Voici une sélection, ce 3 septembre 2022, des derniers propos tenus par des centristes dans les médias ou sur les réseaux sociaux en France.
► Emmanuel Macron (Président de la
République)
> [Discours à l’occasion de la Conférence des ambassadrices et des
ambassadeurs]
Je dois vous dire que je suis particulièrement heureux de vous retrouver pour
cette nouvelle édition de la conférence des Ambassadeurs après deux années où
le contexte sanitaire mondial nous a empêché d’honorer ce rendez-vous. Cela
manquait, même si l’année dernière, cela s’était tenu à travers d’autres
moyens, mais la convivialité, les échanges informels, les voies et moyens de bâtir
des convergences ne sont pas les mêmes. Et, permettez-moi de vous dire, en
ouvrant ce propos, d’abord mes remerciements, parce que cette longue crise de
la Covid-19 qui a touché notre pays profondément a aussi beaucoup éprouvé, je
le sais, vos équipes, parfois vous-même et vos familles. Plusieurs parmi vous
ont eu à servir dans des pays qui étaient lourdement frappés, ont eu des
contraintes fortes, sont restés pendant de long mois dans des conditions
difficiles. Mais surtout, vous avez, avec vos équipes, contribué à cette
mission essentielle qui fut la nôtre durant cette période de protéger les
Françaises et les Français. Et je veux saluer l'engagement exceptionnel dont
vous avez fait preuve avec l'ensemble de vos équipes à l'égard de nos
ressortissants : protéger, parfois rapatrier, nous nous en souvenons dans les
premiers temps de l'épidémie ; permettre l'accès aux vaccins, les rapatriements
en cours de crise, la prise en charge de l'éducation des enfants et l'ensemble
de la somme des épreuves auxquelles cette période inédite a confronté notre
réseau diplomatique, consulaire, culturel et éducatif.
Je veux aussi saluer, en même temps chacune et chacun d'entre vous dans vos
postes d'action du Centre de crise et de soutien qui a accompli un travail
exceptionnel face à cette crise sanitaire, comme il l'a accompli avec l'aide et
le relais de plusieurs d'entre vous également en Afghanistan l'été dernier et
aujourd'hui en Ukraine. Durant ces dernières années, les crises se sont donc
multipliées, exacerbées si je puis dire, mais souhaitant qu'une crise ne chasse
pas l'autre, je voulais commencer par saluer cet engagement fort qui a été tout
particulièrement le vôtre durant cette période.
Malgré la pandémie, j'ai pu compter sur vous et sur votre engagement au cours
des cinq dernières années au service de notre pays. Malgré parfois des vents
contraires, des événements inattendus, je crois pouvoir dire que nous avons
bâti à la fois des actions concrètes, mais aussi des cadres de référence utiles
pour l'action collective. Nous avons fait du renforcement de la souveraineté
européenne une réalité tangible. Et je le dis ici avec beaucoup de force,
lorsque, en septembre 2017 à la Sorbonne, je me suis exprimé en proposant en
votre nom, en notre nom à tous, une Europe plus unie, plus souveraine, plus
démocratique, les commentaires étaient nombreux partout en Europe pour dire «
lubie française, l’Europe plus souveraine, qu'est-ce que c'est que cette
affaire ? L’autonomie stratégique, qu'est-ce que c'est que cette réalité ? On
aura tôt fait de revenir aux principes dans lesquels on avait vécu jusque-là.
La réalité sera différente, cela restera des mots. Nous avons posé le cadre.
J'ai plaisir à constater que ce cadre aujourd'hui s'est généralisé. Il a été
progressivement adopté par l'Europe entière et il est maintenant assumé par
l'Allemagne. Et je veux ici saluer le discours que le Chancelier Scholz a tenu
il y a deux jours à Prague, qui s'inscrit complètement dans le droit fil de
cette pensée et de cette action. Surtout, nous avons ensemble agi, bâti une
Europe de la défense plus forte, brique après brique. Nous l'avons fait sur le
plan multilatéral et bilatéral, avec des accords particuliers avec la Grèce ou
la Croatie, pour ne citer qu'eux. Nous avons renforcé cette Union européenne.
Nous avons aussi structuré des accords bilatéraux inédits avec l'Allemagne ou
avec l'Italie.
Et puis notre Europe a avancé face aux crises. Face à la pandémie, par l'action
de notre réseau, c'est notre Europe qui a fourni les vaccins et qui a donc
contribué à protéger. C'est notre Europe aussi qui a assuré une relance
économique essentielle par un accord entre l'Allemagne et la France dès le mois
de mai 2020, puis un accord européen en juillet 2020 qui nous a permis une
capacité d'investissement inédite à 27 et la mutualisation de dettes communes
pour des investissements à venir. Là aussi, cela paraissait totalement
impensable. Et face au retour de la guerre sur notre continent, nous avons
apporté une réponse unie, rapide et forte en imposant des sanctions massives et
inédites à la Russie deux jours après le début du conflit, en gardant notre
unité, en bannissant de nos démocraties les organes de propagande du Kremlin et
en actant le pas historique de l’octroi du statut de candidat à l’Ukraine et à
la Moldavie.
Mais ça n’est pas simplement en répondant aux crises que notre Europe a avancé.
Il y a un bilan, je le disais, celui de l’Europe de la défense, par exemple,
pour n'en citer qu'un. Celui d'une Europe aussi plus souveraine sur le plan
technologique, avec une régulation de l'Internet absolument fondamentale. Il y
a le bilan de la présidence française de l'Union européenne qui est votre
bilan. Celui mené par justement l'action du Quai d’Orsay, notre représentation
permanente, qui a piloté l’interministérialité en lien avec aussi le SGAE qui a
mobilisé beaucoup de ministres ici présents. Mais malgré la guerre commencée
dès le 24 février, malgré la pandémie qui était encore là, malgré le contexte
sur lequel je n’ai pas besoin de revenir dans notre pays, sur le plan
politique, notre présidence française de l'Union européenne a permis des
avancées là aussi fondamentales pour notre continent.
Dans la lutte contre le changement climatique pour atteindre notre objectif de
55 % de réduction de nos émissions à l'horizon 2030. Le fameux paquet Fit for
55 pour parler en bon breton, a avancé, avec plus d'une dizaine de textes qui
ont été consacrés. Sur l'amélioration des conditions de travail et de vie des
citoyens européens, avec la directive sur les salaires minimaux, sur l'égalité
salariale entre les femmes et les hommes, mais aussi sur l'égalité de
représentation, justement au sein des comités de direction. Des textes qui
parfois étaient bloqués depuis plus de 10 ans, et qui, grâce à la nouvelle
coalition allemande, a permis de changer les équilibres. Sur la régulation des
géants du numérique pour mettre fin à la loi du plus fort avec les deux
directives dites DSA DMA. Sur la défense aussi, avec l'adoption de notre
Boussole stratégique, exercice que nous avions lancé aux côtés de nos amis
allemands sous leur présidence. Nous avons transformé notre Europe. Elle n'est
plus la même qu'il y a cinq ans. Elle est plus consciente d'elle-même, plus
souveraine, plus forte. Et ce faisant, nous avons démenti par les actes tous
ceux qui voyaient dans le Brexit le début d'une longue série de renoncements et
apporté la démonstration de la force et de la vigueur d'une Europe unie et de
ses principes.
Deuxième élément sur lequel je voulais insister en rendant hommage au travail
fait ces dernières années, c'est celui de ce multilatéralisme efficace que nous
avons défendu. Il faut bien le dire, il y a cinq ans, nous étions aux côtés
d'une puissance américaine qui est normalement, et elle est heureusement
redevenue, le garant de beaucoup d'équilibres et de textes, qui décidait de
sortir de la plupart des accords qu'elle avait contribué à construire, pour
lesquels elle avait largement œuvré : sur le climat et les accords de Paris ou
dans la lutte contre la prolifération nucléaire et avec le JCPoA. Et donc nous
étions dans un moment de grande fragilisation de ce multilatéralisme. Tout
est-il réglé ? Loin de là, mais j'y reviendrai. Mais face aux défis communs,
sans jamais renoncer justement à la lucidité, ce sera un des fils pour moi de
cette expression devant vous aujourd'hui, je crois que nous avons essayé
collectivement de préserver ce multilatéralisme efficace en associant tous les
acteurs : Etats, ONG, sociétés civiles, entreprises.
Pour ne prendre que l'un des derniers exemples, parce ce que nous avons
collectivement bâti et la diplomatie française y a pris une part éminente, face
à la pandémie. Quelques semaines après celle-ci, nous avons été aux
avant-postes sur l'initiative dite Act-A. À quelques Européens, nous avons
travaillé avec les Etats africains qui étaient touchés comme nous par la
pandémie, mais encore plus fragiles. La France s'est trouvée invitée pour la
première fois à un bureau exécutif de l'Union africaine pour partager une
stratégie. Et entre l'Union africaine et très rapidement le G20 où nous l'avons
portée, nous avons construit une stratégie inédite pour l'accès aux vaccins, le
développement des capacités de production, le renforcement des systèmes de
santé. Dès 2017, face aux fragilités de l'accord de Paris et au retrait
américain, là aussi, nous avons mobilisé, tout le réseau. Et là où la France
avait réussi en 2015 à réunir le monde et sceller l'accord de Paris, nous avons
réussi entre 2017 et 2020 à préserver cet accord. Plusieurs puissances, je le
rappelle, ou n'avaient pas signé, ou n'avaient pas ratifié et les États-Unis se
sont retirés. Au moment où je vous parle, les États-Unis ont décidé d'y
revenir, mais Turquie et Russie ont ratifié, quel que soit le contexte
international.
Dès le 12 décembre 2017, avec le One Planet Summit, nous avons remobilisé, mis
en place des coalitions d'acteurs nouvelles avec des Etats, des entreprises,
des ONG, des chercheurs, attiré aussi beaucoup de chercheurs américains par des
initiatives fortes et débouché sur un agenda concret pour le climat. Et nous
avons adopté la même méthode, nous l’avons ensuite scandée sur le financement
et le financement privé. Nous avons adopté la même méthode sur la question de
la biodiversité en lançant ici même en janvier 2021 la même initiative pour la
biodiversité face aux tâtonnements de la COP qui était en cours et qui,
évidemment, avait été percutée par la pandémie.
De la même manière, sur la régulation du numérique et de ses contenus, nous
avons pris l’initiative dès 2018 de Tech for Good, associant là aussi les
grands acteurs internationaux du numérique et notre réseau diplomatique pour
essayer de trouver des voies de régulation positive. Nous l'avons complétée par
une régulation européenne que j'évoquais et nous avons cristallisé cette action
avec l'appel de Christchurch qui s'est tenu ici même à Paris dès après les
attentats en Nouvelle-Zélande et qui nous permet aujourd'hui de mieux lutter
contre les contenus terroristes et haineux en ligne.
Nous avons inventé le Forum de Paris sur la Paix à l'occasion du centenaire de
l'armistice de la Première Guerre mondiale où chaque année, les porteurs de
projets venus du monde entier se retrouvent et bâtissent là aussi de la
convergence, des nouveaux consensus et une pensée des nouveaux équilibres.
Nous n'avons rien lâché non plus dans cette période du combat contre les
inégalités en soutenant le Partenariat mondial pour l'éducation aux côtés du
Sénégal, en organisant le Forum Génération Égalité, en obtenant des avancées
tangibles sur l'autonomisation des femmes, l'éducation des filles, le droit à
la santé sexuelle et reproductive, la lutte contre les violences, le soutien
aux combattantes et combattants de la liberté.
Nous avons aussi, durant toute cette période, porté le combat pour la
protection des droits fondamentaux en défendant, au travers du Partenariat
information et démocratie, l'exercice de la liberté d'opinion, d'expression,
l'accès à une information fiable. Nous nous sommes engagés aux côtés de tous
les acteurs humanitaires pour la justice internationale et la lutte contre
l'impunité et nous avons traduit cet engagement en apportant notre soutien
concret à la lutte contre les crimes de guerre commis par la Russie sur le sol
ukrainien, pour n'en citer qu'un. Et remercier ce faisant, tous les acteurs
humanitaires qui sont des relais soutiens et volontaires si courageux et nous
l'avons vécu dans notre chair au Niger il y a deux ans.
Et puis, nous avons fait en sorte que la France demeure dans cette période une
puissance d'équilibres qui permettent justement de limiter les désordres et de
construire des partenariats nouveaux avec une armée forte. Et je pense qu'elle
est un élément clé de cette stratégie, en assumant un exercice stratégique dès
2017, en bâtissant une loi de programmation militaire 2019-2024 respectée à
l'euro près, qui nous a permis de réparer des éléments capacitaires, mais aussi
de rebâtir une stratégie, je crois, plus adaptée aux réalités du monde et à
faire de l'armée française la première armée européenne à coup sûr, de consolider
notre dissuasion nucléaire et d'avoir la place qui est la nôtre aujourd'hui, et
qui soutient notre diplomatie.
Nous avons aussi, en tant que puissance d'équilibres, placé notre partenariat
avec l'Afrique au cœur de notre action multilatérale, là aussi dans une
grammaire nouvelle, en associant pour le G7 de Biarritz - que la France a eu à
organiser en 2019 - l'Afrique au cœur. Pas simplement invitée de la dernière
demi-journée dans ce qu'on appelle joliment l’outreach, mais en l'associant au
cœur de la stratégie, à la conception de tous les rendez-vous et en portant
ensemble des initiatives sur la scène internationale en développant un axe
euro-africain. Nous avons aussi bâti ce partenariat nouveau avec l'Afrique.
J'aurai l'occasion d'y revenir en regardant notre passé en face et en
particulier en renouant avec le Rwanda qui est aujourd'hui un partenaire
important de nos initiatives sur le continent.
Partout dans le monde, nous avons fait face aux crises en jouant, je crois ici
pouvoir le dire, tout notre rôle de membre permanent du Conseil de sécurité,
avec à chaque fois la même détermination à avoir un effet utile pour prévenir
les escalades et trouver des voies diplomatiques à la résolution des conflits.
Nous avons, ce faisant, démultiplié nos efforts pour répondre aux besoins
humanitaires urgents de nos ressortissants et des populations civiles en
Ukraine, en Syrie, en Afghanistan, au Liban, ces derniers jours encore au
Pakistan. A la cavalcade, je ne fais là qu'un bilan partiel. Mais autour d'une
Europe plus forte, de ce multilatéralisme efficace que je crois pouvoir dire,
nous avons contribué à préserver ou sauver, et à la participation à la
construction de nouveaux équilibres, je veux ici vous dire que vous pouvez être
fiers de ce que nous avons collectivement accompli durant ces dernières
années.
La France n’a pas tout fait seule, ni pensé tous les concepts. Nous en avons
poussé certains, en tout cas nous avons toujours fait partie si je puis dire
des avant-gardes de bonne volonté. Et c’est à mes yeux la plus grande des
fiertés, avec constamment le souci de trouver les chemins les plus efficaces
pour rassembler et réunir, avec — ce qu’il faut garder pour les années à venir
— un souci d’efficacité. Oublions que l’idée vient d’ici, si la condition pour
qu’elle se diffuse est qu’elle ait plusieurs paternités. C’est ce qu’il faut
faire partout. C’est beaucoup mieux. Mais je crois pouvoir dire que votre
action, à la fois la défense des intérêts de la France, les convictions qui
sont les nôtres, notre volonté aussi de porter notre influence et notre
attractivité — j'y reviendrai — ont été absolument clés dans cette
période.
C'est aussi pourquoi, depuis 2017, j'ai voulu que les moyens de notre action
internationale soient consolidés et adaptés. Au travers de la loi du 4 août
2021 — je salue la présence, Madame la ministre, de votre prédécesseur et la
continuité d'action dans laquelle nous nous inscrivons — à travers la loi du 4
août 2021, nous avons acté une trajectoire de croissance des moyens de notre aide
publique au développement qui se poursuivra au cours de ce second quinquennat.
Nous avons veillé à ce que ces moyens redonnent à notre diplomatie une agilité,
une capacité d'entraînement, je le sais dont beaucoup d'entre vous avaient le
sentiment qu'elles s'étaient affaiblies. Nous avons engagé une évolution
structurante qui sera poursuivie pour passer d'une politique de développement,
que nous étions déjà en train de changer mais ce n'était pas assez perceptible
pour nos partenaires, à une politique d'investissement solidaire qui nous
permet d'agir avec un plus grand nombre d'acteurs, pays, organisations
internationales, entreprises, acteurs de la société civile. Et surtout, avec
cette volonté de bâtir des partenariats d'égal à égal, sur le continent africain
tout particulièrement mais plus largement. Et donc nous avons, à travers ce
texte, redonné des moyens très forts, et mis fin à plusieurs années de
diminution des crédits sur notre aide publique au développement, mais surtout
réimpulsé une philosophie nouvelle. Le ministère la porte, les ministères de
tutelle aussi puisque le Quai et l'Economie et les Finances ont un rôle clé à
cet égard. Et l'opérateur de cette action principale qu’est l’AFD, y a un rôle
clé avec en particulier la philosophie qui se dégage derrière “Finances en
commun” et qui a permis là aussi de restructurer notre action et de la
démultiplier à travers le réseau de relations avec les banques de développement
et les banques régionales du monde entier. Et je crois que nous avons là le
début d'abord d'une nouvelle grammaire, mais d'une action beaucoup plus forte,
plus puissante à travers le monde.
Cela n'est néanmoins pas suffisant. C'est pourquoi, en 2023, pour la première
fois depuis au moins trois décennies, votre administration, celle du Quai
d'Orsay, verra son nombre d'emplois augmenter en même temps que se poursuivra
la hausse de ses moyens financiers. Depuis trois décennies. Je sais vos
attentes et votre engagement à servir. Je veux donc ici vous dire toute ma
confiance pour que votre énergie et que les moyens de notre politique étrangère
soient efficacement mis en œuvre au service des intérêts de la France. Je sais
aussi le trouble qu'a pu susciter chez vous la nécessaire adaptation de
l'action publique que nous avons engagée. Notre diplomatie est d'ores et déjà
l'œuvre de praticiens venus de multiples horizons et dont les compétences ne
tiennent pas à leur appartenance à un corps, mais à leur expérience et leur
capacité d'exercer de nombreux métiers en même temps. Et je veux ici apporter
une clarification très simple : défendre un métier, ce que je fais profondément
et ce à quoi je suis attaché comme vous, n'a jamais signifié défendre un corps.
Et donc défendre un métier est essentiel, et je le dis dans un ministère qui
est l'un des plus ouverts à l’interministériel, agrégeant déjà énormément de
talents à des postes éminents qui viennent d'autres ministères, ce qu'il nous
faut d'ailleurs pouvoir généraliser chez les voisins. Ce que la réforme de la
haute fonction publique doit permettre d'enrichir, c'est de consolider
précisément les filières d'expertise et les filières métiers qui sont
indispensables à la réussite de notre action diplomatique. Ce sont des métiers,
ils ont leurs spécificités. Ce sont des talents que nous formons, puis que nous
continuons de former, dont nous bâtissons les carrières. Il faut continuer de
le faire et de le faire encore mieux. Et ensuite, il nous faut pouvoir déployer
encore plus largement ces talents au sein de l'Etat, parce que nous en avons
besoin, et mieux agréger aussi les compétences techniques venant d'autres
horizons au cœur de notre diplomatie, et vous le savez parfaitement. Et cette
réforme doit nous permettre d'avoir une diplomatie encore plus agile là où - la
pandémie nous l'a montré - comme ce que j'évoquais par exemple sur la
régulation du numérique, il nous faut à la fois agréger ce qu'est le métier
d'être diplomate avec des connaissances extrêmement pointues dans les
technologies, les réseaux sociaux, ou dans l'épidémiologie. Et donc le temps
est à la capacité dans des task force utiles et extrêmement mobiles, de savoir
utiliser au mieux les compétences du métier diplomatique que nous savons former
et qui est une force de la France, avec les technicités de plus haut niveau.
Nous ne pouvons-nous satisfaire d'avoir, sinon des bons généralistes partout.
Ce n'est pas le cas, mais nous devons encore renforcer cette cohérence et cette
force de notre action. C'est cette philosophie qui nous guidera.
C'est pourquoi je vous encourage à vous approprier pleinement cette réforme qui
à mon avis est bonne, en particulier pour le Quai d'Orsay, de telle manière que
le Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères soit véritablement le chef
de file interministériel de l'action internationale. Et c'est aussi cela, ce
que ça permettra de faire, là où depuis plusieurs années, pour ne pas dire de
décennies, il y avait une forme de tentation progressive, à cause de matières
de plus en plus techniques à l’international, de voir les sujets sortir du Quai
d'Orsay pour avoir des irrédentismes à l'international dans chaque ministère.
C’est par cette réforme aussi, qu’on retrouvera cette cohérence d'action où le
Quai d'Orsay a cette vocation interministérielle de porter en bonne synergie et
connaissance, avec un chef de file clair.
Je vous demande à cet égard de pouvoir enrichir la réforme sous l'autorité de
la ministre et de l'ensemble de son équipe, pour que notre diplomatie soit
encore meilleure demain, encore plus agile, encore plus experte, encore plus
forte. J'ai demandé à la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères d’y
travailler avec vous en lien avec nos élus, le Parlement, dans le cadre des
Etats généraux de la diplomatie qui seront ouverts dans quelques semaines, sur
les missions et l'organisation qu'il nous faut pour avancer. Cela, il faut le
faire avec le même esprit de responsabilité, d'exigence que je vous connais en
poste à l'étranger. Le même esprit de pondération et de recul, la même volonté
d'action, parce que c'est un moment de réflexion collective et parce que nous
vivons aussi, je vais y venir, un moment de bascule du monde si intimidant,
qu’en quelque sorte nous avons chacune et chacun d'entre nous avant tout des
devoir d'être encore meilleurs au service des Françaises et des Français, d'être
plus efficaces.
Tout cela, je l'évoque au service en effet de la France dans un moment
particulier. Et permettez-moi, à cet instant du discours, d'essayer, à vos
côtés, modestement, de qualifier le moment international que nous vivons
aujourd'hui. Je pense que moi-même ici précédemment et beaucoup de mes
prédécesseurs ont dû dire que les moments que nous vivions avaient quelque
chose d'exceptionnel, c'est indéniable à chaque fois. Je crois néanmoins que
les preuves s'accumulent pour ce qui nous concerne cette année. Et il y a
quelque chose dans le moment que nous vivons qui, je crois, relève à la fois de
tendances très profondes et de long terme, mais aussi de l'accélération par la
multiplication des crises et tout particulièrement le retour de la guerre sur
le sol européen. Qui n'est pas un événement, si je puis dire, à isoler du
reste, mais arrive comme presque une conséquence logique, une catalyse de
beaucoup de phénomènes qui étaient à l'œuvre.
Je vais avec un raisonnement qui est sans doute très incomplet et très partiel,
mais en essayant de mettre quelques briques, essayez de vous dire comment à vos
côtés, je vois les choses sur ce sujet. D'abord, je le disais, le moment que
nous vivons est un moment de tendances lourdes. Le monde dans lequel nous vivons
a des forces extraordinaires, et je ne veux pas ici commencer par un discours
catastrophiste. Nous vivons dans un monde, depuis quelques décennies, qui n'a
jamais sorti autant de nos concitoyens de la pauvreté - le système
d'organisation du commerce international a permis cela durant les dernières
décennies, c'est une réalité - qui a permis une accélération de l'innovation et
de sa diffusion de manière inédite. Jamais l'humanité n'avait réussi à inventer
un vaccin face à une pandémie en moins d'un an et le rendre aussi vite
accessible à une bonne partie de l'humanité, avec des inégalités que nous avons
vu à l'œuvre, mais aussi avec une mobilisation pour essayer de les conjurer le
plus vite possible.
Nous avons aussi une interconnexion du monde inédite qui est une force - elle
est au service de l'intelligence, de l'innovation, de cette diffusion - et qui
donne une conscience universelle à beaucoup de pays et d'opinions publiques.
Mais force est de constater, je n’égrènerai pas là tout ce qui est source d'optimisme
dans le monde où nous vivons, que nous sommes plongés dans une réalité où il y
a au fond une forme de paradoxe. Jamais la scène nationale n’avait été aussi
liée à la scène internationale, jamais les problèmes que nous avions à régler
étaient essentiellement mondiaux, et jamais l’ordre mondial n’a été si fracturé
et en accélération de fracturation. Et c’est ça notre principale
difficulté.
C’est la difficulté de ce contexte qui rend encore, je dirais plus dramatique
la guerre lancée par la Russie en Ukraine. Je m’explique. En effet, il y a une
interdépendance croissante de nos économies et de nos opinions publiques avec
le reste du monde pour les raisons d’innovations que j’évoquais, et qui ont
changé profondément nos sociétés, nos démocraties. Nos économies sont ouvertes
et interdépendantes, nos peuples voyagent, et donc nos pays sont
interdépendants à tous égards et nous sommes branchés avec le reste du monde.
Nous comparons, nous savons, nous sommes informés. Donc tout cela est une
grande bascule et bouscule nos pays intimement et l’ordre établi. Nous l’avons
vécu directement dans la pandémie qui a mis le monde entier à l’arrêt et
désorganisé d’un seul coup toutes les chaînes de valeurs, et cela durablement,
par une pandémie qui s'est diffusée d'une manière extraordinairement accélérée,
qui est le fruit de la mondialisation que nous avions vécu. Et qui,
durablement, je le disais, a pour conséquence d'avoir fracturé les chaînes de
valeurs — j’y reviendrai — mais d'avoir plongé près de 78 millions de citoyens
du monde dans la pauvreté.
La crise climatique, problème global qui nous percute tous, nous l’avons vécu
dans ses dérèglements ces dernières semaines dans notre pays, mais de la
tragédie en cours au Pakistan, au Lac Tchad et dans beaucoup d'autres. Le
dernier rapport du GIEC a montré que près de la moitié de l'humanité vit
désormais dans la zone de danger, que de nombreux écosystèmes ont d'ores et
déjà atteint un point de non-retour. Ce qui veut dire que le dérèglement
climatique et la vulnérabilité, évidemment, de notre biodiversité, c'est un
phénomène mondial qui touche l'intimité de chacune de nos sociétés, mais qui
dérègle notre organisation. D'ores et déjà, puisqu'elle a commencé à être
source de migrations et elle sera la principale source de migrations dans les
prochaines années. Elle sera aussi la source de rééquilibres internationaux
compte tenu de la magnitude de ces impacts.
De la même manière, ce qui semblait relever d'un ajustement spontané du monde
et de la main invisible du marché ; pour n'en citer que deux, l'énergie et
l'alimentation, redeviennent par la conséquence des crises des sujets de
géopolitique profonds. De fait, ils l’étaient un peu, ils le sont maintenant
résolument et de manière assumée. C'est un changement complet de notre
grammaire. Mais ce qui veut dire qu'y compris pour nos pays : l'Europe est en
train de le vivre dans sa chair, certains voisins plus que nous, compte tenu de
la force de notre mix énergétique et de notre modèle. Mais ce qui veut dire que
ce qui avait force d'évidence recrée des dépendances.
Et puis les risques de sécurité, sans doute aujourd'hui plus encore qu'hier,
dont la grammaire est avant tout internationale, viennent déstabiliser
plusieurs régions. Je pense en particulier à la prolifération nucléaire au
moment où la 10ᵉ conférence d'examen du Traité sur la non-prolifération des
armes nucléaires, qui est depuis un demi-siècle un élément fondamental de notre
architecture de sécurité, vient de se conclure par un échec. Je pense aussi à
la menace terroriste qui reste très importante en Afrique comme au Levant, et
qui se nourrit d'ailleurs, parce que tous ces grands phénomènes mondiaux ont un
effet qui se renforce, qui se nourrit beaucoup de déstabilisation, des
inégalités et de l'accroissement de la pauvreté ou des déstabilisations
climatiques.
Devrais-je citer, et je ne suis là pas encore exhaustif, aussi, le fait
démographique qui va massivement, profondément structurer la géopolitique des
prochaines années. Il commence à le faire dans notre Europe, de manière
implicite par les mouvements profonds et la déprise démographique qu’ont
beaucoup de pays de l'Est. Mais surtout à un moment où l'humanité n'a jamais
été aussi nombreuse par les profonds déséquilibres qui se sont instaurés entre
les continents et qui vont s'accroître dans les prochaines années. Je le dis
là, pour ne citer qu'une partie des défis qui sont les nôtres. Mais vous le
voyez, tous les défis ont une dynamique qui est profondément internationale et
qui scelle l'interdépendance parfois de nos vulnérabilités, de nos défis, de
notre agenda national, avec notre capacité à les régler à l'international. Nous
ne pouvons régler, apporter de solutions efficaces et durables à ces sujets en
aucun cas simplement à l'échelle de la nation, en aucun cas. Nous ne pouvons le
faire que si un ordre national est fort et si des coopérations sont établies
avec des objectifs qui sont partagés. Or, et c'était le paradoxe que
j'évoquais, sans doute rarement en tout cas dans l'époque contemporaine, les
cadres, les structures et les normes de l’ordre international ont été si
bousculées et si affaiblies.
Il faut regarder avec lucidité, même si la réalité est cruelle pour nous, et
sans pour autant nous affaiblir nous-mêmes, la situation dans laquelle nous
sommes. L’ordre économique, le capitalisme ouvert, libéral, qui était une
force, qui je crois, le demeure, et qui avait permis de sortir tant de millions
de citoyens du monde de la pauvreté, s’est déréglé. Et la confiance dans
celui-ci n’est plus la même, dans notre pays et à l’international. C’est une
réalité. Elle s’est déréglée au moment de la crise financière où l’impensable
est arrivé. Elle s’est déréglée dans le règlement de la crise financière où
ceux qui en ont le plus souffert ont été les classes moyennes, en particulier
en Europe, et donc il y a une forme d’injustice de facto dans le règlement de
cette crise. Et elle a contribué à fragiliser le consensus international sur ce
modèle, et au fond, son extension dans nos frontières et à l'extérieur.
La réalité de la crise climatique que j'évoquais et la crise de la
biodiversité, ont montré aussi, en même temps que les inégalités dans nos
sociétés, que ce modèle-là n'était plus soutenable parce qu'il ne pouvait plus
laisser tant d'externalités gérées par d'autres. Le climat et l'équilibre
social sont des externalités du modèle financier qui ne sont pas réintégrées
dans celui-ci. Et le troisième épisode qui l'a profondément fracturé, c'est la
pandémie. Là aussi, c'est un autre impensable. D'un seul coup, tout s'est refermé
et nos économies ont fait l'expérience subie de l'autarcie. Alors elles ont vu
que ce n'était pas possible. Elles ont vu que ce n'était pas soutenable. Mais
elles ont vu aussi que des vulnérabilités liées à un commerce international
parfait où en quelque sorte plus aucun bien n'était stratégique parce qu'il
était porté comme hypothèse qu’il circulerait librement de toute éternité,
n'était plus vrai. Et donc la réalité, c'est que la pandémie a fracturé les
chaînes de production. Elle a re-régionalisé, parfois renationalisé, certaines
chaînes de production. Et je pense qu'elle a durablement démondialisé une large
partie de la production mondiale. Ça, c'est une première réalité qui fracture,
qu'on le veuille ou non, l'ordre économique international. Ce qui n'est pas
aisé pour régler une partie du problème.
Deuxième élément, c'est que dans le même temps, le libéralisme politique qui
était au cœur de ce projet, et je regarde là aussi la réalité du monde, est de
plus en plus bousculé. Alors ils avaient quelque chose de jumeau, tant il est
vrai que nos démocraties ont progressé sur un consensus politique et social,
primat de l'individu rationnel et libre, système politique ouvert et Etat de
droit et progrès assuré aux classes moyennes. Mais nous sommes en train de
vivre le début d'un moment illibéral. Et la téléologie dans laquelle nous
étions plongés depuis 1990 qui était l'extension de nos valeurs, de nos
systèmes de droit et de nos systèmes politiques n'est plus une réalité. La
capacité à convaincre ou l'imposer comme un modèle qui est en quelque sorte
non-contestable et qui serait l'aboutissement de l'humanité, je le dis ici, ne
fonctionne plus. Modeste expérience lucide de discussions avec beaucoup de
chefs d'Etat et de gouvernements de plusieurs continents. Parce qu'elle est
bousculée d'abord chez nous, et ensuite parce que beaucoup nous disent : « ce
modèle est-il si fort, vous semblez si malheureux. On a regardé le Capitole
l'année dernière, on vous voit chez vous, les extrêmes montent partout. Vous n'arrivez
pas à régler la grande pauvreté. Vous débattez sur le climat. » Je ne fais pas
de plaidoyer, je dis juste c'est une réalité. Nous aurons à le régler, c'est un
immense défi pour nous parce que je crois malgré tout et surtout à
l'universalité des valeurs qui sont les nôtres et des combats que la France a
portés quand elle a contribué à bâtir l'humanisme et surtout les valeurs des
lumières qui ont présidé à cela. Mais force est de constater que les choses
sont aujourd'hui plus fracturées et que ce moment-là est une fragilité.
Troisième élément, c'est aussi l'affirmation de puissances autoritaires et de
déséquilibre que nous avons du mal à contrer ou endiguer : L'Iran, j'espère que
dans les prochains jours le JCPoA sera conclu, mais nous voyons la difficulté
qui est la nôtre collectivement. Et la Russie, membre permanent du Conseil de
sécurité, puissance dotée, qui viole délibérément la Charte des Nations unies
dans une logique impérialiste assumée. C'est un changement profond. Mais le
fait que par le droit et le jeu des puissances et l'équilibre des capacités de
dissuasion, ces dernières années, nous n’ayons pas réussi collectivement à
contenir ou endiguer ces puissances de déséquilibre, est un problème évidemment
qui fragilise l’ordre international.
Et le dernier point, chacuns sont liés mais il n’est pas le
moindre, c’est qu'émerge de manière de plus en plus évidente et c’est le fait
qui va devenir le plus en plus structurant et que malgré l’actualité, nous ne
devons pas perdre de vue : la géopolitique se structure progressivement autour
d’une compétition entre les États-Unis et la Chine. Et cette compétition, elle
est problématique pour nous à plusieurs égards. D’abord parce qu’elle incite la
Chine, et nous le voyons à l’œuvre, à redéfinir les règles du jeu international
en installant un narratif selon lequel ces règles, au fond, seraient centrées
sur la puissance américaine et que ce qui était un consensus universel établi,
est maintenant quelque chose qu'ils peuvent légitimement contester. En proposant
d'ailleurs des solutions, des valeurs qui conviennent mieux à plusieurs
géographies du monde. Donc, il y a en quelque sorte une compétition
d'universalisme qui est à l'œuvre. La Chine, ce faisant, cherche à bâtir à
l'aune de son intérêt propre un ordre international qui soit en concurrence, en
compétition avec celui dont Washington était le garant en dernier ressort, mais
enfin qui était aussi le nôtre à tous ces égards. Cela fragilise la capacité de
l'ordre international.
Par contre, il y a une chose dans ce contexte qui est clair, c’est la force, je
le crois, de la diplomatie française et de notre Nation. Nous n'avons jamais
été ni alignés, ni vassalisés derrière quelque puissance que ce soit. Nous
avons des partenaires, nous avons des alliés, nous avons une convergence de
valeurs avec les États-Unis d'Amérique qui est forte, mais nous avons toujours
gardé et j'y reviendrai, notre indépendance. La menace de ce moment est
évidemment qu’on somme chacun de choisir son camp, et que cette compétition
structure fracture profondément et fragilise les initiatives internationales.
Nous avons vu cette compétition à l'œuvre au sein même de l'Organisation
mondiale de la santé, au cœur de la crise. Tout ça pour dire que - et je ne
dresse là encore une fois qu'un panorama partiel - la capacité de l'ordre
international à agir collectivement sur des consensus établis et partagés par
tous, malgré des désaccords partiels, s'est affaibli ces dix dernières années.
C'est un état de fait. Et au moment même ou pour régler les problèmes qui sont
aussi les nôtres et ceux de la planète, nous avons besoin de plus de
coopération, la capacité à en produire s'est affaiblie. C'est ça notre
défi.
C'est dans ce contexte-là que la guerre décidée par la Russie en Ukraine et le
retour de la guerre sur le sol européen, prend une nature toute particulière,
et est un moment, je le crois, de profonde bascule pour nous, notre continent
et l'ordre international. L'invasion de l'Ukraine par la Russie est une rupture
historique parce qu'elle affecte directement notre sécurité dans le contexte
que je viens d'évoquer. Elle viole et sape les principes sur lesquels nous
avions bâti la paix depuis des décennies : l'intégrité territoriale des États,
leur égalité souveraine, la Charte des Nations unies. Elle rend plus difficile
encore la résolution des crises internationales par la division profonde du
Conseil de sécurité des Nations unies et la déconstruction des traités et des
cadres de notre architecture de sécurité. Donc elle vient appuyer ce qui était
déjà à l'œuvre.
Elle est aussi une rupture par la nature de cette guerre et les conséquences
mondiales qu'elle emporte et la puissance de ses conséquences sur à la fois
l'énergie, l'alimentation, l'immigration, l'information mondiale - on le voit
dans nos opinions. Et d'ores et déjà cette guerre, j'y reviendrai, pour
laquelle nous faisons tout pour qu'elle ne se mondialise pas, c'est une guerre
hybride, mondialisée. C'est la première guerre hybride qui, par les techniques
utilisées par la Russie et ce dès l'utilisation du fait migratoire par le
truchement de la Biélorussie plusieurs mois avant la guerre, a décidé
d'utiliser ce qu'elle avait théorisé il y a quelques années, l'hybridité, et
par le truchement de cette hybridité et des quelques leviers que je viens
d'évoquer, a mondialisé le conflit. Elle fait aussi que nous sommes plongés
dans une guerre de narratif, dans une guerre d'interprétation parce que la
Russie veut utiliser le contexte que je viens d'évoquer, et en quelque sorte
installe un relativisme contemporain où avec le travail de sape qui a été fait
sur l'universalisme de nos valeurs et le consensus qui existait jusque-là sur
les principes de l'ordre international, ayant été fragilisé ou bousculé chez
certains, elle invoque en quelque sorte la rationalité, la logique, elle change
le système de culpabilité en le mettant du côté de l’OTAN, et elle naturalise
et en quelque sorte, légitime en totalité dans une logique implacable sa propre
intervention.. Ce faisant, elle scelle un travail qui est à l'œuvre
d’affaiblissement, mais qui est extrêmement dangereux pour l’ordre
international et pour l’intimité de nos démocraties.
Elle ajoute aussi à la somme des déséquilibres qui lui préexistaient, le danger
d’une déflagration à l’impact mondial. Et au fond, de rendre ces fragmentations
que j’évoquais, ces fracturations totalement irréversibles. Elle engendre aussi
de nouveaux et profonds déséquilibres. Elle aggrave la fracture Nord-Sud,
d’abord parce que nous devons regarder tous les pays qui se sont abstenus lorsque
nous avons demandé à chacun de choisir. En quelque sorte, cela a révélé le
doute sur un consensus qu'on pouvait penser beaucoup plus puissant. C'est une
réalité qui doit nous conduire au travail, j'évoquerai cela dans un instant,
parce que plus d'1 milliard 700 millions de personnes dans le monde sont
directement affectées par la hausse des prix des aliments, de l'énergie et
beaucoup plus encore dans les semaines à venir.
Donc cette guerre au fond risque ce faisant d'accélérer, elle est en train de le
faire, les fracturations, mais aussi la Summa divisio mondiale, la Russie étant
en quelque sorte le déclencheur, la puissance de déséquilibre qui va accélérer
cette summa divisio entre les Etats-Unis et la Chine. Car la Chine est tapie
derrière, ayant structuré le camp de l'abstention, cherche à pousser ses
intérêts profonds et à instaurer au fond un rééquilibrage, en tout cas une
scission de l'ordre international qui n'est absolument pas dans notre intérêt
et que nous devons prévenir. Enfin, les forces sont là, à l'œuvre, qui doivent
y conduire. Et les tensions actuelles dans le détroit de Taïwan de ces
dernières semaines contribuent à ce que cette grammaire ait quelque chose
d’implacable.
C'est bien à cette réalité, dans le contexte que je viens d'évoquer, que nous
devons faire face : une guerre d'annexion à nos portes menée par une puissance
dotée, membre permanent du Conseil de sécurité, adossée à une guerre hybride,
déployée à l'échelle mondiale et une déconstruction historique des cadres qui
permettaient de réguler la mondialisation et les relations entre nations. C'est
ça la guerre en Ukraine. Et donc, je le dis ici avec beaucoup de force parce
que c'est un changement profond pour notre pays et notre diplomatie. Le temps
où nous pouvions espérer tirer les dividendes de la paix est révolu et je pense
pour longtemps, parce qu'il va nous falloir la défendre et la rebâtir. Le temps
où nous pensions pouvoir jouir de nos libertés sans en payer le prix est
dépassé. Il nous faut chérir notre liberté, nos valeurs, mais il va nous
falloir les défendre, nous battre pour elles et accepter toutes les
conséquences que cela implique quand d'autres se battent en notre nom. C’est ce
qui se passe exactement aujourd'hui en Ukraine. Et le temps où l'ordre
international défini après la Seconde Guerre mondiale, consolidé à l'issue de
la guerre froide, était au cœur des relations entre les nations et est battu en
brèche, il nous faut le reconstruire.
Voilà le constat, et à mes yeux, le cœur de ce moment que nous vivons. Vous le
voyez bien, tout ça ne doit pas inciter ni au pessimisme ni à la fatalité.
C'est un immense défi, immense. Et donc, pour ce faire, il nous faut vraiment
une diplomatie de combats au pluriel et essayer de définir très clairement
quelques principes et quelques objectifs pour éviter en quelque sorte que le
mouvement gravitaire que j'ai décrit ne se poursuive et qu'au fond, la guerre
d'une part ne s'étende, mais d'autre part, n’accélère les phénomènes à l'œuvre
et le désordre international que j'évoquais. C'est ça le défi d'aujourd'hui qui
est celui de la France et de sa diplomatie.
Alors, pour ce faire, de manière très prosaïque, mais dans ces moments
complexes je trouve qu'il est toujours bon de rappeler des choses simples. Je
voudrais ici juste donner quelques invariants à mes yeux et moyens de bâtir
cette diplomatie et nous donner trois grands objectifs. Ils ne seront pas
exhaustifs, mais je pense qu'ils nous donnent un cap utile. Les invariants et
les moyens, je veux qu'on garde en tête, c'est d'abord le respect de la
souveraineté de chaque Etat et de son intégrité territoriale. Je pense que
c'est très important. D'abord parce que c'est le meilleur argument que nous
avons aujourd'hui face à la Russie. Parfois, nous avons pu, l'Occident a pu
introduire le doute sur ces sujets au nom même de nos valeurs. Parfois,
avons-nous nous-mêmes, par nos actions, documenté le procès que d'autres nous
faisaient à cet égard. Je veux ici que ce soit clair : c'est pour moi un
invariant. On ne bouge pas le destin des peuples en se substituant à eux. On
peut construire des coalitions pour qu’ils soient contraints de changer leurs
dirigeants, on peut faire pression, on peut construire des actions utiles. On
pourra légitimement, à travers le temps, interroger les mécanismes pour le
faire utilement. Je crois aux coalitions régionales, aux pressions multiples
d’acteurs. Nous devrons d’ailleurs réévaluer collectivement tout notre
dispositif de sanctions à l’aune de ce que nous sommes en train de faire et des
résultats que nous aurons dans les prochains mois et les prochaines années.
Mais je veux ici le poser : la souveraineté des peuples et l’intégrité
territoriale des Etats, c’est un invariant.
La deuxième chose dans ce monde complexe, c’est qu’il faut assumer à chaque
instant de pouvoir et de toujours continuer à parler à tout le monde. Si la
diplomatie était l’art de parler avec les gens avec lesquels nous sommes
d’accord, je ne vous proposerais pas l’ambition pour le réseau que j’exposais
tout à l’heure parce que nous aurions besoin de beaucoup de moins de postes et
de beaucoup moins de moyens. Mais il faut totalement l’assumer et il ne faut
céder à aucune forme de fausse morale qui nous impuissanterait. Qui a envie que
la Turquie soit la seule puissance du monde qui continue à parler, et à être
membre de l’OTAN dois-je le rappeler, à la Russie ? Et demain, à ce que les
mêmes d’ailleurs qui oublient de le dénoncer puissent dire “C’est formidable,
regardez comme la Turquie est forte, la France n’est même pas capable de
construire la paix.” La belle affaire, vous la sommez chaque jour de ne plus
parler ! Oui, le métier de diplomate, c’est bien de parler à tout le monde, y
compris aux gens et surtout aux gens avec lesquels nous ne sommes pas d’accord.
Et donc nous continuerons de le faire, mais avec là aussi une grammaire simple.
Nous avons des coalitions, nous avons des alliés, nous défendons la cohérence
avec nos alliés. C'est pour ça que, étant allié de l'OTAN, nous avons décidé
avec les autres membres de sanctions. Et nous ne faisons pas partie de certains
membres de l'OTAN qui n'ont pas mis les sanctions mais vont faire du commerce
avec la même Russie. Je le dis ici en fermant la parenthèse, mais comme ça se
fait dans un silence assourdissant, c'est bon de le rappeler. Nous, nous avons
des alliances, des coalitions d'actions. Nous sommes cohérents, mais nous
devons défendre une liberté d'action, de dialogue pour avoir une action
utile.
Et puis le troisième élément, c'est que je crois que nous allons devoir de plus
en plus – et je pense que c'est une force de notre réseau, c'est dans ses gènes
– bâtir des partenariats équilibrés, d'égaux à égaux. Les grandes structures
avec une puissance faîtière qui essaie de vassaliser les autres, ça ne marche
plus. Ça marchera de moins en moins. Mais l'idée de bâtir des partenariats qui
soient régionaux, j'y reviendrai, qu'ils soient bilatéraux où, avec beaucoup de
respect on redéfinit des équilibres, avec une grammaire qui est d'ailleurs
différente. Le sport, la culture, j'y reviendrai tout à l'heure, des éléments
de gastronomie, ce qu'on appelle l'influence ou le soft power en bon français,
je crois, sont des éléments clés d'une capacité à agir utilement et à compléter
encore plus notre axe.
C'est à la fois les invariants et les principes de méthode. Je voulais les
rappeler ici pour que les choses soient claires pour chacun et pour qu'on
puisse ici avancer. Ensuite, je voudrais nous assigner trois objectifs simples,
qui d'ailleurs s'inscrivent dans la cohérence de notre action, parce que je pense
que ce que nous avons fait ces dernières années n'était pas orthogonal, bien au
contraire, avec ce que nous sommes en train de voir se jouer devant nous.
Je pense que le premier objectif de notre diplomatie, ça doit être de défendre
la force, l'influence et l'indépendance de la France. Le premier, et parfois
quand il n'y en a qu'un à suivre, c'est celui-là. C'est cohérent et ça scelle
cette intimité entre l'objectif national et international. D'abord parce qu'il
n'y a pas de diplomatie forte s’il n'y a pas une économie forte. Ça n'est pas
vrai. Les gens vous regardent, ils regardent vos armées, je l’évoquais tout à
l'heure. Ça, on l'a. Ils regardent votre économie. Nous avons mis fin à une
longue période de désindustrialisation. Je suis fier que nous soyons les
premiers en création de startups, en développement. Nous sommes en train de
réindustrialiser. Mais enfin, on est loin du compte. La diplomatie doit servir
cet agenda, pour aujourd'hui et pour demain. Parce que plus le pays sera fort
économiquement, plus nous aurons une capacité à rayonner, installer, développer
notre force. Et donc, à cet égard, je veux vraiment saluer le travail qui a été
fait ces dernières années par l'ensemble des opérateurs, par tout le réseau,
parce que moi, j'aime la cohérence aussi sur le terrain. On a des opérateurs
mais sur le terrain, c'est l'ambassadrice ou l'ambassadeur qui doit piloter les
différents ambassadeurs. Il y a une France, partout dans le monde, il y a une
France. Puis, elle utilise des leviers, le réseau diplomatique, ses conseillers
et conseillères culturelles et les instruments qu'on lui donne, que ce soit
l’AFD, Business France, etc.. C'est très important. Je ferme cette parenthèse.
Mais il y a un très gros travail qui a été fait. Je vous en remercie.
Je veux qu'on continue l'accélération du travail pour notre attractivité. Et
donc nous allons évidemment pérenniser les fameux Choose France. Nous allons
continuer d'ailleurs d'y porter à la fois notre force économique, mais
également notre force culturelle, sportive et gastronomique parce que je crois
à la synergie de ces agendas, elle est très puissante. La force, il ne faut pas
mettre les choses en silo, les grandes entreprises sont comme les citoyens, ils
cherchent une expérience. La France, ce sont des valeurs, c'est un rapport
justement à la beauté qui nourrit son attractivité. Tout ça a beaucoup de
synergies, et nous avons su parfaitement le développer. Et je vous dis : ça
marche beaucoup mieux de faire Choose France à Versailles, de pouvoir parler
culture, de faire rencontrer toutes celles et ceux qui portent nos grands
projets culturels en même temps, d'expliquer nos réformes, c'est d'ailleurs un
avantage comparatif de la France par rapport à beaucoup d'autres. Et je vous
l'écris, d'ici à 10 ans, ça marchera mieux que des stations isolées du reste du
monde de réunir les gens à proximité de Paris dans de très beaux lieux. Donc,
nous allons continuer, mais cet agenda d'attractivité est clé à mes yeux, clé.
Et donc, vraiment, je salue le travail de toutes celles et ceux qui l'ont
porté. Mais je vous demande qu'on continue à aller encore plus fort. De la même
manière, tout ce que je veux qu'on poursuive sur la diplomatie gastronomique,
le développement de notre tourisme est absolument clé. Et donc, là aussi, le rôle
de Business France, d'Atout France, des initiatives pour la gastronomie, des
prix que nous avons su créer, de ce qui a été conduit est absolument
nécessaire, ça n'est pas une mission accessoire parce que là aussi, elle a
énormément de synergies avec le reste.
Je veux ensuite que nous puissions évidemment continuer de développer notre
stratégie de commerce extérieur au service de cet agenda économique. Je
voudrais juste donner deux actions toniques en complément de tout ce qui est
fait. Moi, je suis frappé de voir - vous me direz, les délégations du président
de la République sont mes meilleurs exemples de ce que je vais ici non pas
dénoncer, mais on a collectivement beaucoup d'habitudes - souvent les mêmes
groupes dans mes délégations et parfois dans quelques voyages, je m'aperçois
qu’ils ne sont pas forcément ceux qui ont le plus besoin de moi pour
s'installer dans les pays. Puis, après, je regarde même quelquefois, est-ce que
ça crée beaucoup d'emplois en France ? Ce n'est pas toujours ceux qui ont créé
le plus d'emplois en France. Donc je pense qu'il faut qu'on arrive à
resynchroniser ces agendas pour que ce soit compris et soutenu par nos
compatriotes. Il faut qu'on accompagne beaucoup plus - encore qu'on a commencé
à le faire ces dernières années - les petites et moyennes entreprises et les
entreprises de taille intermédiaire à l'international. Si on est différenciant,
c'est là. Et ce qu'on a réussi à faire en mettant en synergie la Banque
publique d'investissement, Business France : le réseau est clé. Mais on change
la vie d'une petite et moyenne entreprise, d'un territoire français si on amène
dans un déplacement ministériel, ou si une ambassade prend une initiative
beaucoup plus que pour un grand groupe, on le sait bien. Et donc là, ce travail
a été largement commencé ces dernières années. Mais il faut qu'on l’accélère
absolument pour pouvoir démultiplier cette stratégie d'accompagnement qui est
une démonstration, je dirais, la plus parfaite et automatique de la force de
notre réseau, de sa puissance pour les acteurs économiques du territoire
français. Ils sont après, si je puis utiliser cette formule, vos meilleurs
ambassadeurs.
Ensuite, je souhaite qu'on puisse mettre en cohérence notre stratégie de
commerce extérieur avec France 2030. Nous sommes en train d'investir
massivement sur plusieurs segments d'innovation, mais aussi de transformation
de notre tissu créatif, agricole, industriel. Il est absolument clé que le
réseau accompagne les priorités de France 2030 parce que c'est comme ça qu'on
arrivera tout de suite à avoir des acteurs qui ont la bonne maille d'action et
qui trouveront les bons partenaires. C'est ce qui nous permettra aussi de mieux
servir certaines PME agricoles, par exemple, qui sont au cœur de ces projets,
nos industries culturelles et créatives qui sont un élément clé à mes yeux de
ce que nous pouvons faire à cet égard.
