Il faudra que l’on nous explique pourquoi la Justice, qui fait partie du triptyque du pouvoir dans une démocratie aux côtés de l’Exécutif et du Législatif, est la seule de celui-ci dont les membres ont le droit de se syndiquer.
Que l’on sache, il n’y a pas de syndicats pour les Parlementaires, ni pour le Président de la république ainsi que pour les ministres du Gouvernement…
Cette interrogation n’est pas anodine pour notre propos, celui de l’instrumentalisation de la Justice et de ses décisions.
On connait bien sût le débat ô combien important sur l’indépendance de la Justice face à l’Exécutif et le Législatif, cette séparation des pouvoirs qui fondent une démocratie et qui permet aux magistrats de rendre des décisions fondées uniquement en droit et par rapport à des faits.
De tout temps, le pouvoir exécutif a été accusé d’interférer dans le pouvoir judiciaire de multiples manières, de la nomination des juges à la gestion de leur carrière avec pressions et promesses.
C’est vrai que l’Exécutif a souvent cherché dans l’histoire des démocraties à contrôler la Justice à son profit.
Et il est important qu’une veille constante soit faite pour empêcher ces velléités de devenir concrètes.
On parle, en revanche, moins souvent de l’instrumentalisation de la Justice à des fins politiques et idéologiques, qui va de la plainte jusqu’au procès et aux commentaires sur les décisions rendues quand il s’agit d’une affaire impliquant un membre du Gouvernement ou de la majorité du moment.
C’est en général l’opposition au gouvernement en place qui agit en l’espèce afin de le déstabiliser politiquement parlant.
Evidemment, cette opposition est importante pour contrôler l’Exécutif et le Législatif.
En revanche, instrumentaliser la Justice uniquement pour affaiblir le Gouvernement n’est pas son rôle dans une démocratie.
Quand un ministre ou un élu de la majorité en place est devant un tribunal, souvent des officines proches de l’opposition en profite pour déposer une plainte ou se porter partie civile et les commentaires des responsables de ces officines et de cette opposition sont toujours à charge avant même que la décision soit rendue, souvent relayés complaisamment par les médias qui y voient un moyen de booster leur audience et/ou de faire avancer leur cause idéologique.
Et lorsque la décision est rendue par la Justice, si celle-ci va dans le sens de l’opposition, alors elle se félicite que les juges soient demeurés indépendants.
En revanche, quand elle ne va pas dans leur sens, elle peste contre une Justice aux ordres de l’Exécutif.
Souvent, elle est aidée par les syndicats de magistrats qui sont du même bord qu’elle.
Au-delà de la discussion sur la légitimité d’une Haute cour de justice pour juger des actes de l’Exécutif, la décision qu’elle vient de rendre à propos de l’affaire qui mettait en cause le Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, accusé d’avoir sanctionné des magistrats avec qui il avait eu des différends lorsqu’il était avocat, démontre cette instrumentalisation de manière emblématique.
Tout y est.
Des syndicats de magistrats qui se mettent du côté des accusateurs, des officines qui déposent plaintes et se portent parties civiles, des partis politiques qui interviennent dans le débat pour déclarer le ministre coupable avant le jugement.
Et lorsque ce dernier est rendu, tout ce monde monte au créneau pour le critiquer parce qu’il a eu le malheur de relaxer Éric Dupond-Moretti.
Bien entendu, si le jugement avait condamné le ministre, ces mêmes auraient félicité chaudement la Justice pour son indépendance…
Cette manière d’agir est aussi préoccupante que les pressions qui peuvent venir de l’Exécutif parce qu’elles instillent le doute constant sur la Justice.
Non pas que celle-ci ne soit pas critiquable mais ce n’est pas ici la problématique qui est une instrumentalisation qui ne rend pas service à la démocratie républicaine.
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