L’UDI a donc décidé de se ranger derrière Valérie Pécresse lors de la prochaine élection présidentielle, soutien qui a été acté le 22 janvier.
Ce choix n’est pas partagé par tous ses membres.
Afin de comprendre les différents points de vue, nous publions ici l’interview que Jean-Christophe Lagarde, président de l’UDI, a donné au Figaro en faveur de ce soutien ainsi qu’une tribune d’Eric Azière, membre influent du parti et conseiller de Paris, publiée dans l’Opinion et qui regrette ce choix.
► Interview de
Jean-Christophe Lagarde au Figaro
- L'UDI soutiendra-t-elle Valérie
Pécresse pour l'élection présidentielle ?
Oui, je proposerai samedi lors de notre Conseil national de soutenir
Valérie Pécresse à la présidentielle. Tout d'abord, parce que nous avons fait
ensemble un travail de qualité et beaucoup échangé. Ensuite, parce qu'un
nouveau mandat d'Emmanuel Macron serait dangereux pour le pays. Pour l'instant,
elle est juste la candidate de la droite. Il faut maintenant qu'elle sache,
comme Nicolas Sarkozy, réunir la droite et le centre et aller chercher les
électeurs qui votent Macron. À cette condition-là, il y aura un changement en
France. Si elle arrive à se qualifier au second tour, dans tous les cas de
figure elle l'emportera parce que beaucoup de gens en ont assez de cette
présidence marquée par le mépris du peuple. Nous devons donc créer une
coalition sur un projet.
- En ce début de
campagne, Valérie Pécresse a beaucoup mis l'accent sur le thème de la sécurité
et de l'immigration. Souhaiteriez-vous qu'elle intervienne davantage sur
d'autres sujets ?
Elle a très bien rassemblé sa famille politique. Maintenant, il faut
qu'elle sorte de ce qui serait un piège. On ne prendra pas d'électeurs à Eric
Zemmour ou à Marine Le Pen. En revanche, beaucoup de gens se résignent à
Emmanuel Macron mais aimeraient bien un espoir. Et cet espoir peut s'appeler
Valérie Pécresse. Pour y arriver, il faut qu'elle réponde aux trois défis
principaux des Français : la souveraineté, la cohésion et l'environnement.
Sur la souveraineté, la France n'est pas assez forte pour se défendre toute
seule : la première condition de la France forte, c'est l'Europe
puissante. Mais l'Europe ne doit avoir compétence que là où elle a valeur
ajoutée. Nous devons par exemple avoir une politique de recherche mutuelle dans
le domaine des nouvelles technologies, des énergies, etc. Nous sommes devenus
des colonies numériques : nous dépendons des Chinois et des Américains. Il
est urgent de construire cette souveraineté numérique européenne. Il est
paradoxal que le continent qui a colonisé le monde soit en train de se faire
coloniser numériquement. Nous devons également augmenter nos efforts en matière
de défense nationale : tous les pays du monde sont en train de se réarmer.
Nous ne devons pas être naïfs, on ne peut pas se retrouver aussi démuni qu'en
1939.
Sur la cohésion, Emmanuel Macron ne s'est occupé que des premiers de cordée.
Nous voulons un ministère de lutte contre la fraude fiscale et sociale. Nous
devons également nous occuper des quartiers populaires en donnant les moyens à
ceux qui n'ont pas de travail d'en trouver. Il faut également décentraliser très
fortement l'État qui ne devrait s'occuper que des fonctions régaliennes.
- Valérie Pécresse est
déjà bien entourée depuis sa victoire au congrès. Allez-vous devenir son
cinquième mousquetaire ?
Parmi les quatre, il y en a tout de même un que l'on voit un peu plus que
les autres, c'est Éric Ciotti. Pour gagner, il faut qu'elle tienne son aile
droite et qu'elle fasse monter son aile modérée. Si notre conseil national vote
le soutien à Valérie Pécresse, je souhaite que des responsables de l'UDI soient
intégrés à tous les étages de l'organigramme. Je n'ai pas la même vision de
l'Europe que François-Xavier Bellamy, pour autant je ne suis pas contre le fait
que l'on participe à la même coalition. C'est une question d'influence.
Le point positif, c'est que Valérie Pécresse est très ouverte, intéressée et
curieuse des idées des autres. Pour l'instant on ne voit pas assez d'elle cette
capacité à écouter et à entraîner, alors qu'elle l'a. Ce serait un contraste
salvateur par rapport à Emmanuel Macron, qui n'écoute que lui. On ne peut pas
transformer la France contre les Français et sans les Français, et cela, Valérie
Pécresse l'a compris.
- Vous évoquiez Éric
Ciotti. Estimez-vous qu'il est trop présent dans la campagne?
L'omniprésence d'Éric Ciotti donne une fausse idée de la candidature de
Valérie Pécresse, ça la rend unijambiste. Elle a une jambe droite qu'il incarne
très bien. Vous ne trouverez pas les centristes sur le chemin de la faiblesse
sur le rétablissement de l'autorité, du respect de la règle et de l'état de
droit.
Mais il faut également à Valérie Pécresse une jambe plus modérée que nous
comptons incarner. Si elle n'est perçue que comme cela, alors elle sera la
candidate d'une niche et pas celle de la droite et du centre. Mais ce n'est pas
ce qu'elle souhaite. Son projet doit avoir deux jambes et nous serons l'une
d'entre elles. Je n'ai pas de problème avec la ligne politique défendue par
Valérie Pécresse qui est plus nuancée, diverse et complète que celle que
défendait Éric Ciotti pendant la primaire.
- Éric Ciotti s'est
déjà positionné contre une alliance des Républicains avec l'UDI pour la
présidentielle. Acceptera-t-il celle que vous envisagez ?
J'étais mercredi avec lui au siège des Républicains pour discuter des
élections législatives. Je n'ai pas cru remarquer que ça le dérangeait d'être à
côté de moi. Certes, il a parfois eu des expressions excessives à notre
endroit, mais le temps de la réflexion et la volonté de construire une
alternance lui a permis de changer d'avis. Il n'y a humainement aucun problème
entre nous.
- Les discussions
entre vous et LR concernant les investitures pour les législatives ont
commencé. Où en êtes-vous ?
Elles ont débuté depuis une semaine. Je souhaite qu'on puisse trouver un
accord équilibré d'ici la mi-février. Je n'ai fixé aucun objectif quantitatif,
ce n'est pas le sujet. Si elle est élue, Valérie Pécresse devra avoir une
majorité qui représente ses deux jambes. L'exercice des investitures prend un
peu de temps parce qu'il faut regarder sur chaque circonscription, qui est le
candidat le plus à même de gagner.
- Emmanuel Macron
n'est pas encore officiellement entré en campagne mais il est tous les jours au
cœur de l'actualité avec ses multiples déplacements. Cela vous
inquiète-t-il ?
Ce n'est pas une vertu pour un président de la République sortant de faire
semblant de ne pas être candidat alors qu'il fait campagne avec les moyens de
l'État. Comme le dit Valérie Pécresse, il crame la caisse matin midi et soir.
Avec un cynisme absolu, pour se faire réélire, il est capable de dire n'importe
quoi et de dépenser sans compter.
► Tribune d’Eric Azière dans l’Opinion: «Le Cercle des centristes disparus»
Que sont mes amis devenus ? Dans trois mois, et pour la
deuxième fois consécutive, les centristes ne présenteront pas de candidats à
l’élection présidentielle. Pourtant, on pose souvent comme un principe
existentiel, pour toute famille politique, une candidature à l’élection
suprême. C’est un rendez-vous imposé, médiatiquement incontournable,
politiquement structurant. En politique, on ne peut pas être sans avoir été.
Jean Lecanuet, Alain Poher, Valéry Giscard d’Estaing, Raymond Barre et François
Bayrou... 2017 et 2022 vont rompre la longue succession des candidatures
centristes à la compétition présidentielle en France.
Cette élection n’a, certes, jamais été la préférée pour la famille démocrate
sociale et européenne. Cette épopée présidentielle sonne plus souvent pour les
centristes comme un poème de l’infortune. « Que sont mes amis devenus que
j’avais de si près tenus et tant aimés ? Ils ont été trop clairsemés. Ce sont
amis que vent emporte. » Faute de donner une investiture à l’un des leurs,
ils vont jeter leur dévolu sur quelques autres. Pourtant, il est un risque
constant en politique pour qui se jette à la tête de quiconque : se
retrouver souvent à ses pieds.
Comme pour confirmer ce mauvais présage, les centristes n’ont pas été associés
par leur partenaire LR au processus de primaire, réservé aux seuls militants
des Républicains. Ils s’apprêtent pourtant à soutenir celle que ce scrutin
privilégié a désigné comme vainqueur. Les arguments ne manquent pas pour
justifier ce choix : « Nous ne sommes pas en situation »... Mais
se rendre à l’évidence, c’est déjà se rendre. « Et si nous laissions un
peu notre amour-propre au vestiaire de la négociation, laissions notre âme de
mousquetaire, la fortune et la gloire... pour un groupe parlementaire ?», nous
souffle la petite voix intérieure. Certes, mieux vaut un bon accord qu’un
mauvais score, mais les seuls combats qu’on est sûr de perdre sont ceux qu’on
ne mène pas.
Mendier. « Et que faudrait-il faire ? » Etre exclu du
« process » de la désignation du candidat d’un autre parti censé
devenir notre champion et applaudir sans honte à cette comédie, à l’écart de la
scène où se joue le pays, tenus au bout du compte de coller ses affiches, alors
que vos idées, eux-mêmes s’en fichent ? Non merci ! Se vautrer et mendier dans
des coulisses obscures pour obtenir à peine quelques investitures, suprême
concession jetées comme en pâture aux Mont des Humiliés ? Non merci !
Attendre qu’on vous désigne, la place que vous aurez, suppléants, supplétifs...
aux futures élections, de quelle majorité ? Non merci ! Assister passivement
aux interviews croisés de ces prétendus chefs de la « droite et du
centre », sans faire qu’aucun centriste ne sache se faire entendre ? Non
merci ! Ecouter silencieux les discours séditieux de ces dames et messieurs,
assumant sans rien dire cette sinistre dérive d’une droite en délire ? Non
merci !
Prétendre qu’on va tenir des promesses éculées qu’une kyrielle de mandats n’ont
cessé d’enterrer : moins de fonctionnaires, d’impôts et de migrants, pour
plus de policiers, de juges, et d’enseignants ? Non merci ! Exulter au slogan
« La droite est de retour ! », alors que personne n’en constatait
l’absence et, dans le même temps, courir après Zemmour, qui court après Marine,
qui court après la France ? Non merci !
Avec les loups, hurler sur l’insécurité, et chasser le faciès dans toutes les
cités ? Non merci ! S’excuser d’un drapeau dont l’Europe s’honore, pour l’avoir
déployé sur les Champs-Elysées, et crier à l’outrage fait à tous nos morts,
alors que ce drapeau c’est celui de la paix ? Non merci ! Renier ses
convictions, son humanisme, sa foi, prendre pour un projet cette improvisation
qui de la surenchère fait sa méthode, sa loi, comme un canard sans tête courir
vers l’élection ? Non merci !
« Mais… chanter, rêver, rire, passer, être seul, être libre... » et
faire un autre choix ? Oui plutôt !
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