Alors que le républicain Kevin McCarthy, dans un scénario déjà improbable et peut-être historique, tente sans succès depuis quatre jours et plus d’une dizaine de scrutins de se faire élire Speaker (président) de la Chambre des représentants après la victoire étriquée de son parti aux élections de mi-mandat de novembre dernier, suite à un blocage de la frange trumpiste d’extrême-droite qui refuse de voter pour lui, on en oublierait qu’il y a également une frange qui se dit centriste.
Mais s’il existe encore des centristes au Parti républicain – ce que l’on peut douter car ceux qui se prétendent tels sont généralement à droite –, la prochaine législature de cette Chambre des représentants nous le dira de par leurs comportements effectifs et non leurs déclarations.
Rappelons que, majoritaires dans cette assemblée, les républicains n’ont que neuf sièges de plus que les démocrates (222 contre 213), ce qui veut dire que leurs courants minoritaires – comme on le voit actuellement avec les fans inconditionnels de Trump – vont pouvoir avoir un poids important dans la politique que le parti de droite va suivre tout comme c’était d’ailleurs le cas auparavant pour le Parti démocrate avec les ailes conservatrice et de gauche.
Mais si l’on sait qu’il y a des conservateurs traditionnels, des radicaux de droite et des extrémistes de droite au Parti républicain, on ne sait pas trop s’il existe des élus de centre-droit et combien sont-ils.
Car il y a bien certains républicains qui se revendiquent du Centre mais le sont-ils vraiment?
Toujours est-il que ceux qui se prétendent tels se sont exprimés depuis leur élection en expliquant qu’ils voulaient travailler de manière bipartisane avec les centristes démocrates et qu’ils voulaient imposer leur agenda à leur propre parti, tout au moins une partie de celui-ci, même si pour l’instant toutes les concessions ont été faites aux plus radicaux.
Ainsi que le déclare Dave Joyce, le représentant de l’Ohio et président du «Republican governance group» qui se revendique centriste, «nous sommes le groupe qui fait la majorité».
Et de poursuivre:
«Nous ne venons pas de circonscriptions où nous
allons être réélus coûte que coûte. Nous venons de circonscriptions qui honorent notre engagement à
essayer de faire avancer les choses, et nos électeurs respectent le fait que
nous retournons dans nos circonscriptions et leur disons la vérité – certaines
choses sont réalisables, mais certaines choses ne le sont pas.
Et d’expliquer:
«Nous ne sommes pas intéressés à faire du bruit ou à faire valoir un point de
vue idéologique. Nous sommes intéressés à faire avancer les choses »
De son côté, Pete Stauber, élu du Minnesota estime que «travailler ensemble, c'est ce que veut le peuple américain» et que «nous n'avons pas à abandonner nos principes fondateurs, ces principes conservateurs, pour faire adopter des législations» car «nous pouvons travailler avec des élus des deux partis au bénéfice des Américains».
Brian Fitzpatrick de Pennsylvanie
renchérit:
«Je crois aux solutions bipartites. Je ne pense pas qu'un seul parti ait le monopole des bonnes idées. Je ne pense pas que le parti de qui que ce soit ait le monopole
des bonnes personnes».
Et de citer en référence le projet de loi sur les infrastructures présenté par Joe Biden et voté par treize républicains.
Puis de prédire «qu’il y aura d'autres domaines où vous allez continuer à voir nos résolveurs de problèmes travailler ensemble pour faire avancer les solutions sur des questions qui semblent bloquées».
Selon lui, le consensus permet de construire et d’avancer, «de ne pas permettre que le parfait soit l'ennemi du bien» en préférant «obtenir 80 % de quelque chose que 100 % de rien» en faisant une analogie avec les Américains qui «gèrent ainsi leurs relations, leurs familles, leurs entreprises, et ils veulent juste que cette chambre fonctionne de la même manière.»
Ces républicains modérés ne veulent pas prendre en otage Joe Biden et son administration comme le souhaite l’aile la plus réactionnaire qui propose déjà d’utiliser des éléments incontournables tels que le relèvement du plafond de la dette ou les projets de loi de financement du gouvernement pour faire pression et obtenir des contreparties avec la menace de bloquer tout l’appareil d’Etat.
Un comportement que récuse Don Bacon,
représentant du Nebraska:
«Nous n'avons pas l'impression d'être pris en otage par ce groupe [extrémiste]. Les gens doivent donc négocier de bonne foi lorsque vous obtenez
un accord à 85%, quel qu'il soit, vous vous unissez et vous travaillez en
équipe. ‘J'exige 100% ou je vais faire mes valises et rentrer chez moi’ n’a
pas sa place dans cette chambre».
Reste néanmoins la réalité.
Une analyse du Pew Research Center réalisée en mars a révélé qu’élus républicains et démocrates sont plus éloignés idéologiquement qu'à tout autre moment au cours des cinquante dernières années.
En outre, le déplacement des républicains vers la droite a été plus important que le déplacement des démocrates vers la gauche ce qui oblige les républicains qui se disent centristes à mener des batailles beaucoup plus dures au sein de leur propre parti pour imposer un consensus.
Mais les batailles interne qui se déroulent actuellement au Parti républicain pourraient néanmoins aboutir à une renaissance de ce centre-droit qui aujourd’hui ne représente quasiment plus rien.
Pour certains, c’est même indispensable si les républicains veulent avoir un avenir.
Si tel n’est pas le cas, la création d’un troisième grand parti ressortira mais n’a jamais été suivie d’une réalisation concrète tant du côté des démocrates que des républicains.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC