Emmanuel Macron s’est adressé aux Français ce 2 mars au soir pour les tenir informer des derniers événements de la guerre de Vladimir Poutine contre l’Ukraine et contre l’Europe.
Il a apporté tout le soutien de la France au peuple ukrainien et a affirmé qu’elle n’était pas contre le peuple russe mais le régime mis en place par Poutine.
Il s’est réjoui de la mobilisation mondiale contre les menées de ce dernier et de la condamnation massive de l’ONU contre cette agression.
Il a rappelé la mobilisation du camp de la démocratie et a expliqué que le dialogue avec la Russie devait perdurer afin de trouver une issue pour faire cesser les combats et que ses troupes se retirent de l’Ukraine.
Il a indiqué que tout serait fait pour aider les Français dans ces temps difficiles que ce soit les particuliers ou les entreprises.
Surtout, il a estimé que cette guerre allait transformer le monde et qu’il y aurait un avant et un après particulièrement en Europe qui n’avait pas vécu une telle crise depuis la Seconde guerre mondiale.
Face à ce «retour brutal du tragique dans l’Histoire», il a annoncé que la France allait faire tout ce qu’il faut pour assurer son indépendance dans tous les domaines avec une agriculture et une industrie fortes tout en se donnant les moyens financiers nécessaires pour assurer sa défense.
Une France qui trouve toute sa place dans une Union européenne qui doit enfin devenir cette puissance et qui a démontré qu’elle en était capable dans sa gestion de cette crise et les décisions qu’elle a prises.
► Voici le discours d’Emmanuel
Macron
Françaises, Français,
Mes chers compatriotes,
Depuis l’attaque brutale lancée par le Président Poutine contre l’Ukraine le 24
février, les forces russes bombardent Kiev, assiègent les villes les plus
importantes du pays. Des centaines de civils ukrainiens ont été tués. Des
femmes et des enfants ont été tués encore ce jour. Les jours qui viennent
seront vraisemblablement de plus en plus durs.
Des centaines de milliers de réfugiés fuient vers la Moldavie, la Pologne, la
Roumanie, la Hongrie, la Slovaquie et progressivement le reste de l’Europe.
Dans cette épreuve sans précédent depuis nombre de décennies, nous nous tenons
aux côtés de l’Ukraine.
Je salue ce soir le courage du peuple ukrainien qui résiste sous le feu des
armes. Et en votre nom, j’adresse au Président Volodymir Zelensky le soutien
fraternel de la France. Il est aujourd’hui, à la tête de son peuple si courageux,
le visage de l’honneur, de la liberté, de la bravoure.
Ni la France, ni l’Europe, ni l’Ukraine, ni l’Alliance Atlantique n’ont voulu
cette guerre.
Nous avons au contraire tout fait pour l’éviter.
Vous le savez, j’ai depuis 2017 conduit un dialogue exigeant et constant avec
le Président Poutine.
Et face à l’aggravation des tensions, je me suis rendu à Moscou et puis à Kiev
les 7 et 8 février derniers pour rechercher des alternatives à un conflit armé.
Plusieurs autres dirigeants européens ont d’ailleurs accompagné cet effort.
Le Président des Etats-Unis d’Amérique a manifesté quant à lui sa
disponibilité pour négocier après avoir rencontré physiquement le Président Poutine
en juin 2021 à Genève.
C’est donc bien seul et de manière délibérée que, reniant un à un les
engagements pris devant la communauté des Nations, le Président Poutine a
choisi la guerre.
Cette guerre n’est pas un conflit entre l’OTAN et l’Occident d’une part et la
Russie d’autre part, comme certains peuvent l’écrire : il n’y a pas de troupes
ni de bases de l’OTAN en Ukraine. Ce sont des mensonges. La Russie n’est pas
agressée. Elle est l’agresseur.
Cette guerre est encore moins, comme une propagande insoutenable voudrait le
faire penser, une lutte contre le « nazisme ». C’est un mensonge. Une insulte à
l’Histoire de la Russie et de l’Ukraine, à la mémoire de nos aînés qui ont
combattu côte à côte contre le nazisme. Les dirigeants russes s’en prennent à
la mémoire de la Shoah en Ukraine. Comme ils s’en prennent en Russie à la mémoire
des crimes du stalinisme.
Cette guerre est le fruit d’un esprit de revanche, nourri d’une lecture
révisionniste de l’Histoire de l’Europe, qui voudrait la renvoyer aux heures
les plus sombres des Empires, des invasions, des exterminations.
A cette violation flagrante de l’intégrité du territoire et de la souveraineté
d’un pays européen, la France et l’Europe ont répondu immédiatement,
unanimement, fermement. Nous l’avons fait en étroite coordination avec les
Britanniques, les Canadiens, les Américains, les Japonais et tant d’autres
pays.
D’abord en soutenant le peuple ukrainien par des convois humanitaires ainsi que
par la livraison de matériel et d’équipement pour se défendre.
Ensuite, en agissant avec les autres Nations pour que les dirigeants russes entendent
que le choix de la guerre mettrait leur pays au ban des peuples et de
l’Histoire.
Une résolution a été votée au Conseil de sécurité des Nations Unies sur les
violations du droit international commises par Moscou. Et cet après-midi même,
l’Assemblée Générale des Nations unies a condamné par un vote écrasant cette
agression.
La communauté internationale a ainsi montré son unité. Les équipes sportives de
Russie ont été exclues des grandes compétitions internationales et nombre de
grands événements sportifs et culturels ont été annulés.
Nous continuons et continuerons un travail acharné afin de conduire, sur tous
les continents, les Nations à condamner l’invasion, à exiger le cessez-le-feu
et le respect des opérations humanitaires sur le sol ukrainien.
Nous avons pris, de manière rapide et proportionnée, des sanctions à l’égard de
la Russie et de ses dirigeants. Les avoirs de plusieurs centaines de
personnalités russes proches du pouvoir ont ainsi été gelés en France et à
l’étranger. Plusieurs grandes banques russes ont été exclues des systèmes de
paiements internationaux, rendant impossibles nombre de transactions et
entraînant la chute du rouble. Les organes de propagande russe viennent de
cesser d’émettre en Europe.
Sur le terrain, nous nous sommes donné les moyens de protéger nos
ressortissants en organisant le transfert de notre ambassade d’une ville à
l’autre en Ukraine et en permettant à tous les Français ou binationaux qui le
souhaitent de pouvoir quitter le pays dans les meilleurs délais.
Je veux ici en votre nom, remercier l’ensemble des diplomates, policiers,
militaires et agents de l’Etat qui continuent de mener cet effort et prennent
en charge nos compatriotes en Moldavie et sur les principaux points de sortie
du territoire ukrainien.
Je remercie aussi l’ensemble des journalistes qui couvrent avec courage le
conflit et œuvrent ainsi à la liberté d’information de tous les citoyens du
monde.
Enfin, nous avons participé à l’effort dans le cadre de l’OTAN pour protéger la
sécurité et la souveraineté de nos alliés européens en renforçant la présence
militaire que nous avons déjà dans les Etats baltes et dans la région. Ainsi,
plusieurs centaines de soldats français sont arrivés hier sur le sol de la
Roumanie.
Initiatives diplomatiques, sanctions contre les dirigeants politiques et
économiques de la Russie, soutien à la population ukrainienne vont ainsi se
poursuivre et s’intensifier avec pour objectif d’obtenir l’arrêt des combats.
Mais pour autant, nous ne sommes pas pour autant en guerre contre la Russie.
Nous savons tout ce qui nous lie à ce grand peuple européen qu’est le peuple
russe, qui a tant sacrifié durant la Seconde guerre mondiale pour sauver
l’Europe de l’abîme. Nous sommes aujourd’hui aux côtés de tous les Russes qui,
refusant qu’une guerre indigne soit menée en leur nom, ont l’esprit de
responsabilité et le courage de défendre la paix ; et qui le font savoir en
Russie et ailleurs.
C’est pour cela que si j’échange constamment avec le Président Zelensky, j’ai
aussi choisi de rester en contact et resterai en contact autant que je le peux
et autant que c’est nécessaire avec le Président Poutine. Pour chercher sans
relâche à le convaincre de renoncer aux armes pour aider autant que la France
le peut dans le cadre des pourparlers en cours et pour prévenir la contagion et
l’élargissement du conflit autant que nous le pouvons.
Les équilibres de notre continent comme plusieurs aspects de notre quotidien
sont d’ores et déjà bouleversés par cette guerre et connaîtront des changements
profonds dans les mois qui viennent.
Notre Europe en sera bousculée. J’aurai l’occasion d’y revenir.
Plusieurs centaines de milliers de réfugiés venant d’Ukraine sont et seront
accueillis sur notre continent. La France prendra sa part. Et je veux ici
d’ores et déjà remercier nos villes et nos villages qui ont commencés à se
mobiliser. Remercier nos associations, qui aussi œuvrent pour accueillir dans
les meilleures conditions.
Nous nous organisons et nous prendrons soin de celles et ceux qui rejoignent
notre sol pour être protégés. La France prendra aussi sa part en accueillant
les enfants forcés à l’exil, séparés de leurs pères restés combattre, et ce en
étroite collaboration avec les associations et les ONG qui œuvrent déjà sur
place et dans notre pays.
