Retrouvez ici la tribune «Ma France» publiée par le candidat représentant le Centre et l’axe central, Emmanuel Macron, dans le quotidien Le Figaro.
«Jamais je ne me sens plus français que lors des Marseillaise.
Marseillaise des joies, 14 Juillet, événements sportifs ; Marseillaise des
mémoires, 8 Mai, 11 Novembre ; Marseillaise militantes en ces temps de
campagne électorale: toutes comptent. Mais certaines marquent plus intensément
encore.
On peut en effet habiter à 15.000 kilomètres de notre capitale, à mille lieues
des chemins de l’armée du Rhin, des terres du baptême de Clovis, de la bataille
de Patay, de la place de la Bastille, des épopées napoléoniennes et des champs
de bataille des guerres mondiales et se sentir infiniment français.
Pour une raison, qui les emporte toutes: la France n’est pas une géographie
figée, elle est un mouvement. La France n’est pas un donné, elle est un
engagement. Les habitants de Polynésie en sont un exemple saisissant qui, alors
colonisés, ont choisi en 1940 la France libre comme l’ont fait, en même temps
qu’eux, tant d’autres peuples du sud de la Méditerranée.
Et l’Histoire de France est parsemée de personnalités qui, nées étrangères,
sont devenues françaises, non par le sang reçu mais par les risques pris. Léon
Gambetta, né italien, institua la République en hissant le drapeau tricolore au
balcon de l’hôtel de ville de Paris. Marie Curie, née polonaise, fit briller la
France en remportant deux prix Nobel, puis la défendit en soignant ses soldats
dans les tranchées. Joséphine Baker, née américaine, exprima le sommet de son
art à Paris, avant d’entrer en résistance pour défendre ce goût de la liberté
qui lui avait permis de déployer son talent mieux que nulle part ailleurs.
Gambetta, Curie et depuis novembre dernier Joséphine Baker reposent au
Panthéon. Tous trois disent à leur manière ce qu’est la France: un choix. Je
suis français non par hasard ou pour obtenir des droits. Mais parce que je suis
porté par un élan, comme par un je-ne-sais-quoi ; par le sens du devoir.
Je suis français parce qu’au-delà de mon projet individuel, je poursuis une
quête d’absolu. Parce que plus haute que mes appartenances multiples -
philosophiques, culturelles ou religieuses, je place toujours la défense des
valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité, l’attachement à la Nation en ce
qu’elle a de charnel et d’universel.
Cela n’a en vérité rien d’une évidence! Car ces valeurs, forgées dans le temps
long des siècles - l’héritage antique, le christianisme, l’État capétien, la
Renaissance, les Lumières, la République, comportent chacune leur part
d’exigence. Ce ne sont pas seulement des mots qui à force d’être répétés
finiraient par sonner creux. Ce sont des systèmes de devoirs et d’engagement
qui impliquent des choix de courage sans cesse recommencés.
Est français celui pour qui la liberté est un idéal indépassable. Non pas la
liberté du vide, celle qui, refusant le vaccin, est en réalité une tyrannie
pour les autres. Non pas la liberté illimitée de l’individu qui ne tiendrait
pas compte des autres. Mais la liberté du citoyen qui, fondée sur la raison,
s’inscrit dans un contrat social. Cette liberté de conscience que garantit
notre laïcité, cette liberté d’expression et de création qui, chez nous,
s’étend jusqu’à la liberté de caricature.
Nous, Français, savons combien entre ces libertés imperceptiblement rognées,
comme elles le sont dans les régimes illibéraux, et la tyrannie, il n’y a qu’un
pas. Nous, Français, savons combien la liberté est fragile quand elle est
menacée de l’extérieur par le retour de la guerre, de l’intérieur par la
tentation illibérale de l’extrême droite.
Est français celui pour qui l’égalité est un principe intangible. L’égalité en
dignité et en droits, fruit des luttes révolutionnaires contre les privilèges
et les corporations, est une conquête de chaque instant. Une conquête positive:
nous n’avons pas fini de lutter contre l’assignation à résidence, pour faire en
sorte que chacun ait les mêmes chances. C’est pourquoi l’école sera ainsi une
priorité du prochain quinquennat. Nous n’avons pas fini de lutter pour
l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est pourquoi elle sera à nouveau la
grande cause de mon quinquennat.
Est français celui pour qui la fraternité est un socle incontournable. La
France a inventé les droits de l’Homme et je souhaite qu’elle continue de
porter ce combat qui suppose à la fois de respecter notre Constitution et de
nous inscrire dans l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et le respect de
nos engagements internationaux.
Mais ce qui unit les hommes, ce qui les rend solidaires les uns des autres, ce
qui rend possible les systèmes de redistribution sociale, ce qui fait Nation,
c’est plus que ces principes universels, le partage d’un commun.
Voilà pourquoi la langue qui, en France, a engendré l’État puis la Nation, est
si importante et que tous ceux qui prétendent embrasser la nationalité doivent
la maîtriser. Non seulement pour communiquer. Mais parce que cette langue est
le passeport vers une culture et une littérature. Notre langue est un état
d’esprit qui, de Flaubert à Césaire, de Stendhal à Senghor, a pris le monde
pour terrain d’expression. Notre langue est une manière d’être au monde,
dialogues de Michel Audiard au cinéma, paroles de Jean-Loup Dabadie en
chansons, dit une singularité dans l’approche des sentiments, des émotions, de
l’amour et de l’amitié, de la vie et de la mort.
Voilà pourquoi aussi la connaissance du passé est déterminante. Parce qu’il y a
dans les grands événements de l’Histoire de France quelque chose de nous, un
éternel français, un «toujours-déjà-là» qui dit beaucoup de ce que nous sommes.
La fraternité se conjugue au présent, dans les émotions incomparables que
procurent les émotions sportives et culturelles, dans les rites patriotiques
qu’il nous faut réhabiliter. Elle se forge aussi par références partagées. Par
des lieux de mémoire: Gergovie, Valmy, Verdun évoquent quelque chose à tous les
Français même à ceux qui ne s’y sont jamais rendus.
Par des paysages qui, depuis cette Cité phocéenne que j’aime tant, jusqu’au
Quartier latin, depuis les cimes des Pyrénées de mon enfance, jusqu’au bocage
normand, depuis les plaines picardes jusqu’aux falaises bretonnes surmontées de
ces chapelles intemporelles sont autant d’espaces familiers. Par un art de
vivre mêlé de gastronomie, de rythmes, de Mythologies barthiennes, Tour de
France et Guide bleu, bals du 14 Juillet et promenades en bord de mer,
entrecôte-frites et vin rouge.
Liberté-égalité-fraternité: là où tant de Nations se définissent par l’héritage
du sang ou la seule géographie, la France est là, dans ces principes, dans ces
mots répétés par les instituteurs au tableau d’une salle de classe, dans les
chants murmurés par de jeunes gens à l’ombre du maquis, dans ces Marseillaise entonnées
sur les places des villes et des villages. La France est là, dans cette devise
qui vaut pour nous mais qui, généreuse, a vocation à inspirer l’Europe et le
monde, loin du repli dans lequel la tradition nationaliste voudrait aujourd’hui
nous enfermer.
La France est une idée. C’est à la fois une force, car elle arrime solidement
ceux qui se reconnaissent en elle. Et une fragilité, car pour perdurer elle
doit être transmise et retransmise, conquise et reconquise.
Voilà pourquoi, peut-être plus que toute autre, la nationalité française
implique des devoirs. Relever le drapeau quand il menace de tomber. Défendre
les valeurs quand elles sont menacées. Je veux faire des cinq années à venir,
cinq années qui réhabilitent l’engagement. Si les Français me font confiance,
les réserves citoyennes, armées, police, gendarmerie seront doublées. Le service
civique sera développé. Le service national universel sera généralisé. Le pacte
armées-Nation sera repensé à l’aune des temps tragiques que nous traversons
La France est un mouvement. Parce qu’elle se fonde sur la libre adhésion à des
valeurs et déborde toute définition figée, notre Nation n’a jamais craint de
s’enrichir des singularités de ceux qui la composaient, des apports de ceux qui
l’ont rejointe, des cultures de ceux qui viennent de quelque part. Ses
différents affluents n’ont jamais dilué le fleuve-France. Au contraire, ils
l’ont renforcé.
La primauté de la langue française, imposée par l’abbé Grégoire qui en faisait
«l’idiome de l’universel» puis par l’école républicaine de Jules Ferry, n’a
ainsi jamais aboli nos patois et nos langues régionales, ces trésors que nous
devons continuer de protéger et de promouvoir avec vigueur. La force de la
laïcité et de la séparation des Églises et de l’État, n’a jamais empêché ni le
dialogue avec les religions ni la création d’un régime particulier en
Alsace-Lorraine.
L’intangible égalité civile, qui a progressé avec l’abolition de l’esclavage
par Schoelcher, le droit de vote pour les femmes en 1944, s’est peu à peu
ouverte à des actions assumant aujourd’hui de donner plus à ceux qui ont moins
pour progresser vers l’égalité concrète. La volonté unificatrice de l’État
capétien, l’entreprise d’indivisibilité de l’État jacobin a toujours pris soin
de protéger les cultures des mille pays de France, les paysages, terroirs,
provinces, régions. Si bien que la France est tout à la fois le pays de l’Un et
peut se nommer Diversité, comme l’a écrit Braudel.
Nous, Français sommes tout cela. Ce peuple d’affinités électives et
d’enracinés. D’idées offertes à l’humanité et de rapport tellurique au monde.
D’universel et de particulier. «En chacun de nous existe un être convaincu de
la beauté et de la noblesse des valeurs universelles, mais aussi un être lié
par son histoire, sa mémoire et sa tradition particulière», écrit Mona Ozouf.
Nous sommes français parce que nous sommes l’un et l’autre. Parce que nous
pouvons être profondément breton, alsacien, corse ou provençal et profondément
français et européen. Parce que, combinant et recombinant nos histoires dans
des «compositions françaises» toutes sensibles et singulières, nous faisons du
particulier le ferment de l’universel, de l’universel, le souffle du
particulier. Parce qu’en France, la Transmission ne va jamais sans la
Projection et qu’oublier l’une ou l’autre serait retrancher une part de
nous-mêmes.
C’est cette aventure que, si les Français me font confiance pour un second
mandat de président de la République, je souhaite prolonger. Ne jamais oublier
d’où nous venons, protéger notre patrimoine, préserver notre culture,
transmettre notre histoire comme un trésor. Mais ne rien céder de cette
ouverture et de cette vocation universelle qui nous fait et nous tient.
Ma France, c’est nous tous.»
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