Crises sanitaires (covid19, variole du singe...), crise climatique (sécheresse, feux de forêt…), crises guerrières (agression de Poutine contre l’Ukraine…), crise des libertés (mis au pas de Hongkong, décision de la Cour suprême étasunienne contre l’avortement…), crise de la démocratie (montée des extrémismes populistes…), crise en la foi dans le progrès (qui ne serait qu’une illusion), les temps sont durs et l’avenir se présentent mal, alors n’est-il pas enfin temps, en ces années 2020 horribilis de devenir aquoiboniste?
Rappelons que l’aquoibonisme est le refus d’agir et de s’engager, dû au sentiment de l’inanité, de la stérilité de toute action envisagée face à la réalité désespérante du monde.
Devant un état de la planète qui peut légitimement inspirer le découragement, l’abattement voire l’accablement, être aquoiboniste semble la bonne démarche, le seul comportement réfléchi d’un fatalisme revendiqué et assumé.
Attention, néanmoins, à ne pas confondre l’aquoibonisme au je-m’en-foutisme qui est l’apanage de celui qui ne s’intéresse à rien, qui n’est touché par rien, qui manifeste une totale indifférence à ce qui se passe et qui n’est même pas conscient de la réalité.
L’aquoiboniste, lui, au contraire est lucide, c’est-à-dire impliqué, éveillé, informé, il a de la compassion pour l’autre, mais il constate que son action est vaine alors même qu’il souhaiterait le contraire.
Alors il décide dans une sorte d’ataraxie inquiète mais assumée, de laisser le chaos du monde faire son œuvre comme il le fait d’ailleurs fait depuis la nuit des temps.
Qui pourrait jeter la pierre à celui qui a constaté la réalité du monde et choisi de ne pas intervenir car il a compris l’inutilité d’agir?
Face à cela, pourtant, il y a la vie.
Oh! Ben sûr, allez-vous me dire, nous n’avons pas choisi de naitre, nous n’avons pas choisi de vivre et nous ne savons pas pourquoi nous sommes là et ce qu’il y a après notre mort.
Sans oublier que beaucoup d’entre nous sur cette Terre ne vivent même pas mais peinent à juste survivre – et c’est un euphémisme –, leur existence ressemblant le plus souvent à une tragédie sans fin.
Oui, mais voilà, si nous décidons de vivre et de ne pas mettre fin à nos jours, nous acceptons implicitement de nous confronter à la réalité même si nous inventons parfois des mondes parallèles pour supporter celle-ci.
Et tout aussi implicitement nous nous révoltons face à notre destin puisque nous décidons de défier la mort, c’est-à-dire la négation de notre existence, de notre choix de vivre.
Dès lors, l’aquoibonisme, qui n’est qu’un comportement d’observateur, de spectateur passif de notre existence, s’oppose diamétralement au choix de vivre pour lequel nous avons opté librement.
Mais cette révolte ne peut être nihiliste puisqu’elle aurait alors le même objectif de ce contre quoi nous avons dit non.
Elle ne peut être qu’humaniste parce qu’en décidant de vivre nous avons mis en avant cette exigence de la dignité humaine face au néant.
Et cette révolte humaniste nous impose de travailler à changer le monde pour le rendre meilleur.
Car comment vivre en conscience dans un monde tel qu’il est sans agir pour tenter de le rendre plus accueillant ou moins brutal?
En décidant de vivre, nous défions notre tendance aquoiboniste par cette énergie que nous puisons au plus profond de nous dans ce lieu que certains appellent notre âme qui refuse l’indicible auquel nous sommes quotidiennement confronter.
Et cette âme, cette conscience, ce souffle vital, ce moteur, cette force intérieure, appelez-la comme vous voulez, non seulement elle est à l’origine de cette révolte qui nous meut mais également de ces mondes meilleurs qui alimentent cette résistance à l’ignominie mais aussi à tomber dans l’aquoibonisme.