Le débat sur les arguments moraux ou politiques pour critiquer les extrêmes est vieux comme… la politique! Pour certains, la morale n’a rien à faire dans la politique pendant que d’autres estiment au contraire qu’une politique sans morale est dangereuse pour les valeurs humanistes.
De Platon à Machiavel en passant par Aristote, Montaigne, Kant, Hegel, Weber et d’autres, le débat sur la place de la morale dans la politique a divisé les philosophes.
Morale, vertu, légitimité, efficacité sont, pour certains liées, pour d’autres doivent être séparées.
On peut faire le constat avec Hannah Arendt:
«La véracité n'a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques.»
Ou on peut espérer avec Albert Camus:
«Nous sommes décidés à supprimer la politique pour la remplacer par la morale. C'est ce que nous appelons une révolution.»
Quant au soi-disant «recadrage» de Borne par Macron, si on lit des propos rapportés, le président de la république estime que les arguments moraux ne sont «plus» et non «pas» efficaces dans la lutte contre l’extrême-droite et que ceux qui votent pour le RN n’ont pas, pour la plupart, l’impression d’être des fascistes.
Rien de nouveau, c’est une évidence avec la montée de l’extrême-droite dans le monde entier, les arguments moraux et la diabolisation ne donnent guère des résultats à la hauteur de l’enjeu.
Décrédibiliser avec faits et preuves que le projet de l’extrême-droite est un danger tant au niveau de le liberté, de l’égalité et de la fraternité qu’en matière économique, sociale, sociétale et internationale, voilà ce que propose Macron.
Aucune bienveillance évidemment avec l’extrême-droite et le RN, juste une stratégie qui prend acte du peu d’efficacité de la stigmatisation morale.
Croire en effet que de comparer Le Pen à Pétain lui fera perdre des voix est sans doute malheureusement un peu naïf tant la décomplexion de ses électeurs est désormais un acquis.
Pour autant, sans doute également, il ne faut pas se passer de l’argument moral parce qu’il est important de montrer d’où viennent les mouvements extrémistes, quels sont leurs valeurs et de qui ils se revendiquent.
En cela, Borne n’a pas tort.
Et donc, avec Macron et Borne, partager le point de vue d’André Malraux:
«On ne fait pas de politique avec de la morale, mais on n'en fait pas davantage sans.»
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