
pas faseyé. Ces dernières décennies, ce qui a pu abîmer le pays et créer
de la défiance à l'égard des dirigeants, c'est quand certains de mes prédécesseurs
ont été élus sur une promesse et ont fait, six mois ou un an plus tard, le
contraire. Je ne prétends pas avoir fait les choses de manière parfaite, mais à
chaque fois j'ai dit ce que je voulais faire et je me suis tenu à faire ce que
j'avais dit, au premier comme au deuxième mandat. Et tout cela malgré les
crises, les gilets jaunes, le covid19, la guerre en Ukraine, la crise énergétique.
Tenir bon la vague et tenir bon le vent, pour paraphraser les grands auteurs ;
faire preuve à chaque instant d'un optimisme lucide. Penser que la France et
les Français ont tout pour réussir. C'est cela qui pourrait définir notre
aventure collective depuis sept ans.
> [Dette publique] J'essaie d'être cohérent. Depuis 2017,
nous avons toujours eu une approche de sérieux tout en donnant la priorité
aux réformes, à la transformation de l'économie. Avant la crise des gilets
jaunes, nous avons beaucoup baissé les dépenses publiques. Les périodes du covid19
puis de la guerre en Ukraine et de l'inflation, où on a protégé les Français
et l'économie, ont accru notre dette. Mais le décalage en la matière par
rapport à la moyenne européenne ne s'est pas fait dans cette période. Il est le
résultat de trente ans de désindustrialisation et de relances par la demande
plutôt que par l'offre, lorsqu'il y a eu des crises. Depuis 2017, notre
politique est très constante, c'est celle de la politique de soutien à notre
appareil productif et des réformes. Elle nous permet de redevenir une grande
nation industrielle et de reconverger avec les Allemands. Maintenant qu'a-t-on
vécu ces derniers mois? Un choc conjoncturel en Europe. La France s'est mieux
tenue que les autres, mais nous avons connu une croissance et surtout des rentrées
fiscales moins importantes à la fin de l'année, en raison notamment du
ralentissement brutal qui touchait l'Allemagne et l'Italie. Est-ce que la réponse
doit être de changer de politique? Il y a eu ce débat. Certains l'ont poussé.
Je ne l'ai pas souhaité parce que notre politique donne des résultats et parce
que je vais vous expliquer ce que s'appelle changer de politique en France
lorsqu'on est confronté à une telle situation. Ça s'appelle augmenter les impôts.
On a baissé de 60 milliards d'euros les impôts à travers nos réformes au bénéfice
des ménages et des entreprises, et malgré cela on est encore sur le podium de
l'OCDE en matière de fiscalité. Nous avons plutôt décidé de répondre de manière
conjoncturelle à un choc conjoncturel, c'est-à-dire de faire des économies sur
le budget sans changer les équilibres et nos priorités, en limitant certaines
des marges d'augmentation qui étaient prévues. Si on arrive au plein-emploi, si
les entreprises tirent parti de la stabilité de notre politique de l'offre et
investissent, on réglera une bonne partie de notre sujet de finances publiques.
C'est l'objectif qu'on poursuit depuis 2017. Nous avons des résultats. Nous
devons aller plus loin.
> [Majorité relative à l’Assemblée] Ça en change la
nature. C'est la démocratie, c'est ce que les Français ont voulu. Ça change
totalement la perception et la manière d'avancer. Est-ce que jusqu'ici ça nous
a empêchés de faire des réformes ? L'honnêteté me conduit à vous dire non.
Est-ce que ça a pu brouiller les choses parce que le débat parlementaire est
dilué par des considérations politiciennes, comme sur la loi immigration ? La réponse
est oui. Mais c'est à nous de clarifier. Durant tout mon premier mandat, les
gens ont dit : « Ils ont trop de pouvoir, une majorité écrasante...
» Si j'avais eu à nouveau une majorité aussi large, je ne suis pas sûr que
les gens dans la rue, socialement, auraient été moins mobilisés contre
certaines réformes. Moi, j'ai toujours eu confiance dans l'intelligence
politique des Français. C'est le peuple le plus politique au monde. Ils m'ont
reconduit, mais ils ont voulu aussi quelque chose qui ressemble davantage à un
système proportionnel. Cela nous oblige à trouver des compromis et c'est une
bonne chose.
