lundi 21 février 2022

Une Semaine en Centrisme. La dérive droitiste d’une partie des centristes est un fait historique

Lors de cette campagne présidentielle, deux anciens partis centristes se sont ralliés à la candidature du parti de la Droite, LR, en l’occurrence Valérie Pécresse alors même qu’une majorité centriste et centrale gouverne le pays – dont ils sont des adversaires déterminés – et qu’un candidat la représentant, le président sortant, sera en lice.

Si l’on peut émettre des doutes sur le positionnement de l’un d’entre eux, Les centristes, au centre de l’échiquier politique, il est tout de même composé de membres qui, pour la grande majorité, ont appartenu à des partis centristes comme le Nouveau centre ou l’UDI.

Pour, l’autre, l’UDI, si le parti a toujours accueilli des membres de la droite modérée (parfois d’une droite dure) en son sein, il a également toujours été jusqu’à son changement de cap récent composé majoritairement de membres issus du Centre, plus spécifiquement, du centre-droit mais pas seulement.

Ces deux ralliements ne peuvent être compris comme l’appartenance à une coalition mais bien à leur accolement à LR dont ils ne sont plus que deux appendices, voire deux alibis centristes afin, pour la candidate de droite, de ratisser large.

En réalité et plus spécifiquement et en l’occurrence, Les centristes et l’UDI sont devenus des formations de droite.

Mais cette dérive droitiste de certains partis du Centre et de centristes n’est pas nouvelle dans l’histoire politique de la France.

Elle est une constante si l’on remonte aux débuts de la III° République même s’il faut ajouter immédiatement qu’elle a toujours été le fait d’une minorité de centristes.

Et, bien évidemment, il ne faut pas confondre la présence de centristes dans des alliances avec la Droite avec cette dérive qui aboutit à un ralliement pur et simple aux partis de droite.

Ainsi, lorsque le Nouveau centre fait partie de la coalition qui soutient Nicolas Sarkozy en 2007, il demeure malgré tout – notamment de toutes les couleuvres  avalées! – un parti centriste ou, tout au moins, positionné au centre.

Même chose lorsque l’UDF soutient le gouvernement d’Edouard Balladur en 1992, elle est une formation centriste.

A l’opposé lorsque le CDP dirigé par Joseph Fontanet et des personnalités centristes comme Jacques Duhamel en 1969 se rallient à la candidature de droite incarnée par Georges Pompidou, ils ont pris un virage droitiste.

Lors de la création de l’UMP, les centristes qui rejoignirent la formation créée par Jacques Chirac font de même malgré un discours qui veut faire accroire que celle-ci est «de droite et du centre».

La preuve en est le nombre extrêmement minime de ceux qui sont revenus dans des formations centristes lorsque l’UMP s’est droitisée puis lorsqu’elle est devenue LR, ce qui s’est concrétisé comme un nouveau tournant à droite.

Mais il n’y a pas forcément toujours un mouvement unidirectionnel comme le montre le parcours du Parti radical qui a évolué entre la droite modérée et le centre-droit voire le Centre tout court avec Jean-Jacques Servan-Schreiber au cours de la V° République.

Reste que cela est nettement moins commun.

Mais une fois que l’on a fait le constat historique, comment expliquer cette dérive droitiste de nombre de centristes?

La première explication vient de ce que l’espace centriste a toujours été ouvert à l’opportunisme qu’il soit de gauche ou de droite donc de personnes qui se disent centristes parce que ce positionnement peut leur rapporter un bénéfice personnel.

D’autant qu’à gauche et à droite, on a toujours besoin d’un alibi centriste qui peut convaincre des électeurs modérés de voter pour vous et cet opportunisme peut permettre d’être élu ou de se voir confier poste.

Dès lors, une fois que l’on a une fonction élective ou un poste, la dérive droitière devient indispensable pour garder l’une ou l’autre même si le plus souvent on conserve son étiquette centriste qui est la raison pour laquelle on a obtenu l’emploi de la part de la Gauche ou de la Droite et que l’on a une chance de le garder.

La deuxième explication est que les ralliements à droite viennent souvent de partis et de personnes qui sont déjà au centre-droit, qui entretiennent un flou sur leur positionnement réel et qui n’ont qu’un petit pas à faire pour se retrouver à droite.

Contrairement à la première explication, il ne s’agit pas forcément d’opportunisme mais peut aussi découler d’une évolution légitime mais qui doit être assumée auprès des électeurs ce qui n’est malheureusement pas toujours le cas.

La troisième a souvent été pointée depuis les débuts de la V° République qui a établi le fait majoritaire ce qui oblige les petites formations à s’accoler à des plus grandes pour exister en périodes électorales espérer avoir des élus voire rester en vie.

Or par leur dispersion historique – les centristes sont souvent scindés en de multiples tendances parce qu’ils sont jaloux de leur indépendance même entre eux – les paris centristes sont souvent petits.

Ils ont donc besoin de trouver un grand parti qui peut leur accorder des investitures pour des élections, en particulier pour les législatives, et leur assurer un nombre d’élus.

Mais ce rapprochement implique évidemment le soutien à celui-ci qui se traduit presqu’inévitablement par une droitisation.

La quatrième est un peu cliché mais n’est pourtant pas à négliger c’est que beaucoup de centristes rejoignent le camp de la Droite avec l’âge.

Pour reprendre une image stéréotypée mais pas toujours fausse, on est révolutionnaire de gauche quand on est jeune et conservateur de droite quand on est vieux…

Cette dérive droitiste doit être combattue par les vrais centristes parce qu’elle jette le discrédit sur leur réelles convictions et qu’elle a un effet délétère sur l’image du Centre et du Centrisme.

Plus grave, elle induit en erreur des électeurs qui croient voter pour des partis et des individus centristes alors que ceux-ci sont de droite, une sorte d’escroquerie à la démocratie.

Jean-Louis Pommery

Directeur des études du CREC

 

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