Lors d’un entretien avec la chaine CNN, l’ancien président des Etats-Unis, Barack Obama, s’est dit malgré pour l’avenir de la démocratie dans son pays et dans le monde malgré la montée de l’intolérance et des radicalismes souvent extrêmes et ceci grâce à la jeunesse.
Il estime par ailleurs que les électeurs diront non à Trump en 2024 et que Joe Biden sera capable d’unir autour de lui les démocrates.
En outre, il s’est dit inquiet sur la manipulation des faits par certains médias.
Voici ses propos:
- La démocratie gagnera-t-elle?
Il est incontestable qu'une combinaison de forces
a mis d'énormes pressions sur la démocratie et que nous avons assisté dans le monde
entier à une réaction contre les idéaux démocratiques.
Ce n'est pas unique à un seul endroit. C'est arrivé
en Europe. Cela s'est
produit aux États-Unis. C'est
arrivé autour de la Méditerranée. Ça se passe en Asie.
La raison pour laquelle je reste optimiste est que je crois, en
particulier lorsque je rencontre des jeunes dans le monde entier, qu’il y a
toujours une croyance fondamentale dans la dignité et la valeur des individus
et leur volonté de déterminer à quoi doit ressembler leur vie. Je pense que
c'est ce que veulent les jeunes. Mais nos institutions démocratiques existantes
sont grippées et que nous allons devoir les réformer.
- Qu'en est-il des institutions grippées aux États-Unis?
C'est loin de l'idéal, non? Mais le fait que nous ayons un ancien président
qui doit répondre aux accusations portées par les procureurs fait respecter cette
notion fondamentale que personne n'est au-dessus de la loi. Et les accusation à
son encontre sont désormais réglées par un processus judiciaire. Je suis plus
inquiet, pour ce qui est des États-Unis avec le fait que non seulement un
individu en particulier est accusé d'avoir sapé les lois existantes, mais que
plus largement, nous avons vu – que ce soit par le charcutage des
circonscriptions électorales, par les tentatives de faire taire les critiques,
par les changements dans les processus législatifs, par les intimidations de la
presse – le développement d’un sentiment anti-démocratique.
Ce sont des comportements qui sont en ce moment plus développés dans le Parti
républicain, mais je ne pense pas que ce soit quelque chose qui est unique à un
seul parti. Je pense qu'il y a moins de tolérance aux idées qui ne nous
conviennent pas et, en quelque sorte, les habitudes d'un échange d'idées libre
et ouvert ainsi que l'idée que nous acceptons tous les mêmes règles du jeu – même
si les résultats sont pas toujours ceux que nous espérons – se sont affaiblies
depuis que je suis parti de la Maison blanche et nous devons retrouver ces
comportements à nouveau.
- Qu'arrivera-t-il à la démocratie si Trump gagne à
nouveau?
La bonne nouvelle est que, grâce au mécanisme du vote, le peuple américain
aura l'occasion de réaffirmer sa croyance dans la démocratie américaine. Et
l'autre chose, c’est que ce qui se passe aux États-Unis est important dans le
monde. L'idée de l'Amérique, l'idée de la possibilité d'un pays multiracial,
multiethnique, multireligieux, grand, grand et compliqué étant capable de
fonctionner comme une démocratie, c'est une idée importante pour le monde.
Et quand il semble que la démocratie américaine se décompose, alors je pense
que cela encourage ceux qui ne croient pas à la démocratie dans le monde, et
cela inquiète et affaiblit les forces démocratiques dans d'autres endroits.
- Comment les présidents devraient-ils
s'engager avec les dirigeants mondiaux accusés de violations des droits de l'humain?
Je pense qu'il est approprié pour le président des États-Unis, où il ou
elle le peut, de maintenir les principes des droits humains et de contester,
que ce soit à huis clos ou en public, des pratiques troublantes. Et donc je
suis moins préoccupé par les étiquettes que je ne m'inquiète des pratiques
spécifiques. Je pense qu'il
est important pour le président des États-Unis de dire que si vous avez des
Ouïghours en Chine qui sont placés dans des camps de masse et «rééduqués»,
c'est un problème. C’est un
défi pour nous tous, et nous devons y prêter attention. Je pense que si le
président rencontre le Premier ministre Modi, alors la protection de la
minorité musulmane dans une majorité de l'Inde hindoue est quelque chose qui
mérite d'être mentionnée. Si j'avais une conversation avec le Premier ministre
Modi, que je connais bien, une partie de mon argument serait que si vous ne
protégez pas les droits des minorités ethniques en Inde, alors il y a une forte
possibilité qu’il y ait un mouvement séparatisme qui se forme. Et nous avons vu
ce qui se passe lorsque ces conflits internes importants éclosent qui sont
contraire aux intérêts non seulement de l'Inde musulmane, mais aussi de l'Inde
hindoue.
- Que devrait faire Biden différemment
pour unir les démocrates?
Je pense que dans un environnement médiatique si encombré, il est très
difficile de percer jusqu'à l'heure des élections. Vous vous souvenez que
lorsque je me suis présenté à ma réélection en 2012, mes pourcentages dans les
sondage n'étaient pas très bons, et nous avons fini par gagner confortablement. Cela provenait en partie de ce que nous
avions juste commencé à faire campagne. Et quand nous avons pu faire passer notre
message les gens ont dit, oui, cette politique ou cette mesure ou cette chose faite
m'a un peu irrité mais dans l'ensemble, je pense qu'il a fait un bon travail.
Et je pense que c'est ce qu'ils vont également
conclure à propos de Joe Biden.
- Aurait dû tout faire pour résister à
Vladimir Poutine lorsque la Russie a envahi la Crimée en 2014?
Je pense en fait que, étant donné à la fois là où se trouvait l'Ukraine et quel
était l'état d'esprit européen à l'époque, nous avons tenu la bonne ligne. Et
une partie de ce qui s'est passé depuis, c’est la montée d’un sentiment
d'identité ukrainienne séparée de la Russie, une détermination à s’opposer à la
Russie et une capacité à se préparer, à la fois militairement et civiquement, à
résister à la pression russe. Les Ukrainiens ont construit cette identité et
cela fait partie de la raison pour laquelle ils ont pu répondre comme ils l'ont
fait lors de l’invasion illégale et incroyablement cruelle par les forces
russes.
- Les positionnements politiques des médias ne sont pas
en opposition de l'expérience quotidienne des Américains?
Il y a encore un tas de gens qui sont plus conservateurs politiquement que
je ne suis sur des questions sociales, sur des questions économiques mais que
je considère comme de bonnes personnes, des gens réfléchis de qui j'ai appris
et avec qui j'aime avoir des conversations. Et donc, les polarisations qui sont
à l’œuvre dans notre politique nationale ne sont pas identiques à ce qui se
passe dans le quotidien. Mais ce qui est vrai, c'est qu'en partie à cause de
l'endroit où les gens obtiennent des informations ces jours-ci, si vous
regardez Fox News ou suivez un animateur de radio de droite ou obtenez des flux
Facebook dans cette bulle, votre réalité est différente de celle d’un lecteur
du New York Times ou d’un téléspectateur de CNN. Et lorsque les gens obtiennent
des faits fondamentalement différents, ou ce qu'ils pensent être des faits, et
que leurs visions du monde sont tellement biaisées dans une direction ou une
autre, alors c’est très difficile pour la démocratie.