Lors de cette campagne présidentielle, deux anciens partis
centristes se sont ralliés à la candidature du parti de la Droite, LR, en
l’occurrence Valérie Pécresse alors même qu’une majorité centriste et centrale
gouverne le pays – dont ils sont des adversaires déterminés – et qu’un candidat
la représentant, le président sortant, sera en lice.
Si l’on peut émettre des doutes sur le positionnement de
l’un d’entre eux, Les centristes, au centre de l’échiquier politique, il est
tout de même composé de membres qui, pour la grande majorité, ont appartenu à
des partis centristes comme le Nouveau centre ou l’UDI.
Pour, l’autre, l’UDI, si le parti a toujours accueilli des
membres de la droite modérée (parfois d’une droite dure) en son sein, il a
également toujours été jusqu’à son changement de cap récent composé
majoritairement de membres issus du Centre, plus spécifiquement, du
centre-droit mais pas seulement.
Ces deux ralliements ne peuvent être compris comme
l’appartenance à une coalition mais bien à leur accolement à LR dont ils ne
sont plus que deux appendices, voire deux alibis centristes afin, pour la
candidate de droite, de ratisser large.
En réalité et plus spécifiquement et en l’occurrence, Les
centristes et l’UDI sont devenus des formations de droite.
Mais cette dérive droitiste de certains partis du Centre et
de centristes n’est pas nouvelle dans l’histoire politique de la France.
Elle est une constante si l’on remonte aux débuts de la III°
République même s’il faut ajouter immédiatement qu’elle a toujours été le fait
d’une minorité de centristes.
Et, bien évidemment, il ne faut pas confondre la présence de
centristes dans des alliances avec la Droite avec cette dérive qui aboutit à un
ralliement pur et simple aux partis de droite.
Ainsi, lorsque le Nouveau centre fait partie de la coalition
qui soutient Nicolas Sarkozy en 2007, il demeure malgré tout – notamment de
toutes les couleuvres avalées! – un
parti centriste ou, tout au moins, positionné au centre.
Même chose lorsque l’UDF soutient le gouvernement d’Edouard
Balladur en 1992, elle est une formation centriste.
A l’opposé lorsque le CDP dirigé par Joseph Fontanet et des
personnalités centristes comme Jacques Duhamel en 1969 se rallient à la
candidature de droite incarnée par Georges Pompidou, ils ont pris un virage
droitiste.
Lors de la création de l’UMP, les centristes qui
rejoignirent la formation créée par Jacques Chirac font de même malgré un
discours qui veut faire accroire que celle-ci est «de droite et du centre».
La preuve en est le nombre extrêmement minime de ceux qui
sont revenus dans des formations centristes lorsque l’UMP s’est droitisée puis
lorsqu’elle est devenue LR, ce qui s’est concrétisé comme un nouveau tournant à
droite.
Mais il n’y a pas forcément toujours un mouvement
unidirectionnel comme le montre le parcours du Parti radical qui a évolué entre
la droite modérée et le centre-droit voire le Centre tout court avec
Jean-Jacques Servan-Schreiber au cours de la V° République.
Reste que cela est nettement moins commun.
Mais une fois que l’on a fait le constat historique, comment
expliquer cette dérive droitiste de nombre de centristes?
La première explication vient de ce que l’espace centriste a
toujours été ouvert à l’opportunisme qu’il soit de gauche ou de droite donc de
personnes qui se disent centristes parce que ce positionnement peut leur rapporter
un bénéfice personnel.
D’autant qu’à gauche et à droite, on a toujours besoin d’un
alibi centriste qui peut convaincre des électeurs modérés de voter pour vous et
cet opportunisme peut permettre d’être élu ou de se voir confier poste.
Dès lors, une fois que l’on a une fonction élective ou un
poste, la dérive droitière devient indispensable pour garder l’une ou l’autre
même si le plus souvent on conserve son étiquette centriste qui est la raison
pour laquelle on a obtenu l’emploi de la part de la Gauche ou de la Droite et
que l’on a une chance de le garder.
La deuxième explication est que les ralliements à droite
viennent souvent de partis et de personnes qui sont déjà au centre-droit, qui
entretiennent un flou sur leur positionnement réel et qui n’ont qu’un petit pas
à faire pour se retrouver à droite.
Contrairement à la première explication, il ne s’agit pas
forcément d’opportunisme mais peut aussi découler d’une évolution légitime mais
qui doit être assumée auprès des électeurs ce qui n’est malheureusement pas
toujours le cas.
La troisième a souvent été pointée depuis les débuts de la
V° République qui a établi le fait majoritaire ce qui oblige les petites
formations à s’accoler à des plus grandes pour exister en périodes électorales
espérer avoir des élus voire rester en vie.
Or par leur dispersion historique – les centristes sont
souvent scindés en de multiples tendances parce qu’ils sont jaloux de leur
indépendance même entre eux – les paris centristes sont souvent petits.
Ils ont donc besoin de trouver un grand parti qui peut leur
accorder des investitures pour des élections, en particulier pour les
législatives, et leur assurer un nombre d’élus.
Mais ce rapprochement implique évidemment le soutien à
celui-ci qui se traduit presqu’inévitablement par une droitisation.
La quatrième est un peu cliché mais n’est pourtant pas à
négliger c’est que beaucoup de centristes rejoignent le camp de la Droite avec
l’âge.
Pour reprendre une image stéréotypée mais pas toujours
fausse, on est révolutionnaire de gauche quand on est jeune et conservateur de
droite quand on est vieux…
Cette dérive droitiste doit être combattue par les vrais centristes
parce qu’elle jette le discrédit sur leur réelles convictions et qu’elle a un
effet délétère sur l’image du Centre et du Centrisme.
Plus grave, elle induit en erreur des électeurs qui croient
voter pour des partis et des individus centristes alors que ceux-ci sont de
droite, une sorte d’escroquerie à la démocratie.
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC