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Emmanuel Macron
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Alors, centriste ou pas, Emmanuel Macron après cinq années
de pouvoir et deux campagnes présidentielles gagnées?
Les opinions divergent sur ce point, là où certains le
voient comme un centriste bon teint, d’autre le qualifient de «central» quand
d’autres encore, mais de moins en moins nombreux, l’estiment «ailleurs» (on
passe sur les fausses accusations qu’il est de gauche par la droite radicale et
de droite par la gauche radicale).
En tout cas, s’il y en a un qui ne l’a jamais appelé
«centriste», c’est bien lui!
En revanche, pendant la campagne électorale qui vient de se
dérouler, lors de son passage à l’émission «C est vous» de France 2, il a
qualifié son projet politique d’«extrême centre» – une première qu’il a réédité
quelques jours plus tard sur France Inter – face à ceux qui étaient en
compétition avec le sien et dont les représentants ont fini deuxième et
troisième au premier tour, celui d’extrême-droite de Le Pen et celui
d’extrême-gauche de Mélenchon.
Mais il a ajouté dans la foulée le mot «central»
c’est-à-dire englobant l’ensemble des forces politiques de gauche, du centre et
de droite qui défendent la démocratie libérale, allant des libéraux
progressistes de droite aux sociaux libéraux et sociaux-démocrates de gauche en
passant par les libéraux sociaux du Centre.
Pourquoi ce rajout alors même que sa politique et ses
valeurs, s’ils n’en font pas un centriste «intégral», montrent tout de même sa
forte proximité avec cette pensée politique humaniste, libérale, sociale,
progressiste et pro-européenne?
Parce qu’il estime que sa politique est originale et ne peut
être enfermée dans une case.
Et parce qu’il estime que cette originalité revendiquée est,
en grande partie, à l’origine de sa réussite.
Qu’est-ce qui permet à Emmanuel de se dire «ni de droite, ni
de gauche» et «de gauche et de droite» tout en se positionnant en dehors de
l’échelle partisane gauche-centre-droite?
Il a expliqué qu’avoir nommé deux premiers ministres lors de
son premier quinquennat qui ne l’avaient pas soutenu pendant la présidentielle
et qui n’avaient pas appelé à voter pour lui au premier tour en faisait le
dépositaire d’une volonté politique d’ouverture unique.
De même, il a expliqué qu’il avait réussi à prendre des
mesures que la Droite n’avait jamais été capable de prendre et d’autres que la
Gauche n’était jamais parvenu à faire passer.
En outre, dans ses gouvernements ont cohabité et cohabitent
des gens de gauche, du centre et de droite.
Et il a entretenu de bons rapports, voire plus, avec des
dirigeants étrangers de tous bords partisans.
Mais ces faits et ces décisions réels qui ne sont pas
communs, sont-ils uniques ce qui permettrait d’en conclure qu’ils ne rentrent
pas dans l’échelle partisane précitée?
Nommer des personnalités politiques qui ne sont pas de votre
camp est une pratique de gouvernement très ancienne ainsi que de trouver toute
la palette du paysage partisan dans un gouvernement autre que celui d’Union
nationale.
En revanche, il est vrai qu’avoir quelqu’un qui n’est pas de
votre bord politique comme chef de votre gouvernement n’est pas commun surtout
quand cela n’est pas nécessaire pour avoir une majorité au parlement pour
pouvoir gouverner, ce qui a été le cas lors de son premier quinquennat avec
Edouard Philippe et Jean Castex.
Pour ce qui est des mesures de gauche et de droite prises,
il faut être plus circonspect sur cette prétendue originalité parce qu’elle est
l’essence même d’un gouvernement centriste dont le principe est le juste
équilibre.
Ici, on est plus proche du Centre que de l’«ailleurs» ou
même d’un nouveau gaullisme tant la politique suivie par le Général de Gaulle
penchait à droite pendant son passage à l’Elysée même si elle comportait un
volet social assez novateur avec la participation.
Mais si ce dernier ne s’est pas distingué par une politique
originale, en revanche, il a réussi à agréger autour de lui des gens venus de
tous les horizons partisans comme y est parvenu Emmanuel Macron.
Pour autant, aucun centriste ne pourrait désavouer les
mesures prises par Macron depuis cinq ans même si certaines peuvent être
qualifiées de «centrales» et non de centristes stricto sensu.
De même, la proximité entre dirigeants de pays qui ne sont
pas sur la même ligne politique ne sort pas de l’ordinaire et on peut citer en
exemple l’amitié entre François Mitterrand et le chancelier allemand Helmut
Kohl.
Reste donc la nomination de chefs de gouvernement venus de
l’extérieur de son camp.
Mais ceci ne permet pas de caractériser une entière manière
de gouverner comme étant du jamais vu.
Ce que l’on peut dire c’est qu’Emmanuel Macron s’est
rapproché constamment au cours de son quinquennat d’une position et d’une
politique centristes, celle qui a pour principe le juste équilibre, c’est-à-dire
des fondamentaux du Centrisme et non des postures centristes que l’on a trop
souvent vues en politique tant en France qu’à l’étranger.
Néanmoins, son point de départ n’était pas le Centre stricto
sensu mais l’axe central dont il a été le premier dans le monde à réaliser l’union
même si une partie de celui-ci, minoritaire, est demeuré en dehors de la coalition
qu’il a mise en place en 2017.
De ce point de vue, lorsqu’il définit sa politique d’«extrême-centre»
en ajoutant immédiatement l’adjectif «central», il rappelle seulement ce qu’était
son projet initial et celui qu’il va porter encore pour cinq ans.
Ainsi, dans l’alliance qui va le soutenir et qui va aller
ensemble aux législatives – baptisée «Ensemble citoyens!» –, se trouve la base de
cet axe central et l’on peut penser que la volonté d’Emmanuel Macron est de l’élargir
– avant ou après l’élection à l’Assemblée nationale – pour tenter de réunir
autour de lui tout ce courant démocratique et républicain dont l’urgence n’est
pas de se battre entre eux mais de combattre les extrémismes et populismes
démagogiques de gauche et de droite.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC