S’il faut se garder de toute extrapolation hasardeuse, la
défaite du gouverneur démocrate sortant, Terry McAuliffe, en Virginie, face à
un républicain qui a tout fait pour faire oublier qu’il partageait nombre de
positions avec Donald Trump dont il avait reçu et accepté le soutien, est un
signal adressé, sans doute à Joe Biden, mais surtout à l’ensemble du Parti
démocrate qui joue un jeu politicien – et qui vient de perdre la première
manche – assez pitoyable depuis quelques semaines où l’aile gauche et l’aile
droite de la formation essentiellement centriste, s’affrontent sur les plans
proposés par le président américain.
Ces plans sur les infrastructures, sur une fiscalité plus
juste, sur la création de millions d’emplois, sur de meilleurs salaires, sur le
développement nécessaire de plusieurs programmes sociaux notamment en direction
des familles et des jeunes, sur l’extension de l’assurance maladie, sur le
développement des énergies renouvelables, ont été salués lors de leurs
présentations par une grande partie des Américains et sont encore soutenus par
une majorité de la population.
Pour autant, ils n’ont pas encore été votés par le Congrès
alors que le Parti démocrate possède la majorité, à la fois, à la Chambre des
représentants et au Sénat.
Une anomalie qui est au cœur de la baisse de popularité de
Joe Biden ainsi que dans les raisons de la défaite en Virginie.
Mais une anomalie qui s’explique par des démocrates qui, à l’inverse
des républicains qui sont devenus quasiment un bloc de conservateurs radicaux
si ce n’est d’extrême-droite pour nombre d’entre eux, sont tiraillés entre
plusieurs tendances qui vont de positions proches de l’extrême-gauche (très
minoritaires) à des positions proches de la droite conservatrice (également
très minoritaires).
Au milieu, l’énorme majorité des élus démocrates au Congrès
se situent dans un axe central avec une prédominance pour un centre-gauche
modéré.
Si ce melting-pot politique fait du Parti démocrate une
formation globalement centriste, cela pose des problèmes lorsque ses majorités
à la Chambre des représentants et au Sénat sont minimes comme lors de cette législature.
C’est un peu le cas pour les représentants, c’est surtout la
situation pour les sénateurs où démocrates et républicains ont le même nombre d’élus,
cinquante, et où la différence est faite par le vote de la vice-présidente,
Kamala Harris, présidente du Sénat selon la Constitution américaine et qui a le
droit de vote en cas d’égalité lors d’un scrutin.
Les premiers à dégainer ont été les tenants de l’aile droite
avec, en particulier, le sénateur Joe Manchin qui n’a rien d’un centriste
depuis toujours avec des positions très conservatrices en matière fiscale par
exemple et, qui plus est, défenseur intransigeant des intérêts de son Etat sinistré,
la Virginie occidentale, qui parvient à tout juste survivre grâce à ses mines
de charbon, donc adversaire de tout ce qui est mesure contre le réchauffement
climatique et promotion des énergies renouvelables.
Beaucoup ont pointé du doigt cet élu qui aurait été le grand
responsable du capotage des plans de Biden.
C’est sans doute vrai en partie mais il faut rappeler que si
Manchin est élu c’est bien à cause de son positionnement politique dans un Etat
très largement à droite.
Et sans sa présence au Sénat, les démocrates n’auraient pas
la majorité actuellement et il faut donc faire avec une situation que tout le
monde connait.
Ce que n’a pas accepté l’aile gauche qui, au lieu de
chercher un compromis acceptable avec une diminution des montants des plans et
le renoncement à certaines mesures – ce qui aurait permis leur adoption depuis
longtemps –, s’est opposée frontalement à l’aile droite et a refusé de voter
des lois moins ambitieuses mais tout de même d’une ampleur jamais vue depuis
Franklin Roosevelt et son New deal, lois à dominance progressiste.
Cette affrontement entre conservateurs et socialistes a été
très mal vue des médias et des citoyens américains ce qui n’a pas empêché les
démocrates de s’enliser dans cette crise dont ils sont en train de payer le
prix.
Cela ne préjuge en rien le vote de plans réajustés, ni de ce
qui se passera l’année prochaine lors des élections de mi-mandat où la Chambre
des représentants sera entièrement renouvelée ainsi qu’une partie du Sénat et
où se dérouleront nombre d’autres élections dont celles de plusieurs
gouverneurs d’Etats.
En revanche, cela indique très sûrement au Parti démocrate
de suive un chemin où le compromis, tant défendu par Biden depuis toujours et
qu’il a du mal à mettre en place dans sa propre formation, est une nécessité.
Pas seulement pour réunifier des démocrates qui sont en
train de se perdre mais parce que les plans proposés seraient une avancée
substantielle pour les Etats-Unis.
Sans oublier que le spectacle offert actuellement par les
démocrates fait le bonheur des républicains et d’un certain Donald Trump qui a
déjà annoncé sa candidature pour 2024…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC