Loin de moi l’idée de prétendre qu’il y a eu un âge d’or de
l’information où les médias et les journalistes étaient tous parfaits,
professionnels et respectueux d’une déontologie stricte au profit d’un
lecteur-citoyen.
Ce serait même plutôt le contraire!
La presse, dès son origine – avant l’apparition des
démocraties – a pour objectif de défendre un point de vue à partir ou non de
faits.
C’est une presse d’opinion pas d’information.
Ce n’est que petit à petit, en particulier avec
l’établissement et le développement de la démocratie, que les médias deviennent
des organisations dont l’objet est d’abord d’informer, certains tentant même de
ne pas être trop partisans en privilégiant les faits sur les
commentaires.
Reste que l’âge d’or d’une information citoyenne est à
atteindre et non à retrouver.
Donc, point de nostalgie stupide qui ne s’appuie sur
rien.
Néanmoins, nous devons constater qu’aujourd’hui au lieu
d’aller vers le but de l’excellence et surtout celui d’être un des outils
essentiels de l’émancipation citoyenne en étant des réels médiateurs et
transmetteurs entre les faits et les lecteurs, les médias s’enfoncent dans une
logique commerciale où la mise en scène de l’information-spectacle (voire du
spectacle informatif!) et/ou dans une logique idéologique où l’instrumentalisation
de l’information à des fins partisanes, sont leurs réels objectifs.
La qualité éditoriale des médias est aussi en cause mais
c’est une question plus générale sur la médiocrité humaine qui est posée…
Si la situation s’est détériorée c’est en partie par la
multiplication de l’offre avec l’apparition d’un nombre conséquent de médias
audiovisuels et de sites internet (sans parler des réseaux sociaux).
Et, cela remonte peut-être, à l’apparition de la…
télécommande!
Inventée à la fin des années 1950, elle s’introduit petit à
petit dans les foyers avant d’être généralisée par les fabricants dans les
années 1980.
Aujourd’hui, pas de téléviseurs sans télécommandes.
Or la télécommande permet de changer de chaine sans se
déplacer de son fauteuil ou de son canapé.
Les plus vieux se rappellerons sans doute leurs
allers-retours du téléviseur au fauteuil et de l’importance d’avoir un magazine
des programmes à ses côtés…
Nous avons donc conquis cette liberté de pouvoir zapper
constamment ce qui induit, à la fois, la possibilité de tomber sur de multiples
programmes sur lesquels on ne serait jamais allé s’il avait fallu se lever à
chaque fois pour changer de chaîne sur le téléviseur mais aussi une offre qui
se multiplie et des médias qui doivent agir de manière à ce que le
téléspectateur ne devienne pas un zappeur compulsif donc de tout tenter pour
retenir son attention.
De nombreuses études ont été réalisées pour savoir comment
le téléspectateur utilise cet outil et sur sa nouvelle manière de regarder la
télévision et quelles en sont les conséquences pour les chaînes, leurs
programmes, leurs taux d’audience et leurs rentrées publicitaires.
L’invention et la généralisation de la télécommande ont eu
évidemment un impact sur la manière de s’informer à la télévision, sachant
qu’auparavant un téléspectateur demeurait fidèle au journal télévisé d’une
chaine (de 13h ou de 20h en France) pour toute sa durée.
D’autant que très rapidement après la début de sa
généralisation apparurent les chaines d’information en continu (c’est le 1er
juin 1980 que la pionnière d’entre elles, CNN, commença à émettre depuis
Atlanta, aux Etats-Unis).
Celles-ci impliquent d’ailleurs à l’origine le zapping
puisque leurs programmes quotidien ne variaient guère avec le rappel constant
des nouvelles qui sont souvent identiques l’entière journée et la diffusion de
reportages et de talk-shows en boucle.
Leur programmation a quelque peu changé depuis avec une
grille de diverses émissions qui tentent de retenir le spectateur plus
longtemps voire l’entière journée avec l’utilisation jusqu’à plus soif de
talk-shows avec invités plus ou moins récurrents, rémunérés ou non.
Actuellement, en France et en français, on trouve quatre
chaînes nationales généralistes d’information en continu principales (BFMTV,
Cnews, LCI, franceinfo) ainsi que France24, Euronews, i24news, sachant que l’on
trouve de l’information sur les grandes chaînes généralistes comme TF1,
France2, France3, M6, Arte ainsi que sur LCP, Public Sénat, RMC ou TV5-Monde ou
des chaînes spécialisées comme BFM business, BSmartTV, L’Equipe, Infosport ou
Eurosport.
Puis il y a les chaînes étrangères comme CNN, BBC, Sky news,
Fox news, etc.
Pas besoin de vous faire un dessein: il y a pléthore d’offre
accessible en appuyant sur des boutons qui sont disponibles dans votre
main.
Et la marchandise à vendre est uniquement ou en partie
l’information.
Il y a donc concurrence effrénée entre ces chaines mais
aussi entre celles-ci et les sites internet dont les réseaux sociaux (ainsi
qu’avec, de manière moins prégnante, avec les radios et la presse écrite qui,
en revanche, elles, doivent lutter pour ne pas être ringardisé par l’offre
télévisuelle et du web).
Il faut donc se distinguer et utiliser tous les outils du
marketing pour attirer le chaland et lui vendre sa version du traitement de
l’information.
Et ce traitement est très (trop) souvent sujet à
caution.
Parce que tout semble permis pour exister c’est-à-dire que
l’information n’est en réalité qu’une matière première pour fabriquer d’autres
produits qui ressemble à de l’information, ont le goût de l’information mais ne
sont pas de l’information.
C’est dans ce cadre que l’on connait une explosion des fake
news, de l’élucubrationisme (complotisme) mais aussi le montage de
controverses, la mise en avant de faits qui peuvent faire le buzz un ou
plusieurs jours mais sans rapport avec leur réelle importance ainsi que
d’autres procédés pour le moins contestables.
Résultat, nous ne sommes même plus trop informés mais tout
simplement trop désinformés.
Y a-t-il une solution?
D’abord, il n’est évidemment pas question de revenir une
chaine de télévision unique comme au «bon» vieux temps de l’ORTF.
Même les régimes totalitaires, à l’instar de la Chine ou de
la Russie, proposent désormais une pléthore de chaînes faisant croire à leurs
peuples qu’il s’agit d’une pluralité alors que toutes sont au service d’un même
pouvoir et d’une même idéologie.
Ensuite, la suppression de la télécommande à l’époque où
l’on peut contrôler ses appareils électroniques par la voix serait d’un
ridicule sans nom.
Enfin, demander aux opérateurs et diffuseurs de respecter
strictement des codes de déontologie seraient un coup d’épée dans l’eau
d’autant qu’il serait impossible dans une démocratie d’empêcher le commentaire
partisan qui découle de la liberté de penser, d’opinion et d’expression.
En revanche, il pourrait y avoir un contrepoids ou, tout le
moins, une offre alternative qui n’existe pas actuellement malgré ce que disent
les Etats, c’est le service public de l’information que nous avons déjà, à de
nombreuses reprises, défendu et justifié ici.
Centristement votre.
Le Centrisme