mardi 19 avril 2022

Présidentielle 2022. Propos de campagne de Macron du 19 avril – Est français celui pour qui la liberté est un idéal indépassable, l’égalité un principe intangible, la fraternité un socle incontournable / La France est une idée / La France est un mouvement / La France est un engagement…

Retrouvez ici la tribune «Ma France» publiée par le candidat représentant le Centre et l’axe central, Emmanuel Macron, dans le quotidien Le Figaro.

«Jamais je ne me sens plus français que lors des Marseillaise. Marseillaise des joies, 14 Juillet, événements sportifs ; Marseillaise des mémoires, 8 Mai, 11 Novembre ; Marseillaise militantes en ces temps de campagne électorale: toutes comptent. Mais certaines marquent plus intensément encore.
On peut en effet habiter à 15.000 kilomètres de notre capitale, à mille lieues des chemins de l’armée du Rhin, des terres du baptême de Clovis, de la bataille de Patay, de la place de la Bastille, des épopées napoléoniennes et des champs de bataille des guerres mondiales et se sentir infiniment français.
Pour une raison, qui les emporte toutes: la France n’est pas une géographie figée, elle est un mouvement. La France n’est pas un donné, elle est un engagement. Les habitants de Polynésie en sont un exemple saisissant qui, alors colonisés, ont choisi en 1940 la France libre comme l’ont fait, en même temps qu’eux, tant d’autres peuples du sud de la Méditerranée.
Et l’Histoire de France est parsemée de personnalités qui, nées étrangères, sont devenues françaises, non par le sang reçu mais par les risques pris. Léon Gambetta, né italien, institua la République en hissant le drapeau tricolore au balcon de l’hôtel de ville de Paris. Marie Curie, née polonaise, fit briller la France en remportant deux prix Nobel, puis la défendit en soignant ses soldats dans les tranchées. Joséphine Baker, née américaine, exprima le sommet de son art à Paris, avant d’entrer en résistance pour défendre ce goût de la liberté qui lui avait permis de déployer son talent mieux que nulle part ailleurs.
Gambetta, Curie et depuis novembre dernier Joséphine Baker reposent au Panthéon. Tous trois disent à leur manière ce qu’est la France: un choix. Je suis français non par hasard ou pour obtenir des droits. Mais parce que je suis porté par un élan, comme par un je-ne-sais-quoi ; par le sens du devoir.
Je suis français parce qu’au-delà de mon projet individuel, je poursuis une quête d’absolu. Parce que plus haute que mes appartenances multiples - philosophiques, culturelles ou religieuses, je place toujours la défense des valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, l’attachement à la Nation en ce qu’elle a de charnel et d’universel.
Cela n’a en vérité rien d’une évidence! Car ces valeurs, forgées dans le temps long des siècles - l’héritage antique, le christianisme, l’État capétien, la Renaissance, les Lumières, la République, comportent chacune leur part d’exigence. Ce ne sont pas seulement des mots qui à force d’être répétés finiraient par sonner creux. Ce sont des systèmes de devoirs et d’engagement qui impliquent des choix de courage sans cesse recommencés.
Est français celui pour qui la liberté est un idéal indépassable. Non pas la liberté du vide, celle qui, refusant le vaccin, est en réalité une tyrannie pour les autres. Non pas la liberté illimitée de l’individu qui ne tiendrait pas compte des autres. Mais la liberté du citoyen qui, fondée sur la raison, s’inscrit dans un contrat social. Cette liberté de conscience que garantit notre laïcité, cette liberté d’expression et de création qui, chez nous, s’étend jusqu’à la liberté de caricature.
Nous, Français, savons combien entre ces libertés imperceptiblement rognées, comme elles le sont dans les régimes illibéraux, et la tyrannie, il n’y a qu’un pas. Nous, Français, savons combien la liberté est fragile quand elle est menacée de l’extérieur par le retour de la guerre, de l’intérieur par la tentation illibérale de l’extrême droite.
Est français celui pour qui l’égalité est un principe intangible. L’égalité en dignité et en droits, fruit des luttes révolutionnaires contre les privilèges et les corporations, est une conquête de chaque instant. Une conquête positive: nous n’avons pas fini de lutter contre l’assignation à résidence, pour faire en sorte que chacun ait les mêmes chances. C’est pourquoi l’école sera ainsi une priorité du prochain quinquennat. Nous n’avons pas fini de lutter pour l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est pourquoi elle sera à nouveau la grande cause de mon quinquennat.
Est français celui pour qui la fraternité est un socle incontournable. La France a inventé les droits de l’Homme et je souhaite qu’elle continue de porter ce combat qui suppose à la fois de respecter notre Constitution et de nous inscrire dans l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et le respect de nos engagements internationaux.
Mais ce qui unit les hommes, ce qui les rend solidaires les uns des autres, ce qui rend possible les systèmes de redistribution sociale, ce qui fait Nation, c’est plus que ces principes universels, le partage d’un commun.
Voilà pourquoi la langue qui, en France, a engendré l’État puis la Nation, est si importante et que tous ceux qui prétendent embrasser la nationalité doivent la maîtriser. Non seulement pour communiquer. Mais parce que cette langue est le passeport vers une culture et une littérature. Notre langue est un état d’esprit qui, de Flaubert à Césaire, de Stendhal à Senghor, a pris le monde pour terrain d’expression. Notre langue est une manière d’être au monde, dialogues de Michel Audiard au cinéma, paroles de Jean-Loup Dabadie en chansons, dit une singularité dans l’approche des sentiments, des émotions, de l’amour et de l’amitié, de la vie et de la mort.
