Le mariage entre marketing et télévision d’abord dans le
seconde partie du 20e siècle puis leur ménage à trois avec internet
depuis la fin du deuxième millénaire ont-ils abouti à ce que la démocratie se
«populise» lentement mais sûrement?
Evidemment, le populisme n’est pas une invention nouvelle,
il existe depuis que la politique existe – et son empreinte sur la démocratie dès
sa naissance a toujours été une réalité – mais ces inventions – marketing,
télévision, internet ainsi que le recours systématique à l’enquête d’opinion
dont la plus célèbre est le sondage – ont sans nul doute révolutionné la
manière dont le politique s’adresse aux citoyens en modifiant en profondeur son
message, son contenu et sa forme et, in fine, sa manière d’agir.
Le marketing a ainsi permis de faire élire un politique
comme un savon et a privilégié le slogan au programme élaboré, l’élaboration
d’un récit – le désormais fameux «story-telling» plutôt que l’élaboration d’un
programme politique cohérent.
La télévision a ainsi permis au «savon» politique d’inonder
quotidiennement ses «clients» électeurs des «bulles» de ses promesses avec des
images de plus en plus travaillée qui suscitent les émotions nécessaires à l’adhésion
à une «cause».
Internet, lui, a permis d’échanger en temps réel sur les
qualités réelles ou supposées du «savon» politique et de ses bulles tout en
créant des polémiques sans fin et des attaques de bas étage contre les «savons»
concurrents qui nettoieraient bien moins et dont les bulles feraient pschitt! Immédiatement.
Sans oublier le sondage qui permet par l’utilisation de ses
résultats – on peut faire dire tout et son contraire tant les questions sont
parfois totalement orientées – au «savon» de convaincre qu’il est d’accord avec
le «peuple» sur la manière de nettoyer le pays (alors qu’il ne s’agit que d’un
panel «représentatif de la population française»).
Et, en miroir, la télévision, internet et le sondage sont
aussi devenus des outils qui forcent les «savons» politiques à coller au plus
près des opinions souvent au relent très populistes qui émanent des
interventions d’individus lambdas ou de sondés.
L’union de ces outils a ainsi transformé, depuis la fin de
la deuxième guerre mondiale et surtout ces soixante dernières années, la
communication des politiques qui a, petit à petit, inclus l’immédiateté et la proximité
ainsi qu’un suivisme sur ce que disent les «gens» comme les sondés – personne
ne croit un instant les propos de certains d’entre eux qui affirment ne pas
gouverner avec les sondages – ou les intervenants sur les réseaux sociaux.
Tout ceci donne sans conteste une prime au discours
populiste puisqu’il s’agit en l’occurrence de coller au plus près aux réactions
de la population et/ou des militants et sympathisants de telle ou telle
formation clientéliste.
Ce qui évidemment amplifie les réactions qui sont
épidermiques et émotionnelles, sans parler des agirs violents et des propos
insultants.
Cette prise en compte participe grandement à la lente
transformation – qui s’est accélérée depuis une décennie – de la démocratie
représentative en démocratie populiste.
La puissance des mouvements populistes radicaux actuels est
d’ailleurs une preuve de ce basculement et de sa réussite autant que
l’aboutissement d’un processus qui a permis à celle-ci de s’imposer.
Dans cette démocratie en cours de «populisation», les
tribuns démagogues qui parlent fort ont un avantage évident et les exemples
abondent en ce sens (Jean-Marie Le Pen, Donald Trump, Jean-Luc Mélenchon, Boris
Johnson, Matteo Salvini, Erdogan, Viktor Orban, Giorgia Meloni, Marine Le Pen,
Eric Zemmour, etc.).
Mais, tout aussi inquiétant, est également la «populisation»
des partis politiques qui sont traditionnellement le socle de la démocratie
républicaine libérale, ceux qui font partie de l’axe central (des
sociaux-libéraux de gauche aux libéraux de droite en passant par les libéraux
sociaux centristes).
Aucun n’y échappe, de la Gauche à la Droite en passant par
le Centre même si le mouvement ne les a pas encore fait basculer dans le
populisme pur et dur.
Peut-on inverser ce mouvement in fine pour la démocratie
républicaine?
Personne ne le sait vraiment, ce qui est créateur d’angoisse
chez les défenseurs de la démocratie.
Sans doute que des solutions de long terme seraient capables
d’empêcher le cours du populisme de contaminer les sociétés démocratiques comme
une formation et information citoyennes qui ont jusqu’à aujourd’hui échoué
notamment parce qu’on ne s’est pas donné les moyens d’en faire les priorités
des priorités.
Aura-t-on le temps de s’atteler à la tâche avant ce qu’on
peut appeler la grande régression?
Parce que le jour où la démocratie sera dominée par le populisme,
il ne faudra pas longtemps pour qu’il ne la détruise.