> Si une majorité se dégage pour introduire une part de
proportionnelle, [cela se fera]. C'est l'engagement que j'ai pris. Je pense que
ce serait bon pour la démocratie.
> [Limite de deux mandats présidentiels] Elle est là et
je ne vais pas changer la Constitution. Si vous me demandez mon avis personnel,
je pense que c'est toujours mieux quand on laisse le choix aux électeurs. Je
suis pour le renouvellement en politique et j'ai porté la limitation du nombre
de mandats dans le temps, donc je ne suis pas forcément en train de vous dire
que j'aurais aimé être candidat à un troisième mandat. Mais je pense avec le
recul qui est aujourd'hui le nôtre que quand on met des interdictions dans la
loi on capture en quelque sorte une part de la liberté des électeurs qui sont
souverains. Donc je regarde devant avec la volonté d'être utile au pays et
audacieux jusqu'au bout.
> J'ai encore tellement de choses à faire pour les Français.
> Nos institutions sont claires. Les pouvoirs du président
de la République, la Constitution de la Ve République en a voulu ainsi,
sont forts. Les formations de la majorité sont loyales et engagées. Dans mes
responsabilités, il y aura celle de préparer la suite et de garder la force et
l'unité de ce bloc central né en 2017.
> Si une motion de censure devait être votée, j'en
tirerais les conséquences politiques et institutionnelles qui dépendront des
circonstances. (…) Je ne vais pas vous les donner à froid. Mais une motion de
censure est un fait dans la vie politique et parlementaire. Cela ne peut donc
en aucun cas être sous-estimé.
> Quatre mois [que Gabriel Attal est le Premier ministre],
c'est très court. Le Premier ministre est engagé sur tous les chantiers sur
lesquels je lui ai demandé d'avancer. Il est à l'action, au combat avec les
qualités qui sont les siennes, que je lui connais et pour lesquelles d'ailleurs
j'ai décidé de le nommer à ce poste. Avec le gouvernement, il fait bouger les
choses sur beaucoup de sujets.
> [Relations avec la Chine] J'ai d'abord une méthode,
inaugurée durant mon premier mandat, qui consiste à engager les Européens avec
nous. Demain, avant même l'accueil officiel du président Xi Jinping, il y aura
une réunion trilatérale avec la présidente von der Leyen. Le chancelier Scholz
ne peut être là mais nous nous sommes coordonnés lors de notre rencontre jeudi
dernier. Cela permet d'unir les Européens, de nous installer comme puissance.
Que ce soit sur le climat ou sur la sécurité, nous avons besoin des Chinois.
L'accord de Paris n'aurait pas été possible sans un accord Xi Jinping-Obama.
C'est le rôle de la France et de l'Europe d'être la puissance d'équilibre qui
permet sur ces grands sujets de réengager la Chine dans la discussion
internationale. J'ai également essayé de le faire sur les grandes questions de
sécurité, qu'il s'agisse de la lutte contre la prolifération nucléaire en Corée
du Nord et en Iran ou de la recherche d'une paix durable en Ukraine. Vient
ensuite le volet sur la question des valeurs, des droits de l'homme, les désaccords
que l'on peut avoir, que l'on évoque plutôt derrière des portes closes. Enfin,
sur le champ économique où notre position est constante, nous voulons obtenir
la réciprocité des échanges et faire prendre en compte les éléments de notre sécurité
économique. En Europe, nous ne sommes pas unanimes sur le sujet car certains
acteurs voient toujours dans la Chine essentiellement un marché de débouchés.
Je plaide pour un aggiornamento parce que la Chine est devenue surcapacitaire
dans beaucoup de domaines et exporte massivement vers l'Europe.
> [Adaptation des règles des échanges commerciaux
notamment avec la Chine] Cela chemine. Il ne faut pas oublier que pendant les
quinze, vingt dernières années nous avions une Europe lotharingienne, qui
produisait beaucoup, était tirée par l'automobile, disposait d'une énergie peu
chère (le gaz russe), d'un hinterland productif (l'Europe centrale et
orientale), d'un marché de débouchés (la Chine) et d'un parapluie géopolitique
(les États-Unis). Tout cela est à terre. Le gaz russe n'est plus accessible. En
dehors de certains secteurs comme le luxe, le marché chinois n'est plus un
marché de débouchés pour ce qui est produit en Europe. Quant aux États-Unis, si
on a de la chance de les avoir en Ukraine aujourd'hui, regardons les choses
avec lucidité : leur priorité est axée sur eux-mêmes et la Chine. Notre modèle
est donc profondément bousculé, je prône depuis un moment déjà de le repenser.