Et puis, dernier point sur la contribution à rendre la France plus forte et
participer à justement son influence et son rayonnement. C'est au-delà de ce
que j'ai pu dire, d'assumer totalement une stratégie d'influence et de
rayonnement de la France. Notre rayonnement, certaines et certains le trouvent
passé. J'aime, moi, le mot d'influence, il faut l'assumer. L'influence consiste
simplement à expliquer ce que nous sommes et pouvoir le porter en respectant
d'ailleurs les uns et les autres et en assumant qu'il n'y a pas forcément, si
je puis dire, de rapport déséquilibré. Mais c'est expliquer ce que nous sommes.
C'est au cœur de notre stratégie, et ça permet de rendre la France plus forte,
plus compréhensible dans le reste du monde, et donc plus en effet influente à
la fin. Et donc, au-delà de ce que j'ai pu dire sur notre stratégie
d'attractivité, notre stratégie de commerce extérieur, je veux qu'on continue
le travail qui a été commencé et qu'on le renforce sur l'école et l'éducation.
La réforme que nous avons conduite de l’AEFE, à qui je veux rendre ici hommage,
était absolument claire et a permis de démultiplier en changeant les cadres.
Alors, ça a créé parfois des contrariétés parce qu’on a assumé ce qui était
parfois une réalité sur le terrain, mais on a permis d'en faire une vraie issue
permettant de scolariser nos enfants partout à l'étranger. Et on sait
d’ailleurs les géographies où nous devons aider à faire mieux, mais aussi très
souvent, de scolariser des enfants d'autres pays du monde entier qui souhaitent
avoir accès à la langue française et à la qualité de notre enseignement. C'est
une immense force. Et donc, nous allons continuer d'investir, d'accompagner et
de démultiplier aussi les coopérations, de la même manière que je veux que nous
puissions renforcer encore nos coopérations universitaires avec les acteurs
dans les pays clés pour nous sur ce volet.
L'autre point, c'est la culture, je l’ai évoquée rapidement. Le réseau a un
rôle clé aux côtés de l'Institut français qui est à cet égard là aussi l'entité
faîtière. Et je remercie la mobilisation et celle de tous les agents pour nous
permettre de bâtir des projets culturels partout dans le monde. Vous le faites
chaque jour, mais je souhaite qu'on lui donne une nouvelle impulsion. On a
réussi à le faire ces dernières années, on en voit la force dans beaucoup de
pays où je me suis rendu récemment, en particulier en Afrique. Mais ces projets
culturels, je veux qu’on les bâtisse sur cette philosophie du partenariat
d'égal à égal et en s'appuyant aussi sur les risques que nous avons pris
collectivement. Le changement de philosophie profond que la France a porté sur
la restitution des œuvres d'art est un levier extraordinaire de partenariat
culturel et de création. Le Bénin en est le meilleur exemple. La restitution
des 26 œuvres du trésor d'Abomey a permis, pas simplement ce qui est à mes yeux
une œuvre de justice et de cohérence scientifique et culturelle, mais d'irriguer
la créativité contemporaine et de la faire ensuite circuler en France et de la
donner à voir. Et c'est ça qu'il nous faut déployer partout, parce que ça
change profondément le regard que beaucoup de pays ont de la France, que leurs
opinions publiques ou leur jeunesse ont de la France. A cet égard, nous devons
aussi démultiplier nos coopérations sur l’industrie culturelle et créative, sur
le patrimoine et réussir là aussi à utiliser des formes partenariales que nous
réinvestissons. C'est ce qui a été fait il y a maintenant plusieurs années et
sous l'autorité de François HOLLANDE avec ALIPH qui est, je pense, une
formidable capacité pour la France à rayonner sur le patrimonial dans les zones
de crise ou de guerre et à avoir cette puissance justement scientifique et
culturelle. C'est ce que nous sommes en train de faire sur la francophonie où
nous avons assumé en quelque sorte que l'épicentre et les acteurs aujourd'hui
clés étaient sans doute les pays d'Afrique - et comme je l'ai dit plusieurs
fois, l'épicentre est dans le bassin du fleuve Congo - mais en assumant là
aussi un rôle pour la France, accompagnant les projets de traduction, les
projets de reconnaissance des écrivains, de défense des écrivains, un jeu par
les opinions publiques et la création, aussi le déploiement de nos valeurs et
de notre agenda diplomatique, mais par d'autres voies. Et également avec des
initiatives fortes comme Villers-Cotterêts que nous ouvrirons au printemps
2023, où nous aurons au cœur de la France un projet qui donnera à voir, pas
simplement un musée, mais aussi un lieu de recherche, d'éducation, de création
de la langue française. Et pas simplement en France mais à travers le monde. Et
donc vous le voyez, cet ensemble d'initiatives - et là aussi je suis partiel -
est clé pour cette stratégie d'influence de la France et place la culture au
cœur de cet agenda.
Notre sport doit aussi être au cœur de cet agenda d'influence parce que la
possibilité que nous nous sommes offerte d'organiser les Jeux Olympiques et
Paralympiques en France en 2024, est un moment de mobilisation de toute notre
réseau inédit. D'abord parce que nous aurons un événement diplomatique et
protocolaire unique organisé à Paris, en Seine-Saint-Denis, à Marseille, en
Polynésie française et dans tous les territoires qui sont mobilisés autour de
cet événement. Mais surtout, nous avons des jalons à mettre en place et à avoir
une stratégie sport-éducation qui est à mettre au cœur de notre diplomatie,
parce que c'est aussi un des truchements de notre influence et de notre
capacité à parler différemment aux opinions publiques et à certains pays. Avec
le continent africain, avec le continent asiatique, avec le continent
latino-américain, la stratégie sportive et éducative est un levier de création
de projets communs, comme le ministère a su le faire, entre autres avec l'AFD
mais c’est un changement complet des perspectives, ce sont d’autres acteurs.
C’est la capacité que nous avons par le sport aussi à valoriser nos diasporas
et c’est un changement complet également de la perception de la France. Donc la
puissance créatrice qu’il y a derrière ces initiatives, fait que, c’est pour ça
que j’y insiste tant, ce ne sont pas du tout des sujets anecdotiques.
Vous le voyez bien, cette stratégie d’influence au service d’une France plus
forte, qui passe par la gastronomie, par l’école, la culture, le sport, est
absolument cœur dans les missions de notre réseau. Cœur, parce qu’elle permet
de changer les perspectives. Elle nous donne plus de force. Elle permet d’avoir
beaucoup plus de leviers sur les sociétés civiles. De créer d’autres connexions
de société civile à société civile pour un pays comme la France, qui a des
diasporas si fortes et qui est un levier aussi de reconnaissance de la force de
nos diasporas pour elles-mêmes et par elles-mêmes.
Parlant d'influence, je veux ici aborder également un levier plus défensif, et
c'est une mission nouvelle des dernières années qui doit être au cœur des
missions du réseau. Le monde a changé, je l'ai évoqué, et notre pays est
souvent attaqué. Il est attaqué dans les opinions publiques par les réseaux
sociaux et des manipulations. Le continent africain en est le meilleur
laboratoire. Alors, par tout ce que je viens de dire, je veux qu'on sape en
quelque sorte les sous-jacents. C'est parce qu'on aura une vraie politique
partenariale qui passe par la culture, le sport et qui valorise la diaspora,
qu'on enlèvera, si je puis dire, les sous-jacents du narratif russe, chinois ou
turc, qui viendraient leur expliquer que la France est un pays qui fait de la
néo-colonisation et qui installe son armée sur leur sol. C’est ça qui se passe.
Il faut donc casser, en quelque sorte, les éléments qu'on leur laisserait
employer.
Mais on doit être beaucoup plus agressifs, mobilisés sur ce sujet. C'est
pourquoi nous avons créé ces dernières années un poste d'ambassadeur dédié
spécifiquement à cette question, qui est absolument fondamentale et qui, à mes
yeux, est, comme je viens de l'évoquer, clé. Celle-ci, permet justement de
travailler sur la diplomatie publique en Afrique, d’installer notre narratif et
de donner nos arguments. Je pense que collectivement, nous devons être beaucoup
plus réactifs, beaucoup plus mobilisés sur les réseaux sociaux, travailler avec
des alliés, des partenaires de la France dans les opinions publiques. Pas
simplement pour contrecarrer évidemment ces fausses informations, mais pour
pouvoir les stopper de manière très claire, au plus vite et porter la
valorisation de nos propres actions.
A cet égard, nous devons beaucoup mieux utiliser le réseau France Médias Monde,
qui est absolument clé et qui doit être une force pour nous. Je pense que nous
avons collectivement à repenser notre grammaire commune. Parce qu'il y a
parfois un décalage conceptuel entre l'idée que nous nous faisons dans nos
frontières de l'indépendance, ce qui est tout à fait légitime de la part des
journalistes et des rédactions et la réalité à laquelle ces mêmes rédactions
sont confrontées sur le terrain quand il y a des propagandes anti-françaises
réelles. Nous avons besoin d'avoir des instruments de communication qui disent
quand la France est attaquée à tort, qui disent ce que fait la France et qui
relaient notre action : l'action de nos écrivains, de nos artistes, de nos
sportifs et de nos diplomates. Aujourd'hui, on subit trop, ou on ne fait pas
assez. C'est donc un changement de conception profond, d'organisation et
d'outils. On a commencé à le mettre en œuvre et c'est très cohérent avec ce que
nous faisons sur le sol national aussi parce que nous avons à en subir les conséquences
et parce que cette propagande maintenant est aussi très active chez nous.
Mais je compte vraiment sur vous toutes et tous et sur le réseau pour vous
mobiliser dans cette stratégie d'influence, et, vous le voyez bien aussi, de
contre-influencer pour combattre les narratifs mensongers, les informations
fausses et défendre la réalité de notre action. Il ne s'agit pas de faire de la
propagande, il s'agit, pour les uns de défendre de l'information libre dans un
cadre construit - j'y reviendrai pour l'action plus large - et pour les autres,
de défendre partout des raisons encore plus fortes et on va vous en donner les
moyens d'action commune. C'est à mes yeux, vous l'avez compris un point
clé.
Défendre et permettre à la France d'être plus forte et plus influente passe par
cette mobilisation et tous ces éléments que j'attends de la part du réseau.
Cela passe aussi par une mobilisation de notre diplomatie à l'échelle
européenne pour justement renforcer cette indépendance. On est dans un moment
clé qui va structurer notre action, en particulier européenne, sur ce volet. On
a commencé de le faire, on en a posé les soubassements, mais il va falloir
aller beaucoup plus loin. Dès le sommet de Versailles, il y a quelques mois,
sous présidence française, nous avons acté la généralisation de l'agenda que la
France avait porté dès 2017 sur ce volet. Les mois et les années seront clés
pour bâtir notre souveraineté énergétique et technologique. C’est absolument
clé. Nous en avons les moyens mais là aussi c’est un changement profond et
l’Europe est le bon truchement.
Il ne faut pas choisir entre la souveraineté énergétique et le climat. Il faut
faire les deux en même temps et c’est au niveau européen qu’on peut faire les
deux en même temps. C’est pourquoi, nous aurons à défendre un agenda très
volontariste en la matière pour mettre fin à notre dépendance énergétique
vis-à-vis de la Russie, accélérer la mise en œuvre de nos ambitions
climatiques, réduire évidemment nos recours aux fossiles, diversifier nos
approvisionnements et accélérer notre stratégie de transition.
Ce qui passe par quoi ? Avoir une vraie Europe de l'énergie puis avoir une
vraie Europe des réseaux électriques, qui est un des chantiers sur lesquels
nous nous retrouvons avec l'Allemagne. Mais je le dis aussi avec beaucoup de
force, la France devra défendre un agenda où il ne s'agit pas d'aller recréer
d'autres dépendances. Quand j'entends qu'on pourrait substituer au gaz
l’hydrogène, c'est vrai, si on produit l'hydrogène. Mais si on substitue au gaz
l’hydrogène - qui certes est un moyen plus propre - qui est produit ailleurs,
la belle affaire ! On va recréer les dépendances géopolitiques dont nous voyons
aujourd'hui tout le prix. Parce que nous avons à la fois le renouvelable et le
nucléaire et que nous avons une stratégie dans le temps qui le portera - mais
ça doit être une ambition européenne - nous avons la possibilité de produire de
l'énergie décarbonée. Et donc, nous aurons à être vigilants en Europe pour
qu'il n'y ait pas, à l'aune de la crise que nous vivons, de nouvelles
dépendances énergétiques qui n'apparaissent. Et ça, pour moi, c'est au cœur des
missions de la France.
Nous aurons également sur les matières premières critiques, les
semi-conducteurs, la santé, les produits alimentaires, le numérique évidemment,
un agenda d'autonomie européenne renforcé à bâtir. Ce que nous sommes déjà en
train de faire, mais qui sera clé pour les prochains mois. De la même manière,
c'est au niveau européen que nous aurons, pour bâtir cette indépendance de la France,
à parachever le travail sur les sujets de sécurité et de migration et sur les
sujets de défense. Nous avons commencé sous présidence française avec la
réforme de Schengen et le pacte sur l'asile et l'immigration, pour mieux
protéger ensemble et dans la solidarité face aux crises migratoires. Il nous
reste beaucoup à faire pour mieux prévenir les arrivées et mieux organiser la
coopération pour les retours vers les pays d'origine et surtout pour
homogénéiser et rapprocher, on le sait, nos systèmes d'accueil et
d'asile.
En matière de défense, nous aurons à renforcer nos capacités européennes de
défense en augmentant les dépenses communes, en encourageant les projets
communs. Mais je veux le dire très clairement, la France aura une stratégie à
trois étages. D'abord le national. C'est pourquoi j'ai demandé au ministre et
au chef d'état-major des armées de construire un exercice stratégique qui sera
parachevé pour la fin du mois de septembre. Celui-ci donnera lieu ensuite à un
exercice de reprogrammation d'une loi de programmation militaire qui, en fin
d'année ou au début de l'année prochaine, sera parachevée et qui donnera lieu
ensuite à un texte de loi qui pourra, début 2023, arriver au Parlement. Avec,
là aussi, la prise en compte des nouvelles réalités, des nouveaux
besoins.
Le deuxième étage sera évidemment l'étage européen, avec la consolidation de la
coopération nouvelle, avec une cohérence plus forte que nous devons avoir. Si
chaque Etat européen dépense davantage, ce n'est pas pour acheter non-européen.
Là aussi, il faut sortir progressivement d'une logique de dépendance qui est
clé pour avoir notre capacité d'action stratégique et ne pas subir les normes
qui sont imposées hors de l'Europe. Absurde serait le continent qui déciderait
de massivement, dans un contexte économique comme le nôtre, investir pour
acheter ailleurs et ne pas avoir la liberté d'action. Donc, nous allons devoir
continuer à porter le fer parce que ce n'est pas automatique chez tous nos
partenaires, mais je crois que c'est cohérent.
Puis le troisième étage est celui de l'OTAN. Je crois que nous avons
collectivement démontré que l'Europe de la défense n'était pas en concurrence
ou un substitut à l'OTAN, mais qu'elle en était un des piliers. Là aussi il se
trouve que dans l'Alliance nous ne voulons pas être simplement des partenaires
vassalisés qui ne dépendons que d'une puissance qui a la capacité. Avoir une
Europe plus forte, c'est aussi acter que l'Europe a besoin parfois de pouvoir
choisir pour elle-même la sécurité sur son sol ou dans son voisinage. Je me
félicite aujourd'hui que nous ayons un président comme le Président BIDEN, qui
partage nos valeurs et qui a remis les États-Unis d'Amérique sur le fil d'un
progressisme et d'une coopération avec nous tous. Nous avons payé le prix de
l'incertitude. Peut-on toutefois suspendre notre sécurité collective au choix
de l'électeur américain ? À titre personnel pour avoir vécu les conséquences,
non. C'est pourtant formidable d'avoir un allié fort, mobilisé, qui pense sur
beaucoup de choses avec nous et qui est prêt à agir. C'est encore mieux de
pouvoir le mobiliser à nos côtés, mais de ne pas en dépendre. C’est cette
grammaire que nous sommes en train d’installer au sein de l’OTAN. Je pense
qu’elle est indispensable. Je me félicite à cet égard que ces derniers mois,
nous ayons consolidé l’Europe de la défense avec le choix fait par le Danemark
de rejoindre nos politiques communes en la matière et consolider l'OTAN avec le
choix fait par la Suède et la Finlande, choix souverain, de rejoindre l'Alliance.
Vous le voyez à travers ça, c'est bien notre indépendance que nous renforçons
et que nous consolidons. C'est cette même volonté d'indépendance que je veux
aussi au niveau géopolitique. En effet, l'Europe est de plus en plus autonome
et se pense de plus en plus en termes géopolitiques. Toutefois, l'Europe ne se
limite pas à l'Union européenne. Vous m'avez souvent entendu le dire : si nous
ne pensons pas à l'Europe hors de l'Union européenne nous nous condamnons à ce
que l'Union européenne épouse à termes l'Europe. Nous aurons à choisir entre
l'intimité de nos politiques, la proximité des Etats et la cohérence
géopolitique de ce qu'est l'Europe. C'est fort de cette tension et de cette
réalité qu'il y a quelques mois, j'ai proposé ce projet de Communauté politique
européenne, s'inspirant d'ailleurs des projets français de confédération qui
avaient été portés juste après la chute du mur de Berlin. Je parle sous le
contrôle de celles et ceux qui y ont participé. Ceux-ci n'avaient sans doute
pas été suivis parce qu'ils étaient trop apparus comme un substitut à
l'élargissement pour certains, dont ils considéraient que c'était un dû - je
pense à beaucoup de pays qui étaient de l'autre côté du mur européen - et parce
que la Russie en était membre dès le début. Vous avez donc raison de rappeler
qu'elle l'était parce qu'elle avait un dirigeant qui l'honorait et qui avait
pris des risques politiques éminents. Ce qui me permet à ce stade du discours
d'avoir un mot et de pouvoir rendre hommage à Mikhaïl Gorbatchev, pour l'action
historique qu'il a conduite dans cette période.
Néanmoins, fort de cette expérience et de la réalité dans laquelle nous vivons,
la Communauté politique européenne doit nous permettre d'abord de nous réunir
tous les six mois entre membres de l'Union européenne, mais aussi Britanniques,
Norvégiens, Suisses, État des Balkans occidentaux, Ukrainiens, etc. La question
de la Turquie est posée par beaucoup d'autres membres, elle sera débattue et la
France n'a pas de veto à mettre en tout cas au profit d’une formation large et
la plus inclusive possible mais où les institutions de l'Union européenne ne
sont pas au cœur du projet, ni ce qui la structure. Sinon nous reviendrons dans
toutes les formes qu'on connaît déjà de partenariat où les Etats qui ne sont
pas membres de l'Union européenne ne viennent là que pour avoir des crédits ou
rejoindre à un moment le club. Non. Il nous faut bâtir avec tous ces États, de
manière très intergouvernementale de l'intimité stratégique sur ces questions
clés. Il faut pouvoir bâtir avec eux autour des changements climatiques, de
l’approvisionnement énergétique, la politique étrangère et de sécurité, les
matières premières, la sécurité alimentaire et ce, tous les six mois au moins.
Je peux vous l'écrire, ce sera un changement radical parce que c'est ce qui
nous permettra d'abord de stopper l'influence croissante que dans, pour ne
prendre qu'un exemple, la région des Balkans occidentaux, la Russie ou la
Turquie peuvent avoir parce qu'il n'y a pas assez de contacts au niveau
politique. Cela me permettra aussi de stopper une espèce de musique de
non-reconnaissance de beaucoup de ces États et gouvernements. Ça nous permettra
de stopper cette logique d'expansion infinie de l'Union européenne qui, compte
tenu de tout ce que j'ai dit, a plutôt besoin d'être plus forte, plus
souveraine et plus autonome, et donc, doit déjà régler ses problèmes. Mais on a
besoin de cet espace géopolitique.
Je me félicite que dans son discours de Prague, le chancelier SCHOLZ ait adhéré
à cette idée. Au-delà de saluer son discours, je me félicite que, en octobre à
Prague, le premier ministre tchèque organisera la première réunion de cette
Communauté politique européenne qui nous permettra ainsi de bâtir, j'en suis
sûr, de nouvelles alliances, de penser d'autres formes de coopération
politique, à l'échelle du continent et de bâtir cette Europe qui est faite à la
fois de diversité et de volontés communes. Nous pourrons ainsi parler de
projets stratégiques, de projets culturels et de beaucoup de choses.
Il nous faut aussi affirmer notre indépendance à l'échelle européenne dans
cette confrontation sino-américaine - je terminerai par là le chapitre de
l'indépendance - avec la même exigence que celle que j'évoquais tout à l'heure.
L'indépendance, ce n'est pas l'équidistance. J'ai lu ce qui avait pu être dit
quand je parlais de la France puissance d'équilibres. Nous sommes indépendants,
c'est-à-dire que nous avons des Etats-Unis d'Amérique qui sont nos alliés, qui
est une grande démocratie avec laquelle nous partageons des valeurs et des
intérêts communs, mais nous ne voulons pas en dépendre, ce que j'ai dit. Nous
avons la Chine, qui est un rival systémique, avec laquelle nous ne partageons
pas nos valeurs démocratiques, mais avec laquelle il nous faut continuer d’agir
pour trouver des réponses aux défis communs — le climat, la biodiversité — et
avec laquelle nous voulons continuer de parler pour essayer de contribuer à
régler des crises régionales et des éléments de déstabilisation. La France et
l’Europe doivent donc bâtir cette indépendance aussi géopolitique, par rapport
au duopole qui est en train de se constituer. Nous n’avons pas à être sommés de
choisir sur la manière de guider notre politique. Nous devons partout pouvoir
garder cette liberté d’action qui va avec la fidélité aux alliances et aux
coalitions.
C’est aussi pour ça, pour ne prendre qu’un exemple qu’est le théâtre de
l’Indo-Pacifique, que nous avons établi une stratégie. D’abord, une stratégie
française au printemps 2018, qui s’est ensuite européanisée. La déconvenue, je
dois bien le dire, de l’annonce AUKUS, certains ont voulu y voir un
affaiblissement de la France. J’y ai vu une trahison, essentiellement de deux
dirigeants qui n’auront d’ailleurs pas à décider pour leur pays dans les mois
et les années à venir et avec l’arrivée de nouveaux dirigeants qui sont prêts à
reconsidérer cette stratégie. Mais nous sommes cohérents : nous ne sommes pas
prêts à avoir une stratégie de confrontation avec la Chine dans l’espace
Indo-Pacifique. Nous avons dans l’espace Indo-Pacifique une stratégie qui est
de préserver la liberté de la souveraineté, la protection de notre espace,
oserais-je le dire aussi la protection de notre espace maritime — il se trouve
en grande partie dans cette région — et de nos ressortissants, de nos
partenaires. Nous défendons donc la liberté de la souveraineté. Nous voulons
endiguer les volontés d'hégémonie dans cette région et y contribuer, en
particulier avec l'Inde et avec l'Australie. Nous avons une stratégie
militaire, diplomatique, climatique. Mais nous ne sommes pas dans une logique
confrontationnelle et nous ne considérons pas que des alliances qui ont été
structurées pour certaines oppositions doivent s'étendre sur l'espace
Indo-Pacifique. Voilà de manière très claire ce que ça veut dire l'indépendance
géopolitique française dans ce contexte.
Ça, c'est pour le premier grand objectif, celui de l'indépendance et donc
d'œuvrer à une France plus forte, plus influente, plus indépendante.
Le deuxième objectif que je voulais assigner à notre diplomatie, c'est
évidemment d'agir pour la paix et la stabilité, d'être cette puissance
d'équilibres au pluriel que j'évoquais il y a quelques années. Pas parce que
nous aurions vocation à nous substituer au Secrétariat général des Nations unies,
mais parce qu'il y a certains endroits où agir pour la paix et la stabilité est
notre intérêt. Parce qu'on n'a pas intérêt à ce que ça s'étende, parce que ça
nuit à nos compatriotes, parce que ça menace certaines de nos alliances, et
parce que nous avons des partenaires, des amis qui sont bousculés par ces
déséquilibres.
Premier théâtre d'expression de cet objectif, évidemment, la guerre en Ukraine
menée par la Russie. Je vais donner très clairement les objectifs de notre
diplomatie.
Premier objectif, c'est d'aider l'Ukraine dans ce conflit qu'elle a subi.
D'aider l'Ukraine sur le plan économique, sur le plan humanitaire, en livrant
les armes qui lui permettent de faire face à l'agression et défendre son
territoire, et travailler dès maintenant à la reconstruction. L'objectif est
simple dans une grammaire que j'ai fixé dès le début : nous ne participons pas
à la guerre. Nous n'avons pas envie de participer à la guerre. Nous ne pouvons
pas laisser la Russie gagner militairement cette guerre et conquérir des
territoires, et en même temps montrer la défaite de nos valeurs et de l'ordre
international sur la base d'une agression.
Nous voulons construire les conditions qui permettront, à un moment que
choisira l'Ukraine, soit une victoire militaire, soit une paix négociée dans
des termes qui ne seront pas simplement ceux auxquels elle serait livrée si
nous l’abandonnions à son sort. C'est ça notre objectif premier : aider
l'Ukraine, avec cet objectif, ce volontarisme. Je dois dire que l'aide que les
Etats-Unis d'Amérique, que les pays européens et quelques autres ont d'ores et
déjà apportée à l'Ukraine, grâce avant tout à la bravoure de ce peuple et la
force de son armée, fait que la situation est très différente de ce que
beaucoup anticipaient parmi les meilleurs experts il y a quelques mois, et
surtout — je crois pouvoir le dire — ce que la Russie anticipait.
Le deuxième objectif que nous devons avoir, c'est de maintenir l'unité
européenne. On ne doit pas laisser l'Europe se diviser face à cette guerre.
Défi de chaque jour parce que nous n'avons pas les mêmes expériences de la
Russie, parce que nous n'avons pas les mêmes histoires avec la Russie dans
notre Europe. Assurant la présidence du Conseil de l'Union pendant six mois,
j'y ai veillé, mais ce sera un défi de chaque jour pour nous tous. On ne doit
pas laisser l'Europe se diviser ni s’aligner sur en quelque sorte sur les plus
va-t’en-guerre, qui feraient courir le risque d’extension du conflit, de
fermeture totale des lignes de communications. Ni non plus considérer que nous
pourrions laisser quelques Etats européens à notre flanc est se livrer seuls à
des actions. L'Unité européenne est clé. Et oserais-je dire d'ailleurs, que la
division de l'Europe est un des buts de guerre de la Russie. Donc notre responsabilité,
c'est précisément de préserver l'Union européenne et sa force dans ce
contexte.
Troisième objectif, c'est que nous devons nous préparer à une guerre longue.
Pour ce faire, nous avons évidemment une organisation nationale à avoir et
européenne, en particulier sur l'énergie, sur l'alimentation et beaucoup
d'autres. Mais très clairement, face à cette guerre longue, nous devons avoir
une action qui est d'éviter l'escalade et préparer la paix. Éviter l'escalade,
c'est que le rôle, pour moi, de la France, c'est d'éviter qu'il y ait une
escalade sur le nucléaire, ou une escalade géographique. Donc tout faire pour
que des pays ne s'engagent pas dans le conflit de manière inconsidérée,
conduisant à une extension géographique ; et tout faire avec notre diplomatie
pour éviter que ou le nucléaire civil, ou les menaces sur le nucléaire, ne
conduisent à une escalade « verticale », diraient certains. À cet égard, la
France, comme vous le savez, s'est beaucoup mobilisée ces derniers mois, depuis
le début, depuis mars avec Tchernobyl, et ces derniers jours pour que le
nucléaire civil soit bien en quelque sorte protégé de la guerre, et que nous
essayons au maximum, d'abord de permettre à l'Agence Internationale compétente,
l'AIEA, de mener cette mission, d'assurer les éléments de sécurité et de sûreté
de la centrale, et aussi de rappeler les nécessités de souveraineté de cette
centrale nucléaire dans le cadre qui est le nôtre. Préparer la paix suppose de
continuer à parler dans ce contexte, comme je le disais à toutes les parties
prenantes, et donc la France continuera comme je l'ai fait il y a quelques
jours et comme je le referais après la mission de l'AIEA, à parler à la Russie,
pour sur chaque point où son rôle est utile, pouvoir préparer les termes de la
paix.
Cela veut dire à chaque moment du conflit, éviter l'escalade, et par exemple
parler de nucléaire civil. Cela veut dire aussi préparer et travailler les
termes de ce que sera une paix négociée, mais en actant que le moment sera à
déterminer par les deux parties prenantes, conformément aux invariants et aux
objectifs que j'ai donnés. La France, les Européens, ou qui que ce soit n'a pas
à choisir pour l'Ukraine la paix qu'elle voudra, ni le moment de la négocier.
Mais nous devons tout faire pour qu'une paix négociée soit possible au moment
où les deux protagonistes se remettront autour de la table.
Quatrième objectif, c'est d'essayer de tout faire pour contrer la partition du
monde qui est à l'œuvre à l'occasion de cette guerre, répondant ce faisant à ce
que je décrivais il y a un instant. Donc nous devons mobiliser le réseau
diplomatique pour aller chercher et emporter la conviction de ceux qui ne
partagent pas nécessairement nos choix. Soyons lucides, le nombre de pays qui
ont soutenu ouvertement la Russie est très faible, et les pays qui l'ont fait
sont assez peu fréquentables - nous les fréquentons, mais enfin ils ont des
choix clairs de géopolitique, il n'y a pas de surprise. Mais la masse des pays
qui ont choisi l'abstention lors des votes qui ont été sollicités au printemps
et l'été dernier a pu rassurer certains commentaires, mais enfin quand je les
regarde sur le plan démographique, ils représentent une bonne partie de
l'humanité. Cela veut dire que cette bonne partie de l'humanité ne comprend pas
totalement ce qui se passe, et dans les dialogues que nous pouvons avoir avec
nombre de dirigeants africains, asiatiques, latino-américains ou du Pacifique,
les discours sont là pour dire qu'il s'agit d'une guerre régionale, dont ils
subissent les effets sans comprendre exactement ce qui s'y passe. Notre travail
est d'abord de ne pas laisser s'installer une confusion. C'est une agression
portée par la Russie et c'est la violation des principes de l'ordre
international. Je peux vous dire qu'il n'y a pas une opinion publique africaine
qui peut soutenir la violation de frontières et la souveraineté populaire. Elle
s'est construite dans la décolonisation sur ce point. Et si on considère que
cela peut être un nouveau dogme de l'ordre international, bon courage pour la
paix sur le continent africain demain. Donc on doit reposer les bases claires,
sinon on s'installera et on laissera s'installer une forme de relativisme
contemporain sur ce sujet. Et vous verrez que nous serons de plus en plus
bousculés.
Donc nous devons aller au contact, expliquer la genèse, la réalité des faits,
et ce pourquoi nous sommes là, nous parlons à la Russie, mais nous
désapprouvons et combattons les racines de ce conflit. La deuxième chose, c'est
qu'on doit répondre à leurs angoisses, leurs difficultés, leurs problèmes.
C'est le cadre de l'initiative FARM que nous avons prise, et c'est pourquoi dès
le mois de mars, la France a porté une initiative pour la sécurité alimentaire
et aider à l’autonomie alimentaire de nombre de ces pays. Nous l’avons fait
avec le Sénégal, et il a été endossé par l’Union européenne et l’Union
africaine. Parce que si nous ne montrons pas chaque jour à nombre de ces pays
que nous traitons les conséquences non-voulues sur le plan alimentaire, ils
finiront par nous lâcher. Nous devons maintenant réussir à faire de même sur la
question des engrais qui est absolument décisive pour justement développer
l'agriculture de nombre de ces pays, là où il y avait des vulnérabilités et des
dépendances à l'égard justement de la Biélorussie ou de la Russie. Puis, il
nous faut bâtir progressivement des coalitions, même imparfaites, même
incomplètes, avec plusieurs de ces pays. Je pense à l'Inde, je pense à la
Chine, je pense à l'Afrique du Sud, à l’Ethiopie, à l'Algérie, au Sénégal ou à
l'Indonésie, pour n'en citer que quelques-uns qui peuvent partager une partie
des objectifs que nous avons à nous donner pour ce conflit, en tout cas qui
peuvent se retrouver à nos côtés pour éviter une extension géographique de ce
conflit en Ukraine ou des moments de bascule qui pourraient advenir dans les
prochains mois. Je pense que le rôle de notre diplomatie et par ce travail de
conquête en quelque sorte, au-delà de celles et ceux qui sont acquis avec nous,
de travailler à un regroupement progressif et de tout faire, de tout faire pour
éviter une grande partition où il y aurait in fine — ce que certains veulent
écrire — l'Ouest contre le reste.
Il y aurait beaucoup d'autres crises sur lesquelles je pourrais illustrer
évidemment ce rôle de puissance d'équilibres de la France et les partenariats.
De la Corée du Nord à un travail que beaucoup d'entre vous font à nos côtés sur
les Balkans occidentaux ou le Caucase. Et pour suivre plus en détail ce que
j'évoquais sur l'Indo-Pacifique - je ne vais pas ici me livrer à cet exercice
qui serait encore plus long que celui que je vous fais déjà subir.
Je voudrais simplement prendre un autre théâtre d'opérations pour illustrer ce
qu'est le sujet de puissance d'équilibres et ce rôle que je vous demande pour
la paix et la stabilité : c’est l'Afrique. La France pour le continent africain
a joué de manière clé, avec beaucoup d'autres, un rôle absolument fondamental
pour la sécurité par son armée. Je veux ici rendre un hommage appuyé à nos
forces armées, au choix qui a été fait par mon prédécesseur François Hollande
en 2013, de lancer l'opération Serval puis l'opération Barkhane. A nos armées,
sans lesquelles le Mali aujourd'hui ne serait plus un pays souverain avec
intégrité territoriale, puisqu’un califat s’y préparait. Et je veux ici
rappeler que cette intervention s'est faite à la demande d'un Etat souverain et
de l'organisation régionale qui était la CEDEAO. Je veux saluer l'efficacité de
nos armées qui ont jusqu'à encore ces derniers jours, porté des coups
extrêmement durs, grâce à l'appui de nos services et de notre réseau, à de
nombreux terroristes et groupes terroristes. Je veux saluer la mémoire des
familles de nos soldats perdus sur ce théâtre d'opérations et saluer évidemment
tous nos blessés. Tout ça a été fait avec courage et efficacité et à la demande
du chef de l'État. Et je veux féliciter nos armées de la parfaite exécution de
ce que j'avais décidé en janvier dernier, à savoir le retrait du Mali, parce
que simplement, le cadre politique n'était plus là. Un Etat souverain ne
voulait plus qu'on soit là, nous mettait en insécurité et ne voulait plus
lutter contre le terrorisme. Nous avons réorganisé notre dispositif, restant
impliqués dans la lutte contre le terrorisme en appui des armées du Sahel, et
réorganisés essentiellement autour du Niger. Cela a été fait en bon ordre, de
manière remarquable et finalisé à la mi-août. Soyez-en remerciés et
félicités.
Il nous faut tirer les conclusions de ce que nous avons vécu. Notre puissance
militaire est clé, c'est un élément de crédibilité. Notre capacité
institutionnelle et politique à l'activer quand on en a besoin est décisive.
Très peu d'armées en Europe et dans le monde auraient pu si vite décider et
agir. Très peu. C'est une force de la France, gardons-la. Mais il nous faut, en
particulier dans la lutte contre le terrorisme sur le sol africain, beaucoup
mieux définir dès le début les objectifs recherchés très précisément, les
limiter dans le temps, et réinscrire dans une politique - ce que nous avons
cherché à faire ces cinq dernières années et que nous avions déjà installé
massivement en considérant que l'effet utile recherché n'est possible que si
les efforts de défense se joignent à des efforts diplomatiques et la
consolidation des Etats, et des efforts d'investissement solidaire et de
développement.
Mais surtout, ce que nous voulons faire, c'est de rebâtir ce partenariat avec
le continent africain, et le faire sur la base de ce que j'ai pu dire en
novembre 2017 devant les étudiants de l'Université Joseph Ki-Zerbo. C'est
converger et agir sur des défis que nous avons en commun mais de le faire de
manière totalement partenariale. Donc sur la sécurité, de le faire à la demande
des Etats, en appui de leurs armées, avec un dispositif qui sera réarticulé
dans les prochains mois où la France n’aura plus un dispositif posé parfois
trop longtemps, mais une intimité beaucoup plus forte avec les armées
africaines qui le souhaitent, quand elles expriment clairement leur besoin,
avec des objectifs stratégiques clairs et un cadre posé. Nous sommes en train
de le construire avec plusieurs pays de la région parce que ça concerne
essentiellement le Sahel et le Golfe de Guinée, qui sont confrontés à
l’extension de la menace terroriste. Ce que nous avons bâti, pour ne prendre
qu’un exemple, ces derniers mois avec le Bénin, est à cet égard un élément très
illustratif de ce que nous voulons faire pour l’avenir. Ce que nous avons su
nouer avec le Sénégal ou la Côte d’Ivoire aussi pour former avec des hubs
régionaux les armées, bâtir des académies, mettre en capacité les armées
africaines de faire, est absolument transformant et s'inscrit dans ce nouveau
partenariat en termes de sécurité. La clé est de donner la priorité à la
sécurité des populations civiles, d'être très clair sur notre engagement dans
la lutte contre le terrorisme et très clair aussi sur un point ici que je veux
rappeler avec beaucoup de force : de ne jamais être associé à des tensions
ethniques et de bien prendre en compte dans notre approche l'ensemble des
communautés.
Avec l'Afrique, nous voulons aussi que ce partenariat soit consolidé sur les
défis globaux et donc nous devons bâtir, comme nous avons commencé à le faire,
des convergences et des initiatives euro-africaines pour entraîner d'autres
acteurs. C'est ce que nous avons commencé à faire sur certains sujets
climatiques, ce que nous avons commencé aussi à faire sur le financement des
économies africaines par le sommet de mai 2021 à Paris, d'agenda de financement
des économies africaines. Nous avons cherché à bâtir justement une nouvelle
approche où la France a porté pas simplement l'émission de droits de tirage
spéciaux du FMI, mais la réallocation de 100 milliards vers l'Afrique. Ce qui
est absolument clef pour révolutionner leur modèle et être un puissant levier
pour inciter à l'investissement privé et changer d'échelle. Donc mobiliser la
communauté internationale pour changer et transformer les modes de financement,
convaincre les puissances du G20 de le faire, mobiliser beaucoup plus de
manière partenariale l'entrepreneuriat des pays développés et l'entrepreneuriat
africain. C'est le New Deal économique que nous avons scellé ici au printemps
2021 et je remercie les auteurs, et que nous voulons poursuivre par les
échanges bilatéraux, dans le cadre des G20 et par un sommet Choose Africa que
nous organiserons au début de l'année prochaine en France.
Nous devons à cet égard aussi, pour ce nouveau partenariat, avancer main dans
la main avec la jeunesse africaine comme je le disais tout à l'heure, en liant
nos diasporas, en les associant. Et en mettant l'accent sur le numérique, les
industries culturelles et créatives, le sport, comme des renouveaux de ce
partenariat. Nous organiserons pour cela l'événement Creative Africa en juin
2023. Il aura vocation à voyager et à se multiplier sur le continent africain.
Et nous inaugurons à l'été 2024 la Maison des mondes africains qui est le fruit
du travail conduit par le ministère en lien étroit avec l'AFD, Achille MBEMBE
et les experts qu'il a mobilisés. Ce lieu travaillera lui-même en réseau avec
des lieux partenaires en France, en Europe, en Afrique, avec notre Institut
français, notre réseau diplomatique, mais reconnaîtra aussi le rôle et la force
de nos diasporas dans cette stratégie.
Ce nouveau partenariat, je le crois profondément, nous permet d'agir sans
injonction ni ingérence ou sentiment d'ingérence, en lien avec nos diasporas,
en soutien des acteurs qui pensent et agissent pour que la démocratie soit un
modèle attractif en Afrique. C'est à cet égard la tâche de la Fondation pour
l'innovation pour la démocratie qui vient d'être créée, et je remercie le
professeur MBEMBE déjà cité d'avoir accepté d'en prendre la tête. Vous le
voyez, c'est une stratégie fondamentale et je le disais à Ouagadougou, je le
disais en 2018 devant vous : c'est une conversion du regard, c'est un
changement complet de méthode, d'approche. Et les moyens supplémentaires que
nous avons donnés viennent au service de ce changement, littéralement différent
d'approche, qui est beaucoup plus coopératif et qui mobilise aussi beaucoup
plus d'acteurs et qui va nous imposer d'être dans des stratégies beaucoup plus
réticulaires, partenariales, en associant d'autres forces mais qui
correspondent aussi à la réalité de tous ces pays.
Cette approche sera complétée par une stratégie méditerranéenne que j'aurai à
parachever d'ici la fin de l'année, quand je continuerai mes déplacements
bilatéraux commencés avec quelques-uns d'entre vous en Algérie, mais qui est
indispensable. Les sommets des deux rives comme les initiatives prises ces
dernières années, ces derniers mois, ont permis de poser les fondements là
aussi d’une approche par les sociétés civile de l’agenda qui doit être la
nôtre.
Enfin, le dernier point sur lequel je voudrais insister en parlant justement de
ce rôle et ce travail, de cet objectif que je vous assigne de bâtir la
stabilité et la paix, c'est évidemment le Proche et le Moyen-Orient. Le faisant
à la cavalcade, je le ferai avec beaucoup d'humilité et de manière très
partielle, puisqu'il n'y a là que des sujets qui ont occupé des générations de
diplomates. Et comme je le dis parfois, il faut, quand on regarde ce sujet,
imaginer Sisyphe heureux. Néanmoins, la paix en Méditerranée, la paix en Europe
ne sera possible que si nous savons bâtir des équilibres nouveaux au Proche et
Moyen-Orient. Je veux saluer le rôle de nos diplomaties à cet égard, d'abord
pour contenir la prolifération nucléaire iranienne. Et le rôle que nous avons
joué ces dernières semaines, ces derniers jours encore, pour bâtir un nouvel
accord possible, a été clé, je vous en félicite, et permet d'encourager les
États-Unis d'Amérique à consolider ce cadre. Nous avons en particulier été
acteurs pour que les bonnes garanties et l'indépendance de l'AIEA soient
préservés dans cet accord et pour que les intérêts de sécurité de tous les
acteurs régionaux, Israël comme les puissances du Golfe, soient pris en compte
dans celui-ci. Ce qui me semble fondamental.
Les prochains jours et prochaines semaines, nous dirons si nous parvenons à le
conclure, mais nous savons qu'il ne permet pas de construire la totalité d'un
cadre de stabilité dans la région. Pour ce faire, nous avons collectivement
porté ce que je crois être une innovation qui a été le format de la conférence
de Bagdad voilà maintenant un an et qui a permis, pour la première fois depuis
bien longtemps, de mettre autour de la table toutes les puissances de la
région, et ce y compris l'Iran et l'Arabie Saoudite, et de pouvoir essayer de
trouver des voies de convergence et de dialogue. Ce sera réédité sous
l'autorité du Roi de Jordanie dans quelques mois, je m'y rendrai et j'aurai
l'occasion de recevoir le Roi de Jordanie pour poursuivre cet agenda. Je pense
que c'est une bonne méthode qui doit poursuivre quelques objectifs simples.
Consolider la souveraineté de l'Irak, ces derniers jours nous ont montré
l'aspect décisif et la fragilité de ce pays où nous avons, je crois, joué un
rôle croissant ces dernières années. Œuvrer à la souveraineté et la stabilité
du Liban, nation qui nous est si chère, si proche, mais il faut bien le dire,
qui a ses fragilités propres et a été déstabilisée par les crises multiples, et
dans lesquelles se réimportent toutes les déstabilisations de la région.
Troisième objectif : bâtir un cadre de sécurité face à l'activité nucléaire,
balistique mais aussi régionale de l'Iran. Et ce en prenant en compte les
intérêts de tous les Etats présents autour de la table et celui de l'Etat
d'Israël, puisque nous avons toujours pris la sécurité d'Israël comme un des
intérêts clés pour la politique de la région.
Je crois vraiment que le dialogue ouvert à Bagdad est le cadre de cette
politique d'équilibre dans lequel la France est la seule puissance non
régionale aujourd'hui associée, et où nous œuvrons utilement à essayer de bâtir
des avancées clés. À cet égard et parlant de ce contexte, je ne peux pas
omettre que la Syrie ne pourra rester durablement un impensé de la question
régionale. Je serais trop long si je l'abordais ici. La France ne peut que se
féliciter du fait que les accords d'Abraham ont contribué à bouger les lignes
et surtout à permettre une normalisation des relations d'Israël avec plusieurs
États de la région comme du continent africain. Mais pour autant, une certaine
prudence me conduit à dire ici que les termes ainsi posés ne suffiront pas à
régler la question palestinienne et je demeure convaincu que le non règlement
politique de la question palestinienne ne permet pas durablement d'avoir la
paix et la stabilité dans la région.
Une fois que j'ai dit ça, j'ai donné les limites d'un raisonnement. Je n'en ai
pas donné la réponse. N’y voyez pas là de l'habileté, mais aussi une humilité
et la conscience que j'ai déjà détaillé de nombreux sujets. Mais sur ce point,
nous aurons à œuvrer, avec le cadre méthodologique que je viens de donner, avec
les objectifs que je viens d'assigner et avec les quelques questions ouvertes
que je viens d'évoquer qui, à mes yeux, ne sont pas réglées par les initiatives
prises par ailleurs.
Le troisième et dernier objectif - et je conclurai avec ce point de notre
politique étrangère après une France plus forte, plus influente, plus
indépendante, et après cette volonté d'être une puissance d'équilibre qui
construit la paix et la stabilité dans des régions stratégiques - c'est de
continuer à bâtir ce multilatéralisme efficace que j’évoquais et de redoubler
d’efforts sur certaines coalitions dont nous avons besoin. Là-dessus, vous le
voyez bien, c’est en quelque sorte des missions de continuité sur quelques
points d’innovation que je voudrais très rapidement vous assigner.
D’abord en matière de santé. Je pense que la crise nous a permis de voir
l’utilité de la coopération internationale de santé, les risques qui pesaient
sur l’Organisation mondiale de la santé, que certains fragilisaient par leur
attitude parfois non coopérative et d’autres par les initiatives de
contournement. Je pense que notre rôle doit être de consolider l’Organisation
mondiale de la santé comme étant le socle d'une institution multilatérale
utile. Nous devons absolument en consolider les principes de partage
d'informations, de transparence, d'indépendance scientifique. Nous devons
consolider l'agenda d'alerte précoce dans les épidémies et nous devons bâtir
autour de l'Organisation mondiale de la santé, la coalition dite One Health
pour laquelle nous devons construire une approche transversale qui englobe
santé publique, santé animale, santé de la planète à toutes les échelles
locales, nationales, planétaire. C'est un agenda qui a été pensé pendant la
crise, qui est extrêmement structurant pour nos pays comme pour nos
coopérations et dans lequel, je pense que la France a un rôle clé à jouer à
travers son expertise et les opportunités géopolitiques qu'elle donne. Car
derrière ça, ce sont des nouveaux partenariats avec l'Afrique, la région
latino-américaine comme l'Indo-Pacifique. De la même manière sur la santé, je
souhaite qu'on puisse consolider l'initiative ACT-A à deux égards : continuer
de renforcer par notre action bilatérale les systèmes de santé primaires.
L'effort doit être poursuivi, c'est pour moi un objectif clé. Et derrière,
aller au bout de la capacité, bâtir des hubs de production de vaccins et donc,
derrière, de traitements de diagnostic avec quelques pays clés que nous devons
consolider.
Le deuxième objectif, c'est sur le climat. Ce combat est pour nous tous
essentiel. Je l'ai évoqué tout à l'heure. Il va être au cœur de l'action de
notre pays avec une planification portée par la Première ministre au cœur de
notre action européenne. Il est depuis plusieurs années au cœur de notre action
diplomatique et de nos succès diplomatiques. Mais nous devons redoubler
d'efforts avec là aussi, des initiatives nouvelles à prendre. En effet, nous ne
relèverons le défi du climat que si nous sommes capables d'obtenir d'abord et
avant tout un effort des grands émetteurs à la hauteur des enjeux. C’est le
premier point. Il suffit de regarder les émissions. Nous savons où sont les
efforts : l'Europe, les États-Unis d'Amérique et après dans les grandes
puissances intermédiaires. Un moyen juste d'y parvenir est de convaincre nos
grands partenaires parmi les pays développés, dans le cadre de l'OCDE, de
prendre des engagements maximaux d'émissions par habitant. Je souhaite que nous
nous lancions dans cette initiative structurante pour à la fois remobiliser et permettre
d'avoir un système de contraintes.
Dans la même logique de répartition juste de l'effort, nous devons veiller à ce
que les pays émergents s'engagent sur une trajectoire vertueuse, qu’ils soient
africains, asiatiques ou latino-américains. Je dis bien les émergents. Avec
chacun d'eux, nous devons être capables de trouver des accords de financement
de la transition énergétique dans notre intérêt commun et à des conditions
moins coûteuses que dans les pays développés. On ne peut pas demander d'aller plus
vite à des pays émergents et à faire le choix, en quelque sorte développement
et climat, avec des conditions de financement qui sont beaucoup plus dures que
chez nous et qui seront durcies par la politique de taux qui est en train
d'être mise en œuvre.
Et donc, ce que nous avons commencé à faire avec le laboratoire sud-africain,
et à l’initiative JET (initiative pour une transition énergétique juste) qui a
été prise ; de bâtir des accords complets de transition énergétique et de
financement. Nous devons le généraliser à plusieurs pays - Sénégal, Indonésie,
Inde - et les accompagner dans ce travail. Cet effort de solidarité et
d'engagement auprès des pays du Sud doit nécessairement aller avec un effort
d'adaptation au changement climatique. Et là, soyons honnêtes à cet égard, le
changement climatique est là. On peut craindre des augmentations de température
au-delà des objectifs de l'Accord de Paris. Chez nous, il faut adapter nos
manières de faire et nos infrastructures, mais dans les pays vulnérables, c'est
un effort majeur de protection qu'il faut fournir pour éviter de nouvelles
crises liées aux déplacements massifs de populations en conséquence du
changement climatique. Et donc, on doit les aider à redoubler d'investissements
car pour eux, c'est déjà trop tard. Ensuite, financer l'adaptation et la
résilience, chez nous comme dans les pays du Sud, c'est protéger nos
écosystèmes, notre santé, notre alimentation, nos réserves en eau. Et là aussi,
c'est un mouvement diplomatique profond, structurant, qui justifie que 30 % au
moins de la finance climat doit aller à des solutions fondées sur la nature. Ce
qui est un moyen de complètement changer la logique des discussions que nous
avons avec le Sud depuis 2015, et qui a beaucoup bloqué nombre de négociations
que nous avons eues ces derniers temps en G20 comme ailleurs. Il nous faut
mobiliser tous ceux qui peuvent y contribuer. Et à cet égard, un sommet One
Planet pourra être consacré à cet enjeu majeur, avec entre autres plus
spécifiquement la gestion de l’eau.
De manière plus générale, il nous faudra veiller à la bonne synchronisation des
efforts internationaux dédiés au climat et à la biodiversité, comme on a
commencé à le faire, dans les différents rendez-vous qui jalonneront notre
action : la COP27 en Egypte cette année où je me rendrai, la COP15 à Montréal,
la Conférence des Nations unies sur les océans que nous accueillerons en 2025
où nous devons essayer de bâtir un accord inédit sur les océans. Et à cet
égard, le fait que durant les dernières années nous ayons redoublé d’efforts
pour préserver l’Accord de Paris, que nous ayons été à l’initiative pour le One
Planet Summit biodiversité et bâtir les termes d’un agenda en la matière et
consolider les objectifs et les coalitions pour les aires terrestres et les
aires marines protégées ; le fait que nous ayons pour la première fois adopté
une stratégie polaire et une stratégie maritime visible, claire, assumée,
transposée en européen et portée à l'agenda international, est le signe de
cette convergence des agendas qui est une force mais qu’on doit maintenant
internationaliser. Parce qu'elle est derrière extrêmement féconde pour bâtir
des partenariats inédits avec tous les continents et nous aider à avoir cette
logique de coopération. Par exemple sur les forêts tropicales avec l'Amazonie
dans le cadre de l'alliance fondée en 2019, avec l'Afrique grâce aux alliances
bâties avec le Gabon et quelques autres sur les forêts primaires, et le sommet
One Forest que nous ferons sur ce thème particulier, et l'ensemble des engagements
pris en la matière.
