lundi 10 juin 2024

L’Editorial du CREC. Dissolution: coup de génie ou erreur magistrale de Macron?


Or donc, devant la victoire de l’extrême-droite aux européennes (le RN auquel il faut ajouter Reconquête et Les patriotes) et devant la perspective d’un chaos politique alimenté par LFI et dont profiterait le RN, Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale et de convoquer les électeurs le plus tôt possible, le 30 juin et le 7 juillet, pour clarifier le débat et la situation politiques.

Rien n’obliger le Président de la république à agir ainsi.

Les élections européennes concernent le Parlement européen, pas la politique intérieur française stricto sensu.

Le forte poussée de l’extrême-droite n’est pas une surprise et sa victoire n’est pas une nouveauté.

En 2019, la petite entreprise de la famille Le Pen était arrivée, de peu mais devant la liste de la majorité présidentielle conduite à l’époque par Nathalie Loiseau.

Personne, sauf les fauteurs de trouble malheureusement de plus en plus nombreux, ne pouvait remettre en cause la légitimité des élections présidentielle et législatives qui se sont déroulées il y a tout juste deux ans et dont les élus avaient encore un mandat de trois ans, tout comme Emmanuel Macron.

Alors, pourquoi des élections législatives anticipées?

Souvenons-nous tout d’abord du résultat de celles de 2020 qui avait donné une majorité centriste et centrale relative au Président de la république et que celui-ci avait très tôt évoqué la possibilité d’une dissolution si le pays était ingouvernable.

Mais ce n’est pas le cas actuellement comme le prouve le passage de plusieurs réformes et de nombre de lois dans diverses domaines avec un exécutif qui gouverne.

De plus, Emmanuel Macron avait bien rappelé que les européennes sont les européennes et ne pouvaient en aucun cas avoir une conséquence sur les pouvoirs nationaux comme le voulait et le clamait haut et fort le RN.

Il a donc changé d’avis.

On peut évoquer plusieurs raisons à ce choix.

La première est qu’Emmanuel Macron veut mettre les Français devant leurs responsabilités.

L’extrême-droite est bien à près de 40% des voix dans ces européennes mais dans une élection qui n’a pas de grande porté intérieure et avec une abstention très importante même si elle l’est moins qu’il y a cinq ans.

Pour autant, l’ampleur de sa victoire est une réelle menace pour les années à venir.

Que les Français tranchent donc pour leur avenir et celui de leurs enfants dit en substance le Président de la république.

La deuxième est qu’en l’état, la dynamique du RN cantonné dans l’opposition allait sans doute faire de Marine Le Pen la favorite pour l’élection présidentielle de 2027 où, comme il l’a rappelé, Emmanuel Macron ne peut pas se présenter.

Or, toujours en l’état, il n’y a aucun candidat, que ce soit à gauche, au centre ou à droite, qui semble de taille face à elle.

En provoquant des élections législatives anticipées, et si l’extrême-droite les remporte, celle-ci devra gouverner, non pas seule, mais avec un président de la république centriste et dont un des principaux combats est celui contre cette extrême-droite et cette dernière devra donc prouver qu’elle est capable de le faire.

Or le pari du président de la république – qui pourra contrôler beaucoup de choses et se poser constamment en recours face aux dérives d’une politique incohérente, démagogique et populiste – est que le RN et Marine Le Pen se déconsidèreront assez pour ne plus être en mesure de gagner, et la présidentielle, et les législatives en 2027, ce qui serait une catastrophe pour le pays.

La troisième est qu’Emmanuel Macron, comme il l’a toujours fait, agit simplement en démocrate devant le résultat clair et net d’une consultation populaire nationale.

Oui, les européennes sont les européennes mais les Français ont voté, eh bien qu’il disent ce qu’ils veulent pour le pays et si c’est l’extrême-droite, c’est leur responsabilité.

On peut trouver bien d’autres raisons secondaires également comme celle d’anticipée une motion de censure qui aurait pu survenir lors du prochain budget à l’automne, avec une dissolution que le président de la république aurait alors plutôt subie que contrôlée.

Ce qui est la question centrale de cette stratégie est désormais de savoir si elle a une chance d’être gagnante, dans moins d’un mois ou en 2027 selon les résultats des législatives anticipées.

Plus prosaïquement, est-ce que c’est un coup de génie politique ou une magistrale erreur politicienne?

Bien entendu, seuls les résultats de ces élections mais aussi de celles de 2027 répondront à la question de manière évidente.

Mais l’on peut exprimer une opinion à ce propos.

S’il s’agit de piéger le RN, la prise de risque est énorme pour le pays.

D’abord parce que la politique menée par l’extrême-droite serait une catastrophe mais que rien ne dit que les électeurs ne confirment pas leur choix de cette année en 2027.

Ils ont mis le RN largement en tête, certes dans une élection européenne, alors même qu’il n’avait aucun programme sérieux et qu’il a montré son incompétence ainsi que son ignorance de la chose européenne sans parler des conséquences négatives de ces propositions, si elles étaient mises en route, pour la France.

Cependant, elle peut fonctionner.

Le passage au pouvoir de Trump l’a fait perdre avec plus de sept millions de voix d’écart, quatre ans plus tard face à Joe Biden.

Bolsonaro, élu président du Brésil, a également été chassé du pouvoir après un seul mandat.

Des exemples qui sont encourageants.

En revanche, malgré sa politique désastreuse, Orban est toujours au pouvoir en Hongrie et Fico l’a reconquit récemment en Slovaquie.

De même pour Netanyahou en Israël ou Erdogan en Turquie.

Des exemples préoccupants.

D’autant qu’Emmanuel Macron aurait pu gouverner encore pendant trois ans pour démontrer la justesse de sa politique et de ses réformes tout en mettant en œuvre une vraie promotion de candidats ayant une chance de l’emporter en 2027 et ainsi barrer la route au RN et à Le Pen.

Il a choisi la confrontation directe et immédiate, ce qui lui ressemble mais peut être considéré comme un coup de tête et non de génie si l’on considère qu’il aurait très bien pu annoncer une dissolution dans les mois à venir avec une date quelconque.

Sans doute, la proximité entre le résultat des européennes et le premier tour des législatives anticipées doit produire un électrochoc qu’il pense salutaire dans l’électorat français.

Mais c’est un pari qui pourrait être une erreur magistrale s’il est perdu, le 7 juillet ou en 2027.

L'équipe du CREC

 

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