Voici une sélection, ce 14 mars 2024, des derniers propos tenus par des centristes dans les médias ou sur les réseaux sociaux en France.
► Emmanuel Macron (Président de la République)
> [Discours lors de la Convention managériale de l’Etat et de la Rencontre
des cadres dirigeants de l'Etat]
Je vais essayer ici devant vous de donner un cap sur le fond et aussi quelques
convictions de méthode et donner à la fois au Premier ministre, aux membres du
Gouvernement et aux principaux artisans de ces réformes un mandat clair pour
pouvoir avancer. Et je sais que nous sommes à la fois dans cette salle, mais
également en non présentiel, comme on dit maintenant avec plusieurs de vos
collègues. D'abord, je vous retrouve, après la dernière réunion que nous avions
tenue sous une autre forme, celle-ci, je m'en souviens, en 2021, dans un temps
qui paraît si loin, nous ne sortions pas encore du Covid et nous lancions un
chantier important de modernisation. Beaucoup a été fait et je voulais
commencer mon propos par vous remercier, vous, l'ensemble de vos collègues, vos
équipes et de l'ensemble de nos départements que vous soyez dans les
administrations ou les opérateurs, un très grand travail, je ne le mésestime
pas, a été fait ces dernières années et vous en êtes les artisans.
Et je veux très sincèrement vous en remercier. D'abord parce qu’un cap avait
été donné. Pour le simplifier, en 2017, il y avait deux priorités : lutter
contre le chômage, lutter contre le terrorisme. Des résultats tangibles ont été
obtenus, tangibles, avec un niveau d'activité historique, un taux de chômage
qu'on n'avait pas connu depuis 40 ans, une réindustrialisation qui a commencé,
fruit de beaucoup de réformes et d'une mise en œuvre effective, et un pays plus
sûr, avec beaucoup de travail sur le terrain qui a été effectué. Je ne vais pas
ici dire tout ce qui a été fait. Je pourrais scander tout ce qui a été déployé
en matière d'éducation, des dédoublements de classes aux premières réformes en
matière de santé, avant le covid19 et après le covid19 avec le Ségur. Mais les
résultats sont là et nous avons pu en rendre compte aux Françaises et aux
Français. Et dans le même temps, vous avez eu à gérer un nombre de crises à un
niveau historique : crise sociale avec les gilets jaunes, covid19, qui a frappé
notre pays comme beaucoup d'autres et était un véritable défi organisationnel
que vous avez relevé, retour de la guerre en Europe avec ses conséquences,
inflation, sans parler des crises plus locales, qu'elles soient
environnementales ou autres que nous avons eu à affronter ces dernières années,
qui ont bousculé vos territoires.
Et donc, tout à la fois, ces dernières années, on a géré des crises à un niveau
sans doute d'intensité inédite et on l'a encore vu ces derniers jours avec
l'attaque sur notre réseau interministériel sur le plan informatique qui montre
que nous allons vivre dans un monde de multi-crises et que les formes,
l'hybridité aussi de nos attaques, qu'elles soient d'ailleurs réelles,
informationnelles, qu'elles soient civiles ou militaires, seront là.
Et vous l'avez fait en tenant les objectifs qui sont les nôtres et je crois, en
rendant la France plus forte. De cela, je veux très profondément vous
remercier. C'est le fruit de votre engagement, de votre travail, de celui de
l'ensemble de vos collaboratrices et collaborateurs. Et on ne le dira jamais
assez, mais l'une des forces de notre pays est précisément d'avoir cette
armature partout sur le territoire et ce sens de l'engagement. Ces résultats
sont aussi le fait que le cap n'a pas varié et je pense qu'il est très
important que les objectifs ne changent pas tous les 6 mois. C'est pour ça ici
que je veux clarifier quelques-uns, qu'il y a eu ensuite une équipe totalement
mobilisée, avec cette volonté d'affronter les crises, mais de garder cette
capacité à se focaliser sur le moyen long terme. Et c'est, je crois, la force
qui a pu être la nôtre. Les choses ne vont pas se simplifier dans les années à
venir. Le réchauffement climatique, les dérèglements climatiques et leurs
conséquences vont s'intensifier. Le contexte économique est moins favorable
dans notre Europe. La priorité qui est donnée aux réformes ne doit pas nous
faire oublier la gestion des finances publiques de manière responsable. Et la
géopolitique ne va pas se simplifier. Nous rentrons dans une zone de plus
grande turbulence. Nous l'avons encore vu ces derniers mois. C'est pourquoi il
nous faut, si je puis dire, redoubler d'efforts. Et je viens devant vous ce
matin, donc le Premier ministre, les ministres et l'ensemble de celles et ceux
qui sont prévus pour le travail de cette conférence managériale ne viennent
détailler ces chantiers avec une conviction chevillée au corps.
C'est que le moment que nous vivons, je l'évoquais, les crises multiples et qui
se superposent est aussi celui d'une crise des démocraties. On le voit dans
notre pays, on le voit encore plus durement dans beaucoup de pays européens, on
le voit outre-Atlantique, aucune démocratie n'est épargnée. Et cette crise est
avant tout une crise de l'efficacité de l'action publique. C'est pourquoi votre
rôle est essentiel. C'est une crise de l'efficacité de l'action publique parce
qu'au fond, nous avons un mouvement divergent. Nos compatriotes s'habituent de
plus en plus à l'immédiateté des réseaux sociaux et ils ont l'habitude que des
tas de gestes qui, parfois, prenaient du temps, supposaient des démarches
physiques qui pouvaient être longues, elles se règlent avec simplement un doigt
sur un écran. Formidable innovation d'usage de nos temps. Mais du coup, le même
rapport à l'immédiateté est attendu de nous collectivement. Il n’est pas
toujours possible, il faut en faire la pédagogie. Enfin, on nous demande
d'aller plus vite. Et dans le même temps, notre action publique, on le voit
bien, est parfois tétanisée par des objectifs qui viennent annihiler l'un
l'autre.
On veut aller plus vite et simplifier, mais on multiplie les contraintes parce
qu'on veut tout à la fois faire de l'économie, préserver notre environnement,
faire droit aux requérants et donc nous avons une action publique qui s'est
alourdie, qui prend plus de temps, qui s'est sans doute, pas sans doute, à coup
sûr complexifiée. Et cet écart fait que les gens nous disent : vous êtes
inefficaces. On l'a encore vu récemment avec la crise agricole. Les gens me
disent, ceci doit être plus simple, il doit être réglé maintenant ; je dois le
voir, je ne vous crois plus. Si ce n'est pas tangible chez moi, c'est que ça n'existe
pas. C'est une crise de confiance qui se porte aux politiques, mais à
l'ensemble de l'administration. Et donc, je crois que le défi principal qui est
le nôtre, c'est d'avoir quelques objectifs clairs, je vais revenir sur le fond,
mais surtout de changer drastiquement notre méthode pour être au service de ces
objectifs et réussir à gagner en efficacité, en rapidité et en intelligibilité
de l'action publique collectivement, car sinon, c'est la confiance même dans la
vie démocratique et chez nous dans l'État, qui va continuer de s'affaiblir. Je
ne pense pas que ce soit une bonne chose, car on le voit dans les temps de
crise, là où l'action publique, par hyper simplification de ce qu'elle fait,
devient tangible, elle est plébiscitée. Malheureusement, quand un attentat
revient, quand un drame survient sur le territoire, lorsque le covid19 était
là, l'action publique est plébiscitée parce qu'elle devient très simple, très
tangible, parce que ce qui sont des barrières de chaque jour et des procédures
trop lentes sont suspendues et nous avançons. C'est exactement le même état
d'esprit qu'il faut avoir si je puis m'exprimer ainsi, par temps de paix.
Alors, pour ce faire et sur le fond, cette action du Gouvernement soit tout
entière tendue autour de 4 objectifs très simples et que vous vous y inscrivez
: le Premier ministre, les ministres qui y reviendront. J'ai eu l'occasion d'y
revenir dans ma conférence de presse et tout ça est un élément de continuité.
Au fond, pour moi, l'objectif est de continuer à rendre notre pays plus fort,
donc plus souverain et plus juste. Se libérer, protéger, unir, demeure
totalement d'actualité. Ce cap de 2017 est toujours là et pour moi, il faut le
décliner autour de 4 chantiers. Le premier, c'est atteindre le plein emploi et
poursuivre la réindustrialisation. C'est le premier parce que si on ne crée pas
de richesse, on ne peut pas la distribuer. Pardon de ce propos de bon sens,
mais on l'oublie trop souvent, on l'a trop souvent oublié. Et donc, nous devons
tous être au service de cette capacité dans le pays à créer plus de richesses,
à maintenir ou à localiser des capacités de production. Et là aussi, je l'ai
souvent rappelé, on parle et nous allons reparler de finances publiques. Si la
France avait le taux d'activité et le taux de chômage de l'Allemagne, elle
n'aurait pas de problème de finances publiques. Donc nos recettes, elles sont
paramétriques quand elles sont de très court terme ou de freinage d'urgence. La
bonne réponse de finances publiques est une réponse en termes de réindustrialisation
et d'activité à coup sûr. Alors pour cela, beaucoup de choses ont été faites.
Il faut les poursuivre. Évidemment, la réforme de l'assurance chômage, la
capacité à continuer à moderniser notre économie, les textes qui viendront en
la matière pour continuer de simplifier, d'accompagner les entreprises,
renforcer aussi tout le travail qui est en cours sur la formation avec la carte
des formations de la voie professionnelle, la réforme du premier cycle
universitaire, qui est elle aussi entreprise, qui sont des éléments
essentiels.
Et puis, toutes les lois de souveraineté industrielle et numérique ou de
simplification en faveur des entreprises qui vont arriver dans les prochains
mois. Ce travail, qui est législatif, réglementaire, qui va vers la simplification,
l'accélération, la poursuite de ce que nous avons commencé se complète donc par
un pilier encore renforcé sur la formation qui est essentielle et l'innovation.
Et donc, c'est tout le travail aussi du SGPI de France 2030. Il doit se
décliner territorialement, là aussi par un accompagnement de ces réformes.
Et je voulais insister sur ce premier chapitre, sur quelques points. Nous
devons continuer d'aller plus vite et de réduire les délais par des procédures
intégrées et très groupées. L'exemple de ce qui a été fait, par exemple, à
Dunkerque, je pense, c'est le bon ou ce qui a été fait pour nos Jeux olympiques
et paralympiques. Et donc, il est possible, j'y reviendrai, de regrouper et
d'aller plus vite quand on anticipe et qu'on simplifie les procédures. Et puis,
il y a l'accompagnement de la réforme France Travail et au fond, là aussi, une
capacité à intégrer tous les acteurs pour mieux former, accompagner et résoudre
en quelque sorte les problèmes qui séparent du retour à l'activité. Ça pour moi,
c'est le premier axe. Le deuxième, c'est d'améliorer les services publics,
notamment de proximité. Sur ce volet, beaucoup de choses ont été faites. Il y a
un réinvestissement historique de la puissance publique qui est faite sur nos
grands services publics et qu'il s'agisse d'ailleurs des deux LPM, mais
également ce qui a été fait sur le ministère de l'Intérieur, la Justice,
l'Éducation, la Santé. À un niveau historique, en réinvestissant à la fois
évidemment sur les fonctionnaires et les collaborateurs, mais sur la force
d'investissement de ces grandes politiques.
Et donc à ce titre, il faut avoir des objectifs simples. Pour l'éducation,
c'est améliorer le niveau des élèves et faire que chaque enfant dispose des
clés pour choisir son destin. C'est tout ce qui a été déployé avec les réformes
du premier quinquennat, complétées par le choc des savoirs, le pacte
enseignant, l'orientation et la découverte des métiers, la réforme du lycée
professionnel et de l'Enseignement supérieur et de la recherche, et tout ce qui
va ensuite se dérouler sur lesquels la ministre aura l'occasion de revenir. En
matière de santé, c'est permettre à chacun d'avoir accès aux soins. Et nous
savons le double défi de la crise hospitalière et des déserts médicaux. Et il
n'y aura pas de miracle dans les trois ans qui viennent. Nous n'allons pas
avoir davantage de médecins malgré l'ouverture des formations, parce que ce
sont des résultats qui arriveront en 2028. Et donc, l'effort sur lequel nous
devons redoubler, c'est celui de libérer du temps médical, créer des
communautés professionnelles territoriales de santé, déléguer des actes,
continuer aussi d'avoir des praticiens diplômés hors de l'Union européenne qui
s'installent sur notre territoire. Et là aussi, gagner le virage de la prévention
et de la meilleure coordination entre la ville et l'hôpital. La ministre aura
l'occasion d'y revenir. Mais plus largement, ce qui est attendu de nous, c'est
de pouvoir accéder au service public partout, avec une condition d'égalité
réelle. Les Français nous demandent des délais plus courts, ils ne veulent pas
être envoyés d'une administration à l'autre et ils veulent de l'humain, que ce
soit au téléphone ou physiquement. C'est là une transformation managériale sur
le terrain qu'on a réussie — J'y reviendrai avec les maisons France Services —
mais qu'il nous faut systématiser et qui va avec justement cette capacité à
améliorer nos services publics. C'est tout l'effort qui est aussi fait pour ne
citer qu'un exemple en matière de justice de proximité et qui nous a conduits à
réinvestir beaucoup de personnels sur le terrain.
Le troisième axe, c'est planifier, accélérer la transition écologique. Je
l'avais dit dès 2022, c'était un engagement. Nous avons réorganisé nos travaux.
Un très grand travail a été accompli et je remercie le ministre, les ministres
mais aussi le secrétariat général de la Transition écologique auprès du Premier
ministre et nous avons véritablement, nous sommes le premier pays à avoir cette
planification qui permet d'expliquer in concreto comment atteindre nos
objectifs. Et c'est un travail qui s'est fait par une maïeutique avec
l'ensemble des services et qui articule d'ailleurs notre action nationale et
européenne et internationale. Ce continuum est très important pour notre
crédibilité et notre compétitivité, parce qu'il ne s'agit pas d'avoir un
déphasage entre ce que fait la France et ce que font nos voisins. En matière de
transition écologique, nous avons maintenant un défi, qui est d'accélérer la
mise en œuvre et au fond, c'est une maîtrise de passages, secteurs et
territoires. On va devoir décliner, secteur par secteur d'économies ce que nous
avons planifié et c'est en cours, avec parfois des textes avec des incitations,
des mécanismes fiscaux, des financements de France 2030, pour d'autres fois des
éléments réglementaires européens ou nationaux et puis une approche par
territoire et un dialogue de gestion.
Et les COP régionales ont commencé à se faire. Les ministres les annonçaient il
y a plusieurs semaines, plusieurs mois. Mais maintenant, et ils vont nous
permettre de décliner les choses. Votre rôle est essentiel à cet égard. Il sera
celui de guide, de médiateur qui permet justement d'accompagner, de bâtir des
solutions. Et c'est cette écologie à la française à laquelle nous croyons. Et
puis, le quatrième axe d’action, c'est de renforcer l'ordre civique et
républicain. Les Français demandent de l'ordre à juste titre, un ordre au
service de nos lois, de nos valeurs. Et c'est le sens d'ailleurs des moyens que
nous avons mis, dans nos armées pour garder l'ordre à nos frontières et avoir
des missions aussi qui contribuent à celui-ci en nos frontières. Réinvestir, je
le disais dans notre justice. Nous aurons d'ici la fin de ce mandat augmenté de
60 % le budget de la justice, ce qui est inédit dans notre histoire. Renforcer
les moyens aussi du ministère de l'Intérieur, qu'il s'agisse de nos policiers,
de nos gendarmes, de notre sécurité civile, avec un réinvestissement là aussi
très important qui est à décliner sur le terrain. Mais il nous faut maintenant
réussir de nouveaux défis en matière justement d’ordre civique et républicain.
La meilleure prise en charge des mineurs en rupture avec la société, c'est l'un
des enjeux essentiels et un des axes que j'ai fixés au Premier ministre. Il y
reviendra pour les mois à venir, qui est aussi notre réponse aux émeutes vécues
l'été dernier. L'accroissement de la lutte contre le trafic de stupéfiants,
c'est le deuxième acte de ce que nous avons lancé dès 2018, avec une
réorganisation nationale et internationale de notre action qui porte ses
premiers résultats, mais que nous sommes en train d'intensifier, la lutte
contre la radicalisation et le communautarisme qui elle aussi, depuis la
stratégie des Mureaux en 2020, produit des résultats mais que nous allons
intensifier.
Et puis, le déploiement des Forces d'action républicaines ou de la Border
Force, qui font partie des engagements que nous avons prises. Tout cela,
évidemment, nous allons continuer de le décliner. Mais tels sont là les quatre
grands axes de l'action que je demande au Gouvernement et à l'ensemble de nos
administrations et les priorités. Et tout cela s'inscrit dans un environnement
européen international, évidemment de plus en plus complexe où notre vocation
sera de continuer à avoir une Europe plus souveraine, plus unie, plus
démocratique. C'étaient les axes fixés à la Sorbonne sur lesquels nous avons eu
des résultats. Mais les mois et les années qui viennent vont nous demander
d'avoir une Europe encore plus souveraine. Nous le voyons en termes de défense,
mais également en termes technologique et économique et les défis de notre
industrie de défense, de nos capacités à protéger nos propres frontières, mais
aussi nos capacités à développer notre propre intelligence artificielle. Nos
solutions numériques sont là et une Europe plus pragmatique. Il nous faudra, à
l'échelle européenne, réussir la conversion de méthodes que je vous demande au
niveau national pour pouvoir justement avoir un meilleur accompagnement de
notre action et une plus grande simplicité pour nos compatriotes. Voilà les
objectifs de fond.
Mais pour réussir une telle transformation et répondre à la crise de confiance
démocratique que j'évoquais, il nous faut une transformation de l'État qui
était indispensable. L'agenda est dense, vous le savez, et je souhaite qu'on
porte ces réformes jusqu'au bout. Et je pense que ceci doit s'inscrire aussi
sur des changements de méthode et d'organisation qui sont les nôtres. Là aussi,
depuis 2017, beaucoup a été fait et je veux vous en remercier très sincèrement
et défendre ce bilan. D'abord, on a commencé à remettre l'État au cœur des
territoires. Nos concitoyens ont besoin de cette présence. C'était l'engagement
que j'avais pris au sortir de la crise des gilets jaunes. En avril 2019, nous
avons collectivement inventé les maisons France services en disant les gens
demandent de la présence tangible. J'ai pris l'engagement qui paraissait désuet
chez certains, de dire il faut une maison France services par canton. Moi, je
pense que ce n'est pas du tout désuet, parce que le canton est une échelle
humaine, intelligible, réelle pour les gens, qui correspond à l'intimité des
territoires. Nous avons fait plus que cela puisqu'il y a aujourd'hui 2 700
espaces France services. Plus de 9 Français sur 10 sont à moins de 30 minutes
d'un de ces espaces. C'est essentiel. Il faut continuer ce travail, continuer
d'innover, de mettre des maisons France service dans les sous-préfectures, de
réussir justement à faire le lien encore davantage avec notre justice et
partout sur le territoire, d'enrichir, de densifier ces maisons France services
et d'avoir une offre complète. Ça a été, je crois, une avancée de ces dernières
années. Il faut la renforcer et ne pas considérer que c'est acquis.
Ensuite, c'est la transformation de la fonction publique. Les lois dites Dussopt
ont permis de simplifier et de déconcentrer, dans le texte, les ressources
humaines et leur gestion. C'est très hétérogène entre les ministères. J'ai fait
donner par le ministre la grille. Il y a des ministères qui n'ont absolument
pas appliqué, je ne suis pas ici pour désigner les mauvais élèves, c'est
public. Le ministre des Transformations publiques peut le partager, les
ministères, c'est comme si on n'avait pas pris la loi ; c'est-à-dire que tout
est resté au niveau central. Il y en a d'autres qui se sont appropriés la loi.
Les textes ne valent que pour autant qu'ils sont utilisés. Et l'administration
a cela de beau, c'est qu'au fond, si une administration centrale décide de ne
pas appliquer à elle-même ce qui a été voté, elle stérilise assez bien ledit
texte. Donc je félicite ceux qui l'ont fait. Je ne pensais pas que c’est une
bonne méthode. Donc je demande au ministre d'appliquer pleinement ce qui n'a
pas été fait aujourd'hui, c'est-à-dire de déconcentrer la gestion des
ressources humaines, de pleinement utiliser les leviers qui sont donnés aux
managers publics parce que je pense que c'est une bonne chose. Mais ça a été un
premier temps de réforme. Il y a eu ensuite modernisation. Et puis maintenant,
un troisième temps de réforme se prépare, il est en train d'être finalisé et
permettra d'avoir un texte qui, là, réforme très profondément aussi notre
fonction publique.
Mais cette transformation s'est faite, et en assumant que la haute fonction
publique soit la première touchée. C'est un élément de crédibilité, de
légitimité de notre réforme. Et donc la refonte de l'ENA avec la création de
l'INSP, la suppression du classement de sortie, et merci à tous les managers
qui ont à gérer justement cette transition qui, je crois, est en train de se
passer et va nous permettre de nous améliorer collectivement, la création de
plus d'une centaine de prépa-talents pour attirer de nouveaux profils, la
fusion des corps et la création de la DIESE qui a permis justement d'installer
un encadrement supérieur de l'État et sa gestion. Et au fond, pour le redire
ici, j'avais eu l'occasion de le dire devant plusieurs ministères, et pour
lever ce qui n'a jamais été dans mes yeux un malentendu, j'ai toujours tenu à
la professionnalisation de tous. Mais le corporatisme n'a jamais servi aucune
professionnalisation. Il est quelque chose qui bloque la circulation des
talents et donc je suis pour les fonctions, la professionnalisation, me l’étant
appliqué à moi-même, je suis contre le corporatisme. Je pense que ça ne sert
aucun talent, aucune forme de reconnaissance et aucune reconnaissance de
mérite. Et donc cette réforme, concernant notamment aussi les corps techniques,
devra être finalisée cette année, et elle sera complétée. Et ce sont également
les mêmes objectifs de décloisonnement, de mobilité, de valorisation des
compétences et des métiers que nous mènerons à toute la fonction publique
autour du projet de loi qui est en train d'être préparé par le ministre de la
Transformation et de la Fonction publique. Avec un maître mot, pour moi c'est
le plus important, faire confiance à ceux qui sont au plus près du terrain. Et
j'y reviendrai dans un instant, mais c'est la clé : il faut inverser la
pyramide. Inverser. Et à cet égard, je veux vraiment remercier la DIESE que
j'évoquais et la DITP qui ont été deux fers de lance de cette transformation.
Et je sais combien le Premier ministre sait pouvoir compter sur ces deux
administrations fortes, aux côtés de son ministre et de l'ensemble des membres
du Gouvernement, pour continuer d'appuyer ces transformations indispensables.
Et puis, depuis 2017, on a simplifié, amélioré la qualité de service, en France
comme à l'étranger. On a pris beaucoup de lois. Elles ont toutes des acronymes,
ASAP, ESSOC, etc.. En tout cas, il y a eu le plan « Dites-le nous en une fois
», le chantier de simplification de 250 démarches essentielles les plus
utilisées par nos concitoyens, notamment pour les rendre plus accessibles aux
personnes en situation de handicap. On a beaucoup simplifié aussi sur le plan
consulaire. Merci aux services qui contribuent à tout ce chantier qui est en
train d’achever son déploiement. Et puis, il y a le projet « 10 moments de vie
» qui est très important, très concret. La dématérialisation de l'état civil,
je le disais, pour les Français de l'étranger. Et c'est la bonne logique, il
faut la continuer. Mais au fond, en matière de simplification - je défends
notre bilan, je suis très heureux de ce qu'on a commencé à faire - mais enfin,
la lucidité me conduit à dire que la perception générale n'est pas qu'on a
massivement simplifié. Je crois que si on faisait un sondage d'ambiance dans le
pays, même hors du Salon de l'Agriculture où j'ai pu essayer de plaider cette
théorie, ce n'est pas perçu. Donc, ça veut dire qu'on n'a pas totalement
réussi. Alors, je dois dire que quand on se plonge dans le détail, c'est la
difficulté pour un président de la République, on dit quelque chose puis après
— et c'est normal, c'est la séparation des pouvoirs et autres — à chaque étage,
on met des freins et à la fin, là où vous avez mis 100 en force, y arrivent à 5
ou 10.
Et donc, j'ai dit, on va faire un truc qui est formidable, le droit à l'erreur,
parce que je crois que c'était une bonne idée. Les gens étaient d'accord
d'ailleurs. Puis après, il y a eu loi ; la loi a mis déjà plein d'exceptions
sur le droit à l'erreur. Puis, après la loi, le règlement en a remis d'autres.
Et puis après, il y a des administrations qui l'ont fait, d'autres non. Et
donc, le droit à l'erreur, il y a des endroits où ça marche. Très bien, alors,
on m'a fait un dossier collaborateur, comme je dis ce que je pense et ce que je
vis sur le terrain. Chaque fois que je vois des gens, je leur dit : le droit à
l'erreur, ça a quand même changé votre vie. Je l'avais dit en 2017, on l'a
fait. On a passé une loi. Soit j'ai des gens qui sont en colère et qui me
disent « ils nous prennent pour des imbéciles » ; soit j’ai des gens qui me
disent ailleurs : « il vit ailleurs », « il est déconnecté » comme on dit
parfois. C'est ça la réalité. Alors, c'est « Bibi » qui paye. Mais c'est notre
travail collectif et ce n'est pas bon, et ce n'est bon pour personne parce que
ça veut dire qu’on a laissé le président de la République dire quelque chose et
prendre un engagement, et on s'est accommodé, on a dit : on va faire comme on a
toujours fait, c'est quand même plus simple et donc à chaque étage, on en a un
peu enlevé. Il y a des endroits où il y a du droit à l'erreur. Il faut bien les
chercher. Ces endroits-là, ça marche à peu près. Il y a quand même beaucoup
d'endroits de l'action publique où il n'y a pas de droit à l'erreur. Donc, je
ne peux pas vous dire que la simplification, en général, soit une grande
victoire des dernières années, même si je la défends comme étant une partie du
bilan. À côté de ça, vous avez aussi, et je parle, donc, des 5 années qui
viennent de s'écouler, pour défendre ce qu'on a fait et le mouvement qui est en
cours : adapter aux grands enjeux numériques, écologiques et sociaux vos
administrations, avec un très grand changement et vraiment beaucoup d'éléments
qui ont été conduits et je vous en remercie. Qu'il s'agisse de la politique
d'achat, qu'il s'agisse justement de l'organisation, de l'adaptation de nos
services, ça a été un mouvement qui a commencé, qu'il faut accélérer parce que
c'est un des axes clés de ce que nous sommes en train de conduire. Alors,
maintenant, fort de ce bilan, en termes de méthode, qu'est-ce que j'attends de
vous collectivement ?
Je pense que toutes les intuitions, tout ce qu'on a commencé à lancer :
transformation de l'État, simplification, responsabilisation des managers
territoriaux, remettre l'État au cœur de territoires, ce sont des bonnes
directions. C'est-à-dire que je ne pense pas que, ces dernières années, on ait
fait des choses qui aillent dans le mauvais sens. Si je pensais le contraire,
je vous le dirais et je le rectifierais. Donc je pense que tout ce qui a été
fait, l'intention est bonne, le mouvement est bon. Simplement, il manque en
intensité, il manque en force, il manque en radicalité pour pouvoir être
perceptible. Et j'en reviens à cette crise de confiance que j'évoquais : Si les
gens ne le voient pas, si les choses ne changent pas radicalement, elles ne
sont pas considérées comme réelles et c'est une course de vitesse parce que
sinon, c'est « l'aquoibonisme » qui revient. Si vous ne changez pas les choses,
les gens disent : À quoi ça sert de faire tous ces efforts ? Et ça se mêle en
quelque sorte au magma, et donc à la défiance. Et donc, gagner en intensité,
c'est prendre quelques mesures claires en termes de méthodes qui viennent au
service, donc, des 4 objectifs que je viens de présenter.
Premier élément, c'est mener la déconcentration à son terme. De là où je suis,
il faut apprendre à être, ou patient ou entêté. Et je crois que je disais à peu
près ça aux Préfets, à l'Élysée, en septembre 2017. C'est comme la
simplification, donc il y a des choses qui ont été faites, mais enfin pas tout.
Donc là, je ne vous lâcherai pas collectivement, il faut déconcentrer. Et quand
je dis déconcentrer, la bonne maille est départementale. Parce que la
déconcentration régionale dans les grandes régions n'est pas perçue comme une
déconcentration par nos compatriotes. Ce n'est pas vrai. Quand on a mis, par
exemple, les politiques de logement et qu'on les a mises au niveau régional,
dans notre discours à nous, on dit : « c'est déconcentré, au niveau régional ».
Allez demander à quelqu'un qui instruit. Parce qu'au niveau du département, on
demande à la Région. Les services de la Région mettent parfois autant de temps
qu'à Paris, puis ça redescend. Là où vous n'avez pas la possibilité de répondre
à vos interlocuteurs de premier ordre, un maire, un entrepreneur et vous dites
: « je vais demander l'autorisation au-dessus ». La décision est perçue comme
lointaine. Nos procédures sont lentes, parce que tous les systèmes sont
thrombosé. Et donc, je veux véritablement qu'on aille au bout de cette
déconcentration territoriale et qu'on donne beaucoup plus de force à nos
départements. Je le dis parce qu'ils ont été anémiés et vous le savez très
bien. Quand la RGPP s'est faite, je parle d'un temps que vous connaissez, que
nous connaissons, qui remonte à une dizaine d'années, le principal effort sur
la fonction publique a été fait sur les territoires et il a été fait dans les
départements. Prenons les chiffres, entre 2008 et aujourd'hui, préfectures ou
des services départementaux, c'est là que l'effort a été demandé. Il l’a été
beaucoup moins en central, c'est une réalité. Or, qui est au service, qui
demande, qui innove, qui est dans la mobilité ? Et ce qui fait qu'on a continué
à avoir des administrations centrales qui parfois produisent un à deux textes
d'instructions par jour ouvré. C'est une réalité ce dont je parle. Qui parle à
des services déconcentrés qui ont été anémiés avec des concitoyens qui sont de
plus en plus exigeants et qui demandent de la vitesse d'exécution. Vous ne
demandez pas pourquoi les gens sont frustrés. Et dans le même temps, quelques
années plus tard, on a fait ces grandes régions qui ont éloigné les centres de
décision du département. Ce double mouvement est terrible pour la capacité à
avoir une action publique qui est tangible pour nos compatriotes. Nos
compatriotes, pouvant être des citoyens de bonne foi, mais surtout, ceux qui
sont nos relais, c'est-à-dire les maires, c'est-à-dire les entrepreneurs, les
décideurs locaux et vous le savez comme moi. Et donc, je veux qu'on redonne de
la force, à la fois de la cohérence d'action et de la force à nos
départements.
Je demande qu'un mouvement massif sous la supervision du Premier ministre soit
fait pour déconcentrer. Donc, je vous demande dans tous les ministères de
regarder comment pousser, de l'administration centrale et des opérateurs. Parce
que le sujet qu'on a dans plusieurs ministères, c'est que vos capacités
d'action sont faibles, parce que beaucoup de ces fonctionnaires sont chez les
opérateurs. Mais ça vaut pareil. Et ce mouvement a encore accru ce que
j'évoquais, parce qu'en plus, quand dans les préfectures de département ou dans
les services départementaux, vous avez des appels d'offres qui viennent
d'opérateurs nationaux qui vous passent au-dessus de la tête, bon courage.
Donc, je vous demande de faire ce mouvement, de redonner des moyens. Ensuite,
le préfet doit être le pilote effectif de l'ensemble des services publics de
l'État, opérateurs et agences comprises, au niveau départemental parce qu'il
faut de la simplicité de commandement. C’est pourquoi les préfets donneront un
avis dans le processus de nomination, la fixation des objectifs et des
priorités d'actions, l'évaluation et la construction de la part variable de la
rémunération des directeurs et délégués territoriaux. Je pense que c'est un
mouvement important et le Premier ministre donnera la liste complète dans son
intervention. Et pour ce qui relève de l'accès aux services publics et sa
cartographie, je souhaite que les préfets donnent un avis conforme au projet
d'évolution porté par les services de l'État : offres de soins, carte scolaire,
implantation des centres des impôts. Le préfet de département doit être à cet
égard un patron de l'État. Et qu'on soit bien clair, ce préfet n'a pas vocation
à traiter de la fiscalité ou de l'action pédagogique ou de la gestion des
hôpitaux. Par contre, il a toute légitimité en matière d'organisation spatiale
des services. C'est ce distinguo qu'il faut faire, mais c'est celui qui permet
là aussi d'avoir une action de l'État qui est un peu remembré, si je puis dire,
au niveau départemental et qui - ce faisant - est plus cohérente pour tout le
monde.
Les services et opérateurs de l'État devront aussi associer les préfets aux
financements accordés sur leur ressort territorial. C'est en partie déjà prévu
dans les textes. Il faut maintenant l'appliquer et aller plus loin. Ce droit de
regard doit permettre une plus grande cohérence des choix d'investissements de
l'action de l'État, pour aboutir, cela peut conduire à revoir et modifier
l'organisation des opérateurs ou des services concernés — et c'est ce travail
que je souhaite qu'on conduise — et limiter au maximum les appels à projets
nationaux que j'évoquais en les réservant aux politiques publiques qui ont
besoin de faire émerger les projets les plus innovants, des thématiques encore
mal traitées qui justifient pleinement d'être traitées au niveau national,
sinon tout doit être traité au niveau déconcentré.
Cette autorité renouvelée doit se traduire par une évolution managériale et
opérationnelle sur le terrain, et je demande expressément aux préfets de bâtir
concrètement ces nouveaux collectifs de travail élargis et garantir une vision
à 360 degrés de l'action de l'État sur le territoire. De même, au niveau
central, j'invite tous les ministres à considérer que les préfets sont à tous,
si je puis dire, et également leurs préfets, ce qui est d'ailleurs la logique
initiale de notre organisation, ce sont des représentants dans chaque
département. Ils travaillent à mettre en œuvre toutes les politiques qui sont
confiées au quotidien par le Premier ministre et, à cet égard, en lien avec le
ministre de l'Intérieur. Les ministres, dans leurs domaines, sont tout à fait à
même de solliciter ou mobiliser à tout moment les préfets pour la cohérence de
cette action. Au-delà des moyens donc, il faut déconcentrer au niveau
départemental, au-delà de cette clarification des responsabilités et du
commandement, la déconcentration des moyens RH et budgétaires doit être
achevée. Je l'ai évoqué tout à l'heure. Le Gouvernement précisera les
modalités, mais cela se traduira par exemple par une simplification de
l'architecture budgétaire, la réduction du nombre de programmes, une
possibilité de renforcement de la fongibilité des enveloppes, une limitation du
fléchage des crédits déconcentrés, une possibilité d'engagement pluriannuel
pour les préfets pour financer les projets structurants au-delà de l'année
civile, un pilotage de la masse salariale et des décisions de gestion, etc. et
une intégration dans les objectifs des administrations centrales des enjeux de
déconcentration. L'ensemble de ces éléments sont clés pour aller au bout de ce
qu'on a annoncé, fait de manière très hétérogène, c'est-à-dire une
déconcentration effective de notre action. Elle est essentielle et elle
permettra d'ailleurs de lever souvent un malentendu. Je vous le dis ici, parce
que quand on entend parler de décentralisation chaque jour, c'est que nos compatriotes
veulent surtout de l'action sur le terrain, quand on rentre dans le détail.
D'ailleurs, quand on voit les retours d'expérience, que ce soit de la
décentralisation ou la déconcentration, c'est très peu lisible pour la plupart
de nos compatriotes. Et l'amour de l'égalité qu'ont les Françaises et les
Français fait que d'ailleurs ce qui va avec la décentralisation, qui peut être
de l'hétérogénéité territoriale, ne leur plaît pas toujours. Par contre, une
vraie déconcentration avec un pouvoir d'initiative, une capacité à répondre et
une responsabilité sur le terrain, c'est ce qu'ils demandent et c'est ce que
nous leur devons. Je le crois très profondément et donc c'est ce que je vous
demande. Les modalités techniques seront travaillées sous l'autorité du Premier
ministre par le Gouvernement. Les textes nécessaires seront pris dans les
prochaines semaines et des points réguliers seront faits sur la mise en œuvre
de cette déconcentration, en plus tous les trimestres autour de la table du
Conseil des ministres. Ça, c'est pour moi en méthode le premier axe au service
de l'action que je vous ai demandé.
Le deuxième, c'est d'aller beaucoup plus vite et plus fort en termes de
simplification et bien au-delà de ce qu'on a fait depuis 2017. Alors, pour
réussir cette simplification, il y a plusieurs éléments. D'abord, produire
moins de textes. C'est ce que nous sommes en train de faire au niveau
gouvernemental. C'est ce que nous allons poursuivre dans le dialogue avec,
justement, les Chambres. Et c'est une discipline du législateur. Elle est
indispensable. Ensuite, c'est de faire la même chose au niveau des
administrations centrales, c'est-à-dire : vous vous fixez comme objectif de
faire beaucoup moins de textes - et je vous invite à regarder par ministère la
fréquence des textes que vous produisez en central - qui conduisent, si on se
dit les choses, à une taylorisation des agents sur le terrain, c'est-à-dire que
quand vous recevez chaque jour 1 à 2 instructions, vous ne vous pouvez plus
réfléchir à ce que vous faites. Vous êtes dé-responsabilisé. Et donc je
souhaite que les administrations, c’est un deuxième élément de simplification,
se fixent des objectifs clairs et précis : diminuer les délais, réduire la
paperasse, diminuer le nombre de contrôles, et interroger la pertinence de
toute instructions qui part d’en bas. Mieux vaut une réunion où on partage des
objectifs, mais on laisse de la liberté au terrain, plutôt qu'un texte qui
n'est accompagné d'aucune explication, qui sort et arrive sur une boîte mail, ce
qui malheureusement, est quand-même beaucoup trop souvent la manière dont les
choses procèdent. Élément de simplification : se mettre au côté de l'usager
final, comme dans la consultation réalisée par Bercy auprès des entreprises ou
autour des moments de vie du ministère de la Transformation et de la Fonction
publique. Cette capacité à nous mettre au niveau du particulier, de
l'entreprise, de l'agriculteur, de la collectivité est, je crois, la bonne
manière de faire de la bonne simplification. Ensuite, c'est faire confiance a
priori. C'est pourquoi je veux qu'on rouvre le droit à l'erreur et qu'on aille
au bout dans les champs de l'action publique où ça n'a pas été pris. Ce qu’on
fait de manière beaucoup plus systématique. Je pense par exemple à la fiscalité,
il y en a d'autres où ça a été beaucoup moins fait. Il faut être lucide. Et
donc je souhaite que partout où c'est possible, on supprime les autorisations
préalables et proposer de manière facultative des rescrits réglementaires,
qu'on multiplie justement l'accès à ces procédures pour sécuriser ceux qui le
souhaitent. Qu'on remplace une autorisation par une déclaration, ce qui fait
déjà gagner du temps et que les premiers contrôles soient aussi des contrôles
d'accompagnement et de correction, quitte à durcir ensuite les sanctions lors
du deuxième ou troisième contrôle, si les fautes sont reproduites. Mais cette
capacité à faire confiance, c'est aussi un autre visage de l'administration qui
accompagne une simplification effective. C'est prendre aussi le réflexe du
numérique pour toutes les procédures et aller le plus loin possible dans la
simplicité avec les déclarations préremplies, la suppression des pièces jointes
ou justificatifs, etc, etc. Dans ce volet, l'intelligence artificielle est à
mes yeux aussi un des éléments qui va nous permettre de simplifier.
C'est un enjeu d'attractivité économique de la France, vous le savez, une des
manières de construire aussi la confiance de la société civile envers
l'intelligence artificielle, c'est que le secteur public s'en saisisse. C'est
que nous puissions élaborer des projets permettant à l'intelligence
artificielle d'œuvrer pour le bien commun et, ce faisant, d'aller vers beaucoup
plus de simplicité. Parce que sur les petites procédures, les petites tâches,
l'intelligence artificielle est un élément qui peut simplifier la vie de nos
concitoyens et des usagers, la vie aussi de nos agents en évitant les tâches
très répétitives. Et donc, il nous faut embrasser l'intelligence artificielle
et son utilisation, comme vraiment un levier de transformation de l'État et de
sa simplicité.
Il faut échelonner par avance les bouleversements. Lorsqu'un acteur est touché
par de multiples normes ou qu'il doit mettre en œuvre une nouvelle
réglementation exigeante, une bonne pratique est de négocier un agenda
d'évolution permettant d'anticiper et de réguler dans le temps les évolutions à
mener. C'est aussi un élément de simplicité. Et puis, appliquer à nos propres
agents ce qu'on leur demande d'appliquer vis-à-vis des usagers et donc simplifier
nos procédures internes qui, sinon, ancrent nos agents dans la culture
administrative de la complexité.
Je suis frappé de voir que si on habitue nos propres agents à passer leur
journée à remplir des circulaires, du contrôle de gestion, des choses
impossibles, on conditionne nos agents à faire la même chose avec les usagers.
Il y a une forme de maltraitance administrative collective, que nous nous
infligeons à nous-mêmes. Mais je le dis vraiment avec beaucoup de sérieux,
parce que j'ai pu le constater sur le terrain. Nous avons collectivement créé
une forme d'absurdité du quotidien avec les meilleures intentions du monde, à
chaque étage. Donc, il faut véritablement aller au contact, comme je le disais,
inverser la pyramide, c'est comme ça qu'on construira cette simplicité.
Le dernier point en termes de simplification, auquel je crois beaucoup, c'est
la facilité qu'on doit donner, encore accrue, au pouvoir de dérogation.
Aujourd'hui, les préfets ont ce pouvoir de dérogation. Ils y recourent encore
trop peu et c'est très hétérogène. Ça s'explique en partie par la lourdeur de
la procédure. Un champ d'application encore trop restreint. Je souhaite que,
d'abord, ils se saisissent tous davantage de cette capacité qui leur est
offerte, peut-être des formations, que de la bonne information soit partagée
sur ce sujet, et que la procédure soit simplifiée et accélérée et les domaines
d'intervention élargis.
Sur l'ensemble de ces principes, des travaux seront engagés par le gouvernement
dans la perspective du prochain comité interministériel de la transformation
publique. C'est un point clé. Déconcentrer, simplifier, associer. C'est pour
moi le troisième levier en termes de transformation. Et associer, je vais être
très simple, c'est aussi un changement de culture administrative, c'est le CNR,
ce fameux Conseil National de la Refondation, auquel je crois beaucoup. J'ai un
défaut, je crois à ce que je dis et à ce que j'entreprends, donc je suis là
aussi entêté. Ce Conseil National de la Refondation a produit des petits
miracles dans beaucoup de territoires, pas dans d'autres. C'est normal
d'ailleurs, parce que quand on innove, il faut accepter que ça marche, ça ne
marche pas. Il a été embrassé par certains, d'ailleurs dès qu'on a lancé, parce
que ça a commencé avec «Marseille en grand» en septembre 21. Et on a commencé
cette innovation.
C'étaient mes engagements de 2022 avec le “Avec vous”. On a dit : on va essayer
de le démultiplier. Il y a des endroits où on y a cru, il y a des endroits où
on y a moins cru. Ce n'est pas une perte de temps le CNR, et je parle devant le
Haut-Commissaire au Plan qui a la responsabilité de la coordination nationale,
c'est un gain d'efficacité et de sens. Nos compatriotes demandent à être
associés. Et là aussi, ce n'est pas une promesse en l'air, c'est une promesse
qu'on ne doit pas trahir. Ils ne demandent pas à participer, ils ne demandent
pas à être vaguement consultés. Ils ne demandent pas à ce qu'on les invite à
une réunion où on les écoute pour n'en tenir aucun compte, et puis on repart en
faisant comme si on ne l’avait jamais fait.
Ils veulent participer, et parfois faire avec nous. Et je pense que c'est très
bon. Parce que la mobilisation de la Nation, c'est ce pacte entre son
administration, ses élus de terrain et les forces vives.
Le Conseil national de la refondation et ses déclinaisons territoriales, c'est
ce principe-là : écouter, être au service des initiatives locales, parce que
beaucoup de gens sur le terrain, fonctionnaires, associations, élus locaux,
font et ils font bien et ils innovent. Ils font parfois beaucoup mieux que
notre organisation collective parce que sinon, nous, on veut innover, mais on
fait des textes en central qui descendent sur le terrain. C'est d'abord trop
homogène. Et puis parfois, les gens qui font ces textes en central n'ont jamais
été sur le terrain.
Vous savez, j'ai été jeune inspecteur des finances, je contrôlais des gens. Je
n'avais jamais été sur le terrain. Alors, c'était à l'époque la grammaire.
Mais, on a — ça existe et c'est la réalité de notre organisation collective —
bon, on a des gens qui font des textes qui n’ont jamais été sur le terrain.
Est-ce que vous pensez que c'est la meilleure manière d'innover ? Il n'y a
aucune structure qui veut innover qui fait comme ça dans la vie, en vrai. Et
donc, regardons l'innovation où elle est. On a le même objectif, on veut que
nos enfants soient bien formés, on veut résoudre le problème des déserts
médicaux, désengorger les urgences, avoir une justice plus rapide, etc. Le CNR,
c’est mettre les acteurs autour de la table et construire de la décision
collective. Et donc, je demande la systématisation de ces CNR, au moins pour
l'école et pour la santé, et j'invite tous les autres ministères à s'en saisir.
Ces CNR ont vocation à mettre les fonctionnaires autour de la table, de pouvoir
être aidés par des équipes “projet national” de la DITP - et autres d'ailleurs
- qui viennent en appui pour les aider à structurer, d'avoir les élus et tous
les acteurs d'un champ public. Et il doit en sortir un plan d'action qui peut
être pluriannuel, avec des moyens sur lesquels on s'engage.
On ne résoudra jamais le problème de l'école inclusive si on ne fait pas ça,
pour vous donner un exemple. Et je le dis en connaissance de cause. Ces 6
dernières années, nous avons augmenté de 60 % le budget de l'école inclusive.
On a créé une politique publique, on y met 3 milliards d'euros. Pour autant, il
n'y a pas un département où je vais me déplacer où on me dira : « vous avez dit
que vous paierez correctement les AESH, donc les accompagnements pour les
enfants en situation de handicap, ce n'est pas vrai, vous ne le faites pas. »
Pourquoi ? Parce qu'on a encore des endroits où on n'arrive pas à se mettre
d'accord entre le Rectorat et le périscolaire, parce que vous n'avez pas un temps
complet pour un accompagnement si vous ne prenez que le temps scolaire. Ce
n’est pas le Président qui va le régler, ce n'est pas le Ministre qui va le
régler, ce n'est pas une circulaire qui va le régler. C'est une forme de bon
sens de l'action sur le terrain.
Pardon de dire des choses qui peuvent sembler être des truismes et amener des
sourires. Je ne plaisante pas. C'est une chose essentielle et c'est aussi une
manière de responsabiliser les acteurs de terrain. Mettez autour de la table
les élus, les acteurs du périscolaire, les parents d'élèves, la communauté
pédagogique. Faites-le dans chaque bassin de vie ou même chaque établissement.
La vie en est changée. D'abord, le sens est retrouvé. Parce que vous avez des
gens qui deviennent en possession de ce qu'ils ont à faire. Vous réglez déjà
une partie de cette crise démocratique et de confiance, parce qu'ils n'ont plus
une administration qui leur dicte d’en haut ce qu'ils doivent faire pour leur
bien, en disant : vous avez un problème, je vais vous administrer une solution.
Ils sont respectés et participent à la solution. Et cette conversion de notre
action collective, elle est essentielle et c'est ce que je vous demande parce
qu'elle vous rendra plus fort et elle va vous permettre de donner du sens à vos
partenaires, de gagner en intimité, en confiance avec eux, et de gagner en
efficacité collective.
Il y aura toujours des endroits où les gens n'ont pas envie de coopérer. Je ne
suis pas naïf. Il y a des endroits où ça marchera moins bien, mais on sera,
vous serez d'autant plus légitimes à ce moment-là pour intervenir, pour
expliquer que tout a été tenté. Mais il y a des tas d'endroits où on ne le
suspecte pas, où ça va marcher beaucoup mieux et où vous allez surtout
démultiplier votre énergie parce qu'on sortira d'une forme de défiance qui a
été un peu collectivement celle du réflexe naturel de l'État qui est « je sais
mieux que vous ». Les gens ne veulent pas simplement être entendus, ils veulent
être associés, ils veulent participer, ils veulent faire. Et on l'a vu
formidablement pendant la période du covid19, où beaucoup de nos compatriotes
ont innové. Ils ont créé des applications pour savoir où étaient les doses,
comment on pouvait mieux se faire vacciner. Innovation formidable, on a eu de
la chance. Là aussi, il faut le continuer par temps de paix. Donc je vous
demande de systématiser...
On a, au fond, sur notre territoire, 1.200 bassins de vie, ce sont plus ou
moins nos intercommunalités. Pour moi, c'est la bonne maille territoriale. Dans
ces 1.200 bassins de vie, il faut qu'on organise une action publique totalement
repensée où les méthodes changent avec des permanences régulières, mais avec
aussi ces CNR qui sont démultipliés et qui nous permettront d'avoir une action,
je le crois, qui associe davantage, et ce faisant, sera plus légitime et plus
efficace. Et puis, le quatrième élément que je vous demande en termes de
méthode, c'est d'avoir des résultats efficaces, clairs, tangibles. Cette
culture du résultat est indispensable. Et je le redis ici avec beaucoup de
force. Pour moi, le bon résultat, ce n'est pas un résultat de l'administration
pour elle-même, c’est-à-dire ce que j'attends des agents, des services, de
chaque unité de décision, ce n'est pas de remplir des indicateurs qui sont
faits pour la centrale ou pour la région et qui consiste à dire : « j'ai bien
travaillé pour l'étage du dessus ». L'objectif final, le seul qui compte, c'est
la vie des gens.
C'est pourquoi, dès 2017, nous avons mis en place, justement, ces objectifs et
ces objets de la vie quotidienne par lesquels nous avons mis les priorités du
Gouvernement qui sont maintenant justement devenues ces politiques prioritaires
du gouvernement.
On a mis en place un système d'application qui permet de le rendre tangible et
visible et je demande à tous les ministres sur le terrain d'aller justement
mesurer ces résultats qui doivent nourrir le dialogue de gestion. Le dialogue
de gestion doit être nourri par : « est-ce que vous répondez aux priorités
qu'on s'est fixées au niveau national dans le cadre de ces quatre grands
chantiers que j'évoquais tout à l'heure ? Est-ce que la vie des gens a changé
ou pas ? Si elle n'a pas changé, pourquoi ? Est-ce que c'est un manque de
moyens, un problème d'organisation ? Pourquoi, dans le département d'à côté, elle
a changé plus vite ? » Et là, je peux vous nourrir de ces éléments.
Je demande, très fortement, à ce que cette culture du résultat se diffuse
partout au travers de ces politiques prioritaires du Gouvernement. Des revues
sur le terrain, de l'utilisation des instruments qui ont été mis en place de
suivi. Et je reprendrai les points trimestriels en Conseil des ministres à cet
égard, avec un pilotage par le résultat aussi au plus haut niveau, de même
qu'une partie du complément d'indemnités annuelle des préfets doit être indexée
sur la réalisation des résultats.
Je souhaite que nous fassions pleinement vivre cette doctrine à l'égard des
cadres dirigeants qui contribuent à l'atteinte de ces 10 résultats. Il faut
veiller à la qualité des services rendus, quelle que soit l'administration,
l'agence, l'institution. Vous devez renforcer l'évaluation des services
publics, «Services publics +» aide à cela. Un service rendu, mais qui est mal
perçu, est un service non rendu. Et donc, il y a l'effectivité - c’est cette
culture du résultat - qui va être, je pense, renforcée par la déconcentration,
la simplification de l'association. Mais il faut à la fin que le dernier
kilomètre soit fait.
Ce fameux dernier kilomètre qui fait que le changement est effectif. Tant que
le dernier kilomètre n'est pas fait, le changement n'est pas effectif, il
n'existe pas. 99 kilomètres sur 100, ça n'existe pas. C'est ingrat, mais c'est
comme ça. Et dans le même temps, il faut qu'il soit perçu. Et donc, c'est pour
ça qu'il nous faut redoubler d'attention pour accompagner les entreprises et
les plus petites d'entre elles dans toutes leurs démarches, comme par exemple
“France expérimentation”, qu'il nous faut favoriser la pédagogie, qu'il nous
faut rendre notre action lisible et qu'il faut, ce point peut paraître mineur,
mais remembrer et simplifier la communication. L'État est là.
Je demande, sous la supervision du Premier ministre, avec une coordination
assurée par le service d'information du Gouvernement, que la communication de
l'action publique soit beaucoup plus simple, claire et lisible. Quand sur un
territoire, tout le monde communique, plus personne ne communique. Quand la
communication est trop institutionnelle, elle existe peu. Mais quand en plus,
chacun fait sa communication pour sa crèmerie, entre opérateurs, services
déconcentrés par services déconcentrés entre eux, bon courage pour comprendre
ce qu'on est en train de faire.
Moi, j'ai essayé de donner 4 objectifs clairs. Ils sont déclinés en politiques
prioritaires du Gouvernement. L'action doit être claire, la communication doit
être claire pour que ce soit tangible. Tout ça évidemment - et cette culture du
résultat - passe par une culture et un accompagnement de la responsabilité. Je
terminerai sur ce point qui est essentiel, et le Premier ministre y reviendra.
Je l'ai dit d’ailleurs devant les maires et je vous le dis de la même manière,
car c'est le même combat : je veux faire confiance au terrain. Je crois à la
feuille de route que je viens d'évoquer. Et donc, tout ça va donner beaucoup
plus de responsabilité aux décideurs de terrain. Ceci ne peut fonctionner que
si le régime de responsabilité des fonctionnaires permet plus de prise de
risque et de droit à l'erreur. Et quand je dis “des fonctionnaires”, c'est
aussi des principaux décideurs publics et ça vaut pour les élus. On l'a vu
après le Covid, on le voit aussi dans les enjeux liés aux aléas climatiques et
la transition écologique, par exemple, dans les Hauts-de-France ou
ailleurs.
On a besoin d'un renforcement de la protection fonctionnelle, formation,
assistance juridique. On a besoin d'un cadre de responsabilité qui soit
clarifié et qui permette de décider plus simplement et de prendre des risques
plus simplement, parce que ce qui inhibe aujourd'hui une bonne partie de l'action
publique de la capacité à déroger ou à prendre ses responsabilités, c'est le
régime de responsabilité pénale. C'est le sens de la mission pour expertiser
les nouveaux enjeux et proposer de nouvelles mesures. Des décisions seront
prises à l'été et le Premier ministre y reviendra dans le détail dans un
instant, mais ça accompagne cette culture des résultats et c'est
indispensable.
Voilà, Mesdames, Messieurs, ce que je voulais, ce matin, vous dire, vous
remercier d'avoir, durant toutes ces années, conduit l'action collective avec
force, sens des responsabilités et dévouement. Et je voulais vous redonner,
pour les 3 ans qui viennent, et jusqu'au dernier quart d'heure, là aussi, les
priorités de fond et la méthode, la transformation en termes de méthode qu'il
faut conduire.
Il y a beaucoup de travail et il y aura beaucoup de résistance à cela. Elle
n'est parfois pas forcément individuelle, elle est collective. Elle est par
l'habitude et par, en quelque sorte, le déséquilibre que crée un tel
changement. Je vous demande de l'assumer avec moi. Je vous le demande parce que
— et je conclurai là-dessus — ce que je suis en train de poser là, la raison de
ma présence ce matin, c'est que je crois que nous avons collectivement dans nos
mains une part importante de la réponse à la crise démocratique de confiance
que traverse l'ensemble des démocraties occidentales et paradoxalement, je
pense que la France, par la qualité de sa structure étatique, par le goût
naturel malgré tout, que nos compatriotes ont pour l'État et les réponses
qu'ils apportent. Si nous savons nous réformer nous-mêmes, si nous savons nous
transformer et changer cette culture que j'évoquais, en particulier avec les
axes de méthode que je viens de détailler, nous pouvons être un des premiers
pays à répondre à cette crise de confiance. En tout cas, c'est ce que je crois,
c'est ce que je veux. Et pour cela, je vous fais confiance. Je serai là pour
vous accompagner, donner les moyens. Le Premier ministre et son Gouvernement
seront là pour impulser et mettre en œuvre les grands axes que je viens
d'évoquer. Et je serai constamment sur le terrain pour venir m'y frotter à vos
côtés. Merci pour votre attention.
Vive la République et vive la France !
> Le changement [de l’action publique], c'est une
pratique managériale et embarquer les agents pour qu'ils y participent, c'est
la clé du succès. Sinon, il y a ces résistances qui sont là, voire des
frustrations et du ressentiment. Et donc, moi je pense que les bons instruments
c’est:
1) Expliquer. Si on n’explique pas, qu'on ne partage pas d'abord les constats
et les objectifs, on n'embarque pas les gens. Il faut quand même qu'on sorte
d'une culture qui est encore trop une culture de l'écrit, de l'instruction, de
la verticalité pour, sur les changements qui sont demandés dès le début,
embarquer les administrations qui sont concernées pour partager les constats,
la transformation et les embarquer sur des objectifs très simples auxquels ils
s'associent.
2) Rendre visible le changement. Je pense qu'il n'y a rien de pire quand on
engage une stratégie de changement si on sait que les résultats finaux ne
seront pas tout de suite là. Mais c'est très important d'avoir des résultats
intermédiaires et de montrer qu'il y a un progrès.
3) Valoriser. Un changement, ce n'est pas une remise en cause des gens qui font
l'action en cours parce que c'est simplement reposer les priorités qui sont les
nôtres collectivement, c'est qu'on est au service de priorités et d'objectifs
et de nos compatriotes. Si on met en quelque sorte la préservation de métiers,
d'agents, etc., c'est là où on peut tomber dans le corporatisme et dans la
préservation d'un existant. Et donc il faut expliquer cela, mais valoriser
leurs compétences et c'est aussi ça.
C'est comme ça qu'on réussit à convertir et à amener le changement. Et par
exemple sur des équipes qui ont été habituées à faire du contrôle systématique
ou de l'autorisation a priori, valoriser leur expertise et leur montrer que
celle-ci n'est pas déconsidérée, si on leur demande de faire du rescrit, de
faire de l'accompagnement plutôt que du contrôle immédiat, etc.
> Il faut sortir de cette culture de la norme. Vous avez cité des dizaines d'instances de concertation qui existent par des textes et qui sont déjà des lettres mortes. Et donc on peut en créer une 101ᵉ, 102ᵉ. Nous nous épuisons collectivement à créer de la norme au niveau central, à faire vivre les deux premières réunions, et à bureaucratiser la troisième, et en fait à en faire ensuite une langue morte qui n'est plus utilisée.
> Les gens n'ont plus confiance dans la parole [publique], ils ont un peu plus confiance dans la parole de proximité que dans la parole d’en haut. Et encore, viendra un jour où ils n'auront plus confiance dans aucune parole. Et donc, vraiment notre travail, c'est que l'acte suive le plus rapidement possible la parole et qu'il soit cohérent, qu'on améliore les choses. (…) Au fond de ce message très simple, je sens une urgence parce que sinon, ils n'écouteront plus que la colère. Elle est souvent mauvaise conseillère alors que tant de choses sont faites. (…) Je pense que ces petits éléments de méthode, au fond de culture, de grammaire, de changement, de manière de faire et d'exigence du résultat, son effectivité, sont absolument essentiels si on veut réussir à embarquer les gens, ils ne demandent que ça.
> Je salue la décision des députés européens: nous nous fixons un cadre européen sur l'intelligence artificielle. Une première au monde, indispensable pour protéger les droits de chacun et la sécurité des données tout en soutenant l'innovation, c’est l’Europe qui le fait !
> Mistral, LightOn, Shift
Technology, Alan, Bioptimus, Google : ils sont de plus en plus nombreux à
choisir la France pour innover en matière d’intelligence artificielle. Fierté.
En investissant, nous faisons de la France un pays à la pointe de l’IA.
Merci à la Commission de l’intelligence artificielle pour son rapport. 600
auditions, 7000 consultations, 25 sessions et 1 plan d’actions sur la
formation, l’investissement, la puissance de calcul, l’accès aux données, la
recherche publique et la gouvernance mondiale.
> Nous partageons avec la Lituanie la même détermination à soutenir l'Ukraine. Je suis convaincu que nous œuvrons au bénéfice d'une Europe plus unie, plus souveraine et plus forte.
► Gouvernement
[Nota: dans ce gouvernement,
certains membres ne sont pas centristes; nous retranscrivons cependant leurs
propos en rapport avec leur fonction parce qu’ils font partie selon nos
critères d’une équipe qui suit une politique globalement centriste]
Gabriel Attal Premier
ministre, chargé de la Planification écologique et énergétique
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Les débats sont toujours nécessaires et utiles. Je tirerai trois conclusions de
nos échanges. Tout d’abord, on peut être dans l’opposition au Gouvernement et
au Président de la République, tout en assumant un soutien clair, net, sans
remise en question, à l’Ukraine. De nombreuses interventions ont permis de
démontrer, madame Le Pen, l’exact contraire de ce que vous avanciez en
prétendant qu’il ressortait de notre discours qu’être contre le Président de la
République revenait à être pro-Poutine. Les discours de plusieurs présidents de
groupes de l’opposition ont montré que l’on pouvait être dans l’opposition,
contre le Président de la République, et contre Poutine! Être pro-Poutine, ce
n’est pas être anti-Macron : c’est être pro-Poutine, tout simplement,
comme vous l’avez été ces dernières années dans toutes vos prises de position.
C’est ma première conviction.
Ma deuxième conviction, après avoir écouté les interventions de celles et ceux
qui sont le plus hostiles à cet accord bilatéral, est qu’ils n’ont pas semblé
très fiers de leurs positions et qu’ils ont été incapables de proposer une
solution alternative au soutien à l’Ukraine.
J’ai entendu soit de la diversion, soit de faux arguments. J’ai entendu
M. Roussel, l’orateur de La France insoumise, et Mme Le Pen
affirmer qu’ils n’étaient pas favorables à cet accord car ils étaient pour la
négociation et la paix. Mais comment voulez-vous que les Ukrainiens puissent
négocier leur sécurité si leurs alliés leur font savoir qu’ils les désarment en
cessant de les soutenir?
Il n’y a pas de négociation possible aujourd’hui, puisque les Russes expriment
clairement que la seule négociation à leurs yeux consiste à envahir
intégralement l’Ukraine et à lui retirer sa souveraineté! Si nous voulons
qu’une négociation puisse être engagée et que l’Ukraine puisse sortir de cette
guerre par la diplomatie, madame Le Pen, il faut que les Ukrainiens soient
en position de négocier, ce qui suppose qu’ils soient soutenus par leurs
alliés!
Je dis la même chose à M. Roussel: vous vous êtes opposé à cet accord
bilatéral car vous considérez qu’il faut parvenir, par la négociation, à un
accord qui permettrait aux Ukrainiens de s’en sortir, mais vous n’avez dégagé
aucune proposition qui leur assurerait une position de force pour le faire.
Vous avez même ajouté qu’il fallait arrêter de bomber le torse ! Je vous
le dis clairement, monsieur Roussel : je préfère bomber le torse que me
mettre à plat ventre devant la Russie qui agresse.
Dans la série des faux arguments, Mme Le Pen a évoqué le sujet des
avoirs russes en prétendant que nous refusions d’aborder la question. Au moment
même où nous parlons, madame Le Pen, l’Union européenne travaille à
l’élaboration d’un mécanisme qui permettrait de capter les revenus générés par
les avoirs russes. Les 3 milliards d’euros ainsi récupérés nous
permettront de soutenir les Ukrainiens. Vous venez, là encore, de prouver que
vous ne suivez pas beaucoup les dossiers traités par le Parlement européen et
la Commission européenne.
Je vous ai entendu vous réclamer du général de Gaulle et du gaullisme, madame
Le Pen. En réponse, je dirai simplement que toutes les positions que vous
avez tenues sur la Russie depuis une dizaine d’années sont autant d’appels du
18 juin inversés.
C’est ainsi que quand la Russie a envahi la Crimée et qu’un prétendu référendum
a été organisé avec un pistolet sur la tempe des votants, vous étiez là pour
légitimer cette invasion et ce pseudo-référendum, dont nous allons commémorer
les dix ans dans quelques jours! À l’époque, seuls des observateurs envoyés par
Moscou ont couvert le scrutin. Parmi eux, on comptait quelques Européens :
les eurodéputés du Rassemblement national, mandatés par le Kremlin pour
observer un pseudo-référendum et des pseudo-votes. MM. Chauprade et Mariani ont fait partie
de ces observateurs mandatés par Moscou. Voilà la réalité!
La troisième leçon que je tire de ces débats, c’est qu’aucun des intervenants,
y compris ceux qui s’opposent à cet accord bilatéral, n’a remis en cause le
fait que la victoire de la Russie sur l’Ukraine serait un cataclysme pour le
pouvoir d’achat des Français, en ce qu’elle entraînerait une explosion
supplémentaire des prix des céréales – qui seraient intégralement
contrôlés par la Russie –, ainsi qu’une nouvelle explosion des prix de
l’énergie, qui donnerait lieu à des vagues migratoires massives sur le
continent européen. J’en déduis que le meilleur moyen de protéger les Français
est d’aider les Ukrainiens à tenir dans cette guerre; vous en avez fait la
démonstration sans l’assumer. C’est la ligne de ce gouvernement, du Président
de la République et de cette majorité, et c’est une très grande fierté pour nos
concitoyens
> [Projet de loi sur la fin de vie] Il n’y a pas de sujet
plus intime, plus sensible, plus personnel et plus délicat que celui de la fin
de vie. Il fait écho à nos convictions et à nos propres histoires. Il impose,
je le crois, une certaine retenue et, surtout, la réflexion ; il impose la
concertation, le temps de l’échange et du débat.
C’est cette méthode, qui traduit la volonté d’avancer pas à pas, sans brusquer,
en cherchant sans cesse le consensus, qu’a retenue le Président de la
République pour répondre à la demande des malades et des familles, qui
souhaitent faire évoluer notre droit. Cette méthode a été choisie par le
Président de la République pour tenir son engagement, pris lors de la campagne
présidentielle de 2022.
Dimanche dernier, à la suite des travaux du Comité consultatif national
d’éthique (CCNE) et de la Convention citoyenne sur la fin de vie, et après des
consultations larges menées auprès des soignants, des malades, des familles et
des acteurs de la société civile, laïcs et religieux, le Président de la
République a fixé les principes fondateurs du nouveau chemin qu’empruntera
notre modèle français de la fin de vie. Je veux saluer tous ceux qui se sont
engagés et toutes les contributions que nous avons reçues.
Nous avons écouté et nous avons entendu ces familles, ces malades, ces citoyens
qui attendent de nous que nous fassions évoluer notre droit. Nous avons aussi
entendu les soignants nous faire part de leur engagement, de leur détermination
à aider jusqu’à la dernière seconde leurs patients. Au fond, nous nous
retrouvons toutes et tous, au-delà de nos convictions et de nos croyances,
autour d’une volonté : celle de mettre en avant la dignité, la dignité
face à la souffrance, dans le soin et devant la mort.
C’est donc autour de ce principe, qui tient lieu de cap, que nous ferons
évoluer notre modèle de fin de vie. La dignité, c’est d’abord mieux accompagner
ceux qui souffrent. Nous vous proposerons donc une augmentation sans précédent
des moyens consacrés aux soins d’accompagnement, en déployant une stratégie sur
dix ans et des investissements supplémentaires permettant de garantir, partout
sur le territoire, l’accès à des soins palliatifs.
Mais il arrive parfois, malgré l’abnégation et la détermination des soignants,
que la maladie prenne complètement le pas. Il arrive parfois que l’issue soit
inévitable et que la douleur soit telle que la vie n’est plus vraiment la vie.
C’est pourquoi, comme le Président de la République l’a annoncé, nous vous
proposerons de créer en France la possibilité d’une aide à mourir. Cette aide à
mourir sera encadrée par des conditions strictes ; elle répondra à des
critères précis et à une décision collégiale de l’équipe médicale. Les patients
devront être majeurs, c’est une recommandation de la Convention citoyenne; ils
devront être capables d’un discernement plein et entier; enfin, il faudra
qu’ils soient atteints d’une maladie incurable, imposant des souffrances que
rien ne peut apaiser, et que leur pronostic vital soit engagé à court ou moyen
terme. Ces critères garantissent la dimension éthique de notre modèle.
La décision de mourir est évidemment la plus lourde qui soit. Elle ne peut être
prise qu’avec la plus grande précaution et nous ne pouvons nous permettre de
l’encadrer qu’avec la plus grande prudence. J’ai toute confiance dans le
travail parlementaire et dans l’esprit de responsabilité de chacun. Un texte
sera présenté en Conseil des ministres en avril et pourra être débattu dans
l’hémicycle à compter du 27 mai prochain. Nous prendrons le temps qu’il
faudra pour l’examiner, dans le respect de l’intime conviction de chacun ;
nous serons animés, j’en suis certain, par la volonté de bâtir des consensus.
La question de la fin de vie est grave : elle doit nous rassembler. Les
malades, les familles, les soignants nous regardent et nous attendent ;
faisons de cette loi une grande loi de dignité.
> [Discours lors de la Convention managériale de l’Etat
et de la Rencontre des cadres dirigeants de l'Etat]
Le Président de la République a fixé, à l’instant, le cap pour notre
administration, a rappelé le rôle de l’Etat dans notre République, et surtout,
surtout, notre devoir d’aller au plus près des Français, au plus près des
préoccupations de leur vie quotidienne.
Je suis heureux, à mon tour, avec une bonne partie de mon Gouvernement, de
pouvoir m’exprimer devant vous toutes et tous, devant vous qui constituez ce
qu’on appelle « l’encadrement supérieur de l’Etat » - c’est-à-dire,
véritablement, le bras armé de toutes nos politiques publiques.
Car c’est entre vos mains que se trouve une part majeure de notre succès, de
notre capacité à régler rapidement les problèmes et à améliorer les vies de nos
concitoyens.
On parle souvent de confiance entre les Français et leurs dirigeants.
Cette confiance se crée quand les annonces sont suivies d'effets, quand toute
une chaîne se met en ordre et exécute depuis l’engagement pris jusqu’à sa
traduction dans la vie quotidienne.
Cette confiance, vous en êtes des artisans déterminants.
Mesdames et Messieurs, La première chose que je voulais vous dire : c’est que
je crois en vous. Que j’ai confiance en vous. Que je sais tout ce que nous
devons à votre travail, votre engagement et celui de toutes vos équipes.
C’est que nous avons besoin de vous, besoin de vos idées, besoin de votre
détermination.
Je ne suis pas fonctionnaire, mais j’ai pu mesurer dans mes différentes
fonctions la chance inouïe que nous avons d’avoir une administration d’une
telle qualité dans notre pays.
J’ai vu combien les fonctionnaires, depuis les hauts cadres jusqu’aux agents
sur le terrain, étaient animés par l’envie de faire, par l’envie d’être utile,
par l’envie de servir notre pays et de servir les autres.
Dans les combats que j’ai portés comme Ministre, et aujourd’hui comme Premier
ministre, j’ai eu la chance immense de pouvoir compter sur des fonctionnaires
de grand talent, à l’éthique de travail et au sens des responsabilités hors du
commun.
Comme Porte-parole du Gouvernement, au moment de l’épidémie, j’ai été
impressionné, comme bon nombre de Français, par notre capacité à nous adapter
et à mettre en place des politiques publiques majeures, en quelques jours, et
malgré une impérative réorganisation de votre travail.
Je pense notamment à l’organisation des confinements, au versement des prêts
garantis par l’Etat, à la mise en place du chômage partiel, à la mise sur pied
d’une réserve civique.
Vous avez fait vite, très vite – et grâce à cela, vous avez sauvé notre
économie et des millions d’emplois.
Je pense aussi à l’organisation des tests ou de la vaccination, avec les ARS,
en lien étroit avec les collectivités.
Il y a parfois eu des difficultés. Mais nous n’avons jamais fait la politique
de l’autruche. Nous nous nous sommes toujours adaptés en regardant les choses
en face.
Mais je veux le dire également, ce n’est pas seulement quand nous sommes
confrontés à des crises graves, que nous réussissons à agir et changer les
choses à l’échelle de notre pays.
Comme ministre des Comptes publics, j’ai vu combien les agents du ministère
avaient été capables, rapidement, de bâtir une nouvelle stratégie de lutte
contre la fraude après que j’en ai fait la présentation. Une stratégie, qui,
aujourd’hui, montre ses résultats. Je veux saluer ici les agents de la DGFIP et
ceux des URSSAF, pour les résultats exceptionnels obtenus dans notre lutte
contre la fraude fiscale et sociale après la présentation de mon plan.
J’ai pu constater, aussi, combien nous étions capables de nous prendre en main,
rapidement. Quand le Conseil constitutionnel a censuré certaines dispositions
importantes pour le travail des douanes, en particulier sur la question des
fouilles, nous étions au pied du mur.
Nous avions peu de temps pour réagir et pour préserver le travail des
douaniers.
Grâce au travail exceptionnel de la direction générale des douanes et des droits
indirects, grâce à sa créativité et son sang-froid, nous avons réussi très
rapidement à bâtir un projet de loi, adopté en juillet dernier. Une loi, qui a
sauvé les douanes.
Comme ministre de l’Éducation nationale, j’ai vu combien l’administration était
capable de changer de paradigme et de changer de manière de faire. La question
de la lutte contre le harcèlement, en particulier, a nécessité une véritable
révolution dans les pratiques sur le terrain et dans les esprits.
Je veux saluer ici les recteurs et toutes les directions du ministère, qui face
à la gravité de la situation et ont su lancer une véritable révolution des
mentalités dans tout le ministère. Je sais combien la ministre Nicole Belloubet
a à cœur de poursuivre cette révolution des mentalités. J’ai pu mesurer aussi
le début de mise en œuvre du choc des savoirs, avec la mise en place des
groupes de niveaux, le redoublement laissé à la main de l’équipe pédagogique,
les évolutions pédagogiques que nous avons engagées, avec la méthode de Singapour
pour les mathématiques et d’autres mesures. Les textes sortiront dans les tous
prochains jours, et je sais que vous serez évidemment à la manœuvre pour la
bonne application de ces engagements.
Comme Premier ministre, j’ai mesuré la capacité de toute notre administration à
s’interroger sur elle-même, à écouter, à apporter des réponses au plus proche
des attentes du terrain lors de la crise agricole.
Le cri de colère des agriculteurs était clair : un ras-le-bol face à la
surtransposition, face à des règles qui les étouffent, les empêchent de faire
et les handicapent dans la concurrence internationale.
Cette colère, nous l’avons entendue.
Je veux saluer l’action des préfets, qui ont mené des réunions, ont écouté et
continuent à écouter les agriculteurs. Ils ont fait remonter des propositions
de simplification que nous sommes en train d’expertiser.
Je veux saluer, également, les services du ministère de l’Agriculture, du
ministère de l’Économie et des finances, du ministère de la Transition
écologique et de la cohésion des territoires, pour accélérer notre action,
augmenter les contrôles EGALIM rapidement, identifier des simplifications
possibles et les mettre en œuvre rapidement.
Fin janvier, j’avais demandé 10 premières simplifications nationales. Pour 7
d’entre elles, toutes celles ne demandant pas un passage par la loi, elles sont
réalisées ou sur le point de l’être. J’insiste sur le fait que lorsqu’elles
sont réalisées, c’est-à-dire lorsque le texte est pris, elles ne sont qu’à
moitié réalisées. Je le dis, ça nécessite un changement dans les mentalités sur
le terrain, un travail qui doit être mené et je sais que les ministres sont à
la manœuvre.
Quand on prend un nouvel arrêté au début du mois de février pour simplifier
drastiquement le curage et l’entretien des cours d’eau et des fossés, qui est
absolument majeur, à la fois sur la question des inondations, et nous étions
dans le Pas-de-Calais hier avec une partie du Gouvernement, ou sur la question
de l’accès à l’eau de nos agriculteurs, il faut que très vite ces
simplifications se traduise en effets.
Et nous avons eu des remontées sur le fait que la règle a changé, on ne parle
plus d’une procédure qui dure neuf mois mais trois mois, on ne parle plus d’une
nécessaire autorisation mais d’une simple déclaration, et pour autant on a
encore parfois sur le terrain des difficultés dans l’application de cette
règle.
Je sais que le ministre est très mobilisé, les administrations aussi, je veux y
voir le fait que nous venons de changer la règle, mais je vous demande d’avoir
une attention toute particulière à ce que ces simplifications très attendues
puissent se traduire effectivement très rapidement.
Il ne faut jamais baisser la garde. Jamais penser que parce qu’une crise n’est
plus au centre de l’attention médiatique, elle serait finie.
C’est tout l’inverse.
Une fois que les annonces sont faites et les accords trouvés, c’est là que le
vrai travail commence. C’est là qu’il ne faut rien lâcher. C’est là qu’il faut
entretenir le dialogue et veiller à ce que tous les engagements pris deviennent
réalité.
J’étais hier soir encore avec les organisations syndicales agricoles. Ils
attendent encore certaines décisions, certaines solutions. Ils voient des
avancées, mais ils n’en voient pas toujours assez vite la couleur sur le
terrain, dans leur vie de tous les jours. Alors, je vous le demande : ne
relâchons pas la pression, continuons à accélérer.
Mesdames et Messieurs, je ne prends ici que quelques exemples – mais la liste
est encore longue. Et vous le savez mieux que moi. J’y vois se dessiner une
méthode. Une méthode que je m’applique et que je demande à tout mon
Gouvernement de suivre. Une méthode qui doit orienter tous nos travaux. Une
méthode qui doit nous permettre, collectivement, de résoudre des problèmes. Car
c’est bien dans cet état d’esprit de résolution des difficultés que nous devons
avancer.
D’abord, l’écoute. Nous ne pouvons pas nous passer de l’écoute des acteurs de
vos écosystèmes respectifs, bien sûr, mais surtout des Français. N’oublions
jamais que c’est pour eux que nous agissons N’oublions jamais que c’est pour
eux que nous prenons des décisions qu’il faut mettre en œuvre. Et parfois, cela
implique d’assumer certains désaccords avec les acteurs avec lesquels vous
travaillez au quotidien. Cela implique de devoir appliquer, mettre en œuvre des
mesures difficiles qui ne sont pas toujours plébiscités par les acteurs
concernés, les organisations syndicales. Mais l’essentiel, c’est que dans leur
application et en amont de leur application, il y ait cette phase d’écoute.
Alors, soyez toujours à l’écoute du terrain, à l’écoute de vos agents qui
travaillent auprès des Français. Entendez leurs attentes, leurs propositions et
leurs demandes. Ce sont d’eux que viennent souvent les meilleures idées.
Je sais que beaucoup d’entre vous s’y impliquent déjà. C’est la mission du
Conseil national de la refondation, que le Président de la République a évoqué
à l’instant. C’est le sens d’un bon nombre d’outils utiles, mis en place par la
DITP au service de la transformation de l’action publique.
L’écoute, c’est l’engagement à faire preuve de lucidité et dire les choses
comme elles sont. C’est un de mes engagements vis-à-vis des Français. C’est une
des demandes que j’ai formulées à l’ensemble des membres de mon Gouvernement et
que je vous fais à mon tour : ne mettons jamais la poussière sous le tapis,
acceptons de regarder les choses en face, de dire ce qui va et ce qui ne va
pas, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Nous l’assumons en
direction des Français, et je crois que c’est lorsque nous avons cette humilité
de reconnaitre que sur certains points les choses n’ont pas fonctionné, y
compris sur des mesures que nous avons-nous-mêmes portés ou mis en œuvre, que
nous retrouvons une forme de crédit ou de confiance vis-à-vis des Français.
Acceptons aussi d’avoir ce dialogue et cette discussion entre nous, entre
administrations et membres du Gouvernement.
Les recteurs qui sont avec nous ce matin peuvent en attester ; en tant que
ministre de l’Education nationale et de la Jeunesse, je le leur disais : « Ne
craignez jamais de me dire les choses sans détours ; je serais plutôt inquiet
d’entendre certains d’entre vous m’expliquer que tout va bien dans leur
académie, j’y verrais plutôt un problème que ceux qui m’expliqueront qu’il y a
des difficultés ». Il faut assumer d’avoir ce dialogue et cette discussion, je
compte sur votre franchise avec chacun des ministres.
Ensuite, après l’écoute, il y a la décision. Décider, c’est faire preuve de
créativité. C’est trouver des solutions nouvelles, sans tabou, sans idées
pré-arrêtées. C’est ne pas hésiter à remettre en cause certaines méthodes de
longue date, certaines habitudes. Décider, c’est dire oui. C’est accepter le
changement. Ce n’est jamais refuser par principe une évolution, c’est
l’étudier, dire loyalement si l’on pense que c’est une bonne ou une mauvaise
chose et proposer des pistes de mise en œuvre. Décider, c’est agir en
responsabilité, en tenant compte de notre contexte contraint de finances
publiques.
Alors dans chacune de nos décisions, nous allons chercher l’impact concret, et
traquer tout ce qui relève du saupoudrage, de dispositifs qui coûtent mais ne
rapportent pas et n’aident pas vraiment les Françaises et les Français.
Décider, c’est agir dans un souci exclusif d’efficacité. Je n’ai pas peur
d’assumer des décisions fortes, même des décisions dures et impopulaires, si
elles sont utiles et efficaces. Je veux le dire : je ne suis pas du genre à me
défausser sur mon administration, et il en est de même avec mes ministres. Je
serai avec vous, à vos côtés. Je vous soutiendrai et n’aurai pas peur d’aller
au combat pour défendre certains arbitrages, mêmes difficiles. Cela implique de
prendre des décisions dont on sait qu’elles donneront des résultats, assez
rapidement, des résultats sensibles, qui nous permettent d’atteindre nos
objectifs – je pense par exemple au plein-emploi – et dont les effets sont
bénéfiques pour nos concitoyens et notre société.
Je veux insister ici sur un point auquel je tiens particulièrement, et dont
j’avais fait un des axes forts de ma déclaration de politique générale :
chacune de nos décisions doit pouvoir être une simplification.
Si les Français n’ont plus toujours autant confiance dans notre administration,
si les Français ont parfois le sentiment d’être étouffés par les règles et par
les normes, si nos décisions sont parfois un carcan qui bride certaines
initiatives : alors c’est un problème, et il vient de nous, et je mets le
Gouvernement dans le « nous ».
Alors il faut chercher en permanence à simplifier, simplifier, simplifier. Le
Président l’a dit, je n’y reviens pas, et dans cet esprit, un comité
interministériel de transformation publique sera convoqué au printemps. Et à
cette occasion, je souhaite que chaque ministère ait formulé de propositions de
simplifications, réalistes et opérationnelles. 10 simplifications qui se voient
et qui soulagent nos concitoyens.
Je sais que beaucoup ont déjà commencé à y réfléchir – je pense notamment au
travail mené par Bruno Le Maire au sein des ministères économiques et financiers.
Je compte sur les idées et sur l’audace de chacun.
Enfin, le dernier pilier de notre méthode, c’est l’action. Je l’ai dit, il n’y
a rien de pire que les mots qui ne sont pas suivis des actes. Rien de pire pour
miner la confiance dans la politique comme dans l’administration. Rien de pire
pour nourrir les populismes. Rien de pire pour entretenir le sentiment de fatalité
et de déclin.
Alors, je vous le demande, quels que soient vos postes, en centrale ou sur le
terrain et même évidemment à l’étranger : je veux, si vous me permettez cette
expression, que « ça déroule ». Cela implique un suivi méticuleux, constant, de
votre part, pour chacune de nos politiques publiques, chacune des politiques
prioritaires du Gouvernement – les fameuses PPG – chacune des annonces
réalisées. Le suivi de l’exécution des réformes est un art noble et je compte
sur vous pour le mettre en œuvre. Mais j’ajoute que cette responsabilité ne
repose pas que sur vous. C’est un engagement réciproque que je prends. J’ai
demandé à mes ministres d’être particulièrement attentifs à l’exécution des
réformes et de vous laisser l’espace et les marges de manœuvre pour l’être
également.
Le Président a donné quelques exemples de ministères pour lesquels il pouvait y
avoir une instruction, un arrêté, une note de service qui tombait chaque jour
ouvré de l’année, on sait que le ministère de l’Education nationale fait partie
de ces ministères. Je crois que nous avons engagé un travail qui permet de
fixer des objectifs, de s’accorder sur des critères d’évaluations de l’atteinte
de ces objectifs par les académies, et ensuite de laisser davantage de marge de
manœuvre dans l’atteinte de ces objectifs, parce que chaque territoire est
différent.
Enfin, agir, c’est aussi revoir nos méthodes de travail. C’est être en lien
constant avec tous les acteurs et être en mesure de s’adapter « en conduite ».
C’est décliner, non pas de manière uniforme, mais de manière adaptée nos
objectifs. Nous avons une obligation de résultat : cela veut dire que nous
devons adapter les moyens, recourir à la différenciation, à l’expérimentation,
à l’adaptation.
N’ayez jamais peur de proposer ! N’ayez pas peur d’essayer – et parfois même,
peut-être de vous tromper ! Nous ne devons pas avoir un état d’esprit «
ceinture et bretelle », et ne jamais craindre d’innover.
Je prends un exemple : faire émerger un projet industriel, c’est répondre aux
enjeux spécifiques d’un territoire, c’est identifier les obstacles spécifiques
à lever, c’est chercher la mobilisation de tous et travailler avec les
collectivités. C’est travailler avec l’Etat en tête de proue dans une logique
de projet.
A ce propos, je veux avoir un mot à propos des collectivités. Les élus locaux
sont les meilleurs connaisseurs de leur territoire, de ces spécificités et des
attentes des habitants.
Alors, nous devons construire chaque solution locale avec eux. Nous devons
décliner chacune de nos décisions localement à leur écoute et à leurs côtés. Il
ne s’agit pas de les « traiter » comme on peut l’entendre parfois, ni de considérer
que ce qui est porté par un élu local doit être retenu par principe par
l’administration, sinon il n’y aurait plus d’administration de l’Etat, mais
d’avoir ce dialogue réel, déterminant et exigeant entre nous.
Je le demande à chacune et à chacun, et tout particulièrement à notre
administration déconcentrée. Cela me tient particulièrement à cœur, et nous y
travaillons.
Mesdames et Messieurs, je parle de changements de méthode et de transformation
de notre action. Je sais que cela ne vous fait pas peur. Je sais combien ce
mouvement a déjà été entamé et qu’il porte des résultats très positifs. Je le
dis, en connaissance de cause : je l’ai mesuré comme ministre, par exemple,
devant les réformes réalisées et réussies par la DGFIP. Elle a pris le tournant
de la digitalisation, et en cela a simplifié les démarches de millions de
Français.
Je pense qu’il faut aussi qu’on ait la lucidité de regarder ce qui fonctionne
bien dans notre pays, et mieux que dans beaucoup d’autres pays. J’ai en mémoire
avec beaucoup d’émotion ce déplacement à Washington, en face du directeur de
l’Internal Revenu Service. Il avait sur son smartphone des captures d’écran du
site impots.gouv.fr, qu’il me montrait avec des étoiles dans les yeux et même
les larmes aux yeux, en m’expliquant que c’est ce dont il rêvait pour les
américains. Les américains qui continuent à remplir des dossiers papier, avec
une logique où le service des impôts prélève davantage en se disant « on rendra
derrière si on a trop prélevé », mais le « derrière », c’est 2 ou 3 ans. J’ai
vu des gens à qui le service des impôts doit 50 000, 80 000, 150 000 dollars.
Qui n’arrivent pas à avoir de réponse car les services ne sont pas digitalisés.
Sachons reconnaître aussi ce qui fonctionne dans notre pays, et les services
publics que nous sommes parvenus à profondément transformer au service des
Français et qui aujourd’hui éclairent le monde ! Je rappelle que dans le
baromètre réalisé chaque année sur la popularité des services publics, les
services des impôts sont les plus populaires auprès des Français. Cela ne doit
pas nous donner d’idées, cher Bruno, en matière de créations de taxes ou
d’impôts supplémentaires, mais nous conduire à reconnaître que nous avons
réalisé des progrès majeurs.
De la même manière, avec la démétropolisation, la refonte de la carte des
trésoreries et dans la gestion des effectifs on a réussi à engager ce mouvement
et pour moi la DGFIP est emblématique de ce qui a été réalisé.
De la même manière, avec les Maisons France Service, le Président y est revenu,
on a de quoi faire la démonstration qu’on peut moderniser nos services publics,
mieux satisfaire les besoins des Français et le faire à moindre coût. La preuve
qu’on peut passer d’une logique de moyens à une logique de résultats. D’une logique
de norme à une logique d’accompagnement. La DGFIP est un modèle pour toutes ces
transformation – je veux le saluer.
Je sais que ces exemples trouvent un écho chez beaucoup d’entre vous : vous
transformer, vous digitaliser, vous ancrer davantage dans les territoires,
c’est votre quotidien.
Mesdames et messieurs, ces mesures s’inscrivent plus globalement dans un
réarmement de l’Etat territorial que nous portons, sous l’autorité du Président
de la République. Le Président de la République vient de rappeler le rôle
central du préfet, comme coordinateur de nos politiques publiques dans les
territoires, avec une autorité nécessaire sur les opérateurs de son
département. Je pense à l’ADEME, à l’OFB, à l’ANAH, aux agences de l’eau. Quand
un préfet veut revitaliser un territoire, il a besoin que l’effort de tous les
services de l’Etat et des opérateurs y soit mobilisé.
Dans le même objectif, une instruction va être publiée avec effet immédiat,
pour permettre aux préfets de s’engager à financer en pluriannuel certains
projets, en mobilisant la DETR, la DSIL, la DSID ou le fonds vert. Je sais que
cette instruction est attendue : sa publication facilitera les projets locaux.
Elle donnera à tous de la visibilité, et donc de la sérénité dans votre
travail.
Débureaucratiser, ce sera aussi faciliter la vie des managers sur le terrain :
nous le ferons en simplifiant l’architecture du budget de l’Etat, en fusionnant
des programmes dès le PLF 2025 et en donnant plus de souplesse pour redéployer
des crédits là où ils sont le plus utiles.
Je sais combien le tournant de la déconcentration, annoncé par le Président de
la République, peut être un changement de paradigme, qui peut déconcerter.
C’est normal, c’est une évolution profonde. Nous allons vous aider. Nous allons
vous accompagner.
J’ai donc demandé au délégué interministériel à la transformation publique
d’ouvrir une plateforme d’appui à la déconcentration, qui permettra aux préfets
de faire remonter les problèmes et les blocages. Avec le ministre de la
Transformation et de la Fonction publiques, avec tous les membres de mon
Gouvernement, nous y aurons une attention toute particulière.
Je m’y impliquerai personnellement : tous les mois, le délégué interministériel
me fera un compte-rendu de ce qui sera remonté et des réponses qui auront été
apportées. Ces réponses seront publiées pour qu’elles puissent servir à tous et
permettre de déployer partout les bonnes pratiques.
Pour atteindre nos objectifs, en suivant le cap fixé par le Président de la
République et pour suivre efficacement la méthode que je viens de développer :
nous devons aller plus loin dans la confiance que nous accordons aux décideurs
et aux managers sur le terrain.
Dans ma déclaration de politique générale, j’ai demandé à ce qu’on déverrouille
la société. Cela passe nécessairement par le déverrouillage de
l’administration.
Ma ligne est simple : lorsque des bonnes volontés se manifestent, elles doivent
trouver un écho dans leur hiérarchie. Et à votre niveau, je suis, avec tout le
Gouvernement, preneur de vos remontées, de vos idées et de vos propositions,
pour améliorer le fonctionnement de vos administrations.
Nous devons continuer à redonner plus de marges de manœuvres aux managers de
proximité, en particulier en administration déconcentrée.
Cette ambition et cette confiance, je veux aussi la porter au niveau local. La
déconcentration, c’est redonner aux managers de terrain les clés pour gérer
leurs ressources humaines.
Là aussi, soyons honnêtes, le Président de la République en a dit un mot : le
système dans lequel nous sommes est parfois complètement contradictoire : on
cherche à responsabiliser les directeurs et à simplifier la vie des agents de
terrain mais on fait tout remonter à Paris. Pour recruter un contractuel à
Thouars, dans les Deux-Sèvres, il faut obtenir un coup de tampon à Paris ! Pour
autoriser un congé parental, qui est un droit pour l’agent, il faut remonter
jusqu’à la centrale ! Je pourrais poursuivre la litanie d’exemples, que chacun
ici a déjà en tête.
Cela ne peut plus durer. Très concrètement, je vous annonce
donc que nous allons déconcentrer dès les prochaines semaines des actes de
gestion RH qui remontent aujourd’hui en centrale. Cela concernera tous les
périmètres ministériels de l’Etat dans les territoires. L’objectif, c’est de
supprimer les irritants dont me parlent les managers publics quand je les
rencontre lors de mes déplacements. Cela permettra aux acteurs de terrain de
décider, sans qu’ils aient besoin d’en référer à l’administration centrale. Ce
sera par exemple le cas pour recruter plus librement des contractuels ou
accepter des démissions et des placements en disponibilité. Ils pourront aussi
renouveler des détachements, accepter des congés parentaux ou de formation
beaucoup plus simplement et rapidement.
Au global, nous allons ainsi simplifier plus de 30.000 actes de gestion RH par
an. Pour vous, ce sera une véritable respiration, un gain de temps et une
simplification que je sais attendue par beaucoup.
Enfin, pour réussir, nous avons besoin de fonctionnaires. Nous devons donc
continuer à attirer et garder les talents. Nous devons faire en sorte
d’améliorer les conditions de travail et d’engagement des agents publics. Nous
devons donner envie aux jeunes de devenir fonctionnaires. En administration
centrale comme déconcentrée, nous avons besoin de continuer à améliorer nos
procédures de recrutement et de gestion RH, avec un objectif : attirer
davantage de talents, de jeunes bien formés, qui choisissent le service public
par envie et par conviction. Nous avons d’ores et déjà initié beaucoup de
changements. Avec la réforme de la haute fonction publique, le corps des
administrateurs de l’Etat se déploie – et je veux en profiter pour saluer
l’action de la DIESE. Je vous annonce aujourd’hui que nous allons étendre cette
réforme aux ingénieurs civils de l’Etat, avec un rapprochement des statuts et
des grilles, mais sans fusion des corps. C’est une évolution majeure. C’est une
reconnaissance attendue. Cela facilitera les mobilités et nous permettra
d’attirer tous les talents.
Je souhaite que nous allions plus loin encore, notamment pour rivaliser
davantage avec le secteur privé. Je vous donne un exemple concret : le mois
dernier, nous avons publié une grille de salaire pour les contractuels que nous
recrutons dans le domaine du numérique, une grille de salaire qui nous permet
d’être aussi attractif que le privé. C’était particulièrement important pour le
numérique, alors que nous avons cruellement besoin de ces compétences dans nos
services publics.
Mais nous devons penser plus large, et c’est le sens du projet de loi sur la
fonction publique. Le texte aura trois objectifs principaux : attirer,
reconnaître et protéger. Attirer les talents, et donc faciliter les
recrutements et les mobilités vers et hors de la fonction publique. Reconnaître
encore mieux l’engagement et le mérite, tant pour la rémunération que pour la
progression de carrière des agents. Et davantage protéger les agents publics,
le Président de la République a mentionné la mission que nous avons confié à
Monsieur Vigouroux, qui nous remettra ses conclusions d’ici l’été. Sa mission
devra notamment dire s’il est nécessaire de revoir les règles de la
responsabilité pénale en cas de délit non-intentionnel des élus,
hauts-fonctionnaires et cadres dirigeants. L’objectif est véritablement
d’éviter que le régime de responsabilité pénale n’entrave l’action publique. Dès
la fin du mois de mars, et jusqu’à l’été, nous entamerons avec le ministre
Stanislas Guerini trois cycles de concertations avec les organisations
syndicales, ainsi qu’avec les employeurs hospitaliers et territoriaux. Le texte
sera présenté à la rentrée en conseil des ministres et débattu au Parlement à
l’automne.
Enfin, je souhaite que la fonction publique soit aux avant-postes pour
s’adapter aux nouvelles aspirations des Français dans leur rapport au travail. C’est
un chantier majeur de mon Gouvernement. J’assume totalement la ligne qui est la
nôtre d’inciter davantage au travail. De considérer que nous avons un modèle
social qui doit être davantage tourné vers l’incitation à l’activité. Je crois
que c’est une attente profonde des Français, notamment des classes moyennes qui
travaillent et qui ont parfois le sentiment de financer un modèle qui permet à
certains de ne pas travailler, qui n’est pas assez tourné vers l’activité.
J’assume totalement cette ligne, qui nous a conduit à faire la réforme France
Travail, la réforme du RSA, et nous étions avec Catherine Vautrin en face de
bénéficiaires dont certains étaient au RSA depuis 12 ou 15 ans, qui nous ont
expliqué que sans cette réforme, et l’accompagnement qui est désormais
obligatoire, ils n’auraient probablement pas retrouvé un emploi, une dignité,
une fierté vis-à-vis de leurs enfants et la société ; c’est ce que nous allons
continuer à faire avec la réforme de l’assurance-chômage.
J’assume cette ligne.
Mais de la même manière, j’assume totalement, notamment pour ma génération, que
le rapport au travail et à l’organisation du travail a changé. Et que si nous
n’en tenons pas compte, nous passons à côté d’un enjeu fondamental pour la
société, aujourd’hui et dans les années à venir.
Je ne crois pas que les jeunes générations aspirent au droit à la paresse, ou à
ne plus travailler. Je crois en revanche qu’elles aspirent à une organisation
différente, à davantage de souplesse et de liberté qui doivent être données.
Et de ce point de vue-là, j’ai eu l’occasion de le dire lors de ma déclaration
de politique générale, je veux que l’Etat soit exemplaire. Qu’on assume de
tester de nouvelles organisations, c’est ce que j’avais porté comme ministre
des Comptes publics en testant la semaine en 4 jours, à ne pas confondre avec
la semaine de 4 jours, puisqu’il n’y a pas de réduction du temps de travail.
Vous faites votre charge de travail de la semaine, mais au lieu de la faire en
5 jours, vous la faites en 4 jours. Vous arrivez plus tôt le matin, vous partez
plus tard le soir.
Nous avons testé cette organisation dans plusieurs endroits. URSAFF Picardie :
un échec. Deux agents candidats. Caisse nationale d’assurance vieillesse :
plutôt un succès en centrale, avec plusieurs dizaines d’agents candidats. C’est
notamment une expérimentation que l’on peut tourner vers les agents qui ne
peuvent pas télétravailler.
Il y a aujourd’hui une nouvelle fracture entre ceux qui peuvent télétravailler
et ceux qui ne le peuvent pas. Quand vous vous occupez de la numérisation du
courrier dans une administration, vous ne pouvez pas télétravailler, vous
n’allez pas ramener le courrier avec un chariot chez vous pour le numériser à
la maison.
Vous dire que vous pouvez arriver une heure plus tôt le matin et partir une
heure plus tard le soir, et en contrepartie avoir une journée supplémentaire,
c’est un progrès. Je pense qu’il faut qu’on soit à la manœuvre.
De la même manière, avec les recompositions familiales, les couples divorcés,
avoir une organisation qui permette sur une semaine de travailler beaucoup
plus, et sur la semaine suivante, parce que c’est la semaine où on a les
enfants, de travailler beaucoup moins, je pense qu’il faut qu’on soit capables
de le tester aussi et de montrer que l’Etat, nos administrations sont
exemplaires en la matière, donnent l’exemple aussi au secteur privé.
Cela fera partie du séminaire sur le travail qu’on aura avec le Gouvernement
dans les prochaines semaines. Je veux qu’à la rentrée de septembre, et pour
celles qui le peuvent en amont, toutes les administrations centrales testent
ces nouvelles organisations : semaine en 4 jours, organisation différenciée
selon les semaines, et je suis sûr qu’il y a beaucoup d’autres idées possibles.
Là aussi, animez ce travail avec vos agents et faites remonter des
propositions. Nous serons très ouverts aux expérimentations. C’est aussi un
enjeu de bien-être au travail, de qualité de vie au travail, et je crois
profondément que c’est un enjeu d’attractivité pour le service public et
probablement aussi un enjeu de transformation pour le secteur privé qui nous
regarde, et pour lequel on peut pousser un certain nombre de choses.
Cela peut enfin, être une opportunité aussi sur l’accessibilité aux services
publics. Par définition, un agent qui accepte d’arriver plus tôt le matin et
d’arriver plus tard le soir, ça peut aussi être un service public ouvert aux
Français plus tôt le matin et plus tard le soir, ce qui permet à des Français
qui travaillent d’y accéder davantage.
C’est toute cette organisation qu’il faut revoir.
Mesdames et messieurs, vous le voyez, notre programme de travail commun est
ambitieux. Mais avec tout le Gouvernement, je sais pouvoir compter sur vous
pour mettre en œuvre ces transformations que nos concitoyens et usagers du
service public attendent. Ces transformations, que vous aussi, vous attendez,
et pour lesquelles vous œuvrez chaque jour.
Bruno Le Maire,
ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et
Numérique
> L’adoption définitive de l’AI Act est une
victoire pour l’Europe qui a su, grâce à la France, porter des positions en
faveur de l’innovation. L’Europe a l’occasion de compter dans cette révolution
technologique, et la France jouera son rôle en accueillant le prochain sommet
mondial pour l’IA générative.
> En septembre dernier, j’ai proposé au président de la République de réunir les meilleurs experts pour fixer à la France une ambitieuse feuille de route en matière d’IA générative. C’est chose faite : ce rapport très complet va nous aider à ce que la France reste un des leaders mondiaux sur le sujet.
> Dans
un grand pays de sport, il y a toujours une grande économie du sport :
- Un écosystème de 128 000 entreprises,
- 360 000 associations sportives, qui sont des acteurs à part entière du tissu
social français,
- Près de 450 000 emplois dont des emplois industriels,
- 71 milliards € de chiffre d’affaires annuel.
Mais je veux être franc : nous devons aller encore plus loin. C’est pourquoi
nous voulons donner une nouvelle impulsion. Nous avons signé un nouveau contrat
de filière qui comporte une feuille de route pour 2024-2026. Cette feuille de
route s’articule autour de cinq axes, parfaitement alignés avec nos priorités
économiques : la réindustrialisation, le soutien à l’innovation, la formation,
la RSE, et l’internationalisation.
Notre objectif d’ici 2030 est clair: 100 000 emplois en plus et la barre des
100 milliards € de chiffre d’affaires. Les Jeux Olympiques et Paralympiques de
Paris 2024 seront un héritage économique permettant d’atteindre cet objectif.
Pour y arriver, nous aurons besoin également de toutes nos forces économiques :
investissez dans le sport ! Il y a de l’émotion, de la passion et des revenus !
Surtout, c’est en investissant dans le sport français que vous le rendrez
encore plus performant. Vous ferez vivre les sportifs, vous séduirez le public,
vous organiserez des compétitions, vous développerez de grandes marques.
Gérald Darmanin,
ministre de l’Intérieur et des Outre-mer
> Avec mon
homologue allemande, Nancy Faeser, nous avons présenté en Conseil des ministres les
travaux en cours destinés à mettre en œuvre la réforme historique du Pacte sur
les migrations et l’asile. Il s'agit d'une étape décisive qui n'aurait pu être
franchie sans l’engagement fort du couple franco-allemand.
En 2024, nos deux pays vont par ailleurs accueillir deux événements
sportifs majeurs: l’Euro de football en Allemagne et les Jeux olympiques et
paralympiques, en France. Je me réjouis de la coopération bilatérale
exceptionnelle que nous faisons vivre au quotidien et que nous renforcerons
encore pour ces grands rendez-vous.
Catherine Vautrin,
ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités
> [Directive relative aux travailleurs des plateformes] La France a
pleinement joué le jeu de la négociation et plusieurs versions de ce texte ont
été discutées. Notre pays a été guidé dans sa démarche par un seul
principe : le texte doit prendre en compte la réalité de la relation de
travail entre la plateforme et le travailleur. Cette distinction entre vrais et
faux travailleurs indépendants est d’autant plus importante que nous avons
construit en France, avec succès, un modèle social particulièrement protecteur
pour les travailleurs indépendants du secteur de la mobilité et de la
livraison. Ce modèle social a abouti à la conclusion de neuf accords collectifs
depuis 2022, par exemple sur les revenus ou les relations entre les plateformes
et les travailleurs.
Dans ce contexte, la France a cherché à définir des critères plus clairs et
plus solides juridiquement afin de pouvoir déclencher la présomption de
salariat prévue par la directive. Le sujet est là : la présomption de
salariat. Malheureusement, nous avons constaté dans le texte examiné ces
dernières semaines que le régime instauré était plus flou et ne permettait pas
d’harmoniser les règles à l’échelle de l’Union européenne, faisant naître un
risque d’insécurité juridique. C’est pourquoi nous avons exprimé des réserves
et demandé des clarifications à la Commission européenne. Hier encore, j’ai
échangé avec le commissaire : nous avons fait un geste d’ouverture en
signalant que si nous obtenions des clarifications, nous pourrions soutenir le
texte lors du vote.
Nicole Belloubet,
ministre de l'Education nationale et de la Jeunesse
> Je serai toujours aux côtés de nos
enseignants, toujours. Ils transmettent des contenus scientifiques et liés aux
valeurs de la République. C'est un point absolument non négociable.
> La laïcité est inscrite dans notre Constitution et participe à notre unité. À l’École, il est indispensable de s’affranchir de toute emprise liée à une religion ou une idéologie. Nous y serons intransigeants. Toujours et en tout temps.
> Je ne compte absolument pas renoncer au choc des savoirs, qui s'appliquera dès la rentrée prochaine, dans tous nos territoires. Je prendrai également en compte la spécificité de chaque territoire, comme celui de la Seine-Saint-Denis, avec une attention sur tous nos personnels.
> [Carte scolaire] Je sais à quel point la carte scolaire
est une donnée extrêmement sensible pour nos concitoyens: c’est en effet le
service de proximité le plus immédiat qui se trouve concerné. Je suis certaine
qu’au-delà des efforts déjà consentis, en particulier suite à l’engagement du
Président de la République de ne fermer aucune école sans l’accord du maire de
la commune dans laquelle la fermeture doit advenir.
Nous pouvons améliorer l’établissement de la carte scolaire, qui doit prendre
en compte trois éléments : la démographie – comment faire
autrement ? –, des politiques publiques dont l’objet est de soutenir
l’éducation prioritaire ou la ruralité mais aussi de la nécessaire présence
d’une école dans les territoires, c’est-à-dire de l’éloignement.
Nous pouvons améliorer la situation de
trois manières. Tout d’abord, nous devons renforcer la cohérence entre les
services de l’État, sous l’autorité du préfet qui porte un regard global.
Nous devons également mener un dialogue plus en amont avec les élus. Il faut
absolument que nous menions cette démarche et il me semble que certaines des
mesures proposées par l’ancienne Première ministre, Élisabeth Borne, en
particulier la création des observatoires des dynamiques rurales, pourraient
participer de la réponse. Le dialogue avec les élus est essentiel.
Enfin, nous devons nous inscrire dans une perspective de plus long terme. Je ne
partage pas complètement votre proposition d’un moratoire car nous ne pourrons
pas le tenir partout. En revanche, les services de l’État devront échanger avec
les élus autour des décisions qui seront prises dans les trois prochaines
années pour la carte scolaire.
Marc Fesneau,
ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire
> L’Europe avance au service des agriculteurs
français. Grâce au volontarisme du Gouvernement, et répondant aux souhaits des
États membres, la Commission européenne accélère le travail de la
simplification des règles de la Politique agricole commune.
> Les députés Babault et Izard ont tenu une conférence de
presse sur la mission Egalim pour présenter leurs objectifs et leur méthode.
Je n’ai cessé de rappeler que la rémunération des agriculteurs est avant tout
une affaire de responsabilité collective. Les auditions débutées ce jour vont
permettre une concertation de tous les acteurs de l’amont à l’aval.
Les deux parlementaires missionnés devront proposer des solutions équilibrées
pour renforcer le partage de la valeur dans notre chaîne alimentaire et dans le
cadre de confiance des négociations commerciales.
Des ambitions que nous poursuivrons aussi au travers du projet de loi
d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des
générations en agriculture qui sera examiné au parlement dans les prochaines
semaines.
> La progression du budget 2024 de l’enseignement et de la recherche agricole illustre l’engagement constant du Gouvernement pour conforter l’excellence de son enseignement. Nous poursuivrons l’effort de valorisation de nos formations agricoles à travers le projet de loi d’orientation pour la souveraineté agricole et le renouvellement des générations en agriculture.
Sébastien Lecornu,
ministre des Armées
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Je reprendrai quelques-uns des éléments qui ont émaillé vos interpellations ou
vos interrogations concernant l’aide militaire que nous apportons à l’Ukraine
depuis le début du conflit et les perspectives pour l’avenir que dessine
l’accord. J’ai eu l’occasion d’y répondre en partie en réunion de la commission
de la défense.
Rappelons-le, nous fournissons des armements, des équipements militaires, des
munitions, mais aussi de la formation. Celle-ci a été trop peu évoquée alors
qu’elle est centrale, puisque la France forme près d’un tiers des soldats
ukrainiens inclus dans la mission d’assistance militaire de l’Union européenne.
Cet effort de formation ne saurait être déconnecté des équipements militaires
que nous donnons.
La première fonction militaire de ces dispositifs est la défense sol-air,
incluant tous les niveaux de la lutte antidrones : les armes de courte,
moyenne et haute portées – les Mistral, le VL Mica appelé à remplacer les
Crotale, les missiles Aster du programme Samp(-T) (système sol-air de moyenne
portée terrestre) – que nous avons pu donner à l’Ukraine permettent de
protéger non seulement le champ de bataille, mais aussi les villes, les
infrastructures civiles et énergétiques, et les populations civiles. C’est bien
entendu sur cet axe que nous devrons concentrer nos efforts dans les prochains mois
puisque la Russie assume désormais une posture très agressive dans l’espace
aérien. C’est, en miroir, la maîtrise de la défense sol-air qui permettra de
faire la différence.
La deuxième fonction militaire est l’artillerie : on ne peut pas tenir de
ligne de front ni mener de contre-offensive sans maîtriser les fonctions de
l’artillerie. C’est en cela que le canon Caesar est devenu le symbole d’une
aide militaire efficace. Toutefois, il ne suffit pas : il faut aussi
fournir les pièces détachées, les éléments d’un maintien en condition
opérationnelle, les obus et l’ensemble de ce qui participe à l’organisation
globale des fonctions de l’artillerie.
J’en viens au dernier élément, qui nous singularise, à l’instar de nos amis
britanniques : nos capacités de frappe en profondeur, c’est-à-dire
derrière la ligne de front. Les Britanniques ont ouvert la voie en livrant des
Storm Shadow, produits par MBDA UK, et nous avons suivi en livrant des Scalp,
qui correspondent au même type de missiles, produits par MBDA France. Nous
poursuivrons nos efforts en ce sens. Le Premier ministre l’a rappelé tout à
l’heure, les cessions de bombes guidées dites AASM (armement air-sol modulaire)
sont essentielles pour permettre aux Ukrainiens de tenir. Nous le constatons
d’ailleurs depuis dix jours : alors qu’une ligne de front avait commencé à
s’éroder massivement, cette érosion a été freinée grâce à ces bombes air-sol
guidées, de fabrication française. Nous comptons en livrer plus de 600 cette
année, ce qui relève d’ailleurs d’une prouesse technologique, puisque nous
avons réussi à adapter ces bombes, traditionnellement acheminées par avions
Rafale ou Mirage, sur des avions de classe soviétique, afin que les Ukrainiens
puissent disposer de cette fonction.
Si je vous livre ces éléments, c’est qu’au-delà des chiffres, il s’agit de
procéder à des cessions d’équipements militaires utiles et efficaces
– c’est ce que nous faisons depuis le début, ce qui contribue à asseoir la
crédibilité de la France dans la durée.
Le classement établi par l’Institut d’économie mondiale de Kiel en matière
d’aide militaire, commenté à plusieurs reprises, est faux en ce qu’il ne prend
en compte que les éléments promis, déclarés publiquement, et non pas les
matériels réellement livrés. Or vous le savez, ce n’est qu’il y a dix jours que
nous avons fait la transparence sur l’ensemble des cessions d’armes effectuées
depuis deux ans. Par définition, ce classement devra donc être mis à jour.
D’autre part, il est adossé à un Land allemand. D’autres think tanks pourront
sans doute nous fournir des données. Quand j’entends des représentants de
groupes politiques se référer de nouveau à ce classement alors que nous ne
cessons de répéter qu’il n’est pas fidèle à ce que nous avons accompli ni même,
monsieur le président Marleix, au rapport parlementaire issu de cette maison
même, qui place l’aide militaire de la France à un autre niveau, je ne peux
donc qu’être extrêmement surpris !
Je poursuis. La situation actuelle pose évidemment la question de l’économie de
guerre. À la suite du président Thomas Gassilloud, j’aimerais que nous rendions
tous, unanimement si possible, un hommage appuyé et particulier à l’ensemble
des salariés de la base industrielle et technologique de défense française
– ouvriers, techniciens, ingénieurs, agents de la direction générale de
l’armement –, qui ne ménagent pas leurs efforts depuis deux ans pour
réussir le passage à cette économie de guerre. De grâce, ne jetons pas le bébé
avec l’eau du bain et ne nous tirons pas une balle dans le pied en expliquant,
ici, devant le monde entier et tous nos clients à l’export, que nous n’avons
pas réussi à entrer dans l’économie de guerre !
Les choses avancent dans plusieurs segments, monsieur le président Marleix. Qui
peut nier que nous produisons trois fois plus de canons Caesar aujourd’hui
qu’il y a deux ans ? Que nous avons divisé par deux le temps de
fabrication des missiles Mistral dont nous avons besoin pour l’Ukraine ? Ne
faites pas ce geste, monsieur Marleix : derrière ce résultat, ce sont des
ouvriers, des ingénieurs, des techniciens, qui sont engagés, notamment dans
l’usine de Roanne. Respectez celles et ceux qui servent leur pays en
travaillant dans les industries de défense.
Je ne nie pas qu’il reste du chemin à parcourir. D’ailleurs, si les crédits
militaires n’avaient pas diminué, jadis, nous n’aurions pas perdu autant de
temps et autant de capacités de défense ! Nous avons perdu, en vingt ans,
d’importantes capacités militaires. Nous prenons des mesures pour remonter en
puissance, mais cela demande du temps, ce qui explique que nous ne soyons pas
au maximum de nos performances pour certains segments, comme la production de
poudre qui a été délocalisée dans les années 1990. Nous nous employons à la
relocaliser en France, à Bergerac. Tout cela prend du temps ! Je souhaite
que nous soyons le plus unis possible pour mener le combat de l’économie de
guerre.
Vous ne pouvez pas dire, monsieur Marleix, que les industriels français n’ont
pas avancé. Pire, vous avez déclaré qu’il n’y avait pas de commandes !
Plus de 200 missiles Aster ont été commandés à MBDA en janvier 2023 :
ne dites pas qu’il n’y a pas de commandes ! Des dizaines de milliers
d’obus d’artillerie de 155 millimètres ont été commandés par le ministère
des armées et la direction générale de l’armement : ne dites pas qu’il n’y
a pas de commandes ! Comment
pouvez-vous dire, alors que le budget des armées aura doublé en dix ans, qu’il
n’y a pas de commandes ! Il y en a, pour nos industries de défense !
Nous devons être clairs car les sujets sont graves, tant pour l’aide à
l’Ukraine ou la livraison à nos propres armées, que pour la réussite de notre
exportation d’armes.
Je me tiendrai toujours à votre disposition, puisque vous êtes membre de la
commission de la défense, monsieur le président Marleix, et que j’ai toujours
plaisir à m’y rendre – d’autant plus que je vous y croise rarement –,
pour répondre à vos questions avec précision afin de ne pas laisser abîmer le
bilan que nous devons à nos industriels ainsi qu’à ceux qui s’engagent pour la
réussite de cette économie de guerre !
Éric Dupond-Moretti,
garde des Sceaux, ministre de la Justice
Stéphane Séjourné,
ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, secrétaire général de
Renaissance
> Face à l'agresseur russe, nous continuons en
Européens d’explorer l'ensemble des pistes légales de réponses. L’utilisation
des intérêts des avoirs russes gelés en est une.
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et
l’Ukraine]
Cet accord bilatéral met en jeu l’unité européenne. À Berlin, à Vilnius, à
Helsinki, à Varsovie ou à Prague – pour ne citer que quelques-uns de nos
partenaires –, nous sommes attendus : notre débat et notre vote
seront scrutés. Presque tous nos partenaires européens, l’Allemagne et le
Royaume-Uni en tête, ont, par-delà leurs divisions partisanes, signé de tels
engagements. C’est bien dans ce type d’accord bilatéral que réside l’unité
européenne.
En effet, soyons clairs, cet accord de sécurité est un accord pour la paix. En
soutenant l’Ukraine, nous sauvegardons ce que nous avons patiemment construit
en Europe, c’est-à-dire des principes et des valeurs. Les pays de notre
continent se doivent de dénoncer l’agression d’un des leurs par un autre, au
nom du droit international et parce que les frontières de tout pays souverain
sont inviolables. La guerre, c’est la Russie qui la veut, pas nous. La paix,
c’est l’Ukraine qui la demande, avec nous.
Enfin, l’accord dont il est question aujourd’hui est un accord pour l’histoire.
Nous sommes à la croisée des chemins : l’agressivité inédite dont la
Russie a fait preuve ces dernières semaines l’atteste.
Je reviendrai sur les enjeux internationaux qui ont été soulevés par les
différents orateurs : les menaces sur la paix, les risques d’escalade, la
question agricole – j’ai bien entendu les craintes et les doutes exprimés
à ce propos –, les sanctions et, enfin, l’élargissement de l’Union.
Je veux d’abord répondre à ceux qui nous accusent de menacer la paix, au
prétexte que nous aidons l’Ukraine à répondre à la guerre que lui fait la
Russie.
À ceux qui prétendent qu’il suffit de lever le drapeau blanc pour arrêter la
Russie, je répondrai : écoutez Moscou, tout simplement ! Que demande
la Russie ? La soumission complète de l’Ukraine. C’est toujours son
objectif stratégique, et notre faiblesse ne ferait que la stimuler dans l’idée
que cet objectif peut être atteint. Poutine lui-même nous le dit : il
regrette l’URSS et, selon lui, la Russie n’a pas de frontières. La stratégie de
ce pays désormais expansionniste devient donc inquiétante. Écoutons-le et
tirons-en les conséquences : seul le soutien à l’Ukraine peut amener la
Russie à revoir ses objectifs stratégiques. Nous pouvons lui faire entendre
raison, au niveau européen, en poursuivant l’objectif d’une paix juste, donc
durable. Cela suppose de mettre l’Ukraine en position de force en la soutenant
sur le terrain, pour qu’elle puisse négocier, le moment venu, à ses conditions.
J’entends aussi vos interrogations sur le risque d’escalade. Mais n’inversons
pas les choses : la Russie seule est l’agresseur.
La Russie seule agite les peurs, brandit la rhétorique nucléaire, mène des
campagnes de désinformation pour déstabiliser nos sociétés. Ce que le présent
texte permet, c’est donc de reprendre la main : l’accord de sécurité signé
par le Président de la République et le président ukrainien le 16 février
dernier est la suite logique de nos efforts pour accompagner l’Ukraine dans la
durée. Ce n’est pas une escalade ni une fantaisie, mais une réponse forte et
claire au défi d’une génération.
Depuis le premier jour, notre soutien a d’ailleurs été fort et continu, et ce
dans de nombreux domaines. Il a d’abord été humanitaire : alors que la
Russie vise délibérément les populations et les infrastructures civiles et
énergétiques, la France a mobilisé près de 300 millions d’euros, en
soutenant les ONG partenaires et les organisations internationales sur place,
mais aussi en menant des opérations de solidarité, par l’intermédiaire du
centre de crise et de soutien. Notre soutien a aussi été économique, dans la
perspective de la reconstruction, et politique, pour que la communauté
internationale continue à se rassembler derrière les Ukrainiens, comme elle le
fait majoritairement aujourd’hui. Nous soutenons enfin l’Ukraine – c’est
un enjeu majeur – dans la lutte contre l’impunité des crimes commis par la
Russie, par exemple en appuyant les enquêtes ukrainiennes, comme celle qui est
menée à Boutcha, et celles de la Cour pénale internationale, ou en contribuant
à la formation de magistrats ukrainiens. Ce sont autant d’actions concrètes
pour que justice soit faite, en toute transparence.
Venons-en aux questions agricoles. Selon certains, par cet accord, nous
accepterions de sacrifier nos filières agricoles. Je veux être très
clair : c’est une idée fausse. Cet argument ne résiste pas à l’épreuve des
faits et même si ce n’est pas le sujet du jour, je veux le redire devant vous.
Oui, les produits agricoles ukrainiens doivent respecter les règles et les
normes européennes et oui, l’équilibre européen doit être maintenu. Ce n’est
évidemment pas aux agriculteurs français de supporter le prix du soutien à
l’Ukraine.
Là-dessus, nous sommes très clairs : des mesures de sauvegarde spéciales
ont été proposées par la Commission européenne concernant certains produits
sensibles – les œufs, la volaille et le sucre notamment. De telles mesures
vont dans le bon sens et je remercie tous ceux qui font preuve de vigilance sur
cette question vitale, elle aussi, pour nos agriculteurs.
S’agissant ensuite des sanctions, que Mme Le Pen évoquait tout à
l’heure, la fiabilité des statistiques publiées par la Russie mérite peut-être
d’être interrogée: à bien des égards, l’économie russe est devenue une boîte
noire, et les chiffres comportent des incohérences que nous relevons. Ne
prenons donc pas ces statistiques pour argent comptant.
L’optimisme affiché par le Kremlin sur l’état de l’économie russe est
clairement douteux. Nous constatons également que les sanctions sont utiles,
parce qu’elles renchérissent d’ores et déjà le coût de la guerre pour la
Russie. Mais au-delà de leurs effets à court terme, les sanctions auront des
conséquences significatives et durables sur le potentiel de la Russie à
financer son économie de guerre, en provoquant des ruptures d’approvisionnement
dans les secteurs de haute technologie et l’émigration de travailleurs
qualifiés – ces deux phénomènes ont été observés depuis le début du
conflit. Nous sommes mobilisés, en Européens, pour lutter contre le
contournement de ces sanctions, y compris en ciblant spécifiquement les
individus et les entités qui y participent.
L’accord bilatéral de sécurité que nous avons signé avec l’Ukraine n’est pas
non plus un accord d’adhésion caché, comme certains d’entre vous semblent le
penser. L’adhésion à l’Union européenne obéit à son calendrier propre, comme
d’ailleurs l’adhésion à l’Otan, et ces deux cheminements sont assortis de
conditions et d’exigences précises. Le Parlement aura d’ailleurs à s’exprimer
sur le sujet, mais ce n’est pas l’objet de notre débat. Dire le contraire,
c’est faire croire à nos concitoyens qu’ils pourraient être privés de leur
pouvoir de décision à ce sujet ; en réalité, ce pouvoir restera aux mains
des parlementaires, donc des représentants du peuple français, lorsque le sujet
sera inscrit à l’ordre du jour – je le dis en particulier à l’attention de
Mme Le Pen.
Mesdames et messieurs les députés, vous allez vous prononcer sur les formes que
prendra la poursuite du soutien à l’Ukraine face à l’agression russe. Votre
expression, celle du Parlement, est cruciale parce qu’elle intervient à un
moment de bascule. Soyons à la hauteur de nos responsabilités.
Partout chez nos partenaires – je pense notamment au Royaume-Uni et à
l’Allemagne, qui ont d’ailleurs signé des accords de ce type –, on trouve
les mêmes questions et les mêmes débats ; partout, il y a des opinions
publiques à convaincre. Mais partout, à la fin, c’est la constance de
l’engagement qui triomphe : en Ukraine, c’est le défi d’une génération que
nous avons à relever, le défi de la paix. En effet, de notre soutien à
l’Ukraine dépendra l’état de l’Europe ; de notre soutien dépendra la
possibilité pour nos concitoyens de vivre en paix, dans un monde où la violence
échoue à faire valoir son diktat.
Cet accord permettra d’ailleurs de protéger les Françaises et les Français
contre une menace russe qui ne disparaîtra pas. Le risque d’un retour de la
guerre n’est pas une lubie mais une réalité. À Helsinki, à Riga, à Vilnius, à
Varsovie, personne n’est dupe. Ne le soyons pas nous-mêmes au prétexte que
quelques centaines de kilomètres de plus nous séparent de la Russie. Gardons au
contraire les yeux grands ouverts sur cette situation qui nous touche car nous
avons une certaine idée de la paix en Europe ; car la guerre évoque chez
chacun d’entre nous, dans chaque famille, un souvenir, un récit, le traumatisme
d’un passé pas si lointain ; car nous avons choisi de fonder l’unité en
Europe sur de grands principes.
Nous demandons aujourd’hui aux parlementaires, par leur vote, de continuer à
rendre tout cela possible.
Christophe Béchu,
ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires
> La baisse du réchauffement climatique est un
combat mondial, mais pour l'adaptation climatique il n'y a pas d'excuse :
chacun a la responsabilité dans son pays de s'adapter.
> Il faut que les consommateurs prennent conscience que derrière le côté simple, facile et pas cher, on participe à créer une dette écologique de plus en plus forte.
> Le gouvernement souhaite que l'on ne puisse plus exporter nos déchets textiles : on les fait venir, on les paie, puis pour s'en débarrasser on les envoie dans des pays d'Afrique qui deviennent les poubelles de nos excès.
> [Catastrophes naturelles] Il faut s'habituer à se dire que le risque c'est tout le temps, pas seulement dans les moments qu'on connaissait. C'est au cœur des logiques d'adaptations au réchauffement climatique qu'on doit mettre en œuvre dans le pays.
> [Commentaires haineux visant la dessinatrice Coco] Les Insoumis vous expliquent à longueur de journée qu'il faut plus de démocratie et de liberté, mais ils n'en ont pas un échantillon sur eux, à chaque fois ils se mettent du côté des censeurs.
> [Ma Prime Rénov] Le chiffre moyen de rénovations par an a été multiplié par 10 entre la dernière année du quinquennat Hollande et l'année dernière.
> Le racisme n'a pas et n'aura jamais sa place dans notre République. Prendre pour cible Aya Nakamura, une des chanteuses les plus écoutées au monde parce qu'elle est noire. Oser parader en black face et imiter des bruits de singe dans un lycée. Nous ne laisserons rien passer.
Sarah El Haïry, ministre
déléguée chargée de l’Enfance, de la Jeunesse et des Familles
> La France reconnait aujourd’hui des
manquements collectifs dans la protection des enfants adoptés à l’étranger.
Nous recevons le rapport sur l’existence de pratiques illicites sur l’adoption
internationale : une étape cruciale pour le chemin de vérité qu’on doit aux
familles !
> Nous avons la responsabilité de garantir un égal accès aux droits pour tous les enfants. Je travaille en collaboration avec les départements, les associations et les professionnels dans l'intérêt des enfants.
► Assemblée
nationale
Yaël Braun-Pivet (présidente)
> Respecter la laïcité c’est respecter notre
pacte républicain ! Celui de nos valeurs au sens large, sur l’égalité et la liberté d’expression. Ce doit
être notre combat commun.
> Je veillerai et m’impliquerai personnellement sur le projet de loi fin de vie à l’Assemblée pour que chacun dans l’hémicycle puisse exprimer ses opinions avec sérénité.
> Les femmes représentent 50% de la population et je ne vois pas 50% de femmes aux postes à responsabilité dans notre pays. Je serai toujours aux côtés de celles qui s’engagent et qui osent prendre leur place dans la vie publique, politique et économique.
> C’est une erreur de revenir sur le non cumul des mandats. J’y suis extrêmement défavorable ! Si on exerce pleinement son mandat de parlementaire, on est ancré dans son territoire.
> l’Assemblée a débattu de la guerre en Ukraine et du soutien multidimensionnel de la France. Un débat nécessaire et utile. Les préoccupations et les convictions de chacun se sont exprimées. Une large majorité a voté pour appuyer l'action du Gouvernement. Soutenir l'Ukraine en ce moment charnière s'impose à nous : l'intégrité territoriale, la sécurité et la paix sont en jeu.
► Partis
politiques
● Renaissance
[Nota: dans ce parti, les propos de ses membres qui ne sont pas centristes
et se considèrent de droite ou de gauche ne sont pas retranscrits]
Sylvain Maillard (président du groupe à
l’Assemblée nationale)
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Depuis deux ans, l’Ukraine est le théâtre d’une guerre sanglante d’une
intensité jamais vue depuis la seconde guerre mondiale. Les morts se comptent
par centaines de milliers et ce conflit a déjà engendré plus de 6 millions
de réfugiés.
Oui, depuis deux ans, la guerre est en Europe, aux frontières de l’Union
européenne. Et tout cela par la faute d’un seul et unique agresseur, la Russie
de Vladimir Poutine, ce régime qui traque et écrase toute tentative de
contestation ou de libre expression. En ce moment, j’ai une pensée pour le
courage d’Alexeï Navalny.
Ce régime russe condamne sa jeunesse à l’exil ou à la mort sur le front
ukrainien. Son avidité ne respecte aucune frontière, aucune convention
internationale. Vladimir Poutine l’avouait lui-même il y a quelques semaines
devant son assemblée fédérale, lorsqu’il proclamait que « l’empire russe
ne peut survivre sans guerre ». Chers collègues, ne vous leurrez
pas : Poutine a toujours dit ce qu’il faisait et fait ce qu’il disait.
Depuis le premier jour de la guerre, la position de notre majorité n’a jamais
varié : elle a toujours soutenu le peuple ukrainien. Dès 2022, nous avons
doublé le fonds de soutien à l’Ukraine en faveur de son effort de guerre. En
2023, nous y avons ajouté 200 millions d’euros. Nous avons aussi condamné,
par plusieurs résolutions, aussi bien les crimes passés commis envers
l’Ukraine, tels que la terrible famine de l’Holodomor, que les crimes actuels
commis par les troupes russes. Ai-je encore besoin de les énumérer ici ?
Car désormais, les noms de Boutcha et de Marioupol nous sont aussi tristement
connus que ceux de Sarajevo ou de Srebrenica.
Pourtant, malgré tout cela, certains, dans cet hémicycle, choisissent de
renvoyer dos à dos les deux pays. Ils prônent même la sortie de l’Otan pour
« donner des garanties de sécurité à la Russie ». La Russie nous
donne-t-elle de ces garanties lorsqu’elle viole la souveraineté des États et
des peuples, lorsqu’elle provoque une crise alimentaire en retenant les bateaux
en mer Noire, lorsqu’elle entretient une crise énergétique au niveau mondial,
lorsqu’elle nous cible, à coup de campagnes de désinformation et d’attaques
cyber ?
Collègues d’extrême gauche, votre pacifisme de façade conduirait à se soumettre
aux pires dictatures, qui, certes, vous fascinent depuis longtemps.
Quant à vous, à l’extrême droite, vous
ne dupez plus personne. Cet appel à la conciliation à tout prix avec la Russie,
ce n’est qu’un remboursement anticipé de votre crédit.
Je repense aux mots du général de Gaulle. Déjà en 1961, il affirmait
qu’« à un certain point de menace de la part d’un impérialisme ambitieux,
tout recul a pour effet de surexciter l’agresseur » et que «(…) les
puissances occidentales n’ont pas de meilleur moyen de servir la paix du monde
que de rester droites et fermes ». Lui savait, mieux que quiconque, le
prix pour les peuples de la capitulation et du déshonneur.
Voter pour cet accord de sécurité signé par le Président de la République et le
président ukrainien, ce n’est pas valider une escalade de la guerre. C’est
réaffirmer notre engagement constant aux côtés du peuple ukrainien. Et c’est
dire à la Russie que l’Europe ne cédera plus jamais aux menaces ou à la peur.
Le courage ne se contrefait pas, c’est
une vertu qui échappe à l’hypocrisie. Par ce vote, vous démontrerez que votre
soutien à l’Ukraine va au-delà de belles paroles. Parce que nous ne nous
résignerons jamais à ce que les démocraties plient devant les dictatures, parce
que nous serons toujours du côté des peuples qui veulent vivre et demeurer
libres, les députés du groupe Renaissance voteront à l’unanimité pour cet
accord de sécurité.
Benjamin Haddad
(porte-parole du groupe à l’Assemblée nationale)
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
La guerre est à nos frontières. Dans un contexte de divisions partisanes, les
députés débattent de la réaction à opposer à cette situation. Nous sommes le
31 juillet 1936 à la Chambre des députés, lors d’un débat sur la guerre
d’Espagne : faut-il armer la jeune République espagnole en proie à un
putsch des militaires, soutenus par les régimes fascistes en Italie et en
Allemagne ? Alors que la menace est à nos portes, les calculs politiciens
court-termistes, les divisions et les renoncements l’emportent – déjà la
lâcheté des uns, déjà la fascination pour les hommes forts étrangers chez les
autres.
Bernanos, témoin des massacres dont sont victimes les Républicains espagnols,
dénonce les bien-pensants et l’esprit de résignation qui domine à Paris. Cette
guerre paraît lointaine, compliquée. Qui se rappelle aujourd’hui les combines
tactiques au sein de la coalition du Front populaire ? La semaine
suivante, Léon Blum propose un pacte de non-intervention, signé par les pays
européens qui, tous, s’engagent à ne pas livrer d’armes et à rester en dehors
du conflit. La belle affaire ! Comme d’habitude, la non-intervention est
seulement respectée par les démocraties, soucieuses du droit, mais violée par
les régimes totalitaires qui livrent des armes aux militaires. L’Espagne
républicaine s’effondre – un avant-goût des années sombres à venir.
« Les grandes manœuvres sanglantes du monde étaient commencées »,
conclut Malraux.
L’appétit de conquête des régimes fascistes se creuse. Les démocraties ont
montré leur faiblesse. D’autres renoncements suivront : après la
Catalogne, les Sudètes, puis Varsovie, et finalement Paris.
Toutes les époques sont différentes. Mais l’histoire porte toujours en elle un
avertissement : celui d’une nature humaine violente et dangereuse, que les
traités et les institutions ne domptent pas toujours ; celui du risque de
l’effondrement quand on baisse la garde. L’Ukraine, c’est la guerre d’Espagne
de notre génération, celle dont l’issue déterminera la guerre ou la paix de
demain, celle où nous devons défaire l’agresseur dès maintenant. La faiblesse
et la lâcheté nourriront l’engrenage. Aujourd’hui Guernica est à
Bakhmout ; les grands cimetières sous la lune évoqués par Bernanos sont à
Boutcha, à Kherson, à Kharkiv.
Certains expliquent qu’il faut faire la paix. Mais avec qui ? Avec le
régime de Poutine qui a violé tous ses engagements, qui verrait la négociation
comme une capitulation, qui utiliserait un cessez-le-feu pour se réarmer et
préparer la prochaine guerre ? S’est-il arrêté après la Tchétchénie, la
Géorgie, la Crimée, la Syrie, le Sahel ? Comment mettre fin à la guerre si
l’on ne crée par les conditions d’un rapport de force, si l’on ne montre pas à
Poutine que le temps joue contre lui et que sa défaite est inéluctable ?
« Les peuples qui ne veulent pas périr et qui veulent la paix doivent
comprendre que ni l’une ni l’autre de ces fins ne peuvent s’obtenir sans que le
risque de la guerre soit clairement envisagé », notait Marc Bloch en
constatant l’étrange défaite de 1940. Les pacifistes avaient tort alors, comme
ils ont tort aujourd’hui. Les bons sentiments ne repousseront pas les
tanks !
Abandonner l’Ukraine, c’est encourager les guerres de demain ; c’est
récompenser la Russie au moment où elle redouble de menace et d’agressivité à
notre égard avec ses provocations, ses cyberattaques et ses ingérences.
C’est à la France de porter la voix de la résistance européenne. Il y va de
notre intérêt et de notre responsabilité historique : celle de mener le
réarmement moral d’une Europe qui sort de sa léthargie et assume de défendre sa
sécurité – peut-être seule demain, sans les États-Unis ; d’une Europe
qui s’engage aussi pour la sécurité de nos partenaires baltes, polonais,
tchèques, suédois ou finlandais, en première ligne face à la menace de Moscou
et trop longtemps négligés. Ils seront les premiers menacés si l’Ukraine tombe.
Chers collègues, la question qui s’impose à nous est très simple :
voulons-nous continuer à soutenir l’Ukraine ? Nous répondons résolument
oui : nous ne nous lasserons pas, nous soutiendrons l’Ukraine jusqu’à la
victoire. Jamais nous ne céderons à l’esprit de défaite ! Disons-le
clairement : face à l’agression, il n’y a pas de dérobade, pas
d’abstention possible. L’abstention, c’est la soumission. L’abstention des
braves n’existe pas.
L’histoire nous regarde ; les générations futures nous demanderont où nous
étions alors que la guerre était de retour sur notre continent. Nous pourrons
répondre que nous étions du côté de la liberté, du côté du droit, du côté de la
résistance héroïque des Ukrainiens ; du côté de l’Europe.
Lionel Royer-Perreaut (député)
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Rappelez-vous : le pouvoir ukrainien devait tomber en quelques jours, tel
un fruit qui, depuis 2014, avait eu le temps de mûrir. Il n’en fut pourtant
rien et c’est avant tout grâce à l’abnégation héroïque du peuple ukrainien. Il
faut s’être rendu en Ukraine pour avoir vu dans les yeux de ces femmes et de
ces hommes le goût de la liberté. Il faut avoir échangé avec eux pour
comprendre la fierté qu’ils ont à résister. Enfin, il faut s’être incliné
devant le mur des héros de Kiev pour sentir le souffle de la mort et le vertige
de la peur. Soldats de métier, volontaires : si l’Ukraine est toujours
debout, c’est grâce à eux.
Dès le 24 février 2022, le Président de la République a tenté de ménager
une solution diplomatique. Nous avons entretenu le dialogue, rencontres après
rencontres, sommets après sommets, rappelant les dispositions des accords de
Minsk. Nous nous sommes heurtés à un agresseur qui n’avait pour seule ambition
que la capitulation et l’humiliation de son voisin. La Russie ne veut d’aucune
solution diplomatique ; elle ne veut pas du droit international ; son
dirigeant ne comprend que le rapport de force.
Notre soutien à l’Ukraine est passé par la cession gratuite de matériels de
guerre, par la constitution d’une chaîne de maintien en condition
opérationnelle et par des formations, opérées sur notre sol ainsi qu’en
Pologne. Nous avons donc fourni une solution d’aide complète, comme presque
aucun pays ne l’a fait. Nous avons consolidé notre effort en matière de défense
et d’armement.
Et puis, mes chers collègues, il y a ce qui ne se mesure pas dans les
classements internationaux : le rôle moteur de la France au niveau
européen, dont témoigne la redéfinition de la Facilité européenne pour la
paix ; ou encore la livraison de chars AMX-10 RC, qui a permis de faire
sauter un verrou cognitif, incitant l’Allemagne et l’Angleterre à faire de
même.
L’accord de coopération qui nous est soumis vise à aller plus loin, à densifier
et à diversifier notre aide. Si nous n’aidons pas pleinement l’Ukraine à
conserver sa liberté, quel autre chemin suivre ? Certains nous conjurent
de négocier avec la Russie. Ce sont les mêmes qui nous reprochaient de le faire
au début du conflit ! D’autres, à gauche, établissent des grands plans de
paix, qui ressemblent étrangement aux accords bafoués d’hier. Les derniers appellent
à faire respecter le droit international, en oubliant de rappeler que c’est la
Russie qui ne le respecte pas. Pour exister, vous vous devez de vous opposer
– peu importe si cela n’a guère de sens, si vous bradez en même temps
l’unité nationale, si vous aviez défendu l’inverse hier !
Mme Le Pen a beau affirmer depuis cette tribune qu’elle est désormais
gaulliste, les héritiers de la poignée de main de Montoire n’ont en réalité
jamais changé, jamais dévié.
Ils peuvent se rendre chaque année à Colombey, leur cœur préférera toujours
l’île d’Yeu ! Pour comprendre la position du Rassemblement national
vis-à-vis de la Russie, rien ne sert donc de lire les Mémoires de guerre :
il suffit de se rendre au Parlement européen. La résolution de
juillet 2019 condamnant la situation des militants écologistes et des
prisonniers politiques ukrainiens en Russie ? Ils ont voté contre !
La résolution condamnant les attroupements russes à la frontière ukrainienne en
mars et décembre 2021 ? Encore contre ! La résolution approuvant
l’octroi d’un prêt de 1,2 milliard d’euros à l’Ukraine en
février 2022 ? Toujours contre !
La Russie est certes en guerre contre l’Ukraine, mais elle a surtout décidé de
faire de ce conflit un cheval de Troie pour mieux déstabiliser le continent
européen, nos démocraties occidentales et leurs valeurs. Pour le président
Poutine, si l’Ukraine est avant tout le théâtre d’une guerre de territoire,
l’Europe est celui d’une conquête de civilisation.
Mes chers collègues, au moment de voter, rappelez-vous ces mots d’Albert
Camus : « Notre monde n’a pas besoin d’âmes tièdes. Il a besoin de
cœurs brûlants. »
Jean-Michel Jacques (député)
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Dans la nuit du 23 au 24 février 2022, face à l’invasion d’une partie de
l’Ukraine, le monde s’est réveillé avec effroi. Dès les premiers instants, la
France a fermement condamné cette agression et a fait preuve de la solidarité
la plus totale envers l’Ukraine. Elle n’en a jamais démordu : la Russie ne
doit pas gagner la guerre et nous devons aider l’Ukraine dans la durée.
Pourquoi cette position ? Parce que cette agression est une violation
délibérée de l’intégrité territoriale d’un État souverain et que la France,
forte de ses valeurs, agit avec conviction pour faire respecter le droit
international. Parce que, si l’Ukraine venait à tomber aux mains du régime
répressif de Vladimir Poutine, qui ne connaît pas de limite, il y a fort à
parier que d’autres États du continent européen seraient tôt ou tard confrontés
à ses velléités impérialistes.
Parce que ce conflit nous déstabilise et met à mal notre sécurité et notre
prospérité. Enfin, parce que les valeureux soldats ukrainiens ne pourront pas
résister sur le long terme sans l’aide d’alliés solides.
Après de longues tentatives de négociations, la France a fourni, en
concertation avec ses alliés, une assistance significative à l’Ukraine, en
veillant à maîtriser tout risque d’escalade. En 2022 et 2023, la France a déjà
livré pour 3,8 milliards d’euros d’aide militaire, et ce sans fragiliser
ses capacités de défense. L’accord de coopération bilatéral présenté
aujourd’hui permettra d’engager jusqu’à 3 milliards d’euros de soutien
supplémentaires en 2024. Nous devons plus que jamais maintenir notre
aide ; l’accord permettra de concrétiser cette ambition.
Nous, Européens, devons faire bloc et poursuivre le renforcement de notre
autonomie stratégique afin d’assurer notre sécurité collective. En parallèle de
l’aide apportée à l’Ukraine, il nous faut maintenir nos efforts et consolider
notre outil de défense, comme le prévoit la dernière loi de programmation
militaire. C’est pourquoi, sous l’impulsion du Président de la République
Emmanuel Macron, chef des armées, nous avons inscrit nos entreprises dans une
logique d’économie de guerre et prévu de doubler le budget de la défense
nationale, pilotée par Sébastien Lecornu, ministre des armées, entre 2020 et
2030.
Nous vivons un moment important de notre histoire. Il nous faut continuer à
soutenir le peuple ukrainien avec efficacité, en réfléchissant à ce que nous
pouvons faire autrement pour que l’Ukraine ne tombe pas.
J’estime enfin, mes chers collègues, que la classe politique française doit
prendre ses responsabilités. Vous, collègues siégeant sur les bancs de la
France Insoumise ou du parti communiste, n’oubliez pas que négocier la paix
avec Vladimir Poutine implique de pouvoir traiter d’égal à égal avec lui et de
lui montrer que nous sommes déterminés à épauler l’Ukraine sans exclure aucune
possibilité – il y va de notre crédibilité !
Vous, collègues siégeant sur les bancs du Rassemblement national, sachez que
nous ne sommes pas des va-t-en-guerre ! La majorité présidentielle fait
preuve de courage et agit pour la sécurité des Français. Votre discours
anxiogène et défaitiste nous conduit à nous questionner sur vos ambitions pour
la France !
Faisons tous preuve de courage et prenons nos responsabilités : seule la
résistance acharnée de l’Ukraine et le soutien indéfectible de nos démocraties
amèneront Vladimir Poutine à la table des négociations. Vive l’Ukraine, vive
l’Europe, vive la République, et vive la France !
Pieyre-Alexandre
Anglade (député)
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Au terme de ce débat crucial, je souhaite insister à mon tour sur la nécessité
de maintenir notre soutien à la résistance ukrainienne dans la durée. En effet,
comme plusieurs orateurs l’ont déjà souligné, ce qui se joue en Ukraine est
capital non seulement pour ce pays mais aussi pour l’avenir et la sécurité de
l’Europe, donc de la France ; au-delà, c’est la défense d’un ordre
international fondé sur le droit qui est en jeu.
Grâce à la résistance héroïque de ses soldats, à notre soutien et aux mesures
qui ont été prises dès les premières heures du conflit pour contrer l’agression
russe, l’Ukraine a réussi à mettre en échec les desseins de Vladimir Poutine.
Elle n’est pas tombée et les Ukrainiens continuent à résister, en dépit de
grandes difficultés. Mais au-delà de la situation sur le front, le débat de ce
jour est essentiel car il doit nous permettre de dire aux Français la réalité
sur ce conflit et sur la situation sécuritaire en Europe.
La réalité, disons-le, c’est que nous ne vivons plus tout à fait en paix sur le
sol européen. Certes, les combats ne se déroulent pas en France, mais la guerre
est là, sur notre continent, et nous sommes la cible, chez nous, d’une guerre
hybride menée par le régime du Kremlin.
Nous ne vivons plus tout à fait en paix car nous avons subi des attaques
informationnelles et cyber d’une intensité nouvelle, qui se sont multipliées
ces derniers mois – certains services de l’État ont encore été visés hier.
La lucidité et l’esprit de responsabilité nous imposent donc de dire que notre
sécurité, notre stabilité et notre prospérité sont menacées – le Premier
ministre l’a rappelé dans son propos introductif.
Dès lors, chacun doit prendre ses responsabilités, soutenir cet accord de
sécurité et tout faire, aussi longtemps qu’il le faudra, pour soutenir
l’Ukraine. Dans cette perspective, tous les moyens disponibles doivent être mis
en œuvre pour faire échec à la Russie : accords bilatéraux ;
déploiement de financements européens au travers d’un emprunt commun ;
développement rapide et conséquent d’une économie de guerre permettant de
fournir des munitions, systèmes de défense sol-air et missiles à moyenne et
longue portée. Et s’il faut en trouver d’autres pour stopper l’impérialisme de
Poutine, nous les trouverons, sans rien exclure.
Sans rien exclure, en effet, car nous ne pouvons pas accepter qu’un chef de
gouvernement européen soit la cible des bombes russes, comme le Premier
ministre grec l’a été à Odessa la semaine dernière ; sans rien exclure,
ensuite, car nous ne pouvons pas non plus accepter qu’un mandat d’arrêt sans
fondement soit émis par la Russie contre la Première ministre estonienne: sans
rien exclure, enfin, car nous ne pouvons pas laisser Poutine décider de
redessiner seul toute l’architecture de sécurité européenne, nous menacer et
mettre au martyr le peuple ukrainien et ses enfants.
À cet égard, le Président de la République a eu raison, compte tenu de la
gravité de la situation en Ukraine et dans le cadre d’un conflit qui met en jeu
le destin de nos nations, de l’Europe et du monde, d’affirmer que nous ne
pouvons pas laisser faire, car il y va de la sécurité de nos concitoyens.
Mais, mes chers collègues, eu égard au moment singulier que nous vivons et aux
menaces – exposées par le Premier ministre – qui pèsent sur l’avenir
de la France, comment ne pas éprouver un sentiment de malaise, pour ne pas dire
de honte, en voyant certains ne pas voter le soutien à un pays européen
agressé ?
Comment ne pas ressentir un sentiment de colère face à l’extrême droite, qui a
prêté allégeance à une puissance étrangère et qui se précipite pour assigner
des lignes rouges à la France, en dénonçant une prétendue escalade du Président
de la République sans jamais fixer la moindre limite à Vladimir Poutine ?
Qui, depuis maintenant deux ans, mène une guerre totale, brutale, massive
contre l’Ukraine et son peuple ? Qui menace le monde d’un conflit
nucléaire ? Qui attaque notre pays et les démocraties européennes ?
Qui s’ingère dans nos élections depuis tant d’années ? C’est le régime du
Kremlin, et personne d’autre.
Or, face à cela, le seul discours audible par les autorités russes est
évidemment celui de la fermeté : on n’arrête pas un conflit en se couchant
devant un dictateur, comme certains l’ont proposé cet après-midi ! Ainsi,
quand j’entends les représentants du Rassemblement national venir à la tribune
se présenter comme défendant la paix, je trouve cela profondément révoltant. Ne
pas voter cet accord de sécurité, ce n’est pas favoriser la paix ; c’est
créer les conditions de l’effondrement de l’Ukraine et demain, peut-être, le
délitement de l’Union européenne.
Enfin, il y a aussi quelque chose de dérangeant dans les interventions des
représentants de certains groupes de gauche. Je pense aux socialistes et aux
écologistes, qui se présentent devant nous en Européens et en soutiens de
l’Ukraine, alors qu’ils sont en même temps, depuis près de deux ans, engagés
dans une alliance politique avec La France insoumise laquelle continue à
refuser tout soutien à l’Ukraine en annonçant voter contre ce texte. On ne peut
pas être pour Mélenchon à Paris et pour Glucksmann à Strasbourg. On ne peut pas
être pour la Russie aux législatives de 2022 en faisant alliance avec LFI, et
pour l’Ukraine au moment des élections européennes: il y a là une imposture qui
devrait vous empêcher de donner la moindre leçon. Pour notre part, nous
continuerons de soutenir l’Ukraine et nous voterons l’accord de sécurité.
Maud Bregeon
(députée)
Jean-René Cazeneuve
(député)
Anne Genetet (députée)
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Parce qu’il n’y a pas de temps à perdre, j’irai droit au but. Soutenir la
résistance ukrainienne, comme nous le faisons aujourd’hui, c’est faire
respecter la souveraineté des nations et l’ordre international fondé sur le
droit. Soutenir la résistance ukrainienne, c’est aussi protéger nos intérêts
économiques en préservant la stabilité régionale, qui est essentielle à notre
prospérité.
Soutenir la résistance ukrainienne, c’est dire stop avant que d’autres
puissances autoritaires ne soient tentées d’envahir un de leurs voisins.
Soutenir la résistance ukrainienne, c’est empêcher ce pays tout entier de
tomber dans l’escarcelle de Vladimir Poutine et, après lui, la Moldavie,
l’Estonie, voire, qui sait, la Finlande ou la Pologne. En effet, selon Poutine,
les frontières de la Russie ne s’arrêtent nulle part – pour le dire à la
manière de Khrouchtchev : « Ce qui est à nous est à nous, ce qui est
à vous est négociable. »
Soutenir la résistance ukrainienne, c’est donc, comme toutes les têtes de liste
aux élections européennes viennent de le reconnaître à l’exception des extrêmes,
défendre les intérêts de la France et des Français.
Chers collègues, il est temps de parler de ce qui nous
anime, de ce qui nous engage : l’Ukraine et son héroïque résistance. Il
est temps de se préoccuper de cette guerre à nos portes, faute de quoi c’est la
guerre qui s’occupera de nous. Il est temps, aussi, de déconstruire les
billevesées proférées par les extrêmes de cet hémicycle qui, au nom d’une
détestation idéologique de l’Otan, des Américains, de l’Europe et parfois même
de certains Européens, servent la soupe à Poutine.
Lorsqu’en 2014, cet autocrate envahissait la Crimée et une partie du Donbass,
Mme Le Pen validait ses référendums factices, tandis que Jean-Luc
Mélenchon claironnait : « La Crimée est perdue pour l’Otan. Tant
mieux. » Un an plus tard, l’un et l’autre critiquaient l’annulation de la
vente de deux porte-hélicoptères à la Russie, jugeant, en bons petits
télégraphistes du Kremlin, cette décision contraire à nos intérêts. Et la
tendance s’est confirmée en 2022 lorsque, quelques semaines avant l’invasion à
grande échelle, le RN proposait aux Français une alliance avec la Russie,
malgré déjà huit années de guerre, malgré l’invasion de la Géorgie, malgré les
ingérences, malgré la déstabilisation de nos armées et de nos intérêts au
Sahel.
Tenter, désormais, de se dédire et de soutenir, quoique mollement, les
Ukrainiens en essayant de réécrire l’histoire grâce à des artistes de la fake
news, cela ne trompe personne !
Boutcha, Idlib, la Tchétchénie, et j’en passe : chaque fois, les prétendus
souverainistes d’extrême gauche et d’extrême droite préfèrent le bourreau aux
victimes ! Et les intérêts de la France et des Français dans tout cela,
qu’en faites-vous ?
Laissez-moi en venir à la vérité qu’il faut rappeler à ces athlètes de la
mémoire qui flanche : contrairement à vos interprétations farfelues de
l’histoire, la France – de droite comme de gauche – n’a jamais
contesté son appartenance à l’alliance protectrice qu’est l’Otan. Le général
de Gaulle, que certains font parler à tort et à travers, n’a jamais eu la
moindre ambiguïté au sujet du camp de la France : celui de la
souveraineté, des démocraties libérales et de l’Alliance atlantique.
Voici une autre vérité : pour de nombreux peuples de l’ancien bloc
soviétique, l’Union européenne et l’Otan font rêver. C’est également le cas
d’une partie de la population russe – que je tiens à saluer – que le
tyran s’applique à museler et dont les leaders sont assassinés. Ne vous en
déplaise, nos valeurs, nos libertés, notre prospérité, notre sécurité
collective les attirent bien davantage que la Russie clanique, belliciste,
mortifère et profondément inégalitaire de Poutine.
Chers collègues, alors que Poutine se présente en protecteur du rousski mir
– le monde russe –, qu’il cherche à nous déstabiliser, que ses
laquais nous menacent de frappes nucléaires, ouvrez les yeux sur son projet
impérialiste et sur son économie de guerre, qui est en marche ! Le temps
est à imposer la seule chose que le Kremlin comprenne : le rapport de
force. Le temps n’est pas à la lassitude, ni au pacifisme béat : il est à
soutenir l’héroïque résistance ukrainienne!
Bien sûr, la France doit soutenir le camp de la paix, mais cela ne s’entend
qu’en modifiant le rapport de force sur le terrain en faveur des Ukrainiens,
c’est-à-dire en leur apportant l’aide militaire et civile qu’ils attendent. Voilà
pourquoi mon groupe votera en faveur de cet accord de sécurité et pourquoi, au
nom des intérêts de notre nation, notre soutien ne doit comporter aucune ligne
rouge.
J’alerte d’ailleurs ceux qui seraient tentés de voter contre ou de
s’abstenir : ce serait laisser la résistance ukrainienne seule face à la
Russie ; ce serait un lâche abandon au pire moment.
Le message de mon groupe à ceux qui cherchent à semer le chaos et à menacer la
stabilité mondiale est donc clair : nous ne reculerons pas, nous ne
fléchirons pas, nous resterons debout pour défendre ce en quoi nous croyons,
c’est-à-dire une France et une Europe souveraines. Slava Oukraïni !
Clément Beaune (député)
> [Tribune: « Respecter le juge et la décision de justice dans le
débat public est une condition du vivre-ensemble »]
L’Etat de droit est devenu un punching-ball facile. D’autant plus facile que
cette notion est complexe et récente dans le débat public français, là où les
Anglo-Saxons sont familiers du Rule of Law. Ces mots sonnent
technocratiques ; il est d’autant plus tentant de les dévaloriser. Mais le
débat est tout sauf technique. Et la dérive profonde, préoccupante.
Derrière « l’Etat de droit » se cachent nos fondements
institutionnels et nos principes républicains élémentaires. A commencer par
l’indépendance de la justice et son autorité.
Deux exemples récents sont de terribles révélateurs de cette dynamique. Au
premier chef, la décision du Conseil constitutionnel sur la loi relative à
l’immigration : sans surprise, l’extrême droite, par la voix de Jordan
Bardella notamment, s’est indignée que le Conseil ose censurer des dispositions
d’une loi votée par le Parlement. Mais, pour la première fois, une large partie
de la droite a elle aussi attaqué bruyamment le Conseil constitutionnel.
Laurent Wauquiez, ancien ministre, a même évoqué un « coup d’Etat de
droit », franchissant sans scrupule une étape de plus dans sa démagogie
honteuse. Les victimes des vrais coups d’Etat apprécieront.
Critiquer le « gouvernement des juges » est un sport traditionnel, et
une pratique séduisante : dénoncer un petit groupe de personnalités
lointaines qui s’arrogerait le pouvoir de défaire la loi du peuple, n’est-ce
pas le summum de la démocratie ? Opposer des juges désignés à des
parlementaires élus, ne serait-ce pas le « bon sens » ?
Mais d’où vient le Conseil constitutionnel, faut-il le rappeler ? De la
Constitution elle-même, votée directement par le peuple. Ses pouvoirs sont
définis par la Constitution de 1958 et ses modifications successives. Que la
Constitution s’impose à la loi est une garantie démocratique, et que ce
principe ait des garants est une nécessité pratique.
Oui, la Constitution fixe des procédures et des principes supérieurs aux lois
elles-mêmes, précisément pour garantir la volonté du peuple, le cas échéant
contre ses représentants ou au-dessus d’eux. C’est pour cette raison d’ailleurs
que le droit à l’avortement vient d’être inscrit dans notre norme suprême.
Cela signifie-t-il que le Conseil constitutionnel, comme toute institution ou
juridiction, ne pourrait jamais se tromper, ne devrait jamais être
critiqué ? Evidemment non, la Constitution elle-même garantit cette
liberté d’opinion et d’expression. Mais une chose est d’émettre un avis sur le
fond, de débattre de l’interprétation du droit ; une autre, profondément
grave, est de contester le rôle, l’autorité et la légitimité du Conseil
constitutionnel. Etrange contradiction pour des soi-disant gaullistes ou les
tenants du parti de l’ordre, qui devraient défendre bec et ongles nos
institutions.
Un second exemple en fut donné récemment après la décision du Conseil d’Etat
d’enjoindre à l’Arcom, l’autorité de régulation de l’audiovisuel, de faire
respecter le pluralisme par les chaînes de télévision, y compris dans le choix
des chroniqueurs. Là encore, le fond peut être discuté ; c’est la beauté
et la force de nos démocraties. Encore faut-il bien distinguer les choses.
D’abord en rappelant que le juge interprète la loi, celle de 1986 sur
l’audiovisuel en l’espèce, et que si cette loi déplaît, il faut la changer,
démocratiquement, et non cibler ceux chargés de la faire respecter.
Surtout, en soulignant que débattre de la pertinence d’une décision de justice
ne saurait consister à attaquer le Conseil d’Etat comme un club de gauchistes
ourdissant un complot contre la liberté d’expression. C’est doublement
dangereux et doublement grave : jeter en pâture une institution
fondamentale, dire que les juges mènent une croisade contre certains médias ou
certaines opinions, confondre délibérément la loi et son application, c’est
alimenter un sentiment de complot généralisé et saper l’autorité même des
pouvoirs publics.
Etrange rébellion de la part de ceux qui ressassent chaque jour la crise morale
et le déficit d’autorité dans la France d’aujourd’hui. Etrange cohérence,
également : un jeune ne doit pas critiquer la police, mais des politiques
et des médias pourraient dénigrer la justice ?
Un peu de décence devrait appeler aussi à la réflexion et à la
modération : comment peut-on, la semaine de la mort d’Alexeï Navalny,
insinuer que la liberté d’expression serait menacée en France comme elle l’est
en Russie et dans tant de dictatures ? Le fait de pouvoir le dire démontre
l’absurdité du propos. Quand tout se vaut, plus rien n’a de valeur.
C’est cette même démagogie, cette même confusion qui poussent l’extrême gauche
à parler de « désobéissance européenne », ou la droite dure à cracher
sur les traités et les juges européens. Quand une norme est contestée, on la
change par les voies démocratiques ; on n’y désobéit pas quand cela nous
arrange. Toujours la même rengaine destructrice : faire croire que les
règles qui nous lient seraient subies, imposées de l’extérieur, par le juge,
l’élite, l’étranger…
Ce débat peut sembler bien éloigné des « vrais problèmes » des
« vraies gens », comme le pouvoir d’achat ou la santé. Il est
pourtant vital pour notre démocratie. Pour permettre la vie commune, une
société a besoin, sinon de totems et de tabous, d’autorités respectées et non
fragilisées. Accepter qu’un juge a pour mission, « au nom du
peuple » comme chaque décision de justice le spécifie, de faire respecter
la loi ; qu’il peut se tromper, mais que sa contestation doit être
soupesée, mesurée, organisée par les voies de droit elles-mêmes, cela n’est ni
une coquetterie de technocrate ni un luxe de juriste.
Respecter le juge et la décision de justice dans le débat public, ce n’est pas
de la morale mal placée, mais une condition du vivre-ensemble. Si l’on admet
que la décision du tribunal, ou l’acte d’une institution, peut être décriée et
piétinée, alors chacun est autorisé à suivre ses propres règles, et les pierres
de l’édifice démocratique tomberont une à une.
Ce n’est pas, bien entendu, en faisant taire de telles critiques que l’on
empêchera le grand délitement. C’est en rappelant, sans relâche, ces principes
essentiels et la responsabilité immense de tous ceux qui ont une parole
publique. La démocratie ne vaut que par l’adhésion libre et éclairée de ses
citoyens ; soyons-en conscients et dignes.
● MoDem
Sabine Thillaye (députée)
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Il est des moments très particuliers dans l’histoire du monde, tout comme dans
l’histoire individuelle : une sorte de croisée des chemins. Et selon la
direction que nous prenons, l’issue est très différente. En 1989, il y a
seulement trente-cinq ans, tombait le mur de Berlin et, avec lui, l’emprise
soviétique sur une grande partie de l’Europe. J’avais grandi dans l’idée que
cette issue n’était guère possible, mais le courage et la résistance des
Allemands de l’Est, joints à l’affaiblissement de l’Union soviétique, ont rendu
le miracle possible.
Nous avons entendu parler de fin de l’histoire ou de victoire de la démocratie.
Or l’histoire nous apprend que rien n’est jamais acquis, que tout est, encore
et toujours, à construire, et que nous devons voir le monde tel qu’il est et
non tel que nous voudrions qu’il soit.
En février 2022 – du 18 au 20, très exactement –, a lieu la
cinquante-huitième conférence de Munich sur la sécurité. Les troupes de la
Fédération de Russie sont déjà massées à la frontière ukrainienne, mais la
plupart des dirigeants européens présents – tout comme nous,
d’ailleurs – ne croient pas à une invasion. Le 24 février, soit
quatre jours plus tard, celle-ci débute. Le rapport de force et l’emploi de la
force armée sont redevenus des moyens de défendre des intérêts. C’est un wake-up
call : une sonnette d’alarme. Les menaces sont hybrides et protéiformes.
La France a réagi, la dernière LPM témoignant à cet égard d’un effort
considérable au profit de nos forces armées. L’Union européenne et les États
membres ont également répondu en soutenant par différents instruments
financiers le courage incroyable du peuple ukrainien.
Oui, notre sécurité a un prix. Non, la défense européenne n’est plus un tabou.
Cependant, ce réveil européen ne fut qu’un demi-réveil. Si nous avons revu à la
hausse nos budgets militaires, nous avons également pris conscience de la
faiblesse productive de la base industrielle de défense européenne et de la
fragmentation de ce marché, qui ont pour effet de limiter notre capacité à
fournir une aide militaire massive et durable à l’Ukraine. Alors que
l’industrie militaire russe tourne à plein régime, l’aide militaire à l’Ukraine
rencontre de multiples obstacles. Le Congrès américain bloque actuellement une
aide de 60 milliards de dollars. L’Union européenne, quant à elle, éprouve
des difficultés à fournir plus et plus vite des matériels européens, même si
une première stratégie industrielle de défense a été présentée le 5 mars
dernier. Le temps presse. La situation est critique.
En février dernier, à la soixantième conférence de Munich sur la sécurité et en
présence de Ioulia Navalnaïa, nous avons appris la mort d’Alexeï Navalny :
une surprenante coïncidence alors que se tenait la plus importante conférence
de sécurité du monde.
Restons donc bien vigilants. Minimiser la menace russe, c’est ne pas vouloir
répondre à la menace d’un Vladimir Poutine qui ne respecte plus aucune règle,
ni à celle d’une victoire de Donald Trump, qui s’accompagnerait d’un
affaiblissement de l’Otan. Soyons sans illusions : cette guerre n’est pas
à nos portes, mais déjà chez nous, comme en attestent les manipulations de
l’information, la désinformation massive, les cyberattaques touchant des
infrastructures sensibles civiles et militaires, ou encore les cas d’ingérence.
La guerre hybride n’est pas une chimère, mais une réalité qui fait partie
intégrante de la doctrine russe. Il est temps pour nous de faire un choix
déterminant et de regarder la réalité en face : la Russie ne doit pas
gagner cette guerre !
Le groupe Démocrate a fait son choix en soutenant la signature de l’accord de
coopération entre la France et l’Ukraine. Valable pour dix ans, il ne fera que
sceller et structurer dans le temps la logique que la France a adoptée dès le
début du conflit : aider l’Ukraine à rétablir ses frontières,
internationalement reconnues depuis 1991.
Je ne reviendrai pas sur les détails de cet accord, maintes fois évoqués au
cours de ce débat, mais je souhaite en souligner un aspect : la lutte
contre les ingérences étrangères et la manipulation de l’information. Les
tentatives de manipulation de plus en plus massive de l’opinion publique
auxquelles nous assistons mettent nos démocraties et nos États de droit à rude
épreuve, particulièrement avant la tenue d’élections sensibles. Leur objectif
est de nous diviser, car y parvenir reviendrait à apporter une victoire au
Kremlin.
Cependant, ne plus confronter nos idées sonnerait la fin de nos sociétés
démocratiques et ouvertes. Je suis fière de vivre dans un pays tel que la France,
où nous pouvons engager ce débat, certes difficiles, mais qui montre que notre
démocratie est bien vivante. Ce n’est pas la Fédération de Russie, où le
pouvoir prime sur le droit, qui offre ce bien inestimable – bien pour
lequel les Ukrainiens se battent et pour lequel nous devons tous nous battre. Slava
Oukraïni !
Jean-Louis Bourlanges (député)
> [Débat à l’Assemblée sur l’accord entre la France et l’Ukraine]
Il s’agit davantage d’un engagement politique que d’un accord bilatéral appelé
à être formellement ratifié ou approuvé.
Le choix de l’exécutif de demander au Parlement de se prononcer par un vote
montre cependant l’importance capitale qu’il attache à ce texte. C’est la
représentation nationale qui, par un vote que je souhaite aussi large que
possible, va s’engager avec le Gouvernement aux côtés de l’Ukraine. Le chef de
l’État et le Premier ministre ont eu raison de nous associer à ce grand choix
national.
L’accord porte sur de nombreux sujets : la sécurité, en particulier la
cybersécurité et le renseignement ; les consultations politiques en cas
d’agression militaire d’un tiers ; la coopération dans l’industrie
militaire et de défense, portant à 3 milliards d’euros l’effort de la
France, selon nous injustement brocardé ; et enfin l’action humanitaire et
la reconstruction de l’Ukraine.
Cet accord a le mérite de nous engager politiquement au côté de Kiev pour le
présent et pour l’avenir. Il apporte une assistance globale à l’Ukraine pour la
protection et le rétablissement de son intégrité territoriale dans ses
frontières internationalement reconnues. Il se donne aussi pour mission de
prévenir toute agression, de dissuader tout agresseur et d’aider l’Ukraine à
réagir avec les moyens appropriés si une agression devait survenir. C’est donc
le premier pas d’un pacte de sécurité à long terme qui devra s’inscrire dans
une démarche multilatérale de sécurité collective.
L’intérêt de cet accord bilatéral est aussi celui-là : en changeant de
nature, en accédant à des domaines géopolitiques qui relèvent largement de la
souveraineté des États et qui lui étaient relativement peu familiers, l’Union
européenne doit aussi changer son logiciel, ses méthodes de travail et ses
procédures de décision.
C’est ce qu’elle fait – nous le voyons –, comme elle avait commencé
de le faire lors de la crise du covid19, en tentant de combiner le meilleur de
la tradition communautaire et de la coopération entre États souverains. Le
soutien à l’Ukraine sur lequel nous nous prononçons s’inscrit dans une logique
bilatérale, mais la coordination des efforts de chacun, qui a commencé dans le
cadre de la réunion organisée par le chef de l’État, est assumée au sein du
Conseil européen. Les États décident, mais, comme à l’heure de la grande lutte
contre le covid19, la Commission est là, qui harmonise les volontés, contribue
à la mutualisation des efforts, et, en l’espèce, organise la solidarité
budgétaire et industrielle de nos peuples. Il faut, monsieur le Premier
ministre, que votre Gouvernement avance rapidement dans cette voie et
construise un modèle d’action qui assure à l’Union les moyens politiques,
financiers et industriels de son accession aux responsabilités internationales
majeures.
Personnellement – je ne représente peut-être pas la totalité des membres
de la commission des affaires étrangères, mais sans doute une bonne majorité
d’entre eux –, c’est avec cette espérance en tête que je voterai sans
réserve pour l’accord dont nous débattons ce soir.
● Parti radical
Laurent Hénart (président)
> L’esprit de
résistance et la volonté d’une Europe forte avec les Ukrainiens l’ont emporté à l’Assemblée! Avec le Parti radical je me réjouis de l’approbation du
soutien de la France à l’Ukraine: les masques des faux pacifistes et vrais alliés de Poutine tombent, le RN et LFI.
► Autres
● Organisations centristes
♦ Renew Europe
(Députés français du groupe centriste au Parlement européen)
> Le Parlement européen a donné
aujourd'hui son feu vert à un ensemble de règles révolutionnaires qui régiront
la manière dont l'intelligence artificielle est gérée en Europe et dans le
monde, en approuvant l'accord interinstitutionnel sur la loi sur l'IA conclu en
décembre.
Grâce à cette première loi horizontale
sur l'IA, les outils d'IA seront désormais soumis à des obligations claires en
fonction de leurs risques potentiels et de leur niveau d'impact négatif sur la
société, en particulier dans les domaines à haut risque tels que les
infrastructures critiques, les soins de santé et la gestion des migrations et
des frontières.
Valérie Hayer
(présidente)
> [Guerre de Poutine contre l’Ukraine] Non,
l’Ukraine n’a pas à cesser de se défendre ou à hisser le drapeau blanc. Non,
l’Ukraine n’a pas à négocier sur l’intégrité de son territoire. La sécurité de
l’Ukraine, c’est la sécurité de l’Europe !
> [Guerre de Poutine contre l’Ukraine] 17 ans, déportée. Quelle force infinie d’avoir pu fuir, chère Valeriia Halych. Merci d'être présente parmi nous en réunion Renew Europe. Nous condamnons avec fermeté les milliers de déportations d’enfants ukrainiens. Nous exigeons qu’ils rentrent chez eux. Soutien inébranlable.
> Ce n’est pas un hasard si des États désirent rejoindre l’OTAN. Ils comprennent que le monde a évolué. La Russie les menace à un point tel qu’ils sont prêts à renoncer à une politique de neutralité ancrée depuis des décennies.
> Une première mondiale pour encadrer l’intelligence artificielle. La protection de l’indépendance des médias. Des jouets sans perturbateurs endocriniens. La lutte contre le gaspillage créé par la fast fashion. Oui, nous avons besoin d’Europe. Et l’Europe répond présente. Fière !
> Dans nos sociétés comme au Parlement européen, des forces continuent d’intimider et de porter atteinte aux femmes. Il ne peut plus y avoir de tolérance vis-à-vis de ceux qui violentent les droits, les choix et les corps des femmes.
Nathalie
Loiseau
> Pour ceux qui disent qu’il suffit de négocier avec
Poutine pour arriver à la paix, rappelons-leur que personne n’a autant essayé
qu’Emmanuel Macron. Et qu’ils mesurent à quel point Poutine n’est digne
d’aucune confiance. Il y a un va-t-en guerre, à Moscou.
> Nous devons convaincre Bakou et Moscou de respecter
enfin la démocratie et le peuple arménien. La volonté de Moscou est de s'en
prendre à un gouvernement qui a fait l'impensable aux yeux de Vladimir Poutine
: démocratiser le pays, le réformer, soutenir la Cour pénale internationale et
geler sa participation à l'Organisation du traité de sécurité collective
dominée par la Russie.
Formation, conseil et livraison de matériel militaire, c'est ce que la France a
choisi d'apporter à l'Arménie pour prévenir toute nouvelle tentative
d'agression et rétablir l'équilibre des forces. L'exemple de Paris et plus
récemment d'Athènes devrait être suivi par les autres pays de l'Union
européenne.
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