Je vais à la cavalcade, mais vous voyez d'abord la multitude des initiatives
prises, et à quel point elles sont en synergie et en symbiose quand on les
regroupe. Mais surtout, il y a une puissance d'action et de conviction si on
sait les porter, et surtout de résultats très profonds. C'est aussi pour ça que
nous continuerons ce que nous avons lancé avec la Grande muraille verte à
travers des projets concrets, notamment en matière agricole, du Golfe de Guinée
jusqu'à la Corne de l'Afrique, pour développer les protéines végétales,
soutenir les partenaires de la région et aider justement à cette
diplomatie.
La diplomatie climatique sera au cœur de ces objectifs pour le multilatéralisme
efficace parce que nous allons redoubler d'efforts pour la France, mais ça n'a
de sens que si nul ne peut utiliser la fameuse excuse de ce que nous
représentons, et donc si nous savons le démultiplier au niveau européen. Les
fondements sont là ; au niveau du secteur privé, nous avons commencé à en bâtir
les termes et nous devons en garder le contrôle et en quelque sorte, là aussi,
les termes de référence pour ne pas avoir de normalisation subie anglo-saxonne.
Et nous savons pleinement sur la lutte contre les dérèglements climatiques, la
biodiversité, les océans et les pôles, avoir cet agenda massif d'initiatives et
d'actions concrètes mobilisant et créant des nouvelles coalitions.
Enfin sur ce volet, et je le livre là aussi comme des continents à défricher,
le multilatéralisme efficace sera testé, et donc notre action sera à
construire, sur de nouveaux espaces qui ne sont pas encore régulés, ou
insuffisamment.
Le premier, c'est le numérique. Nous avons beaucoup fait ces dernières années.
Une diplomatie numérique a été construite, la fonction d'ambassadeur dédié à
cela et travaillant aux négociations a été bâtie. Nous avons été aux
avant-postes dès l'été 2017 avec le Royaume-Uni, cherchant à bâtir une
coalition, puis des initiatives Tech for Good, comme je le mentionnais, à
l'appel de Christchurch. Nous avons obtenu des résultats, la fameuse « heure en
or » pendant laquelle les contenus terroristes sont retirés par les
plateformes. Nous avons changé les choses au niveau européen, mais nous avons
un continent à bâtir. La régulation du numérique est encore à faire. C'est
pourquoi vous serez mobilisés, aux côtés de vos collègues de la Culture et du
Numérique, pour les états généraux pour une information libre que nous
organiserons à l'automne et qui viendront consacrer aussi plusieurs initiatives
que nous avons prises, je mentionnais tout à l'heure Reporters sans
frontières.
Au fond, nous avons à bâtir, je le dirai en ces termes, un ordre public
international du numérique. Parce que cet espace public s'est de fait
constitué, il est de fait mondialisé. Mais comme il a été construit par des
acteurs privés et des usages individuels, il s'est construit sans règles. Et
les combats très intimes que nous menons pour lutter contre le harcèlement
sexuel, pour protéger nos enfants, pour lutter contre les violences faites aux
femmes, pour défendre nos valeurs dans notre pays sont à chaque fois bousculés
parce que des contenus qui disent exactement le contraire circulent librement
sur les plateformes, touchent nos enfants, nos adolescents, nos familles, quand
je ne parle pas de la propagande d'autres Etats qui utilisent ces mêmes canaux.
Nous devons repenser les termes de l’échange et les termes de référence des
conflictualités nouvelles. Et donc, oui, c’est bien une régulation européenne
et internationale à bâtir dans cet espace à la fois civil mais aussi militaire
parce qu’il ne faut sans doute pas les confondre, et il faudra les
distinguer.
Et puis pour n’en citer que deux autres, l’espace et la haute mer, sont de
nouveaux espaces internationaux qui sont en train d'être aujourd'hui
profondément envahis par des puissances, avec des comportements inusuels et non
coopératifs nouveaux. Nous l'avons vu avec les initiatives russes en début de
conflit dans le spatial, nous le voyons avec la multiplication d'initiatives
soit de puissances souveraines, soit d'acteurs privés en haute mer qui
supposent, dans l’espace et en haute mer, d'être régulés. Et donc d'avoir un
cadre international bâti. L'échec des négociations BBNJ de ces derniers jours,
malgré l'engagement de notre diplomatie et de plusieurs d'entre vous que je
remercie ici, ne doit pas nous faire renoncer. Et là aussi, on doit réussir à
rebâtir de nouvelles coalitions d'acteurs au travers des rendez-vous que j'ai à
l'instant scandés.
Je n'ai pas été complet, j'ai toutefois été long. Mais vous le voyez, il y a
dans le moment que nous vivons d'abord un vertige qui doit prendre chaque
esprit lucide. Au fond, ces dernières années, à plusieurs reprises,
l'impensable est arrivé. Une épidémie mondiale, la fermeture de toutes les économies,
le retour de la guerre en Europe, la menace nucléaire brandie, etc.
Préparons-nous à l'impensable pour demain. Et donc face à cela, il faut avoir
des objectifs simples et clairs, je crois les avoir assignés. Quelques
invariants et quelques éléments de méthode sur lesquels il ne faut jamais se
laisser intimider, je crois les avoir rappelés. Il faut chercher partout
l'efficacité, il faut acter que nous devons aussi nous-mêmes avoir une approche
plus hybride de notre action. Associer davantage la société civile, trouver des
partenaires et des alliés pour relayer notre action et l'explication de notre
action, et nous adapter aux changements des théâtres, coopérer sans naïveté et
réagir sans passion.
Mais face à tout ça, je pense que nous avons des vrais atouts, évidemment, un
modèle complet d'armée, une armée forte, la première européenne, et les choix
que nous ferons, une diplomatie forte, et là aussi, à mes yeux la plus complète
et la plus structurée au niveau européen, qui produit des idées et des résultats.
Nous avons deux éléments, si je puis dire, dans nos gènes. La France, en ce
qu'elle est une Nation à vocation universelle. C’est une force dans ce monde.
Nous nous sommes construits pour nous-mêmes et par nous-mêmes avec en notre
cœur la lutte contre l'obscurantisme, la croyance dans le progrès scientifique
et pour les hommes, et une volonté universelle qui met au-dessus de tout
l’individu libre et rationnel. Ces valeurs sont universelles. Quiconque vient
les bousculer créera le chaos, le désordre et le malheur chez lui. Les avoir
portées et continuer de les porter avec force et les défendre dans tous les
théâtres du jeu est essentiel, c’est une force. Il faut le faire sans donner le
sentiment que nous donnons des leçons en trouvant des partenaires, mais il faut
l’assumer.
Et l’Europe est une force. C’est un moyen, à certains égards, je l’ai dit, un
objectif sur d’autres sujets. C’est une force parce que c’est le meilleur
laboratoire au monde de gestion de la diversité et de la complexité. Il n'y a
pas au monde un espace aussi concentré de cultures, d'histoires, de malheurs
passés, de langues, qui vit en paix depuis tant de temps, en coopération, sans
hégémonie. Quand on se dit que pour bâtir le monde d'aujourd'hui, il faut
trouver des solutions pour un multilatéralisme efficace et construire des
équilibres, on se dit que la technologie européenne est une bonne technologie à
exporter. Et donc nous avons dans nos gènes des recettes pour faire cela.
Pour faire cela, il nous faudra aussi nous réarmer moralement. Je l'ai évoqué
le 13 juillet dernier devant nos armées, mais ça vaut pour la Nation tout
entière. Parce que quand la guerre revient, on doit chercher la paix, bâtir des
solutions. Mais on doit être une Nation forte qui, comme je le disais, sait ce
qu’est le prix de la liberté et la possibilité de la guerre pour ne jamais s'y
engager autant qu'elle le peut, mais pour défendre ses intérêts quand elle
devra les défendre, si elle doit les défendre au moment où elle doit les
défendre dans un choix qui est le sien et dans un cadre qu'elle définit
souverainement et nationalement. Tout cela est immense mais est enthousiasmant.
Et donc ce que je veux vous dire à cet instant, c'est comme vous l'avez
compris, vous avez beaucoup fait et nous avons beaucoup fait durant ces cinq
années, nous avons décidé et acté d'une ambition à venir. Et face à cette
grande bascule du monde, nous avons d'immenses travaux devant nous. Je nous en
sais capables, je nous en crois capables et je crois que tous ensemble, nous y
arriverons.
► Gouvernement
[Nota: dans ce gouvernement, certains membres ne sont pas centristes; nous
retranscrivons cependant leurs propos en rapport avec leur fonction parce
qu’ils font partie selon nos critères d’une équipe qui suit une politique
globalement centriste]
Elisabeth Borne (Première
ministre)
> 3 ans après le Grenelle des violences
conjugales, la mobilisation du gouvernement est totale pour mieux les détecter, les sanctionner et
accompagner les victimes. (…)Tant qu’il y aura des coups et des féminicides,
le combat ne s’arrêtera pas. Le Gouvernement est et restera engagé à ne rien laisser passer. Chaque
victime doit être entendue et accompagnée.
> Pour les trois ans du Grenelle des violences conjugales
avec les ministres concernés, nous nous sommes notamment rendus dans une
association qui accompagne des femmes victimes de violences. On a pu échanger
précisément avec des femmes qui avaient vécu des situations tout à fait
dramatiques.
Depuis 2007, le Gouvernement est très mobilisé pour l'égalité entre les femmes
et les hommes et pour la lutte contre toutes les violences. Mais avec le
Grenelle en 2019, on est passé dans une phase vraiment d'accélération. On a
lancé beaucoup d'actions, en particulier pour que la parole se libère, et que
chaque victime puisse être prise en charge.
C'est le sens de l'extension des horaires du 39-19, donc désormais 7 jours sur
7, 24 heures sur 24 de la mise en place d'une plateforme de signalement en
ligne. On a également facilité le dépôt de plainte et on a notamment formé
157.000 policiers et gendarmes pour qu'ils soient mieux préparés pour
recueillir les plaintes de ces femmes victimes de violences.
Nous avons lancé la création d'un fichier pour les mis en cause. Pour mieux
protéger les victimes, nous avons créé des places d'hébergement d'urgence
dédiées. Nous avons déployé des téléphones grave danger, des bracelets anti
rapprochements, et le nombre d'ordonnances de protection a considérablement
augmenté.
Aujourd'hui, 90 % des mesures du Grenelle des violences conjugales sont en
vigueur. Ce sont des avancées, mais tant qu'il y aura des violences, tant qu'il
y aura des femmes qui meurent sous les coups de leur compagnon, le combat ne
s'arrêtera pas. Et nous allons donc amplifier notre action.
Les axes de travail sont clairs : c'est mieux détecter, mieux sanctionner et
mieux accompagner. Concernant l'accueil des victimes, moi, je vous annonce
qu'on sera dès la fin de cette année à 10.000 places d'hébergement
opérationnel, c'est à dire qu'on est en avance par rapport au calendrier qui
était prévu. C'est 1000 places de plus que ce qui était prévu. Mais nous allons
continuer à mettre en place des nouvelles places d'hébergement d'urgence, 1.000
places supplémentaires seront ouvertes en 2023 pour assurer qu’on ait un maillage
complet de notre territoire, notamment dans les zones rurales, et puis
également dans nos territoires d’Outre-mer. Ce sont 10 millions supplémentaires
qui seront engagés pour permettre d’atteindre 11.000 places.
Nous allons également doubler la présence policière dans la rue et également
doubler le nombre d'enquêteurs spécialisés, et puis continuer à renforcer les
intervenants sociaux au côté des forces de l’ordre.
Je vais confier une mission à des parlementaires pour faire un bilan et voir
comment on peut avancer pour une action judiciaire plus lisible, plus réactive
et plus performante.
Dans le cadre de notre action globale en faveur des femmes, je présiderai dans
les prochains mois un comité interministériel pour l'égalité entre les femmes
et les hommes. Ça sera l'occasion d'acter le lancement d'une expérimentation
sur ce qu'on peut appeler un Pack nouveau départ pour faciliter le départ du
domicile des femmes qui bénéficient de mesures de protection. On a pu voir, en
échangeant avec des femmes victimes de violences conjugales, à quel point cela
peut être compliqué de quitter le domicile. Je pense qu'il faut vraiment qu'on
ait une réponse globale pour permettre à ces femmes de passer le pas.
La lutte contre les violences conjugales, c'est un combat que j’avais porté en
tant que préfète, et c'est donc un combat que je continuerai à porter en tant
que Première ministre, avec tout le Gouvernement, avec les associations et avec
les élus.
> Notre message, c’est de souhaiter une bonne rentrée à
tous les élèves qui retrouvent le chemin de l’école. C’est 12 millions
d’élèves, c’est plus de 850 000 enseignants, donc vraiment notre mobilisation
est totale. Et depuis que le ministre de l’Education nationale a été nommé, il
est totalement mobilisé avec toutes les équipes des rectorats pour que cette
rentrée se passe bien. Je pense qu’on peut le dire aujourd’hui, ça ne se passe
pas mal, et donc c’est un motif de satisfaction. Et notre objectif, c’est
évidemment que toute l’année se passe bien.
L’éducation, c’est une des grandes priorités du quinquennat. Donc il y aura des
concertations sur beaucoup de sujets, sur l’attractivité du métier
d’enseignant, la revalorisation de ce métier, le fait de donner plus de marges
de manœuvre aux équipes pédagogiques. Et c’est vraiment une des grandes
priorités du quinquennat, on voulait marquer cette rentrée en étant aujourd’hui
dans ce collège.
> [Engagement de professeurs contractuels] On n a innové cette année, parce que traditionnellement à la fin d’une année scolaire, les contractuels qui sont là s’en vont, et du coup on doit en retrouver des nouveaux pour la rentrée. Et on a pris la décision de les garder cet été, donc beaucoup de ces contractuels ont déjà enseigné l’an dernier, donc ils connaissent l’Education nationale. Je pense que c’est un gage de qualité, en tout cela facilite les choses pour ces enseignants qui sont aujourd’hui devant les élèves.
> [Rentrée scolaire] A chaque fois qu’on a pu détecter un risque cela ne se passe pas bien, les équipes se sont mobilisées pour apporter une solution. Il y aura sans doute des ajustements dans les prochains jours, mais on fera le maximum pour que tout se passe bien. Je le dis parce que certains prédisaient, voire auraient souhaité que cela se passe mal. Grâce au travail qui est mené par toutes les équipes, par le ministre et toutes ses équipes, je pense qu’on peut dire qu’aujourd’hui on a une rentrée qui se passe bien.
> Chers ambassadrices et ambassadeurs, vous êtes la voix de la France dans le monde. Les porte-parole de nos principes et valeurs. Dans cette période de bascule, marquée par le retour des conflits armés en Europe, nous avons particulièrement besoin de vous.
Bruno Le Maire
(ministre de l'Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et
Numérique)
> Il faut anticiper qu'effectivement l'année 2023, du point de vue de la
croissance, pourrait être un peu plus difficile. Mais c'est conjoncturel.
Structurellement, l'économie française se porte bien.
> Je n'anticipe pas de décrue dans le niveau d'inflation avant les premiers mois de 2023, peut-être la mi-2023. Je crois qu'il ne faut pas mentir aux Français là-dessus. La situation est difficile. Entre maintenant et le printemps prochain, c'est la période difficile, c'est celle où il faut accompagner.
> Si des mesures n'avaient pas été mises en place pour protéger les foyers de la hausse des prix, les Français auraient vu au 1er janvier 2023 100% d'augmentation de leur facture de gaz, 100% d'augmentation de leur facture d'électricité, c'est-à-dire à peu près 120 euros en moyenne par mois de plus à payer par chaque ménage.
Gérald Darmanin
(ministre de l’Intérieur et des Outre-mer)
> Depuis 5 ans, nous avons expulsé plus de 780
étrangers radicalisés.
> La menace terroriste reste très importante. 39 attentats ont été déjoués depuis 2017 grâce à l’action de nos services, dont 6 depuis l’an dernier.
> Sous le précédent quinquennat Emmanuel Macron, nous avons considérablement renforcé les moyens des services de renseignement. 1900 agents ont été recrutés dans les services de renseignement et le budget de la DGSI a été multiplié par deux.
Catherine Colonna
(ministre de l’Europe et des Affaires étrangères)
> [Discours à l’occasion de la Conférence des ambassadrices et
ambassadeurs]
Pour la première fois depuis 2019, nous voici réunis pour une conférence des
ambassadeurs plénière. C’est évidemment pour moi un honneur immense que de
retrouver ce cadre, comme ministre de l’Europe et des affaires étrangères, mais
c’est aussi un plaisir de renouer avec ce moment d’échange et de réflexion dont
nous avons été trop privés. Je veux vous le dire, très simplement, je suis
heureuse que nous nous retrouvions tous parce que depuis trois ans, il nous a
vraiment manqué du lien. Ces années ont été marquées par bien des difficultés,
bien des drames, et je voudrais en particulier saluer la mémoire de deux
ambassadeurs décédés ces derniers mois, je pense à Renaud Salins et Emmanuel
Cocher ; nous pensons tous à eux. Je sais qu’ils vous manquent ; et
ils manquent à cette maison.
Ce ministère a la particularité d’avoir les trois quarts de ses agents à
l’étranger. Ses membres forment une communauté, qui a besoin de se rassembler
pour échanger, pour prendre de la hauteur, pour réfléchir ensemble. Et c’est la
vocation, l’intérêt de ces rencontres depuis bientôt 30 ans.
Le Président de la République a salué hier votre action pendant ces trois
dernières années, marquées par des crises inédites, des crises sanitaires et
des crises de sécurité. Et après lui, je voudrais donc commencer par vous dire
toute mon admiration du travail accompli par notre réseau, pendant les deux
années de pandémie, et donc par vous et par vos équipes, pour rapatrier des
centaines de milliers de compatriotes, pour porter secours aux Français en
difficulté, pour animer des équipes en période de confinement ou de restriction
aux déplacements. Ça n’a pas toujours été simple. Cette crise a démontré, s’il
le fallait, la réactivité, l’efficacité et le dévouement exceptionnels de tous
nos agents.
Mais ces deux années de pandémie ont aussi empêché la diplomatie de fonctionner
normalement. C’est un métier de contacts, et nous en avons été trop privés.
Moins de rencontres, moins de visites de terrain, moins de visites
ministérielles, qu’aucune visioconférence ou qu’aucun échange écrit ne peut remplacer.
On ne rapproche pas beaucoup les points de vue sur Zoom, on ne convainc pas
bien aisément sur Teams, on ne négocie pas efficacement sur Webex. D’ailleurs,
je ne suis pas loin de penser, à titre personnel, que ce recul de la diplomatie
de contacts explique pour une part l’accélération des incompréhensions, des
tensions, et l’aggravation des désordres du monde.
Il a manqué du lien entre nous, il a manqué aussi du lien au sein de la société
internationale.
Nous évoluons dans un monde qui fait désormais la part belle à la
confrontation, ce sera mon premier point. Un monde qui exige que nous assumions
une diplomatie combative, le Président vous a même dit, hier, « une
diplomatie de combat », diplomatie dont je vous présenterai les contours
dans un second temps, avant d’évoquer avec vous la vision du monde de cette
diplomatie et celle qu’elle aura vocation à défendre. Ce qui exige, vous le
savez, que nous nous organisions efficacement et que nous disposions des moyens
adéquats pour mener à bien nos missions.
Mon premier point est que le monde dans lequel nous allons agir n’est plus
simplement un monde de compétition acharnée. C’est un monde où l’espace de la
confrontation s’est élargi. Nous devons le savoir et y faire face.
Lors de la dernière édition de cette Conférence, donc en 2019, le Président de
la République brossait le tableau d’un monde en profonde recomposition :
des équilibres bousculés, une mondialisation économique sans arbitre, un agenda
global bouleversé par la révolution numérique et par l’urgence écologique, une
Europe à la croisée des chemins, un ordre international sous tension.
Ce diagnostic pouvait paraître sombre ; il était juste. Le président de la
République nous a parlé hier du risque que les fractures anciennes ne finissent
par fragmenter durablement la scène internationale, ce qui ne serait pas sans
implications pour nous, dont la mission est d’éviter cette fragmentation. Mais
la tendance est là. Que l’on songe que nous en étions, en 2019, lors de notre
dernière conférence plénière aux premiers pas du groupe Wagner en République
centrafricaine, groupe désormais présent au Mali, en Ukraine et sans doute
ailleurs. Que l’on songe à la multiplication des incidents dans le domaine
cyber, contre des hôpitaux, des mairies, des entreprises de toute taille, mais
aussi des États. Et nous venons, d’ailleurs, vous le savez, d’apporter notre
aide au Monténégro, victime de cyberattaques massives. Que l’on songe aux
manipulations de l’information que conduisent nos adversaires, sous toutes les
latitudes. Ou que l’on songe aux tensions dans les espaces maritimes, de la
Méditerranée orientale à la mer de Chine méridionale.
Il ne s’agit pas d’être ingénu. Nous ne sortons pas d’un monde d’ordre et
d’harmonie pour entrer dans un monde nouveau de conflits. La vie internationale
a toujours été faite d’ententes, mais aussi, ô combien, de chocs, de guerres,
de tensions.
Il y a pourtant un fait nouveau, la guerre. La guerre est revenue sur le
continent européen lorsque, il y a six mois, la Russie a fait le choix
d’agresser militairement l’Ukraine. Que nous dit cette guerre ? Elle nous
dit qu’un État, membre permanent du Conseil de sécurité, peut violer ses
propres engagements et les principes de droit les plus fondamentaux de la
Charte des Nations unies. Elle nous dit que les logiques impérialistes sont de
retour : déjà plus de six mois de guerre, dans le but de prendre
possession du territoire de son voisin.
La chimère qui anime la Russie de Vladimir Poutine, celle de la restauration de
l’Empire, abolit tous les cadres. Le cadre juridique, j’en parlais, puisque la
Charte des Nations unies et le mémorandum de Budapest sont ouvertement bafoués.
Le cadre moral, puisque nous assistons à la perpétration d’exactions et de
crimes de guerre sur une échelle sans précédent en Europe depuis les
affrontements qui ont déchiré l’ancienne Yougoslavie. Le cadre politique, quand
la Russie assume, pour atteindre son objectif de conquête, de mettre en cause
la sécurité alimentaire mondiale, la sécurité énergétique, ou la sécurité du site
de la centrale nucléaire de Zaporijjia.
Nous avons fait le choix d’aider l’Ukraine à défendre sa souveraineté, son
indépendance et son intégrité territoriale, car en l’attaquant, c’est aux
principes mêmes de l’ordre international que s’en prend la Russie. C’est aussi
à un État animé par le désir de vivre libre et de vivre en paix ; un État
dont l’héroïque résistance est l’expression la plus éclatante de son aspiration
à la liberté. Cette résistance, j’ai pu en mesurer la force et la détermination
sur place, à Kiev, où je me suis rendue par deux fois déjà : quelques
jours après ma prise de fonctions, puis aux côtés du Président de la
République, à l’initiative d’une visite conjointe avec ses homologues allemand,
italien et roumain.
Nous resterons, vous le savez, aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps que
nécessaire. Nous avons fait le choix de soutenir l’Ukraine car elle se bat pour
des valeurs que nous partageons, celles qui unissent les démocraties, celles
que la Russie veut détruire.
Et en effet, le trait particulier de ce nouvel impérialisme, c’est d’être doté
d’un agenda idéologique décomplexé. Il ne s’en prend pas seulement aux
territoires des autres États, mais à un modèle de société, le nôtre, et à tout
ce qui peut être perçu comme une menace existentielle par un pouvoir
autoritaire. Au-delà du conflit de l’Ukraine, le rétrécissement de l’espace
démocratique est une tentation dont vous êtes nombreux à pouvoir mesurer les
conséquences, là où vous êtes, que vous voyez sous vos yeux. Du Venezuela à l’Afghanistan,
du Mali à la Biélorussie, des limites sont imposées à la société civile :
les oppositions sont bâillonnées, la liberté de la presse s’étiole,
l’indépendance de la justice recule, l’égalité des droits n’est plus garantie.
Or les régimes autoritaires sont, par définition, par construction même, plus
prompts à oser l’affrontement direct. Ceci a des implications pour nous. Le
passage d’un gouvernement démocratique à une junte militaire emporte avec lui
la tentation de l’agressivité. C’est ainsi qu’au Mali nous voyons progresser
les groupes terroristes armés dans tout le pays, les Maliens déplacés par
milliers, tandis que le régime, auteur d’un double coup d’État, s’en prend un
jour au Danemark, le lendemain à la Côte d’Ivoire, et toujours à la France,
pour tenter de faire oublier qu’il navigue à vue, d’échec en échec, attelé à un
groupe de mercenaires russes. Pourtant, en janvier 2013, c’est bien la France,
par son intervention, qui a permis que Bamako ne connaisse pas le sort de
Mossoul, un an plus tard.
Nos démocraties elles-mêmes sont traversées par des courants qui les
fragilisent dans un contexte de polarisation. Des puissances étrangères
cultivent la division en notre sein. Elles avaient intérêt au Brexit, comme
elles ont intérêt à voir, dans nos sociétés, croître le chauvinisme et le
séparatisme.
Cette volonté de tout conflictualiser s’étend désormais à de très nombreux
domaines.
La crise pandémique de 2019 à 2021 nous a clairement démontré que, face à un
défi sanitaire mondial, la tentation du chacun pour soi reste présente. Nous
avons ainsi vu, au plus fort de la crise, des pays instrumentaliser à des fins
politiques leur poids dans la production de biens ou d’équipements de santé.
Il est aussi vrai que les conséquences du changement climatique sur les
ressources engendrent de nouveaux rapports de force. Les achats massifs de
terres agricoles par la Chine sur tous les continents démontrent par exemple
combien certaines puissances s’y préparent et agissent.
Demain, de nouveaux enjeux pourront être affectés par cette logique : la
haute mer, où un véritable pillage des ressources se développe, et où la
liberté de navigation est chaque jour plus contestée ; l’espace
extra-atmosphérique et les pôles, où nous avons réussi, jusqu’ici, à éviter que
s’impose la loi du plus fort ; la biodiversité même, dont la maîtrise
pourrait devenir un enjeu de sécurité.
Or, ce que nous voyons c’est que la volonté de trouver des compromis le cède
chaque jour un peu plus au désir d’imposer ses vues sans compromis, ou en assumant
des blocages. Nous l’avons constaté il y a encore quelques jours lorsque la
Russie, et la Russie seule, a bloqué l’adoption d’un document final consensuel
sur un enjeu de sécurité commun à l’ensemble des États.
Mon second point est que dans cet environnement dégradé, il nous faudra assumer
une diplomatie combative.
Chacun de nos concitoyens peut aujourd’hui l’éprouver : nous sommes dans
un moment grave, un moment de bascule - comme on le dit souvent - des
équilibres mondiaux et un moment dans lequel notre diplomatie devra se
concentrer sur les intérêts essentiels de la Nation, et les défendre avec les
atouts qui sont les nôtres, qui sont les vôtres, c’est-à-dire compétence,
engagement, polyvalence et universalité du réseau, haut niveau d’intégration et
d’influence dans les enceintes multilatérales, mais aussi détermination et
combativité.
Pour cela, nous pourrons compter sur les leviers de puissance que sont nos
alliances et nos partenariats. Ces alliances et ces partenariats, il faudra les
renforcer, les approfondir, mais il faudra aussi, je vous le disais hier, les
renouveler et les diversifier : ne tenons rien pour acquis.
Notre premier centre de gravité, le plus évident, le plus vital, c’est
l’Europe.
Et avec le soutien de Laurence Boone, je m’y consacrerai pleinement. Notre
prospérité autant que notre sécurité dépendent d’abord des succès de l’Union
européenne. Plus profondément encore, nos modes de vie démocratiques en
dépendent car notre Europe est une communauté libre reposant sur l’État de droit.
Je le dis fortement, les crises ne nous feront pas oublier l’essentiel. Il n’y
aura aucune baisse de notre ambition, aucun renoncement aux conditionnalités,
aucune tolérance pour ceux qui veulent les fonds européens mais rejettent le
fondement de l’Europe : la démocratie et les libertés.
Pour assurer cette mission, et dans ce contexte international difficile, nous
avons besoin d’une Europe forte, d’une Europe puissance. Qu’il s’agisse de
l’énergie, de la défense, des chaînes de valeurs les plus critiques, nous ne
sommes désormais plus les seuls en Europe à le penser. C’est un grand progrès.
Lorsque la guerre a été déclarée à nos portes, tous les États membres ont eu un
réflexe européen. Nous avons réussi collectivement, tout au long de notre
présidence du Conseil, à nous mobiliser pour appuyer l’Ukraine face à la
Russie, dans tous les domaines : sanctions d’une ampleur inédite, soutien
militaire, accueil des réfugiés, aide humanitaire, lutte contre l’impunité,
aide économique massive, appui à l’exportation des céréales, dont dix millions
de tonnes ont pu déjà quitter l’Ukraine grâce aux corridors de solidarité. Nous
l’avons fait tout en accélérant l’agenda de souveraineté sur les plans
énergétique, militaire, numérique, commercial, qui étaient au cœur de notre
agenda prévu de la PFUE. Les résultats de cette PFUE, vous les connaissez tous,
ont été unanimement salués, de la boussole stratégique au paquet climat, en
passant par l’adoption des deux textes fondamentaux que sont le DSA et le DMA,
qui ont jeté les bases d’un ordre public numérique, européen aujourd’hui et
mondial demain.
Cette mobilisation et cette résolution européennes n’ont échappé ni à nos amis,
ni à nos ennemis, ni même à ceux qui nous observent, sans prendre parti, ou
sans savoir prendre parti. Ils nous observent tous. Or, la puissance, vous le
savez, se manifeste aussi dans le regard des autres. Nous devons y penser.
Mais notre travail n’est pas terminé. L’Europe doit mener trois révolutions à
leur terme pour devenir ce que j’appellerais non seulement une Europe
« puissance », mais une Europe de « pleine puissance », qui
est tout simplement la condition et l’instrument de notre indépendance.
En premier lieu, le renforcement de nos capacités nationales et collectives de
défense. De réels progrès ont été faits, d’importants engagements ont été pris.
Nous devrons dans les prochains mois les traduire sur le plan concret. Je pense
à l’opérationnalisation de l’instrument d’acquisitions conjointes d’armement,
annoncé par le Commissaire Thierry Breton, bien nécessaire ; à la mise en
place d’ici 2025 d’une capacité européenne de déploiement rapide, ou encore aux
programmes communs d’armement. Il n’y a pas d’Europe puissance sans Europe de
la défense. Et il n’y aura pas d’Europe de la défense sans des budgets de
défense. Les hausses annoncées par des pays comme l’Allemagne, bien sûr, mais
aussi la Suède ou les Pays-Bas, à moindre titre l’Espagne, ou d’autres, ou la
fin de l’opt out danois, ce sont autant de passages à l’acte qu’il faut saluer
et encourager.
Cette Europe de la défense ne se définit pas d’ailleurs, évidemment, comme une
alternative à l’OTAN. De ce point de vue, je suis fière d’avoir défendu au nom
du Gouvernement le projet de loi permettant la ratification de l’adhésion de la
Suède et de la Finlande à l’OTAN, deux nouveaux membres européens qui viendront
renforcer notre alliance.
Deuxième révolution, celle de l’indépendance énergétique de l’Union. Dans les
prochains mois, nous sortirons progressivement de notre dépendance collective
au pétrole russe, puis au gaz. La solidarité européenne s’organise pour les
hivers prochains. Mais il faut faire plus. Alors que la Russie utilise à plein
l’arme énergétique pour déstabiliser l’Europe, alors que la Chine prend
méthodiquement le contrôle des chaînes de valeur dans le domaine des énergies
renouvelables, nous n’avons d’autre choix que d’accélérer : diversifier
nos approvisionnements, accélérer le développement de nouvelles capacités de
production d’énergie décarbonée, y compris par le nucléaire, rouvrir le débat
sur la limitation des prix d’achat de certaines sources importées.
Troisième révolution, qui est en cours, c’est celle d’une Europe stratège.
L’Union européenne a pris une décision historique en octroyant le statut de
candidat à l’Ukraine et à la Moldavie. Elle a aussi pu lancer les négociations
d’adhésion - enfin, devrais-je dire - avec la Macédoine du Nord et l’Albanie.
Notre intérêt stratégique est d’arrimer le plus solidement possible les Balkans
occidentaux à l’Union européenne. Et c’est parce que le chemin vers l’adhésion
est un chemin exigeant que le Président de la République a proposé la
Communauté politique européenne, qui ne sera pas un substitut, qui ne sera pas
une alternative, mais qui répondra à l’urgence de gérer ensemble les défis qui
concernent l’ensemble du continent européen au-delà de la seule Union
européenne : sécurité, santé, connectivité, énergie, pour citer quelques
exemples.
Enfin, cette approche stratégique commune doit renforcer notre unité. Le déclin
progressif mais constant du format qui fut jadis le 17+1 doit à cet égard nous
réjouir. Il révèle qu’un nombre croissant d’États membres comprend que l’unité
est notre meilleure garantie pour peser. Et la mise en place progressive
d’instruments de défense commerciale autonomes témoigne de notre volonté
collective de protéger notre marché intérieur, comme lorsque la Lituanie est
ciblée, nous l’avons fait, tout en utilisant le pouvoir d’attractivité de
l’Europe pour diffuser nos propres règles de concurrence équitable et durable.
Les nouveaux outils européens sur la réciprocité, la lutte contre les
subventions étrangères, et bientôt je l’espère la coercition économique,
incarnent cette ambition. Ce n’est pas seulement la fin de la naïveté, pour
reprendre un terme qui a beaucoup été utilisé au ministère de l’Europe et des
affaires étrangères, dans sa partie européenne, ce n’est pas seulement la fin
de la naïveté, c’est le début de la contre-offensive.
A ces trois révolutions européennes, il nous faudra sans doute aussi ajouter nos
propres révolutions internes. Nous avons su convaincre que l’Europe souveraine
était un but légitime. Cela n’allait pas de soi, il y a cinq ans, je le disais
brièvement tout à l’heure. Nous avons eu un niveau d’ambition élevé, voire même
très élevé, pour notre présidence du Conseil de l’Union européenne. Nous avons
su donner les impulsions nécessaires et parfois bousculer les dogmes de nos
partenaires. Une nouvelle phase s’ouvre, nous avons passé le relais ; une
phase dans laquelle nous devrons être encore plus à l’écoute de la vision de
l’Europe que peuvent avoir les autres États. Ensuite, il nous faudra poursuivre
la réflexion, comme toujours, sur le mode de fonctionnement de l’Union et les
éventuelles adaptations institutionnelles. Le président de la République l’a
souligné à plusieurs reprises : il ne doit y avoir aucun tabou à cet
égard. Car au fond, tout ce qui rend l’Europe capable d’agir plus efficacement
sert notre intérêt national. La ligne est claire.
Pour cela, nous devrons bien sûr travailler avec l’Allemagne, et le Président a
confirmé hier combien le discours du chancelier Scholz pouvait ouvrir, pour
nous aussi, de nouvelles perspectives. Nous devons mettre à profit la période
qui s’ouvre pour définir et mettre en œuvre une feuille de route commune, qui
nous permettra de renforcer encore notre relation bilatérale. Le prochain
Conseil des ministres franco-allemand sera un moment clé pour cette ambition
commune. Je rappelle que nous fêterons en janvier prochain le 60ème
anniversaire du Traité de l’Élysée, traité qui scelle l’amitié entre nos deux
pays. Je souhaite dans ce cadre que nous continuions, ensemble, à contribuer à
la consolidation d’une Union européenne tournée vers l’avenir, solidaire,
souveraine et efficace, non pas pour imposer une vision franco-allemande aux
autres, mais pour jouer le rôle d’impulsion si précieux, je dirais même
indispensable, qui est celui du couple franco-allemand.
Après l’Union européenne, nos autres points fixes ce sont nos alliés et
partenaires stratégiques.
Nos alliances et nos partenariats sont en quelque sorte notre capital
diplomatique. Nous avons hérité de certains, nous en avons bâti de nouveaux et
nous devons continuer.
D’abord, le partenariat transatlantique auquel la guerre en Ukraine donne une
importance renouvelée. La France continuera d’être un allié exemplaire.
Présente sur le terrain, dans les pays baltes comme en Roumanie dans le cadre
des mesures de réassurance au bénéfice des partenaires européens du flanc
oriental, elle agit dans un cas en étroite relation avec le Royaume-Uni et
l’Allemagne, et dans l’autre en tant que nation-cadre, avec nos partenaires
belges puis néerlandais. Qu’il ait pour cadre l’OTAN ou l’Europe de la Défense,
le renforcement des liens entre nations européennes contribue toujours à notre
sécurité collective. La France continuera également de porter la même exigence
de cohérence face à ceux de nos alliés qui apprécient la couverture de sécurité
de l’Alliance mais s’activent pour contourner les sanctions ou pour coopérer
militairement avec son plus direct adversaire, la Russie.
Ensuite, nous devrons continuer à consolider nos partenariats, partout où la
France est présente, au titre notamment de ses territoires ultramarins, à
commencer par l’Indopacifique.
L’Asie, on en parle beaucoup désormais, je veux en parler aussi, parce que
c’est une évidence, est une zone de compétition intense entre puissances. Elle
peut devenir demain un terrain de confrontation, nous l’avons vu il y a
quelques semaines seulement avec les exercices militaires menés par la Chine
autour de Taïwan, débouchant sur des tirs, dont certains ont atterri dans la
zone économique exclusive du Japon.
Dans cette région du monde, la France continuera d’œuvrer à l’autonomie
stratégique de toutes les puissances qui adhèrent à ces principes partagés de
régulation d’un ordre international basé sur la règle de droit. L’Inde
évidemment est et demeurera un partenaire essentiel en Asie : depuis un
quart de siècle, un partenariat stratégique exceptionnel nous lie à ce pays,
fondé sur le désir commun de l’autonomie au service de la stabilité
internationale.
L’Inde, c’est au fond l’exemple le plus abouti pour nous de ce partenariat
d’égal à égal que le Président de la République évoquait hier. Demain,
l’Indonésie peut être un nouveau partenaire de premier plan. Et nous
construisons avec l’Australie une nouvelle relation positive après la grave
remise en cause du partenariat de sécurité par l’ancien gouvernement
australien. Dans le cadre du partenariat d’exception qui nous lie au Japon,
nous nourrissons enfin des ambitions à la mesure de ce que ce pays représente
aujourd’hui dans l’espace Indopacifique.
En parallèle, nous devrons faire plus dans le Pacifique sud, où se joue un
nouveau « grand jeu ». Le troisième référendum en Nouvelle-Calédonie,
qui a confirmé le maintien de l’archipel dans la République, nous rappelle à
quel point notre pays doit travailler avec ses voisins insulaires, le ministre
des armées, nous le disait hier, à certains d’entre nous, parce que nous
faisons face à des défis communs, de sécurité, de préservation des ressources
ou d’adaptation au changement climatique.
Aussi stratégique pour notre pays et pour l’Europe est le partenariat avec
l’Afrique. Nous devrons poursuivre la transformation des liens qui nous unissent
à ce continent voisin.
Comme le reste du monde, l’Afrique connaît des crises, mais elle sera d’abord
pour nous, dans les années qui viennent, une multitude de partenariats à
inventer, d’opportunités de coopération à développer. Là aussi il faudra continuer
de transformer notre approche dans le cadre de partenariats rénovés entre
égaux, qui partent des besoins exprimés par nos partenaires, autant que de ceux
que nous pouvons nous-mêmes exprimer. Nous savons que sur ce continent de
nouvelles concurrences se manifestent, dont certaines de façon agressive ou
sans scrupule. Pour notre part, nous devons apprendre à agir dans cet espace de
plus en plus concurrentiel. C’est à nous de faire la démonstration que nous
sommes le bon partenaire, le plus fiable, le plus respectueux, celui qui sera
là dans les jours de succès comme dans les moments difficiles.
Notre politique reposera en permanence sur ces deux piliers : agir avec
les États, dialoguer directement avec la jeunesse, les entrepreneurs et
l’ensemble des forces des sociétés civiles, pour mieux comprendre et pour être
mieux compris, pour mieux agir.
Agir avec les États, c’est confirmer notre engagement à soutenir la paix, la
sécurité, la bonne gouvernance et le développement, comme je l’ai fait au mois
de juillet au Niger avec le ministre des Armées. Nous resterons donc présents
auprès des États africains qui le souhaitent, et en soutien des besoins qu’ils
expriment souverainement, pour les appuyer dans la réalisation de leurs
ambitions légitimes. Notre appui au développement économique, et notamment
agricole, notre aide publique au développement dans le domaine des
infrastructures, de la santé, de l’éducation, tout cela se fera ensemble. Les
États africains sont parmi les plus durement touchés par les effets du
changement climatique. Ils sont également parmi les plus jeunes de la planète.
Ils ont donc des besoins et des attentes spécifiques, auxquels nous pouvons,
nous devons contribuer à répondre. Et s’il y a des partenaires, nous y mettrons
des moyens puisque nos ressources dédiées au développement continueront de
croître.
Agir avec les États, c’est aussi renforcer nos coopérations avec les
organisations régionales africaines, en premier lieu l’Union africaine, et
c’est aussi soutenir l’intégration régionale et les efforts régionaux en
matière de paix et de sécurité. C’est aussi promouvoir un partenariat plus
politique entre l’Union européenne et l’Union africaine ; il y a à faire,
nous le disions hier ; nous l’avons fait pour notre part en février dernier
dans le cadre du sommet des chefs d’État ou de gouvernement de l’Union
européenne et de l’Union africaine.
Agir avec les États, dialoguer avec les forces vives,
dialoguer en particulier avec la jeunesse, si créative, si innovante, si
prometteuse, qui représente la majorité de la population en Afrique, c’est le
chantier ouvert à Ouagadougou en 2017, confirmé à Montpellier en 2021, et plus
récemment, lors des déplacements du Président de la République au Cameroun, au
Bénin, en Guinée-Bissau et, la semaine dernière, en Algérie. Ainsi a été posé
le cadre de la transformation de notre relation avec le continent africain,
avec une ambition qui est d’inventer ensemble l’avenir.
Aborder ensemble l’avenir implique bien souvent de commencer par naviguer
ensemble dans notre passé commun. Vous l’avez compris. Nous devrons ainsi
poursuivre le travail de mémoire engagé déjà avec le Rwanda, le Cameroun,
l’Algérie. Sur le plan culturel, soyons plus ambitieux encore pour bâtir une
coopération muséale notamment de grande qualité. Nous voulons aussi appuyer la
création artistique sous toutes ses formes, littérature comme arts plastiques.
Le Président nous en a parlé hier.
Cela implique également de mieux nous appuyer sur les diasporas, et je souhaite
qu’elles jouent avec nous un rôle de premier plan dans cet effort de
renouvellement de notre approche. Donc, travaillez avec elles, sollicitez leurs
idées et leurs connaissances ; elles seront pour vous, sur le terrain, de
puissants relais. David Diop, Alain Mabanckou ou Djailou Amadou Amal, prix
Goncourt des lycéens, ce sont des visages et des voix françaises qui expriment
avec finesse et profondeur toute la complexité et toute la force des liens qui
unissent l’Europe et l’Afrique. Ce sont des passeurs indispensables.
Notre changement d’approche doit aussi passer par un changement d’image, car
nous le savons bien, l’image que nous renvoyons au monde, et particulièrement
dans cette partie du monde, est un enjeu stratégique. Il faut démonter les
manipulations et couper court aux mensonges, mais il faut aussi reprendre la
maîtrise de notre propre récit, de notre image. Le Conseil des ministres a
nommé avant-hier une ambassadrice chargée de la diplomatie publique en Afrique,
avec pour mission notamment d’assurer le partage des meilleures pratiques, de
vous conseiller sur les actions possibles, et d’assurer une meilleure prise en
compte par les opinions des initiatives et des actions de la France. Votre
implication personnelle est nécessaire, je dirais même qu’elle peut être
déterminante.
J’en viens à mon troisième point. Notre action diplomatique, notre action
européenne, nos partenariats servent une vision : celle qu’il y a une
commune humanité.
Le premier élément de notre commune humanité, c’est notre égale aspiration aux
droits et aux libertés.
Vous êtes les représentants de la République, d’un État profondément
démocratique, dont le préambule de la Constitution rappelle que « tous les
Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits ». La défense de la
liberté est aussi un enjeu d’intérêt national face aux attaques de plus en plus
nombreuses venues de l’extérieur. Je l’ai évoqué, je parle de tous ceux qui,
acteurs étatiques ou non-étatiques, cherchent à semer le trouble chez nous, par
la manipulation de l’opinion, par la division, ou en appuyant les séparatismes
au sein de notre société. C’est la même main obscurantiste qui frappe Charlie
Hebdo et Salman Rushdie. Il faut l’arrêter.
Il y aussi là une question internationale. La France n’a jamais été la tenante
de l’interventionnisme démocratique. Elle agit sans injonction ni ingérence,
pour reprendre les termes du Président de la République hier. Mais elle agit.
Notre diplomatie intègre donc la question démocratique et celle des droits,
parce que nous avons la conviction que chaque être humain est également digne
de jouir des droits fondamentaux. C’est ce que nous faisons par exemple au
Conseil des droits de l’Homme. Personne n’a à se résigner à une existence
privée de liberté. C’est ce qu’osait écrire le grand auteur soviétique Vassili
Grossman dans son roman Vie et Destin, dont la relecture dans le contexte
d’aujourd’hui est particulièrement édifiante, nécessaire peut-être, je le
cite : « l’aspiration de la nature humaine à la liberté est
invincible ». Cette conviction, forgée au cœur de l’expérience du
totalitarisme, doit nous guider.
En ce domaine comme dans les autres, notre diplomatie agira d’abord sur le
terrain, où elle est confrontée à ce que le Président de la République appelait
hier la « compétition des universalismes ». Elle doit participer
activement à élargir l’espace de la démocratie et des droits partout où cela
est possible. C’est une priorité du Président de la République, réaffirmée lors
du lancement de l’initiative Marianne, par exemple, en décembre 2021, de
soutien aux défenseurs des droits de l’Homme dans le monde. Je souhaite que
nous puissions amplifier ce mouvement par la mise en place dans chaque
ambassade, où cela est pertinent, d’un plan de « résilience
démocratique », développé sous votre autorité et regroupant l’ensemble des
moyens du ministère, notamment le volet « société civile » des Fonds
de solidarité pour les projets innovants (FSPI), et les moyens des opérateurs
ou transitant par des canaux multilatéraux. Cette stratégie intégrera également
les moyens de notre diplomatie culturelle qui assure bien souvent un espace de
débat et de circulation des idées, dans des lieux où ils sont remis en cause.
Dans ce cadre général, continuons d’agir pour la protection de ceux qui œuvrent
pour les libertés individuelles, acteurs associatifs et humanitaires,
journalistes, avocats par exemple. D’agir en faveur de ceux qui sont opprimés
ou poursuivis pour ce qu’ils sont, minorités religieuses dont certaines, comme
les Yézidis d’Irak, ont été les victimes du projet génocidaire de Daech, ou
membres des communautés LGBTQ+ pour lesquelles nous aurons, d’ici à la fin de
l’année, une ou un ambassadeur dédié, comme la souhaité la Première ministre.
Enfin, parce qu’aucune société ne peut se développer sans égalité entre les
femmes et les hommes, continuons à faire de notre diplomatie féministe un
élément central de notre action. Par exemple, vous devez continuer à vous
mobiliser pour le droit à l’éducation des filles, dont la tragédie que
représente le retour des Talibans à Kaboul nous rappelle qu’il n’est jamais
acquis, pour les droits sexuels et reproductifs, remis en cause au cœur même
d’une grande démocratie comme les États-Unis d’Amérique, ou pour l’égalité des
droits, l’égalité de traitement devant la loi.
Cet agenda démocratique devra tenir compte du développement massif des nouveaux
médias dans nos vies. Là encore, la France joue un rôle moteur. Je pense à la
nouvelle législation DSA sur les services numériques, évoquée tout à l’heure,
adoptée sous la présidence française du Conseil de l’Union européenne. Elle
permettra de lutter contre la diffusion de contenus illicites en ligne, comme
les incitations à la haine ou à la violence. Je pense à l’Appel de Christchurch
pour supprimer les contenus terroristes et extrémistes violents en ligne, lancé
par le Président de la République et la Première ministre néo-zélandaise. Je
pense aussi au Partenariat pour l’Information et la Démocratie, qui vise à
promouvoir l’accès, notamment en ligne, à une information fiable, de qualité,
en plusieurs langues, issue de médias libres, indépendants et pluralistes. Deux
Sommets, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à la fin du mois,
permettront de consolider ces coalitions. Et sur le plan national,
l’audiovisuel extérieur public restera un acteur clé de cet effort.
Dans le cadre des États généraux du droit à l’information, que nous mènerons
conjointement avec ma collègue ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak,
j’entends réfléchir avec vous aux meilleurs outils pour nous prémunir contre
les ingérences étrangères. Nous devons faire plus. J’entends agir avec vous
pour définir le cadre européen commun qui nous permettra d’agir plus
efficacement et de soutenir à l’étranger les médias libres. Cela implique que
vous soyez plus encore plus présents dans les espaces virtuels où se jouent les
relations internationales, pour faire connaître votre action comme vous le
faites, mais aussi pour démonter toutes les fausses informations, lutter contre
ces ingérences, être plus actifs ou proactifs, comme on le dit chez nos amis
belges. C’est un terrain à part entière de notre action désormais. Cela fait
partie de votre mission de diplomate.
Notre commune humanité, c’est évidemment aussi notre environnement, qu’il faut
préserver des logiques de concurrence et des entreprises de prédation. Des
compétiteurs qui suivent des trajectoires divergentes doivent pouvoir se
retrouver sur ce point. Nous voulons le croire. Il est ainsi impensable
d’espérer résoudre les enjeux globaux auxquels nous sommes confrontés sans la
Chine, qui est le principal émetteur de CO2. C’est la raison pour laquelle nous
devons continuer à trouver des accords partout où cela est possible, car nous
devons éviter que reviennent les logiques de blocs qui paralyseraient la
diplomatie, y compris dans les domaines comme l’environnement ou le climat, où
la recherche de solutions relève de l’urgence. Je ne dis pas que ce sera
facile, considérant l’extension nouvelle des logiques de compétition. Pour
autant, j’ai confiance dans notre capacité à y parvenir et ce, pour une raison
simple : ce que l’on a qualifié de « brutalisation » des
relations internationales, à juste titre d’ailleurs, n’a pas attendu la guerre
en Ukraine, car on ne peut pas dire que la décennie écoulée ait été beaucoup
plus paisible que le siècle précédent.
La France a toujours eu à cœur de promouvoir une diplomatie humaniste, et elle
continue depuis la COP21, et plus encore depuis 2017, elle a continué d’avancer
résolument à rechercher ces terrains d’entente communs et à les forger, autant
qu’elle le peut. De l’Alliance pour les forêts tropicales à la coalition de la
haute ambition pour la nature et les peuples, en passant par l’Alliance pour le
multilatéralisme, par le One Ocean Summit de Brest, ou bientôt par la prochaine
Conférence des Nations unies sur les océans, que nous souhaitons organiser en
France en 2025, de l’initiative ACT-A à notre implication dans le cadre du
mécanisme COVAX, où nous avons tenu et même dépassé que nous nous étions donné
avec 124 millions de doses, nous avons su repousser les murs, nous avons su
éviter les chocs dans un nombre considérable d’occasions. Nous pouvons le
faire. Continuons. Le rendez-vous annuel du Forum de Paris pour la Paix nous
offre aussi une autre plateforme pour chercher de nouvelles opportunités de
faire vivre cette diplomatie des biens communs et des projets concrets.
Dans l’année qui vient, nous devrons poursuivre inlassablement cet effort au
moins dans deux domaines prioritaires.
Le premier est la baisse des émissions de gaz à effet de serre. C’est le
chantier urgent des années qui viennent, à l’intérieur de nos frontières comme
à l’international. La COP27 se tiendra du 7 au 18 novembre à Charm el-Cheikh,
alors que la guerre en Ukraine remet notre dépendance aux énergies fossiles au
premier plan. Nous devrons y transcender la division Nord-Sud, qui n’a aucun
sens face à l’emballement du changement climatique qui concerne toute la
planète.
Le deuxième enjeu, c’est la sécurité alimentaire. Il s’agit de pallier à court
terme l’aggravation de la sécurité alimentaire née de la guerre en Ukraine, et
à moyen terme de répondre aux défaillances structurelles du marché mondial des
produits agricoles. Des résultats ont été obtenus à l’OMC, au PAM et au FIDA,
résultats qu’il faut consolider. Cela nécessite de nouveaux partenariats, en
particulier avec les acteurs privés au sein de la coalition d’action que j’ai
lancée le 23 juin dernier avec mon collègue de l’agriculture Marc Fesneau, dans
le cadre de l’initiative FARM, lancée par le Président de la République,
reprise par l’Union européenne et le G7, avec les acteurs privés, avec les pays
bénéficiaires, et notamment avec les pays africains.
Notre commune humanité a, enfin, un cadre pour agir : c’est le nôtre,
c’est celui du multilatéralisme.
Nous poursuivrons, avec les Européens, notre soutien résolu aux organisations
internationales, à commencer par les Nations unies. Au Conseil de sécurité,
l’abus du veto ne fera jamais taire notre voix en faveur du droit, en faveur de
la paix. A New York, Genève, Rome ou Nairobi, nous appuierons le Secrétaire
général, les agences, fonds et programmes, pour agir face aux crises,
promouvoir les droits de l’Homme et favoriser un développement durable pour
tous.
Certaines organisations techniques, comme l’AIEA ou l’OIAC, voient leur
impartialité contestée par ceux qui n’aiment pas leurs conclusions, comme celle
pourtant évidente, que le régime de Damas a utilisé contre sa population des
armes chimiques, et que des conséquences doivent en être tirées. D’autres sont
soumises à des pressions plus ou moins ouvertes, comme hier l’OMS ou la Cour
pénale internationale, de la part de la précédente administration américaine.
Nous serons toujours, pour notre part, les soutiens du système
multilatéral ; car l’ordre international a besoin d’impartialité, de
consensus et de règles. Nous avons noué des partenariats solides pour défendre
cette méthode, en Europe, en premier lieu, et hors Europe, notamment avec nos
amis d’Amérique latine, qu’il s’agit peut-être de cultiver davantage.
Notre commune humanité, nous la servons également en agissant là où les
fractures menacent de s’aggraver, je citerai quelques situations régionales.
Au Sahel, nous en avons déjà parlé, notre retrait militaire du Mali ouvre une
nouvelle page. Nous continuerons à marcher sur nos deux jambes : d’une
part, nous aiderons nos partenaires à lutter contre les groupes terroristes
armés qui tentent de les déstabiliser, car c’est indispensable pour assurer
notre propre sécurité. Mais nous le ferons en étant davantage en appui, dans
une logique de responsabilisation et de montée en puissance de nos partenaires,
et en fonction de leurs demandes. L’approche sécuritaire seule n’est pas
suffisante. C’est pourquoi il est indispensable qu’elle s’accompagne, d’autre
part, de projets de développement et de stabilisation, d’un retour des services
de l’État, et d’une amélioration de la gouvernance. Nous serons aux côtés des
pays qui portent cette approche.
Nous devrons également tirer les conséquences des recompositions stratégiques
en cours au Moyen-Orient. Notre diplomatie est en effet celle d’une puissance
d’équilibre. Non pas que nous nous placions à équidistance de tous, car nous
connaissons notre place, nos alliés et nos partenaires, je l’ai dit. Mais parce
que nous recherchons l’équilibre et entendons empêcher ceux qui cherchent à
ajouter au désordre, à déséquilibrer les rapports internationaux.
La perspective du retour de l’Iran dans le JCPOA, le président de la République
l’a rappelé, la balle est aujourd’hui dans le camp de Téhéran. Dans le même
temps, l’Iran continue de chercher à étendre son emprise aux dépens de la
souveraineté et de la sécurité de ses voisins et ne renonce en rien à sa
rhétorique hégémonique. Le sujet de la sécurité au Moyen-Orient ne se limite
donc pas à la question nucléaire. Nous aurons à faire des propositions pour
renforcer la sécurité régionale d’une part, et d’autre part pour préserver
l’espace de dialogue ouvert par la Conférence de Bagdad, l’été dernier.
Notre engagement impartial en faveur de la souveraineté et de la stabilité de
l’Irak ne s’est jamais démenti. Alors que l’Irak traverse la pire crise
politique depuis 2003 et a connu ces derniers jours une flambée de violence,
nous pouvons contribuer à encourager une dynamique de désescalade et de
dialogue inclusif.
Les Accords d’Abraham sont également un signal du changement. Ils accélèrent la
dynamique d’inclusion d’Israël dans son environnement régional, c’est une bonne
chose, il faut le poursuivre. Mais les Accords d’Abraham sont aussi incomplets.
Tout en accompagnant la logique d’intégration économique régionale qu’ouvrent
ces accords, nous devons rester mobilisés pour restaurer un horizon politique à
la question palestinienne. Notre soutien à la sécurité d’Israël va de pair avec
notre attachement au respect du droit international, dont nous attendons d’une
démocratie qu’elle l’applique scrupuleusement. Il va également de pair avec
notre affirmation d’un droit égal à la dignité et à la souveraineté pour les
Israéliens comme pour les Palestiniens, c’est-à-dire une solution à deux États,
la seule souhaitable.
Le Liban est à bout de souffle et la gravité de la crise économique est sans
précédent. Notre responsabilité est de soutenir le peuple libanais, épuisé,
mais aussi d’user de notre influence pour faire cesser l’incurie et les abus.
Des motifs d’espoir existent : des élections législatives se sont tenues,
un accord technique a été signé avec le FMI. Mais sans sursaut des responsables
libanais, l’effondrement du Liban se poursuivra. Notre vigilance sera donc
entière, pour que les responsables libanais répondent à cette exigence de
réformes et de justice qui est celle des Libanais eux-mêmes.
Enfin, la stabilité de l’espace méditerranéen est plus vitale encore. C’est en
Méditerranée que se jouent, en grande partie, notre sécurité, notre prospérité,
notre avenir écologique et climatique. Nous devons faire face à ces enjeux
collectivement. C’est pourquoi nous poursuivrons l’approfondissement et la
rénovation de nos partenariats avec les pays du Maghreb. La visite du président
de la République en Algérie a jeté les bases d’un partenariat renouvelé entre
nos deux pays, tourné vers l’avenir, tourné vers la jeunesse. Cette ambition,
nous la portons aussi pour redynamiser la coopération et les échanges avec le
Maroc, pays avec lequel nous entretenons un partenariat d’exception. Et en
Tunisie, pays également cher à notre cœur, engagé dans un processus de
transition, nous devons continuer à soutenir la population affectée par une
grave crise économique. Cette ambition doit avoir pour guide nos intérêts
communs de sécurité au sens large, mais aussi prendre pleinement en compte
l’aspiration des populations à un monde plus juste et plus libre, dans lequel
leur dignité et la règle de droit sont respectées.
Nous continuerons d’agir pour résorber le chaos en Libye et travailler à sa
stabilisation. Notre diagnostic est le bon : seules des élections
permettront de résoudre la crise de légitimité dont souffrent les institutions
libyennes, et qui ne font que faciliter les ingérences d’acteurs motivés par
d’autres préoccupations que les nôtres. C’est le désir des Libyens d’aller de
l’avant, il faut les aider à réaliser ce désir.
Je pourrais évoquer bien d’autres situations régionales, mais je voudrais en
venir à ma quatrième et dernière partie. La France va exiger beaucoup de vous,
dans les mois et les années à venir, et le Gouvernement vous donnera en retour
les moyens d’agir. Le temps du « réarmement » de notre diplomatie est
venu.
En premier lieu vous pouvez compter sur un soutien de poids. Ce soutien, c’est
celui des Français.
Covid19, Afghanistan, Ukraine, je vais commencer par cela : la diplomatie
française a acquis, au cours des trois dernières années, un réel capital de
confiance. Elle a confirmé qu’elle était non seulement un instrument
d’influence et de puissance au service d’une France indépendante et forte, mais
aussi un service public fiable et performant. C’est un atout formidable. Ce
capital de confiance, continuez à le faire grandir.
L’important exercice d’ouverture entamé par ce ministère doit aussi se
poursuivre. Il contribue à mieux faire connaître notre action et nos métiers, à
mieux les faire comprendre. L’Académie diplomatique d’été, le programme
« empreintes », vos déplacements dans les régions doivent se poursuivre
et vous permettre d’entretenir le contact avec les Français, les élus locaux,
les acteurs de la vie associative et bien sûr, encore plus qu’auparavant, avec
les Parlementaires, comme nous l’a rappelé, à tous les membres du Gouvernement,
la Première ministre. Beaucoup des Parlementaires sont là avec nous,
aujourd’hui, comme ils le sont tout au long de l’année ; je les en
remercie et je les salue chaleureusement.
Pour consolider ce lien, notre action doit toujours être en prise avec en tête
les préoccupations de nos compatriotes.
Les Français attendent de nous que nous les protégions lorsqu’ils voyagent ou
lorsqu’ils vivent à l’étranger. Nous continuerons bien sûr, par ailleurs, de
nous mobiliser sans relâche pour obtenir la libération de nos compatriotes
détenus en otage ou condamnés sur des fondements politiques. Nous continuerons
de nous mobiliser sans relâche pour assurer la sécurité des Français en temps
de crise.
Outre la sécurité et la défense de nos valeurs, les Français attendent de nous
que nous soyons au service de leur vie quotidienne. Les inquiétudes sur le
pouvoir d’achat sont grandes. La diplomatie économique, qui est au cœur de nos
métiers depuis toujours, a permis à nos ambassades de s’approprier pleinement
les sujets liés au commerce extérieur et à l’attractivité.
Sous l’étendard Choose France et grâce aux réformes de compétitivité qui ont
été menées lors du précédent quinquennat, nous avons fait de la France le pays
le plus attractif d’Europe en termes de projets d’investissements étrangers. C’est
le cas pour la troisième année consécutive. Avec Olivier Becht nous
travaillerons à la consolidation d’une « Marque France ». En lien
avec Business France, avec nos régions et avec l’ensemble des acteurs de
l’attractivité, je vous demande d’appliquer avec lui, avec nous, un principe
simple : il faut jouer tous les ballons, et il faut les jouer en équipe.
Notre diplomatie doit être une diplomatie de résultats et chaque résultat
compte s’il permet de contribuer à ce que nous souhaitons pour la France :
plein emploi, croissance, réindustrialisation. La création, même d’une dizaine
emplois, dans une petite ville, c’est un succès à part entière. Pour ne pas
parler des 6,7 milliards d’euros d’investissements annoncés lors du dernier
sommet Choose France.
Notre diplomatie économique doit permettre à nos entreprises de se projeter
encore plus efficacement partout dans le monde. Le déficit, je devrais dire
l’important déficit du commerce des biens cache des tendances de fond positives
qu’il nous faut amplifier. Un exemple : malgré la pandémie, nous avons vu,
ces dernières années, le nombre de nos entreprises exportatrices battre des
records et dépasser désormais les 138.000, contre 120.000 en 2017. C’est
encourageant, mais ce n’est pas assez, en comparaison du tissu exportateur de
nos voisins. Vous pourrez vous appuyer sur le partenariat solide noué en 2018
avec Business France, les régions, Bpifrance et CCI France au sein de la Team
France Export, que je souhaite, et Olivier à mes côtés, encore approfondir.
Pour les Français de l’étranger, l’école doit rester au cœur de nos
préoccupations : nous renforcerons le réseau d’enseignement d’excellence à
la française, via le réseau d’écoles françaises à l’étranger, qui est aussi
peut-être l’un de nos meilleurs vecteurs d’expansion de la francophonie et
d’une façon de voir le monde, de nos valeurs. Notre objectif doit être aussi de
remettre la France sur le podium des nations les plus attractives pour les
étudiants internationaux, façon fort diplomatique de dire que nous avons reculé
et qu’il faut renverser cette tendance.
Être proches des préoccupations et des intérêts de nos compatriotes, comme je
vous le demande, c’est aussi, pour notre réseau diplomatique, être présents
dans les grands rendez-vous qui rassemblent les Français. Dans moins de deux
ans maintenant, il en est un qui prendra pour la France une dimension
historique, ce sont les JO de 2024. Nos paysages, nos villes, nos savoir-faire,
notre économie seront présentés au monde entier. Je remercie ma collègue Amélie
Oudéa-Castéra d’avoir accepté hier d’évoquer avec vous ce sujet. J’espère
qu’elle vous a dit le fond de ma pensée. Nous avons 70 Ambassades qui sont
d’ores et déjà associées à cette échéance majeure que sont les Jeux olympiques
via le Label « Terre des Jeux » : je souhaite que ce nombre
puisse doubler d’ici à l’été prochain. C’est possible.
Venons-en enfin à nos moyens, auxquels nous consacrerons aussi une session
particulière cette après-midi.
Les attentes des Français à votre égard sont importantes, et le contexte
international justifie, bien sûr, vous le savez mieux que quiconque, que la
France prenne résolument le chemin du renforcement de ses fonctions
régaliennes.
Nos armées ont vu ces dernières années leurs moyens progresser, ce qui nous
permet aujourd’hui de tenir notre rang. Nous devons également augmenter notre
ambition diplomatique, ce qui implique aussi d’augmenter nos moyens :
c’est ma priorité et mon engagement auprès de vous. L’aide publique au
développement continuera la croissance importante, manifeste, entamée depuis
2017. Cette année, ce sont 860 millions d’euros supplémentaires pour 2023 qui
seront proposés à l’approbation du Parlement.
Épaulée par Chrysoula Zacharopoulou, je serai toujours vigilante à ce que les
moyens qui nous sont ainsi confiés répondent aux priorités politiques fixées
par le Président de la République et par la Première ministre, qui seront
prochainement réaffirmées et adaptées, s’il le faut, à l’occasion d’un Conseil
Présidentiel du Développement, puis déclinées lors d’un CICID au début de
l’année prochaine. Car notre politique de développement est un élément à part
entière de notre politique étrangère. La loi de programmation de 2021 en tire
les conséquences, en renforçant le pilotage politique de l’APD, dont l’Agence française
de développement est le principal opérateur. C’est vrai à Paris et c’est vrai à
l’étranger. Je vous demande d’en être les garants, en animant les conseils
locaux du développement, et en mettant en place les stratégies pays attendues
de vous.
Mais je voudrais également dire aujourd’hui que grâce au soutien du Président
de la République et de la Première ministre, que je remercie très vivement, la
mission « action extérieure de l’État » (c’est-à-dire les programmes
105, 151 et 185) verra ses crédits augmenter de 160 millions d’euros en 2023.
Cette hausse consolide le processus d’augmentation progressive de nos moyens
budgétaires entamée en 2018, mais à la hausse, sensiblement.
Concernant les emplois, je veux d’abord rendre hommage à mon prédécesseur, Jean-Yves
Le Drian, qui avait réussi, l’an dernier, à stabiliser le nombre d’ETP, mettant
ainsi fin, selon son expression, je crois le citer exactement, à l’hémorragie
des emplois dans ce ministère. L’année prochaine, et le Président vous l’a dit,
c’est la première fois depuis une trentaine d’années, depuis 1993, nous
créerons des emplois. Depuis 1993, cela veut dire qu’aucun diplomate de moins
de 55 ans n’a connu de hausse d’effectifs dans cette maison. C’est donc une
vraie rupture, un vrai changement. Le ministère de l’Europe et des affaires
étrangères verra ainsi son plafond d’emplois augmenter de 100 ETP cette année.
Pour un ministère comme le nôtre, c’est un renforcement très substantiel de nos
moyens humains.
Ces ressources nouvelles ont un effet sur votre quotidien professionnel. Ce
n’est pas la même chose de travailler dans un centre de crise qui gère 30
millions d’aide humanitaire, comme c’était le cas en 2017, ou 200 millions,
comme cette année. Lorsqu’elle se réunira en 2023, la conférence nationale
humanitaire pourra prendre acte du chemin parcouru et notre pays pourra en être
fier. Ce n’est pas la même chose non plus de travailler avec les organisations
du système des Nations unies lorsque les contributions volontaires sont tombées
à 105 millions d’euros, leur niveau de 2017, ou lorsqu’elles dépasseront 700
millions d’euros en 2023. Ce n’est pas la même chose d’être ambassadeur avec
des Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) à 17 millions
d’euros, comme en 2018, ou à 60 millions d’euros, comme aujourd’hui, et bientôt
plus.
Ces moyens nouveaux doivent aussi nous permettre de catalyser et d’accentuer la
modernisation de notre organisation et de nos méthodes. En matière budgétaire,
comme pour les ressources humaines, il n’y aura pas de saupoudrage, mais je
ferai des choix assumés, y compris pour améliorer le quotidien de cette
administration. Je ne veux pas les présenter ici de manière détaillée, mais il
va de soi que les questions politiques nouvelles, par exemple la priorité
donnée à l’Indopacifique, la sécurité de nos emprises, le cyber, mais aussi
notre capacité de réaction aux menaces informationnelles, feront partie de ces
choix. Deux nouvelles sous-directions seront créées et permettront de mieux
couvrir ces menaces.
En complément des moyens supplémentaires, et non pas en miroir, en complément,
nous devons continuer à nous montrer adaptables et innovants. Je crois que le
Président a dit « agiles ».
Ce sont des qualités essentielles du métier de diplomate. C’est plus que jamais
nécessaire.
Il y a quinze ans, ce ministère a su innover avec la création du centre de
crise et de soutien du quai d’Orsay, qui est probablement un de nos plus grands
succès. Un outil polyvalent, ouvert aux compétences extérieures et mobilisable
au service de notre appareil d’État. Je veux saluer l’efficacité avec laquelle
ce centre coordonne aujourd’hui l’action de l’État dans la réponse aux crises
consulaires ; nous l’avons vu avec l’Ukraine ; et crises
humanitaires, comme notre aide au Pakistan l’illustre encore cette semaine. Une
semaine entre l’appel à l’aide du Premier ministre pakistanais et le départ de
notre aide, aujourd’hui même.
Je souhaite que la même logique s’étende à d’autres secteurs d’activité du
ministère. En 2023, je souhaite par exemple que la DFAE puisse créer son propre
centre de soutien spécialisé, de manière à ce que nous puissions venir en aide
à ceux qui, dans le réseau consulaire, font face à des difficultés, répondre
ainsi aux attentes légitimes des Français de l’étranger et des étrangers qui
cherchent à entrer légalement sur notre territoire.
Cela concerne aussi la Direction générale de la mondialisation. La France est à
la tête de nombreuses coalitions globales, sur des sujets toujours plus divers.
La DGM doit donc pouvoir s’inscrire dans le schéma présenté hier par le
président de la République, où ce ministère endosse pleinement le rôle de chef
de file interministériel pour l’action internationale de l’État. Ce rôle, la
DGM pourra l’endosser en mobilisant une diversité d’acteurs, en supervisant les
opérateurs et en s’assurant que leur autonomie de droit ne se développe pas aux
dépens de la réalisation des objectifs stratégiques de l’État dont nous sommes
politiquement comptables. Elle doit pouvoir parler à la société civile, aux
collectivités locales, intégrer leur expertise et leurs ressources, ainsi que
celles de l’interministériel, au sein de task forces qu’elle pilotera, avec les
moyens pour le faire. C’est un vaste chantier en vue de renforcer notre
capacité à assurer le pilotage cohérent d’affaires globales dont la technicité
ne cesse de croître.
Enfin, je veux que notre diplomatie soit encore plus innovante. Dès 2023, je
souhaite que nous créions trois fonds de soutien à l’innovation, au sein du
ministère : un fonds dédié aux innovations dans le domaine de notre
diplomatie d’influence, afin que les propositions nouvelles de nos Instituts et
services culturels et de coopération puissent bénéficier d’un appui pour leur
amorçage ; un fonds pour la transition écologique et énergétique, afin
d’appuyer des investissements permettant de réduire rapidement notre
consommation d’énergie sur l’ensemble du réseau ; et en matière de
communication, un fonds pour soutenir vos projets les plus ambitieux qui sera
doté de 500.000 euros.
Enfin, et j’ai bien conscience que j’ai pris mes fonctions au moment où
s’exprimaient au sein de notre maison des interrogations profondes,
cristallisées en particulier autour de la réforme de la haute fonction
publique, mais qui la dépassent largement, un petit mot sur nous-mêmes.
Des craintes qui se sont exprimées depuis des années autour du risque de
dilution des spécificités du métier diplomatique sont manifestes aujourd’hui.
Des difficultés se sont fait jour aussi, liées à une charge de travail parfois
très lourde et croissante dans un contexte parallèlement d’attrition des
moyens, de multiplication des missions et d’autonomisation des
opérateurs ; liées aussi aux contraintes inhérentes à une vie faite
d’expatriation souvent, en particulier pour la carrière des conjoints et
l’éducation des enfants. Des critiques de nos procédures et de notre
fonctionnement administratif sont revenues. Et je n’oublie pas les agents de
catégorie B et C, les agents sous contrat, pour qui ces questions se posent
avec autant d’acuité.
C’est pourquoi ce ministère a besoin d’un moment d’écoute, de dialogue et de
réflexion pour redéfinir le sens de son action collective. Il y aura donc des
« États généraux de la diplomatie ». Le Président de la République a
bien voulu retenir cette idée. Il vous l’a dit hier. Nous devrons nous y poser
des questions aussi simples que « Qu’est-ce qu’être diplomate
aujourd’hui ? De quelles compétences avons-nous besoin ? Quelles
conséquences devons-nous en tirer pour nos recrutements, pour le déroulement de
nos carrières ? Comment garantir une meilleure diversité et une plus
grande parité ? Comment faciliter la vie de nos agents et leur montrer que
l’administration, qui demande beaucoup, agit aussi en soutien ? »
Ces questions, nous devrons y revenir ensemble, en tant que communauté
diplomatique française. Avec le soutien du Président de la République et de la
Première ministre, nous mènerons à l’automne ce vaste exercice de réflexion,
ouvert sur l’extérieur, et qui doit permettre de traiter aussi bien du contexte
diplomatique dans lequel nous opérons que des moyens et de l’organisation qui
doit en découler ; des parcours professionnels et des méthodes de
travail ; et tout simplement de la place du ministère au sein de l’État.
C’est ainsi que nous pourrons aller de l’avant. Allons de l’avant, je vous en
prie.
Voilà l’essentiel de ce que je voulais vous dire. Vous en avez bien conscience,
le président de la République, la Première ministre, moi-même, et les Français
n’ont jamais attendu autant de notre diplomatie qu’aujourd’hui, tant le monde
est en désordre.
Vous avez l’entière confiance des plus hautes autorités de l’État. Vous avez la
mienne. Vous avez la chance d’exercer l’un des plus intéressants et importants
métiers qui soient, le métier de diplomate. Soyez créatifs, soyez positifs, et
main dans la main avec les plus jeunes de vos collègues, mus par la même
vocation, déclinez une ambition pour la France et sa politique étrangère.
Nous avons, j’en suis persuadée, l’une des meilleures diplomaties du monde.
Alors, continuons.
Éric Dupond-Moretti
(garde des Sceaux, ministre de la Justice)
> [Violences conjugales] Que constate-t-on ? On constate que tout le
monde s'est emparé du Grenelle. Les travailleurs sociaux, le monde associatif
tellement important dans la lutte contre les violences intrafamiliales, les
magistrats, les avocats, les huissiers, les services de la préfecture, les
forces de sécurité, bien sûr, tout ça dans le même but.
Nous allons poursuivre, bien sûr notre effort l'amplifier. Poursuivre les
efforts budgétaires en matière médico-légale, en matière d'aide aux
associations, poursuivre les efforts budgétaires en matière de personnel. Et
c'est le hasard du calendrier, j'ai signé la pérennisation de 650 contractuels
qui sont censés aider au quotidien les magistrats dans les violences faites aux
femmes.
Le bracelet anti rapprochement dès qu'il est utilisé, il est remplacé. Le
téléphone grand danger, dès qu'il est utilisé, il est remplacé. Les ordonnances
de protection c'est un outil que nous
avons créé qui fonctionne formidablement bien.
On a bien sûr augmenté la répression contre les auteurs de ces violences. Nous
avons pris un certain nombre de mesures pour que les femmes soient prévenues
quand les auteurs sortent de prison, quand ils sont incarcérés. Nous avons pris
des textes pour que les enfants soient considérés comme des victimes, même
s'ils ne sont, et entendez bien le propos, que témoins des dites violences, et
nous allons continuer.
Qu'est-ce qu'il faut faire ? Il faut que la parole se libère encore davantage,
que ce soit encore plus une cause nationale. C'est une question qui engage tout
le monde, et il faut que les services travaillent plus encore de façon serrée.
Après Mérignac, tous les services judiciaires ont travaillé de façon plus
étroite. C'est vers cela qu'il faut aller et c'est vers cela que la
Chancellerie va travailler.
Pap Ndiaye (ministre
de l'Education nationale et de la Jeunesse)
> La rentrée s'est bien passée.
Félicitations à tous les personnels de l'Éducation nationale pour leur
mobilisation, qui a permis à 12,2 millions d'élèves de bien commencer leur
année !
Sylvie Retailleau
(ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche)
> Depuis le 23 août, les Cnous et les Crous ont débuté le
versement des bourses sur critères sociaux. Toutes sont revalorisées de 4%. Ces
versements anticipés permettent aux étudiants de les percevoir le plus tôt
possible pour ne pas créer de difficultés. Cette revalorisation essentielle
fait partie de notre ensemble de mesures pour faire face à l'inflation. Oui,
contre la hausse des prix, l'état agit !
Marc Fesneau
(ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire)
> La souveraineté alimentaire est une question de rémunération des
agriculteurs. Si vous commencez à ne pas rémunérer les agriculteurs, au bout la
question n'est plus celle du coût, mais de si on a une brique. Vous ne pouvez
pas demander à quelqu'un de produire si tous les jours chaque brique de lait
qui sort fait perdre de l'argent. Si on ne rémunère pas nos agriculteurs, il y
aura toujours du lait mais il viendra des frontières extérieures. (…)
La juste rémunération des agriculteurs n'est pas une
option mais un impératif. Il en va de la pérennité de nos productions, de nos
agricultures. C’est à dire de notre souveraineté alimentaire.
