Le consumérisme a largement pénétré la sphère de la citoyenneté, le plus souvent pour le pire avec des demandes extravagantes de toujours plus et d’insatisfaction chronique où la satisfaction immédiate et l’intérêt à courte vue d’individus à l’autonomie égocentrique l’emportent sur un comportement raisonnable.
Je m’en suis souvent inquiété et je m’en inquiète encore.
Sur le principe, on ne peut que se montrer critique sur ce phagocytage de la politique par les codes consuméristes.
Cependant, au lieu de refuser de manière stérile un mouvement qui semble se répandre inéluctablement, il vaut nettement mieux l’accompagner et l’encadrer afin de bloquer ses effets négatifs et ressortir ses points positifs.
Car, à y regarder de plus près, cet «entrisme» du consumérisme dans la politique n’est pas obligatoirement ce danger existentiel pour la démocratie républicaine qu’il semble à première vue.
Mais, pour cela il faut deux conditions impératives.
La première est l’absolue nécessité de la responsabilité du «consommateur» et cela passe par sa formation et son information qui lui permette d’utiliser son autonomie aux mieux de ses intérêts et de ceux de la communauté dans laquelle il vit.
La deuxième est que ce «marché» où vient faire ses emplettes le citoyen soit un lieu où l’on traque sans relâche les «produits» dangereux ou défectueux, la fraude et la publicité mensongère pour offrir réellement le meilleur choix et la meilleure qualité possibles.
Parce que s’il s’agit uniquement d’avoir le comportement d’une personne qui consomme sans frein et sans satiété, surtout sans se poser de questions sur les conséquences de ses choix, alors le consumérisme politique sera le cimetière de la démocratie.
Et si ce vaste marché de la démocratie ressemble comme deux gouttes d’eau à celui des biens, alors il sera également largement gangrené par des produits insécures ou inutiles qui auront un aspect des plus séduisants et seront promotionnés par une communication qui vendra du rêve et des paillettes mais qui causeront d’énormes dégâts et seront source de déception donc de mécontentement qui toucheront, certes les «produits» politiques mais également le «marché» de la démocratie avec une méfiance, voire une défiance, envers les valeurs, les principes et les règles sur lesquels elle repose et qui la font fonctionner.
Bien sûr, in fine, ce doit être le citoyen-consommateur bien formé et informé, conscient de ses intérêts qui doit être capable de séparer le bon grain de l’ivraie.
On le voit, les conditions d’acceptation d’un tel marché consumériste sont élevées.
Mais il ne peut en être autrement pour que ne soient pas dévoyées les valeurs humanistes de la démocratie.
Mais si il est réellement possible de les mettre en œuvre, alors cette capacité du citoyen à choisir le meilleur en toute connaissance de cause ainsi qu’en responsabilité et en déjouant les pièges populistes, les discours démagogiques, les tromperies idéologiques et autres chausse-trapes auxquels il sera confronté, alors la démocratie sera plus forte, plus solide et permettra d’obtenir de meilleurs résultats pour l’ensemble de la société et de ses membres.
Les mouvements de consommateurs qui se sont créés dans les années 1960 et 1970 avaient comme objectif de défendre le consommateur contre ces mauvais produits en se battant pour que les industriels fabriquent et les commerçants vendent de la qualité et pour qu’ils soient vendus au juste prix (c’est-à-dire au meilleur rapport qualité/prix et, non, contrairement à ce que l’on croit, au prix le plus bas possible au risque d’une mauvaise qualité, voire pire, d’une désorganisation de l’économie), tout en responsabilisant le consommateur dans ses choix, sa manière de consommer et une éthique générale face aux produits et à la façon de les confectionner.
Dès lors, si le citoyen devient un «consommateur de politique» responsable, il pourra être un vrai pilier de la démocratie républicaine.
Dans le cas contraire, il en sera un de ses pires ennemis, mettant en jeu l’existence même du régime.
Et c’est bien, malheureusement, le chemin que suivent actuellement une grande partie de la population dans la plupart des pays, en particulier dans les démocraties républicaines.
Dans un comportement du «toujours plus», nombre de ces citoyens-consommateurs semblent prêts à suivre les yeux fermés n’importe quel camelot qui, du haut de son estrade lui vend des promesses-miracles évidemment irréalisables.
Il est donc temps, avant qu’il ne soit trop tard, de les émanciper en leur donnant les capacités d’avoir les yeux grands ouverts.
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