Voilà pourquoi aussi la connaissance du passé est déterminante. Parce qu’il y a dans les grands événements de l’Histoire de France quelque chose de nous, un éternel français, un «toujours-déjà-là» qui dit beaucoup de ce que nous sommes. La fraternité se conjugue au présent, dans les émotions incomparables que procurent les émotions sportives et culturelles, dans les rites patriotiques qu’il nous faut réhabiliter. Elle se forge aussi par références partagées. Par des lieux de mémoire: Gergovie, Valmy, Verdun évoquent quelque chose à tous les Français même à ceux qui ne s’y sont jamais rendus.
Par des paysages qui, depuis cette Cité phocéenne que j’aime tant, jusqu’au Quartier latin, depuis les cimes des Pyrénées de mon enfance, jusqu’au bocage normand, depuis les plaines picardes jusqu’aux falaises bretonnes surmontées de ces chapelles intemporelles sont autant d’espaces familiers. Par un art de vivre mêlé de gastronomie, de rythmes, de Mythologies barthiennes, Tour de France et Guide bleu, bals du 14 Juillet et promenades en bord de mer, entrecôte-frites et vin rouge.
Liberté-égalité-fraternité: là où tant de Nations se définissent par l’héritage du sang ou la seule géographie, la France est là, dans ces principes, dans ces mots répétés par les instituteurs au tableau d’une salle de classe, dans les chants murmurés par de jeunes gens à l’ombre du maquis, dans ces Marseillaise entonnées sur les places des villes et des villages. La France est là, dans cette devise qui vaut pour nous mais qui, généreuse, a vocation à inspirer l’Europe et le monde, loin du repli dans lequel la tradition nationaliste voudrait aujourd’hui nous enfermer.
La France est une idée. C’est à la fois une force, car elle arrime solidement ceux qui se reconnaissent en elle. Et une fragilité, car pour perdurer elle doit être transmise et retransmise, conquise et reconquise.
Voilà pourquoi, peut-être plus que toute autre, la nationalité française implique des devoirs. Relever le drapeau quand il menace de tomber. Défendre les valeurs quand elles sont menacées. Je veux faire des cinq années à venir, cinq années qui réhabilitent l’engagement. Si les Français me font confiance, les réserves citoyennes, armées, police, gendarmerie seront doublées. Le service civique sera développé. Le service national universel sera généralisé. Le pacte armées-Nation sera repensé à l’aune des temps tragiques que nous traversons
La France est un mouvement. Parce qu’elle se fonde sur la libre adhésion à des valeurs et déborde toute définition figée, notre Nation n’a jamais craint de s’enrichir des singularités de ceux qui la composaient, des apports de ceux qui l’ont rejointe, des cultures de ceux qui viennent de quelque part. Ses différents affluents n’ont jamais dilué le fleuve-France. Au contraire, ils l’ont renforcé.
La primauté de la langue française, imposée par l’abbé Grégoire qui en faisait «l’idiome de l’universel» puis par l’école républicaine de Jules Ferry, n’a ainsi jamais aboli nos patois et nos langues régionales, ces trésors que nous devons continuer de protéger et de promouvoir avec vigueur. La force de la laïcité et de la séparation des Églises et de l’État, n’a jamais empêché ni le dialogue avec les religions ni la création d’un régime particulier en Alsace-Lorraine.
L’intangible égalité civile, qui a progressé avec l’abolition de l’esclavage par Schoelcher, le droit de vote pour les femmes en 1944, s’est peu à peu ouverte à des actions assumant aujourd’hui de donner plus à ceux qui ont moins pour progresser vers l’égalité concrète. La volonté unificatrice de l’État capétien, l’entreprise d’indivisibilité de l’État jacobin a toujours pris soin de protéger les cultures des mille pays de France, les paysages, terroirs, provinces, régions. Si bien que la France est tout à la fois le pays de l’Un et peut se nommer Diversité, comme l’a écrit Braudel.
Nous, Français sommes tout cela. Ce peuple d’affinités électives et d’enracinés. D’idées offertes à l’humanité et de rapport tellurique au monde. D’universel et de particulier. «En chacun de nous existe un être convaincu de la beauté et de la noblesse des valeurs universelles, mais aussi un être lié par son histoire, sa mémoire et sa tradition particulière», écrit Mona Ozouf.
Nous sommes français parce que nous sommes l’un et l’autre. Parce que nous pouvons être profondément breton, alsacien, corse ou provençal et profondément français et européen. Parce que, combinant et recombinant nos histoires dans des «compositions françaises» toutes sensibles et singulières, nous faisons du particulier le ferment de l’universel, de l’universel, le souffle du particulier. Parce qu’en France, la Transmission ne va jamais sans la Projection et qu’oublier l’une ou l’autre serait retrancher une part de nous-mêmes.
C’est cette aventure que, si les Français me font confiance pour un second mandat de président de la République, je souhaite prolonger. Ne jamais oublier d’où nous venons, protéger notre patrimoine, préserver notre culture, transmettre notre histoire comme un trésor. Mais ne rien céder de cette ouverture et de cette vocation universelle qui nous fait et nous tient.
Ma France, c’est nous tous.
»

 

 

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