Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes.
«Fallait-il ou non dissoudre?» est une interrogation qui continue et continuera jusqu’au 7 juillet à interpeler tous les observateurs du monde politique.
Et l’on peut ajouter une question subsidiaire, fallait-il dissoudre maintenant ou dans trois mois?
Le résultat final donnera évidemment une indication.
Encore faut-il savoir ce que recherchais Emmanuel Macron en provoquant des élections législatives anticipées.
Bien sûr, la défaite de la majorité présidentielle aux européennes est une des causes, si ce n’est la principale, qui a amené le président de la république à dissoudre.
De même que cette majorité relative à l’Assemblée nationale qui posait de multiples problèmes pour faire passer des textes et réformer le pays en profondeur.
Sans oublier la stratégie du chaos organisée par LFI dans l’hémicycle et la stratégie d’une soi-disant dédiabolisation du RN.
Sans doute qu’un dissolution était une option réaliste, en tout cas la moins mauvaise, pour deux raisons.
La première était qu’il serait difficile dans l’atmosphère délétère créée par les extrêmes et les populismes d’aller au bout des cinq ans de cette législature et qu’un retour devant les électeurs serait plus ou moins obligatoire.
La deuxième était que devant une montée inexorable de l’extrême-droite, il valait mieux qu’elle gagne Matignon pour mieux perdre l’Elysée dans cette analyse que pendant les trois ans d’opposition qui lui restait avant les prochaines élections générales, le RN allait pouvoir continuer à se présenter en force politique respectable et surfer sur le «sale boulot» à faire en le dénonçant auprès d’un électorat qui voit souvent pas plus loin que le bout de son nez.
Mais fallait-il dissoudre tout de suite et faire en sorte que le RN puisse capitaliser sur sa large victoire aux européennes sans qu’il y ait une vraie campagne électorale où l’on aurait pu démasquer ses postures et révéler son extrême dangerosité pour des élections qui ne comptaient pas «pour du beurre».
Au vu des premiers sondages, dissoudre à la rentrée, avant la discussion du budget, aurait, semble-t-il, était plus avisé.
Ici, la faute politique n’est pas loin même s’il fait tempérer cette appréciation en disant qu’une annonce d’élections anticipées aurait de toute façon créé une atmosphère irrespirable jusqu’à leur tenue.
Parce qu’une victoire du RN n’est pas obligatoire et qu’une défaite à ces législatives sera un revers qui pourrait lui barrer l’Elysée en 2027.
Dès lors, donner du temps pour que les enjeux soient bien posés aurait sans doute été nécessaire.
Tel n’a pas été le cas.
Car, l’analyse d’Emmanuel Macron et de ses conseillers semble être qu’il faut que le RN gagne pour qu’il se déconsidère pendant les trois ans qui viennent jusqu’à la présidentielle.
Rappelons que l’Assemblée nationale dans la Constitution française a, certes, d’énormes pouvoirs, mais que le Président de la république, lui, est, entre autres, le garant de l’unité nationale, qu’il est le chef des armées, qu’il a l’usage de la force de dissuasion nucléaire et qu’il est le principal acteur des relations extérieures du pays.
Or, donner ce pouvoir à la famille Le Pen serait une catastrophe bien plus grande que de lui donner une majorité absolue ou relative à l’Assemblée.
De ce point de vue, le pari d’Emmanuel Macron se tient mais plonge le pays dans une incertitude néfaste et les défenseurs de la démocratie républicaine dans une crainte et une incompréhension dont il est responsable.
Encore une fois, ces législatives donneront leur verdict mais ne qualifieront pas leurs résultats de victoire ou de défaite de la stratégie du Président de la république qui ne s’applique pas au 7 juillet 2024 au soir mais à 2027.
Si une défaite de l’axe central n’est pas une certitude, une victoire de l’extrême-droite sera une plaie ouverte pendant les trois années à venir et peut-être plus.
Jean-François Borrou
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