> [Sécheresse] Il faut travailler sur la recherche et l’innovation des variétés, pour qu’elles soient plus résistantes à l’eau, comme sur le maïs.
> Des dispositifs sont mis en
place pour aider les agriculteurs face à cette sécheresse :
- le renforcement des avances PAC ;
- l’exonération du foncier non bâti ;
- un accès plus large et plus rapide aux calamités agricoles.
L’État est et continuera d'être aux côtés de nos agriculteurs.
> La forêt capte moins de carbone aujourd'hui du fait du dérèglement climatique, parce qu'elle s'accroit moins d'une année sur l'autre. Les arbres se développent moins notamment du fait du stress hydrique.
Christophe Béchu
(ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires)
> [Nouvelle ristourne sur le carburant] Évidemment, cela peut paraître
contre-intuitif avec nos objectifs écologiques, de la même manière que la crise
sanitaire a marqué le retour du plastique. Mais il était essentiel de soutenir
les ménages face à l’explosion des prix et ça a fait l’objet d’un large
consensus au Parlement. On doit réussir à bâtir le même consensus politique
pour réorienter nos financements. Pas pour de la compensation conjoncturelle
mais pour des changements structurels.
> Quand le président de la République parle de la fin de l’abondance, c’est bien la disponibilité des ressources qu’il évoque. Aujourd’hui, les prix ne reflètent ni le rythme d’épuisement des ressources, ni leur coût écologique. Oui, il faut une réflexion sur le sujet. Nous devons écarter les comportements néfastes pour l’environnement et accepter que l’énergie n’est pas illimitée.
> Nous devons nous entendre sur le sens que l’on donne à la radicalité. Oui, il y a un besoin de radicalité. Quand la France, avec l’Union européenne, vote la fin des moteurs thermiques à l’horizon 2035, c’est radical! Il faut prendre des décisions de planification extrêmement fortes pour atteindre nos objectifs. Ça, c’est une radicalité que j’approuve. Mais celle qui vise à utiliser l’écologie pour opposer les uns aux autres, évidemment là je dis non.
> Ma feuille de route c’est à la fois d’atténuer les effets du changement climatique et d’adapter notre pays à celui-ci, ainsi que de restaurer la biodiversité. Il y a un fil vert dans toutes les feuilles de route du gouvernement: tous les ministres devront faire leur part de la planification écologique et tous les euros dépensés doivent être utiles à la transition écologique.
> Il faut donner à voir aux Français la réalité de l’impact carbone des décisions qu’ils prennent. Réfléchir en tonnes de CO2, ce n’est pas très grand public. Pour susciter une mobilisation générale, il faut une responsabilité individuelle. On a l’habitude de compter en euros, on doit prendre l’habitude de compter en carbone. Et réussir à faire la conversion entre les deux. C’est tout le sens de l’affichage environnemental sur lequel travaille mon ministère, et de l’Ademe, renforcé par la loi climat et résilience suite à la convention citoyenne.
> Nous avons déjà doublé le rythme de baisse des
émissions de gaz à effet de serre sous le premier quinquennat: nous sommes
passés de - 4% d’émissions sous le quinquennat de François Hollande à -8% sous
le précédent quinquennat. Il nous faut aller encore deux fois plus vite Nous ne
pouvons pas mener une transition sans des efforts réels. Le climat est un
usurier: plus on la retarde, plus ça sera douloureux. Les efforts que l’on ne
fait pas aujourd’hui font monter notre dette et les taux d’intérêt que nous
devrons un jour payer. Mais cette transition ne se fera pas contre les
entreprises et les ménages. Nous les accompagnons.
Nous travaillons pour la neutralité carbone en 2050 bien sûr, mais avant ça l’échéance
2030. C’est la date butoir de nos engagements européens qui fixe notre objectif
de baisse de 55% de nos émissions de gaz à effet de serre. Le Gouvernement va
lancer dès cet automne des concertations, secteur par secteur, pour élaborer la
feuille de route de la planification écologique portée par la première ministre
> La situation géopolitique nous amène à des décisions conjoncturelles. Si le retour du charbon est un des points négatifs de cette crise, il faut souligner que c’est temporaire et que les émissions sont intégralement compensées. Il faut par ailleurs regarder ce que cela nous permet d’accélérer: la sobriété et l’accélération des énergies décarbonées. Je le dis: la sobriété, ce n’est pas que pour l’hiver 2023.
> Il n’y a pas d’avenir pour les énergies fossiles. Ensuite, je considère qu’il y a deux types d’énergies renouvelables. Les consensuelles et les clivantes. Il faut mettre le paquet sur les premières et améliorer l’acceptabilité des secondes. C’est le sens du projet de loi d’accélération du développement des énergies renouvelables, qui accélère sur le photovoltaïque ou l’éolien offshore. Il est souhaitable de s’appuyer sur ce qui ne soulève pas de contestation, qui n’oppose pas les Français les uns aux autres. L’éolien terrestre ne doit pas disparaître du mix énergétique. Mais le degré de tension qu’il génère, rapporté au faible gain en énergie, ne justifie pas toutes les difficultés dans lesquelles on se retrouve.
> [Pénurie d’eau] Je m’apprête à lancer des groupes de travail sur le sujet. Évoquer ce sujet dès l’automne participe à la prise de conscience que l’eau est un bien précieux tout au long de l’année. Si nous devions avoir des inquiétudes pour l’été prochain, je veux pouvoir lisser les efforts très en amont, pour ne pas avoir à fermer les robinets brutalement.
> Si demain l’écologie est le paravent d’une restriction des libertés, on la rendra nettement moins désirable. Je veux bâtir un chemin entre mobilisation générale et responsabilisation individuelle, en privilégiant les incitations à la contrainte. Sans l’exclure dans certains domaines. Une réflexion sur le prix des billets d’avion et la nécessité de développer des carburants alternatifs, voilà des pistes à suivre. Mais ne plus se déplacer, ce n’est pas un futur désirable pour l’humanité.
> Cet été, les agriculteurs et les chasseurs ont détecté de nombreux départs de feu et ont participé à leur fixation. Sur ce sujet comme sur tous les autres, je veux un discours de raison, pas d’émotion. On a besoin des chasseurs pour réguler le gibier et réduire les dégâts agricoles. Ce qui n’empêche pas de soulever certains sujets comme celui de la chasse en enclos.
> Plus vous avez de pouvoir et de richesse, plus vous avez de devoirs. Personne ne peut s’exonérer des efforts à mener. Ceux qui ont le plus seront ceux qui contribueront le plus. En revanche, utiliser l’écologie pour faire renaître la lutte des classes est une erreur.
> La France souhaite évidemment avoir un président du Brésil qui est concerné et attentif à la question environnementale et à la biodiversité. Pour le reste, souhaiter la victoire ou la défaite d’un candidat relève de l’ingérence qui n’est pas plus supportable au Brésil que chez nous.
> Nous avons un agenda diplomatique chargé cet automne autour des questions climatiques. La France aura l’occasion, thème par thème, de faire connaître ses positions. Nous souhaitons, par exemple, être à l’initiative sur le plastique et la pollution marine.
> Je suis un homme de droite, qui s’inscrit pleinement dans le dépassement porté par le président. Je ne me demande pas si les mesures que je prends sont de gauche ou de droite. Aucun camp ne peut préempter l’écologie. C’est faire mal à l’écologie que de dire qu’elle ne serait que de gauche, voire de gauche radicale. Il y a sur ce sujet une maturité du débat politique en Allemagne qui n’existe pas encore en France.
Agnès
Pannier-Runacher (ministre de la Transition énergétique)
> Réuni autour du Président, le Conseil de
défense a fait un état des lieux précis des stocks et des différents leviers
d’actions pour préparer l’hiver dans les meilleures conditions possibles. C’est
grâce à la sobriété
et la solidarité européenne que nous éviterons
les mesures contraignantes.
> La réussite du plan de sobriété énergétique nécessite la mobilisation de tous.
> La clé, c’est la mobilisation générale. Le gouvernement a anticipé, nous avons sécurisé nos stocks de gaz. Ils sont remplis à 92%.
François Braun
(ministre de la Santé et de la Prévention)
> La refondation de notre système de santé ne
peut se faire sans les territoires.
Jean-Christophe Combe
(ministre des Solidarités, de l'Autonomie et des Personnes handicapées)
> Pour lutter contre l’inflation et protéger les
Français contre la hausse des prix nous avons besoin de tout le monde. Nous
serons évidemment très vigilants sur l’évolution de la situation. Mais une
chose est sûr, nous continuerons d'être au rendez-vous pour vous protéger.
> Le Gouvernement investit dans le social. Nous avons un fil rouge, venir en aide aux plus modestes.
Roland Lescure
(ministre délégué chargé de l’Industrie)
> L’Europe et la France travaillent la main dans
la main pour développer une industrie innovante, résiliente et ancrée partout
dans nos territoires.
Jean-Noël Barrot
(ministre délégué chargé de la Transition numérique et des Télécommunications)
> Contrôle parental: plus de la moitié des
parents souhaitent le mettre en place, mais peu savent comment le faire. La loi
va le permettre. Dernière étape aujourd’hui : le lancement de la consultation
publique.
Olivia Grégoire
(ministre déléguée chargée des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de
l’Artisanat et du Tourisme)
> Les grands défis du siècle doivent permettre à
nos entreprises, plus particulièrement nos PME, de se questionner sur leur
raison d’être et leur modèle. Je souhaite que nos PME puissent se saisir de ces enjeux pour devenir des entreprises
à mission. C’est le but de la loi Pacte.
> La société à mission n’est pas un label qui vient s’apposer à ce qui préexistait au sein de l’entreprise. C’est un point de départ plutôt qu’un point d’arrivée et elle a de très beaux jours devant elle.
> Désormais, les entreprises de plus de 1 000 salariés devront publier sur leur site, les écarts de représentation entre les Femmes et les Hommes au sein de leurs instances dirigeantes. Un premier pas vers plus d’égalité professionnelle dans nos entreprises.
Olivier Klein
(ministre délégué chargé de la Ville et du Logement)
> La méthode travaillée sur la violence faite aux femmes, ce n’est pas
l’action de tel ou tel, c’est vraiment en travaillant en synergie, ensemble, en
acceptant d’entendre ces femmes comme on l’a fait en leur présentant leur
position de victime et vraiment les accompagnant pour ce qui est des sujets qui
sont les miens. Et ça a été invoqué plusieurs fois, il faut absolument que ces
femmes puissent être protégées, protégées dans l’urgence, parfois par une ou
des nuitées d’hôtel, mais entrées dans un parcours, un parcours qui passe par
de l'hébergement d’urgence. Les 1.000 places supplémentaires chaque année et
c’est rare de le dire mais on est au-delà des objectifs. Donc on devrait être à
9 000 et on va atteindre les 10 000 et c’est extrêmement important.
L'hébergement d'urgence, comme son nom l'indique, c'est l'urgence et il faut
continuer. Il faut sortir de cet hébergement d'urgence et c'est aussi la
responsabilité collective.
Charlotte Caubel
(secrétaire d’Etat chargée de l’Enfance)
> Protégeons nos ados ! La surexposition aux
écrans, les contenus violents et le cyberharcèlement ont des conséquences
graves sur la santé mentale et physique de nos enfants. Le temps d’écran doit
être limité, les contenus contrôlés et l’accès au porno interdit.
> Nous avons réuni ce matin à Bercy les constructeurs, systèmes d’exploitation, télécoms, syndicats, fédérations, industries, jeux vidéos, associations pour mettre en œuvre la promesse d’Emmanuel Macron: le contrôle parental systématique.
Laurence Boone
(secrétaire d’Etat chargée de l'Europe)
> L’amitié franco-italienne, elle est avant tout
humaine, par sa société civile et son administration, et économique. Cette
amitié est entérinée dans le Traité du Quirinal : éducation, défense, culture,
jeunesse.
> Unité européenne, énergie, Communauté politique européenne, solidarité avec l'Ukraine… La France continue de renforcer ses relations dans tous les pays européens!
> La Commission européenne a approuvé notre plan stratégique national. La politique agricole commune protège nos agriculteurs, renforce notre souveraineté alimentaire, accompagne la transition écologique.
► Partis politiques
● LaREM (futur
Renaissance)
[Nota: dans ce parti, les propos de ses membres qui ne sont pas centristes
et se considèrent de droite ou de gauche ne sont pas retranscrits]
Aurore Bergé (présidente du groupe à l’Assemblée
nationale)
> [Conseil national de la refondation] Les mêmes qui appellent au
dialogue refusent d’y prendre part avant même d’en connaître les modalités.
C’est une faute politique de la part des oppositions. Face à une situation
politique inédite, on ne peut pas faire comme si de rien n’était.
Nous, nous voulons changer les choses, innover, créer des méthodes
démocratiques nouvelles. Nous avons là l’occasion d’engager un dialogue apaisé
avec les forces vives du pays pour aborder des sujets centraux dans la vie des
Français: santé, autonomie, écologie, éducation, logement, énergie… Chacun doit
prendre part au dialogue.
> [Fin de l’abondance et de l’insouciance] Il ne s’agit pas de dramatiser, mais de dire la vérité aux Français. Certains de nos opposants s’éloignent d’un discours de vérité. Dans un contexte de guerre et de crise énergétique, nous prenons les mesures pour protéger les Français.
> Nous avons un exécutif fort et un Parlement fort. C’est
ce que les Français ont choisi lors des législatives. Et notre Assemblée est au
rendez-vous pour protéger les Français. Madame Le Pen s’est, elle,
toujours opposée au bouclier tarifaire, qui est la meilleure des protections
sur les prix de l’énergie! Nous continuons à travailler en septembre pour
exercer notre rôle de contrôle et préparer les textes de la rentrée, au sein de
la majorité et avec les oppositions.
Les ministres seront auditionnés en commission, tout comme les présidents de
RTE et d’EDF. Le débat sur l’énergie aura lieu en octobre dans l’Hémicycle, à
double titre: sur l’accélération des énergies renouvelables, via un projet de
loi, et sur les prix, via le budget.
>Nous ne ferons pas supporter aux Français la flambée des prix de l’énergie. C’est pour cela que nous les protégeons. Mais le «quoi qu’il en coûte» n’est pas le «n’importe quoi qu’il en coûte». Nous ne sommes pas une économie administrée. Il serait irresponsable de dire que l’État prend tout à sa charge et tout le temps, quelles que soient les hausses des cours mondiaux. C’est un équilibre à tenir. Quoi qu’il arrive, la France restera l’un des pays au monde qui protège le mieux ses citoyens.
> Avec Élisabeth Borne et Bruno Le Maire, nous disons la même chose: nous devons continuer de baisser les impôts et non pas les augmenter. Mais nous devons agir sans tabou. Si les profits exceptionnels ne sont pas redistribués aux salariés et aux Français, via une baisse des prix, l’utilisation de la prime Macron ou une hausse des salaires, on pourra actionner le levier de la fiscalité.
> Le président de la République a été réélu par les Français et nous sommes les seuls à pouvoir créer des majorités. Nous le devons à une ambition intacte pour transformer notre pays. Cela commence par le travail et le plein-emploi. Avec le projet de loi sur l’assurance-chômage, nous réaffirmerons notre volonté réformatrice: la valeur travail et la valeur du travail dans notre société. Mobilités professionnelles et géographiques, lycées professionnels, formation, retraites: nous ne renonçons à rien!
> Notre groupe portera deux textes forts tenus par un fil rouge: la liberté. Liberté des femmes et protection de leur droit d’accès à l’IVG, liberté du peuple Ukrainien auquel nous réaffirmons notre soutien face à l’agression russe. Ce ne sont pas des textes d’affichage politique: nous irons au bout avec détermination et les débattrons dès fin novembre. Chacun devra prendre ses responsabilités.
> Pour qu’il y ait un compromis, encore faut-il quelqu’un pour accepter de saisir les mains tendues. Les compromis oui, la compromission non. Je le répète, ma ligne est claire: nous ne négocions ni avec l’extrême droite, ni avec l’extrême gauche et nous travaillons avec tout l’arc républicain. Certains disent par avance qu’ils ne voteront pas le budget sans même avoir le texte en main: le sectarisme n’est pas ce que nous demandent les Français. Des compromis, nous avons su en réaliser lors de la session extraordinaire et nous avons démontré notre capacité à tenir dans ce quinquennat et au-delà. À l’alliance de circonstance que représente la Nupes et à tous ceux qui voulaient repartir en campagne, je le dis: le spectre de la dissolution s’est clairement éloigné.
> Ce que je retiens, c’est la mobilisation exceptionnelle de la majorité. C’est ce qui nous a permis de faire aboutir des textes alors que tous pariaient sur notre échec ou l’espéraient. Nous travaillons ensemble sans oublier nos identités et nos histoires politiques. Nous ne sommes pas une parenthèse de la vie politique de notre pays. Et pour ne pas l’être, avant de penser à la présidentielle de 2027, nous devons réussir ce quinquennat. Aucune ambition personnelle n’aura d’avenir si le quinquennat n’est pas réussi.
> Nous transformons notre mouvement en parti politique, c’est une étape importante pour porter nos valeurs et nous enraciner dans les territoires. En tant que présidente de groupe majoritaire, j’y prendrai toute ma part.
● MoDem
Maud Gatel (Secrétaire générale)
> Mesures ciblées sur le pouvoir d'achat,
boucliers tarifaires et MaPrimRenov, nous devons continuer à protéger les plus modestes.
> Diversification des approvisionnements, augmentation de l’offre d’énergies decarbonées et sobriété: pouvoirs publics, collectivités, citoyens et entreprises, chacun doit prendre sa part.
> Face à l’explosion des prix de
l’énergie, le gouvernement continue d’agir :
- Blocage des prix du gaz,
- Plafonnement des prix de l’électricité,
- Remise à la pompe de 50cts.
Il en va des intérêts stratégiques de la Nation.
> Discours particulièrement volontariste du Président de la République à l’occasion de la conférence des Ambassadeurs avec pour feuille de route claire : continuer d’agir pour une France plus forte et plus indépendante dans un monde profondément bouleversé.
Frédéric Petit
(député)
> [Tribune: La guerre en Ukraine concerne tous ceux qui croient au
projet européen]
Arrêtons de regarder ailleurs, de tourner autour du pot. Nous savons à quel
désastre cette attitude nous a menés. Parce que cette question séculaire des
nationalités et des divergences culturelles hante encore l’Europe, il nous faut
aujourd’hui regarder l’agression russe en Ukraine pour ce qu’elle est vraiment.
Non pas la guerre d’un homme, Vladimir Poutine, aussi déterminé et cynique
soit-il, mais bien la confrontation ancienne et tenace entre deux modèles de
société : d’un côté, celui (« unis dans la diversité ») conçu par les pères
fondateurs de l’Europe et mis en œuvre patiemment, depuis, par les États
membres de l’Union européenne ; de l’autre celui, totalitaire, de l’empire
auquel la Russie de Vladimir Poutine n’a vraisemblablement pas renoncé.
Oui, il y a de l’impérialisme dans l’aventure russe en Ukraine avec sa
rhétorique du « grand frère » et son corollaire, celui du « grand vainqueur ».
Il y aurait même une troisième Rome, paraît-il.
Oui, cet impérialisme est totalitaire car tous les domaines de la vie servent
le combat qui est mené puis le contrôle : la culture, la langue, la religion,
l’économie…
Invité aux célébrations de l’anniversaire de l’indépendance, le 24 août, je
viens de passer une semaine en Ukraine, notamment à Tchernihiv, ville du Nord,
assiégée en mars 2022. Les besoins en reconstruction sont énormes et vitaux et
ce que j’ai vu sur place me conforte dans l’idée que cette guerre concerne
directement tous ceux qui croient au projet européen.
Tout oppose les deux modèles de société, dans leur essence comme dans leur
existence. En voici quatre exemples concrets.
Dans le modèle russe, la langue est un prétexte, parfois manipulé, pour
légitimer le pouvoir ; dans l’autre, celui de l’Europe, non seulement une même
langue ne contraint pas à la même citoyenneté, mais la diversité des langues
est considérée comme une richesse commune. Dans la préparation de son
agression, le Kremlin a d’ailleurs repris les expressions de « minorités russes
hors de la Fédération de Russie », justifiant ainsi leur « protection » par
Moscou.
La question de la « russification » des peuples est une constante depuis
l’origine : du développement du slavon au XVe siècle et de l’interdiction des
écoles en polonais au XIXe à la reprise en main des curricula scolaires
russifiés aujourd’hui à Kherson (les nouveaux manuels d’histoire, Le Donbass,
cœur de la Russie, viennent d’arriver), en passant par les tensions entre
russe, géorgien, arménien et autres langues caucasiennes dans l’URSS du XXe
siècle. Ce premier exemple est loin d’être anecdotique.
Dans le modèle russe, le soldat n’est qu’un coût, un outil de l’impérialisme ;
on n’a besoin ni de sa compréhension des enjeux, ni même de son adhésion aux
objectifs ; il est là dans un itinéraire individuel, souvent financièrement
intéressé, et difficilement contrôlable. Dans le modèle européen, le soldat,
qu’il soit conscrit ou professionnel, demeure un citoyen.
Les développements de la guerre en Ukraine ont soudain éclairé cette différence
de façon très directe et très concrète pour qui en suit les développements au
quotidien. Quelles qu’en soient encore les difficultés d’analyse à chaud, il
semble bien que la résistance de l’armée ukrainienne soit basée sur des
citoyennes et citoyens mobilisés pour un idéal qui leur semble commun et
supérieur à leur intérêt personnel. La résistance de Kharkiv, ville russophone,
est de ce point de vue symbolique.
Il me semble également que le sursaut ukrainien qui a surpris l’Europe et le
monde entier ne s’est pas fait uniquement autour de l’idée de « nation », mais
également autour des institutions démocratiques, pourtant encore fragiles dans
ce pays : présidence, Parlement, exécutifs et représentants locaux,
organisations de la société civile, toutes ces institutions sont à pied d’œuvre
et travaillent mieux qu’avant même. Pour qui s’en souvient, de telles initiatives
citoyennes, certes très embryonnaires, avaient accompagné les événements du
Maïdan dès 2014.
Autre exemple. Dans le modèle russe, les déplacements des populations sont
toujours soumis aux intérêts de l’État, souvent réalisés dans la contrainte,
voire la violence. Dans l’européen, la liberté de mouvement est le garant du
dynamisme de l’ensemble. Aujourd’hui, des milliers d’enfants sont déportés en
Russie et adoptés par des familles russes ; c’est l’une des caractéristiques
d’un génocide. Par ailleurs, trois millions et demi d’Ukrainiens arrivés en
Russie depuis le début de la guerre vont être pris en charge par l’Agence
fédérale des affaires ethniques (sic) dans des « camps d’adaptation », tandis
que des Russes sont envoyés s’installer dans les territoires occupés.
Dans le modèle impérialiste russe, enfin, l’économie est avant tout une arme de
guerre ; dans l’UE, elle a été et reste un moyen de construire la paix durable.
Depuis vingt ans, l’État russe a repris en main et contrôle toute la création
de richesse, en particulier la rente des hydrocarbures (le nombre de PME a
chuté de manière significative). Rien à voir avec la mise en commun du charbon
et de l’acier, enjeux économiques nationaux pourtant sensibles dans le contexte
encore conflictuel de l’après-guerre (la Sarre était française).
Prendre la défense de l’Ukraine aujourd’hui et demain, malgré ses fragilités,
ses difficultés, et même malgré ses défauts et ses côtés sombres, ce n’est pas
un choix moral ou aveugle, voire affectif entre d’un côté des « bons » et de
l’autre des « méchants ». C’est tout simplement une question de survie.
Car le modèle moscovite, centralisé, totalitaire, menace clairement le nôtre,
celui partagé par des centaines de millions d’Européens et auquel aspirent nos
voisins ukrainiens et tant d’autres peuples du Vieux Continent et d’ailleurs.
Erwan Balanant (député)
> [Harcèlement scolaire] C'est la société qui s'engage
pour une scolarité sans harcèlement. (…) La création du délit de harcèlement
scolaire engage toute la société, et nous engage nous politiques à mener des
politiques publiques audieuses pour lutter contre le harcèlement scolaire. (…)
une école où les enfants n'ont pas confiance, c'est une école qui ne mène pas
sur la voie de la réussite. Cette loi est ainsi un texte pivot dans un moment
de prise de conscience, qui permet d'accélèrer la prévention" en la
rendant obligatoire avec un protocole dans chaque établissement et en
accompagnant les adultes et les enfants. (…)
Personne ne peut fermer les yeux. (…) L'État va accompagner tout le monde.
> L'enjeu des politiques publiques demain, c'est planifier, évaluer les décisions qui sont prises et les adapter.
► Autres
● Organisations
centristes
♦ Renaissance
(Députés français du groupe centriste Renew Europe au Parlement européen)
Stéphane Séjourné (président du groupe
Renew Europe au Parlement européen)
> [Renaissance France] Nous voulons bâtir un
parti d'idées et en faire l'organisation politique la plus décentralisée de la
Ve République.
> [Renaissance France] Le projet commun doit l’emporter sur les ambitions personnelles. (…) Tout le monde doit bien intégrer que sans réussite collective, il n’y aura pas de réussite individuelle.
> [Renaissance France] Des valeurs pour nous rassembler. Une équipe pour les incarner. Co-construire pour réussir.
Nathalie Loiseau
> Il serait temps que les experts invités sur les
TV et les radios déclinent l’entièreté de leurs activités avant de s’exprimer.
L’information est un bien de première nécessité. Nous avons le droit de savoir
qui s’exprime et d’où il parle. A quand un Newstriscore ?
> Marine Le Pen ne veut pas de sanctions sur le gaz russe. Marine Le Pen a aussi voulu nous sortir du nucléaire. L’indépendance de la France, c’est le cadet de ses soucis. Si l’on ajoute son hostilité aux renouvelables, le tableau est atterrant.
Fabienne Keller
> Soutien total à la décision de suspendre
l'accord UE-Russie qui facilite l'obtention de visas de court séjour pour les Russes. Il en va de notre sécurité
intérieure, après une forte augmentation de visas demandés par les citoyens
russes dans les États européens cet été.