Dire et écrire n’importe quoi sont aussi vieux que la parole et l’écriture.
La puissance des mots chez des êtres communicants comme les humains est énorme.
Notre langage nous permet d’apprendre, de comprendre, d’analyser, de rechercher mais aussi de nous parler afin de vivre bien ensemble.
Dès lors, comme nous ne sommes pas parfaits et certains d’entre nous mus par nombre de comportements sombres ou d’intérêts personnels où l’autre n’est qu’un moyen de les atteindre, nous avons bien sûr appris, en même temps que la parole et l’écriture à les pervertir à notre envie et notre profit.
Le mensonge fait bien sûr partie de cet arsenal.
D’où la difficulté aujourd’hui de lutter contre les fake news et l’élucubrationisme (complotisme) qui s’appelaient il n’y a pas si longtemps propagande et rumeur avec la volonté ou non de tromper sciemment ceux à qui elles étaient destinées c’est-à-dire exactement comme c’est le cas actuellement.
Le défi titanesque à relever désormais c’est que la transmission de cette communication erronée et le plus souvent malveillante passe par des médiateurs d’une toute autre dimension que le bouche à oreille ou des discours et des pamphlets qu’il était plus facile de contrer que des médias utilisant les technologies actuelles en particulier le web mais aussi la télévision.
Une difficulté qui se corse puisque nombre de personnes qui diffusent les rumeurs et les théories élucubrationistes y croient dur comme fer (et sont souvent des convertis par les émetteurs de celles-ci).
Autre difficulté et pas la moindre, faire en sorte que lutter contre ces phénomènes ne doit absolument pas restreindre la démocratie et ces libertés fondamentales de la parole, de l’opinion, de l’expression et de l’information.
Or donc face à une réalité aussi vieille que l’échange entre individus et groupes d’individus, est-il nécessaire d’agir mais la marge est limitée et les mesures de peu d’utilité à part celle de former et d’informer les citoyens pour que leurs niveaux de compréhension leur permettent de démêler le plus et le mieux possible le vrai du faux.
C’est à cette tâche que s’est confrontée la commission mise en place par Emmanuel Macron et présidée par le sociologue Gérard Bronner qui vient de rendre son rapport intitulé «Les Lumières à l’ère numérique».
Celle-ci fait d’abord le tableau de la situation existante:
«Désinformation, mésinformation, infox, fake news, théories du complot... Les vocables se multiplient pour désigner ces fausses nouvelles qui circulent en ligne et sont susceptibles d’influencer nos attitudes, nos comportements, mais aussi notre représentation du monde environnant, au risque de faire émerger des réalités parallèles incommensurables et disparaître l’espace épistémique commun nécessaire à la confrontation des opinions, des idées et des valeurs, autrement dit, à la vie démocratique. Certaines de ces désinformations, nous le verrons, relèvent d’ailleurs d’authentiques ingérences numériques étrangères, émanent d’acteurs qui cherchent à manipuler nos opinions, encourager la violence et la haine ou déstabiliser notre société à des fins stratégiques.»
Et de proposer 30 recommandations sur la régulation, les bonnes pratiques, la gouvernance numérique et l’éducation, avec ce constat peu encourageant qu’«il n’y a pas de solution miracle»…
Parmi les mesures proposées, il y a, bien sûr, une meilleure régulation à l’échelle nationale et surtout mondiale d’internet et une réelle coopération transparente des plateformes du web mais ce sont surtout celles qui concernent la formation de l’«esprit critique» des citoyens qui sont les plus importantes et qui peuvent réellement changer la donne à moyen et long-terme (même si nous sommes ici dans le court-terme…)..
D’où cette proposition 29 qui consiste à «développer la
formation à l’esprit critique et à l’EMI [Education aux médias et à l’information]
dans la société civile»:
«Il est important de créer un continuum entre le temps scolaire, l’université,
le monde culturel et le monde du travail. La formation à l’esprit critique et
l’EMI doit donc être systématisée aussi bien dans des projets éducatifs de
territoires et des cités éducatives, que dans des dispositifs d’insertion, des
jeunes volontaires en service civique jusqu’aux retraités et à la formation
continue.»
Nous devrons toujours faire face à cette volonté de travestir le monde et, oui, dans une démocratie républicaine, la seule vraie solution pour combattre ce défi à notre liberté et notre dignité, c’est bien d’insuffler cet «esprit critique» dans toute la société basé sur le raisonnement et le savoir.
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