Par Jean-François Borrou
Dans cette rubrique, nous publions les
points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement
ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire
progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées
centristes.
Ces derniers temps, François Bayrou se fait oiseau de mauvais augure et messager de mauvaises nouvelles mais pour la bonne cause nous explique-t-il.
En ces temps incertains, il y a matière à se montrer inquiet mais le pessimisme catastrophique du leader du MoDem est-il légitime ou exagère-t-il quelque peu par angoisse et intérêt politique personnels – notamment à propos de sa possible candidature à la prochaine présidentielle où il se verrait bien en candidat gaullien rassembleur, une image qu’il tente d’imposer sans succès depuis 2007?
Oui, il est vrai que l’époque n’est pas un long fleuve tranquille et tous les lanceurs d’alerte sont les bienvenus pour nous le répéter.
De ce point de vue, François Bayrou a raison de dire que la démocratie est en danger et que nous devons nous ressaisir face aux ennemis de l’intérieur et de l’extérieur qui la menace.
De même, il est souvent juste quand il pointe les dysfonctionnements de la démocratie française.
Dans son dernier entretien sur LCI, il affirme même, dans le droite ligne de ses déclarations précédentes, que «c'est la société française tout entière qui est aujourd'hui dans une espèce de soupçon, de doute, de mise en cause des règles que nous nous nous sommes données nous-mêmes pour vivre ensemble, pour faire fonctionner la souveraineté populaire».
Et d’estimer que le «pays est en panne» et que «la démocratie française et la démocratie parlementaire française filent du mauvais côté, ça ne va pas».
Là où on a plus de mal à le suivre, c’est qu’il met toutes les formations politiques dans le même sac au nom d’un respect de la démocratie.
Mais comment peut-on, comme il le souhaite, revitaliser la démocratie républicaine libérale avec ses adversaires qui sont déterminés à l’abattre?
Ici, le combat politique face aux extrêmes et aux populistes, ce n’est pas de tendre l’autre joue, c’est au contraire les affronter face à face!
De même, que veut-il dire quand il souhaite que «la première attitude» soit de «reformuler un projet pour le pays qui s'attaque aux plus difficiles de nos faiblesses ou aux plus pénalisantes de nos faiblesses», alors que la campagne présidentielle s’est déroulée il y a moins d’un an, projet contre projet, et que son soi-disant allié l’a emporté?
Il donne ainsi l’impression d’être soit dans un désarroi de renoncement à défendre le programme sur lequel la majorité présidentielle a été élue, soit de considérer celui-ci comme mauvais et, peut-être, de l’avoir toujours considéré comme tel.
Dès lors, on ne sait plus très bien si son alarmisme est aussi réel que cela ou est une stratégie de demeurer dans un débat politique où il ne parvient guère à trouver sa place depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017.
On est donc circonspect quand à la finalité de ses mises en garde.
Car, oui, nous sommes dans un moment crucial et compliqué pour la démocratie et les valeurs humanistes que défend le Centre et le Centrisme.
Mais les solutions que proposent François Bayrou semblent pour beaucoup inappropriées voire dangereuses quand il s’agit de faire entrer le loup de l’extrémisme dans la bergerie des libertés.
Jean-François Borrou