► Les journalistes dans leur mission n’ont pas vocation à recevoir le prix Nobel de la paix.
Non pas que leur travail ne soit pas utile, nécessaire et indispensable dans une démocratie républicaine mais parce que leur tâche d’informer consiste plutôt à parler de ceux qui agissent et méritent d’être célébrés pour leur action en faveur de la paix.
Néanmoins, les deux journalistes qui viennent d’être honorés par l’académie Nobel, pour «leur combat courageux pour la liberté d’expression» – la Philippine Maria Ressa et le Russe Dmitri Mouratov – sont des emblèmes de la démocratie dans le monde dans deux pays qui bafouent tous les jours ses valeurs.
Ils luttent pour que la liberté d’opinion et d’expression ne disparaisse pas et, à ce titre, ils ont mérité ce Nobel.
En même temps, et c’est le plus préoccupant, cela veut dire que l’heure est grave pour que ce soient des journalistes qui soient choisis.
Non pas que ce soit la première fois que la libre parole soit en danger – elle l’est constamment à travers la planète – mais la situation a tellement empiré ces dernières années où les espaces pour qu’elle puisse malgré tout s’exprimer s’amenuise de jour en jour dans les autocraties et dans les pays où les gouvernements tentent de museler l’opinion des citoyens, que les membres du Nobel ont senti le devoir de récompenser ceux qui en sont des travailleurs infatigables.
Au-delà des deux lauréats, ce prix est donc une reconnaissance de tous ces journalistes tués, emprisonnés, torturés, licenciés parce qu’ils ont voulu juste faire leur travail, de la Chine au Mexique, de la Biélorussie à la Turquie, de l’Afghanistan au Rwanda.
Dans un communiqué, la présidente du comité Nobel, Berit Reiss-Andersen, a déclaré que les deux lauréats «sont les représentants de tous les journalistes qui défendent cet idéal dans un monde où la démocratie et la liberté de la presse sont confrontées à des conditions de plus en plus défavorables».
Elle a poursuivi, en expliquant que «le comité Nobel norvégien est convaincu que la liberté d’expression et la liberté d’information aident à maintenir un public informé. Ces droits sont des préconditions essentielles pour la démocratie et pour se prémunir contre la guerre et les conflits. Le journalisme libre, indépendant et factuel sert à protéger contre les abus de pouvoir, les mensonges et la propagande de guerre».
Quant au président de Reporters sans frontières (RSF), Christophe Deloire, il a exprimé «sa joie, parce que c’est un merveilleux et très puissant message en faveur du journalisme. Un très bel hommage à deux journalistes (…), qui représentent l’ensemble des journalistes sur la planète qui prennent des risques pour favoriser le droit à l’information».
Mais il a immédiatement ajouté qu’il ressentait: «en même temps, un sentiment d’urgence parce que le journalisme est fragilisé, parce que le journalisme est attaqué, parce que les démocraties le sont, que la désinformation et les rumeurs fragilisent autant le journalisme que les démocraties et qu’il est temps d’agir».
► La Pologne a-t-elle encore sa place dans l’Union européenne? On peut se poser la question alors que le Tribunal constitutionnel à la botte du pouvoir en place à Varsovie – de droite radicale, nationaliste et populiste – vient de déclarer que le droit polonais avait une prééminence sur le droit européen.
Or, dans les traités qui fondent l’Union européenne et qui formalisent l’adhésion de chaque pays à celle-ci, il est bien spécifier que c’est évidemment le droit européen qui l’emporte, sans quoi l’UE ne serait qu’une coquille vide où chacun ferait ce qu’il lui plaît dans les domaines où celle-ci agit.
Cette décision de la plus haute court de justice du pays pose la question de l’appartenance de la Pologne à l’Union.
Si le gouvernement polonais a réagi en déclarant qu’il souhaitait en rester membre, la Commission européenne s’est dite «préoccupée» et «utilisera tous les outils» afin de garantir la primauté du droit européen.
Au-delà de cette décision, ce qui est en jeu est de savoir avec qui on construit une Europe plus unie, plus intégrée, plus capable d’être une réelle puissance face aux menaces mondiales.
Or des pays comme la Pologne et la Hongrie se servent de l’UE uniquement à leur profit, comme le faisait le Royaume-Uni jusqu’au Brexit, et ne veulent pas appliquer ses règles quand cela va à l’encontre – non pas de l’intérêt de ces pays – des idéologies des gouvernements en place actuellement à Varsovie et Budapest.
Ceci n’est pas acceptable mais en plus fragilise l’Union européenne et demande une nouvelle fois que l’on discute très sérieusement d’une organisation plus intégrée et plus fédérale avec ceux qui veulent réellement faire l’Europe et non uniquement s’en servir.
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