Par Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella
Dans cette rubrique, nous
publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas
nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat
et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen,
défenseur d’une mondialisation humaniste.
Alexandre Vatimbella est Editorialiste au CREC
Ne nous méprenons pas:
la démocratie moderne est un processus en développement qui existe depuis près
de 250 ans, née aux Etats-Unis avec toutes les imperfections que l’on connaît.
Depuis, nulle part,
une «parfaite» démocratie n’a existé et aujourd’hui encore nombre des promesses
de son projet politique restent à réaliser.
Cependant, reconnaissons
qu’avec près de deux siècles et demi de fonctionnement, elle a tout de même progressé
et a ouvert de nouveaux champs de liberté, d’égalité et de fraternité aux
peuples qui en bénéficient.
Néanmoins, la question
cruciale en regard de la situation actuelle est de se demander si ces derniers
sont capables de pratiquer la démocratie du 21e siècle ou s’ils ne
sont pas encore assez formés pour cela et, question subsidiaire, s’ils le
seront un jour…
Si l’on prend comme
exemple le peuple étasunien puisqu’il en a été le premier bénéficiaire, force
est de constater que l’on reste à tout le moins dubitatif…
Depuis l’an 2000,
quatre présidents ont exercé le pouvoir: George W Bush, Barack Obama, Donald
Trump et Joe Biden, deux républicains et deux démocrates.
De même, au Congrès,
républicains et démocrates ont eu, à leur tour, la majorité à la Chambre des
représentants et au Sénat, actuellement les premiers tenant la première et le
second la deuxième.
La liberté existe notamment
celle de pensée, d’opinion, d’expression et de la presse.
Chacun est, selon la
loi, égal à l’autre.
Tout va donc pour le
mieux dans le meilleur des mondes?
Absolument pas!
Si ces faits ne sont
pas contestables, ils n’indiquent pas la trajectoire et celle-ci pose nombreuses
interrogations sur l’avenir de la démocratie républicaine qui pourrait être, in
fine, un accident de l’Histoire.
Notons d’abord que le
système électoral américain à deux niveaux (le peuple élit des grands électeurs
par Etats qui élisent le président de la fédération) a permis à deux présidents
d’être élus alors qu’ils n’avaient pas la majorité des voix (George W Bush face
à Al Gore et, surtout, Trump face à Hillary Clinton) et qu’ils étaient tous les
deux des républicains radicaux.
Le premier a engagé les
Etats-Unis dans une guerre illégitime en mentant à son peuple contre l’Irak
(quoi qu’on pense du dictateur sanguinaire qu’était Saddam Hussein) et le
deuxième a été l’ami des dictateurs qui haïssent les Ryays-Unis et a tenté un
coup d’Etat pour demeurer au pouvoir après sa défaite en 2020 face à Joe Biden
avec plus de 7 millions de voix de retard.
Et Bush a été réélu en
2004 (avec cette fois-ci la majorité des voix) malgré ses mensonges tandis que
Trump pourrait bien revenir au pouvoir à la fin de cette année alors qu’il est
actuellement à égalité dans les sondages avec Biden...
Comment un peuple
démocratique qui peut se former et s’informer a pu réélire un va-t-en-guerre
menteur et s’apprête peut-être à le faire pour un apprenti dictateur d’extrême-droite?
Ici, force est de
constater une inadéquation entre le projet démocratique et l’utilisation faite
par un peuple vivant en démocratie.
Ce questionnement
rejoint celui de cette perméabilité d’une grande partie du peuple américain aux
fake news, aux thèses élucubrationistes (complotistes) et à l’admiration de
personnages qui ne doivent au départ leur célébrité qu’à la naissance (Bush et
Trump) et à la télé-réalité (Trump).
La démocratie avait
comme principale mission pour pouvoir exister d’avoir des citoyens ayant reçu
un enseignement les rendant capables de ne pas tomber dans les mailles des
charlatans de la pensée et les illusionnistes qui leur promettent le paradis
ou, au contraire, attisent leur haine contre de soi-disant «ennemis» qu’il faut
éliminer.
Des citoyens qui devaient
restés «au courant» grâce à une information la plus objective possible afin de
ne pas être victime d’une propagande de populistes sans vergogne.
La faillite semble ici
d’une énormité angoissante.
Sans parler d’une
absence de consensus sur les valeurs humanistes, la société américaine ayant
toujours été divisée mais semble l’être encore plus en ce début de troisième
millénaire alors que la démocratie républicaine aurait du la souder sur
celles-ci ainsi que sur les règles et les principes démocratiques qui sont universalistes.
En outre, l’esprit de
responsabilité qui est indispensable au bon fonctionnement de la démocratie
républicaine existe peu et est totalement absent d’une partie importante de la
population.
On peut bien sûr citer
cet électorat de droite et d’extrême-droite qui vote pour un populiste
dangereux comme Trump mais il ne faut pas oublier cet électorat de gauche et d’extrême-gauche
qui a fait perdre Clinton en 2016 face à lui et qui s’apprête à le refaire
cette année avec Biden en décidant de ne pas aller voter (certains estimant
même que Trump et Clinton-Biden, c’est bonnet blanc et blanc bonnet dans la
pure tradition d’une extrême-gauche qui ne jure que la par la révolution
prolétarienne qui ferait un sort à la démocratie républicaine).
La pratique
démocratique aux Etats-Unis, au lieu de tendre vers l’universalisme a également
été confisquée par des groupes culturels, religieux, ethniques et genrés ce qui
a abouti à la mise en place d’un communautarisme qui revendiquent chacun que la
démocratie lui octroi une sorte de sur-égalité par rapports à ses «concurrents»
dans une vision de victimisation où l’autre est responsable de sa persécution
et de toutes les injustices qu’il prétend vivre avec raison ou non.
Le wokisme, notamment
par le détournement des études intersectionnelles en est l’illustration tout comme
la remontée en puissance du suprémacisme blanc qui n’avait jamais disparu.
On est loin d’une
fraternité qui est un ciment indispensable pour faire fonctionner correctement
la démocratie.
Force est de constater
que le peuple américain n’a ni la conscience, ni les comportements d’un peuple
démocratique.
En revanche, il
utilise en les subvertissant, les libertés démocratiques de manière d’autant
plus dommageable qu’il refuse la responsabilité qui s’attache à l’état démocratique.
En ce sens, il démontre
l’inadaptabilité d’un peuple vivant en démocratie au 21e siècle à vivre
en peuple démocratique.
Ajoutons tout de suite
qu’à peu de chose près, une étude sur n’importe quel autre peuple d’u peuple
démocratique aurait donné le même résultat.
Aris de Hesselin et
Alexandre Vatimbella