Notre agriculture, notre industrie, nombre de secteurs économiques souffrent et
vont souffrir, soit parce qu’ils dépendent des importations de matières
premières venues de Russie ou d’Ukraine, soit parce qu’ils exportent vers ce
pays. Notre croissance, aujourd’hui au plus haut, sera immanquablement
affectée.
Le renchérissement du prix du pétrole, du gaz et des matières premières a et
aura des conséquences sur notre pouvoir d’achat : demain le prix du plein
d’essence, le montant de la facture de chauffage, le coût de certains produits
risquent de s’alourdir encore.
Alors face à ces conséquences économiques et sociales, je n’ai et n’aurai
qu’une boussole : vous protéger.
Nous épaulerons les secteurs économiques les plus exposés en recherchant de
nouveaux fournisseurs, de nouveaux débouchés commerciaux. Et c’est à
cette fin que je me suis entretenu avec des homologues américains, européens,
moyen-orientaux.
Nous apporterons des réponses adaptées face aux perturbations des flux
commerciaux et à l’augmentation des prix. Et j’ai demandé au Premier ministre
d’élaborer, pour les prochains jours, un plan de résilience économique et
social pour répondre à toutes ces difficultés.
Mais ne nous trompons pas. Ces événements n’auront pas seulement des conséquences
immédiates, à la trame de quelques semaines. Ils sont le signal d’un changement
d’époque.
La guerre en Europe n’appartient plus à nos livres d’histoire ou de livres
d’école, elle est là, sous nos yeux. La démocratie n’est plus considérée comme
un régime incontestable, elle est remise en cause, sous nos yeux.
Notre liberté, celle de nos enfants n’est plus un acquis. Elle est plus que
jamais un système de courage, un combat de chaque instant.
A ce retour brutal du tragique dans l’Histoire, nous nous devons de répondre
par des décisions historiques.
Notre pays amplifiera donc l’investissement dans sa défense décidé dès 2017 et
poursuivra sa stratégie d’indépendance et d’investissement dans son économie,
sa recherche, son innovation, déjà renforcée à la lumière de la pandémie.
Notre Europe, dans cette épreuve, démontre, comme elle l’a fait ces derniers
mois, une unité remarquable. Elle doit désormais accepter de payer le prix de
la paix, de la liberté, de la démocratie. Elle doit investir davantage pour moins
dépendre des autres continents et pouvoir décider pour elle-même. En d’autres
termes : devenir une puissance, plus indépendante, plus souveraine.
Puissance économique d’abord. Nous ne pouvons plus dépendre des autres pour
nous nourrir, nous soigner, nous informer, nous financer. Voilà pourquoi, dans
le prolongement des décisions prises au plus fort de la pandémie avec le plan
de relance européen, nous devrons promouvoir un nouveau modèle économique fondé
sur l’indépendance et le progrès.
Puissance énergétique, ensuite. Nous ne pouvons plus dépendre des autres et
notamment du gaz russe pour nous déplacer, nous chauffer, faire fonctionner nos
usines. Voilà pourquoi, après avoir décidé pour la France, le développement des
énergies renouvelables et la construction de nouveaux réacteurs nucléaires, je
défendrai une stratégie d’indépendance énergétique européenne.
Puissance de paix, enfin. Nous ne pouvons pas dépendre des autres pour nous
défendre que ce soit sur terre, sur mer, sous la mer, dans les airs, dans
l’espace ou le cyberespace. A cet égard, notre défense européenne doit franchir
une nouvelle étape.
Je réunirai les 10 et 11 mars prochains à Versailles les chefs d’Etat et de
gouvernement, européens, lors d’un sommet qui aura à décider sur ces sujets.
D’ores et déjà, notre Europe a montré unité et détermination. Elle est entrée
dans une nouvelle ère. Il nous faut poursuivre.
Mes chers compatriotes,
La guerre en Ukraine marque une rupture pour notre continent et nos
générations.
Je sais combien elle vous inquiète, légitimement. Elle nous mobilise et nous
imposera de prendre des décisions. Je vous en rendrai compte.
Cette guerre vient aussi percuter notre vie démocratique et la campagne
électorale qui s’ouvre officiellement à la fin de cette semaine.
Cette campagne permettra un débat démocratique important pour la Nation mais
qui ne nous empêchera pas de nous réunir sur l’essentiel.
Je sais pouvoir compter sur vous, votre attachement à la liberté, à l’égalité,
à la fraternité, à la place de la France dans le monde.
Je ne cesserai jamais de les défendre et de les porter haut, en votre nom.
Vive la République.
Vive la France.
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