La France a des atouts : nous sommes en train de réindustrialiser, nous avons
une énergie moins chère que nos partenaires européens et indépendante et décarbonée
grâce au nucléaire, nous sommes en train de développer de nouveaux segments de
production décarbonée, et enfin nous avons un modèle de défense et une
dissuasion qui nous rendent moins dépendants que d'autres. Dans cette
recomposition, la France a une voix particulière. Soyons clairs, je ne propose
pas de nous écarter de la Chine. Je pense toutefois que l'on doit mieux protéger
notre sécurité nationale, notre souveraineté, dérisquer une partie de nos chaînes
d'approvisionnement et être beaucoup plus réalistes dans la défense de nos intérêts.
> L'ambiguïté stratégique, c'est de ne pas donner trop de
précisions. La Russie, comme puissance stratégique, ne nous donne plus aucune
visibilité. Elle a décidé unilatéralement en février 2022 d'attaquer un État
souverain, l'Ukraine, et donc de ne pas respecter le droit international, la
Charte des Nations unies. Au début, elle avait un objectif stratégique affiché
: elle prétendait sauver des provinces ukrainiennes (oblasts) qui avaient déclaré
leur autonomie. C'est fini, elle est sortie de ce cadre. Elle a décidé de
devenir résolument une puissance déstabilisatrice qui ne donne aucune limite
stratégique à son action. Et le président Poutine a constamment brandi la
menace nucléaire. Face à un tel adversaire, quelle faiblesse de tracer des
limites a priori, quelle faiblesse ! Il faut au contraire lui enlever toute
visibilité, parce que c'est ce qui crée des capacités à dissuader. La sécurité
des Européens se joue en Ukraine parce que c'est à 1 500 kilomètres de nos
frontières. Si la Russie l'emporte, la seconde d'après, il n'y a plus de sécurité
possible en Roumanie, en Pologne, en Lituanie et plus non plus chez nous. La
capacité et la portée des missiles balistiques russes nous expose tous. (…) La fébrilité
russe montre que nous avons raison de ne pas fermer de portes. Sinon, cela veut
dire qu'on accepte de renoncer à un ordre international basé sur le droit et
donc à la paix et la sécurité.
> [Blocage des établissements scolaires et universitaires
par l’extrême-gauche et les pro-palestiniens] Je les condamne avec la plus
grande fermeté. Je suis pour qu'il y ait des débats. C'est tout à fait légitime
et même sain et rassurant que notre jeunesse puisse dire que l'actualité
internationale la touche et qu'elle en débatte, mais intimer l'ordre à un établissement
d'avoir telle ou telle politique par la force et le blocage, empêcher d'autres étudiants
d'accéder à un amphithéâtre sous prétexte qu'ils sont juifs, ce n'est pas la République.
Ce n'est pas le respect de l'autre, le pluralisme, la condamnation de l'antisémitisme
et du racisme.
Nous faisons [évacuer les établissements] à chaque fois à la demande des établissements
qui en ont la responsabilité et j'y suis favorable. Depuis l'attaque terroriste
du Hamas du 7 octobre, nous sommes l'un des pays européens qui ont connu le
moins d'excès. La France a une position d'équilibre, d'exigence. Je comprends
très bien que ce qui se passe aujourd'hui en particulier à Gaza bouleverse - la
France appelle d'ailleurs à un cessez-le-feu immédiat -, mais empêcher le débat
n'a jamais aidé à la résolution d'un conflit.
[Ceux qui bloquent] sont politisés. Certaines formations, comme La France
insoumise, ont considéré que c'était une manière pertinente de mener le combat.
Il est simplement contreproductif et inacceptable qu'au nom de leurs combats
ils empêchent le débat.
> [Elections européennes] C'est l'élection des députés
européens. La conclusion sera donc d'abord européenne. Et d'ailleurs, une
semaine après le vote du 9 juin, je serai au Conseil européen extraordinaire
pour travailler sur le sujet des nominations et de l'agenda stratégique de la
Commission européenne qui sera nommée. J'y porterai les positions que j'ai
exprimées dans le discours de la Sorbonne. Ce qui m'importe, c'est qu'on ait un
agenda européen le plus ambitieux possible parce que nous en avons besoin. Mon
rôle dans cette campagne, c'est rappeler cet enjeu.
> [Elections européennes] Je l'ai dit, je m'impliquerai.
Je ne peux pas vous dire que ces élections sont essentielles et ne pas
m'impliquer pour soutenir la liste qui défend l'Europe.
> [Sondages favorables au RN pour les élections
européennes] Le RN est haut parce qu'il ne gouverne pas et qu'il ne dit rien.
Ces dernières années, le RN s'adapte à l'esprit du moment et aux sondages.
Alors, on ne sait plus bien : est-ce un produit de marketing ou est-ce un parti
nationaliste qui s'est travesti ? Le cœur du cœur du programme du RN, il y a
cinq ans, c'était par exemple la sortie de l'Europe et de l'euro. Je n'entends
plus un mot à ce sujet. Est-ce un vrai changement de ligne ? Ou
avancent-ils en dissimulant ce qu'ils sont vraiment ? Dans cette campagne,
je vous défie de me donner une seule idée du RN. La plupart du temps
d'ailleurs, ses élus postulent à un mandat qu'ils n'exercent pas vraiment
puisqu'ils ne votent pas. Ils affirment qu'on ne fait pas assez pour les
agriculteurs, mais quand ils sont au Parlement européen, ils ne votent pas le
budget de la PAC, alors que la PAC, c'est 9 milliards d'euros par an pour la
France et 40 000 euros par exploitation par an. Sur le plan national, c'est la
même chose. Dès que le pays affronte une difficulté, ils se mettent du côté de
la colère, sans jamais prendre en compte l'intérêt national. Ce n'est donc pas
surprenant qu'ils soient à 30% d'intentions de vote. La vraie question c'est :
est-ce que cela fera une politique ? La réponse est non. Ils ne vont pas
changer l'Europe. Même en ayant un groupe au Parlement européen, ils n'ont pas
poussé un seul sujet. Ils sont perclus d'incohérences. Ils changent de visage
en permanence. Un jour le Frexit, un autre le maintien dans l'Union. Avant l'élection,
l'immigration zéro et maîtrisée au niveau national ; le lendemain, la volonté
d'aborder le sujet en Européens. Au fond le RN dit ce qu'il ne vote pas et vote
ce qu'il ne dit pas. Le RN, c'est le symptôme des peurs et des colères. C'est
normal qu'il y ait des colères dans un monde qui est en bascule comme le nôtre
où la guerre revient, où certains souffrent de ne pas vivre de leur travail
et regardent vers les extrêmes. Mais agréger les colères, ce n'est jamais
proposer un programme ou dessiner un avenir. Il ne faut pas que les élections
européennes deviennent un moment où cette colère déferle de manière innocente
ou sans conséquences. Parce que ces élections arrivent à un moment inédit
grave, existentiel. Un moment où il faut défendre ce bouclier européen qui
protège la civilisation et les valeurs françaises.
> [Elections européennes] Je souhaite que Gabriel Attal
s'engage au maximum dans la campagne en faisant des débats, des meetings, en
allant sur le terrain. C'est ce que je lui ai demandé, comme aussi à l'ensemble
du gouvernement.
> [Les Français peu passionnés par les JO de Paris] Je ne
suis pas inquiet. Je note qu'il y a eu beaucoup plus de défiance lors des éditions
précédentes, à Londres, Tokyo ou ailleurs qu'il n'y en a chez nous.
L'acceptabilité par les citoyens est pourtant un vrai sujet de préoccupation
quand on les organise. Notre pays a envie de vivre ces Jeux, il en est fier.
Mais, oui, mercredi à Marseille, ça va désormais devenir une réalité. L'arrivée
du Belem marque un nouveau temps, l'arrivée de la flamme va allumer
les cœurs. Pendant des semaines, on va vivre une préouverture. Notre territoire
va se donner à voir au monde. Ce parcours de la flamme va occasionner une série
d'événements locaux et c'est une manière de dire : les Jeux sont aussi les vôtres.
Ils le sont d'autant plus que 73 collectivités sont concernées au premier chef
en accueillant des épreuves : elles vont être touchées dans leur
fonctionnement, leur économie et leur notoriété.
> [Cérémonie d’ouverture des JO de Paris] Nous sommes très
préparés. Nous avons mis en place un dispositif inédit pour un événement qui
l'est aussi d'un point de vue artistique et en matière de visibilité. L'esprit
français est un esprit d'audace. Cela suppose bien sûr beaucoup de préparation
et de professionnalisme. J'ai une confiance totale dans l'ensemble des équipes
et des partenaires. (…) De toute façon, il y aura une cérémonie d'ouverture. Il
y a une très grande préparation, et celle que nous préparons et que nous
souhaitons est une première mondiale : sur la Seine. Mais, au moment où je
vous parle, je ne pense pas à ça. Le rôle des pouvoirs publics est de penser
toujours les scénarios possibles, mais on prépare surtout un événement majeur.
Il faut se projeter. Ça sera une fierté extraordinaire et nous serons prêts.
Des milliards de gens vont regarder ce spectacle inédit. On va aussi voir
d'immenses artistes, des trésors de la chanson française.
> [JO de Paris] Accueillir le monde est un élément de
fierté qui change le regard des Français sur eux-mêmes. Projeter les gens vers
des choix audacieux, ça vaut le coup, en particulier chez nous. On a toujours
chez nous cette tension entre une préméditation pessimiste et, dans le même
temps, il y a une mobilisation extraordinaire et une volonté de cette audace
française. Je la vois. Ce qui me frappe depuis sept ans à chaque fois que je me
déplace, c'est que le monde aime et admire la France. On connaît nos défauts.
Et je voudrais que ça enlève un peu de ce doute qui rend impuissant. On
est capables de le faire, on va le faire.
> [Menaces de blocage des JO de Paris par les syndicats] Ça
va se régler. Il y a toujours des personnes pour utiliser ces moments-là mais
j'ai confiance dans le pays, notamment parce que nos forces syndicales ont
l'esprit de responsabilité. Je le constate aussi avec ce que l'on a fait en
sept ans.
> [Financement des JO de Paris] Les Jeux paient les Jeux,
c'est la règle que l'on a tenue, l'État ne finançant que des infrastructures
qui ont vocation à perdurer. (…) On fera le bilan à la fin, en toute
transparence, mais vraiment on a eu un esprit de responsabilité et de pérennité
pour les infrastructures. La marina à Marseille, ce sera un héritage durable.
Le centre aquatique en Seine-Saint-Denis aussi. Sans parler du village
olympique, le plus grand projet urbain de création de logements en Europe des
dernières années. Ces Jeux ont été un formidable facteur d'accélération, ce
sont des investissements dans la durée, au service des Français. Le Grand
Palais, c'est la plus grande rénovation culturelle, près de 500 millions
d'euros au total, et on va en faire un site formidable qui restera. Rien n'est
un éléphant blanc. C'est de l'argent public bien utilisé.
> La trêve olympique doit nous servir à envoyer un
message au monde. C'est l'un des sujets que j'évoquerai avec le président
chinois lundi et mardi. Ces Jeux vont nous permettre d'avoir un sommet
international vingt-quatre heures avant l'ouverture pour promouvoir un agenda
correspondant à nos objectifs liminaires, mais la trêve olympique est, pour
moi, le principal message. Nous allons essayer de l'obtenir pour l'ensemble des
théâtres de conflits.
> [Changement du scrutin pour les municipales à Paris,
Lyon et Marseille] Les concertations sont en cours. Tout le travail d'approche
mené par les parlementaires est très utile et devra aboutir prochainement.
C'est une question démocratique. Dans les grandes villes, les électeurs
doivent avoir la même capacité de choisir leur maire que dans le reste de la
France, c'est-à-dire pas par un système de combinaison, mais par un vote
direct.
> [Grandes projets pour laisser sa marque dans l’Histoire]
Je ne le fais pas pour cela. Et c'est souvent l'Histoire qui décide pour vous. (…)
Il y a déjà eu de grandes réalisations, comme la création de la cité
internationale de la langue française au château de Villers-Cotterêts, la
reconstruction de Notre-Dame de Paris dans un temps record ainsi que de
nombreux projets partout en France que nous portons avec le ministère, les
partenaires comme la mission de Stéphane Bern. Je souhaite qu'il y en ait
d'autres. Mais je ne construis pas tout cela à titre testamentaire. Je regarde
toujours vers l'avenir avec confiance. Je crois en l'audace, qu'on a eue dès le
premier jour et que l'on continuera d'avoir jusqu'au dernier (…).