Par Jean-François
Borrou & Alexandre Vatimbella
Dans
cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui
ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but
d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Jean-François Borrou est le pseudonyme d’un journaliste proche des idées centristes.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC.
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Sous-marin français
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Tout serait la faute de la France, voilà ce que dit de
manière arrogante et insultante l’Australie qui a rompu le fameux contrat de
douze sous-marins français.
Et de déclarer que ces bâtiments n’étaient pas fiables et
que l’Australie n’avait pas de compte à rendre à la France qu’elle était venue
sauver en 1914 et 1944 (alors que ses troupes étaient sous commandement
britannique et se battaient essentiellement pour son ancienne puissance
coloniale)!
En somme nous sommes un pays sous-développé qui vendons de
mauvais produits et qui devons plutôt la fermer devant une nation qui peut nous
faire, et la leçon, et la morale.
Le pire dans ces affirmations mensongères, c’est qu’elles
sont reprises complaisamment par une partie de la classe politique – mais, là,
on en attendait pas moins de cette opposition en déshérence qui saisit au bond
toute attaque fallacieuse qui peut affaiblir Macron même si ça affaiblit également
la France de critiquer le gouvernement sans preuve – et une partie des médias
et de ces fameux «experts médiatiques» dont on aurait attendu un peu plus de
professionnalisme.
Ce plaisir qu’ont ceux-ci de rabaisser constamment la France
– qu’elle soit dirigée par la Gauche, le Centre ou la Droite –, sa politique
étrangère, sa technologie et, en l’occurrence donc les compétences de ses
ingénieurs et autres techniciens qui ont conçu ces sous-marins est affligeante
d’autant qu’elle ne se base sur aucune réalité.
Evidemment, nous ne sommes pas obligés de croire Emmanuel
Macron quand il nous dit que lors de la dernière rencontre avec le premier
ministre australien, celui-ci n’a jamais évoqué une possible rupture du
contrat.
Ou Yves Le Drian quand il explique qu’aucun officiel
australien n’avait parlé de plus honoré ce dernier.
Mais il y a un communiqué commun entre la France et l’Australie
publié le 30 août, soit seulement quinze jours avant la rupture unilatérale du
contrat, après une réunion entre les ministres des Affaires étrangères et de la
Défense des deux pays qui dit:
«Les deux parties se
sont engagées à approfondir la coopération dans le domaine des industries de
défense et à améliorer leur capacité de pointe dans la région. Les ministres
ont souligné l’importance à cet égard du programme des futurs sous-marins.»
Où étaient les soi-disant mises en garde de l’Australie?
Oui, on s’est bien «foutu de notre gueule»!
Alors, oui, sans doute, sommes-nous une puissance de
deuxième catégorie, juste au-dessus de la Grande Bretagne, loin devant l’Australie
mais derrière les Etats-Unis, la Chine et la Russie.
Oui, les Australiens ont plus de raisons de toutes sortes de
faire allégeance à la puissance américaine et de faire plaisir à leur ancienne
puissance coloniale qu’à la France dont ils n’ont jamais été particulièrement
proche.
On rappelle, en passant, que le chef de l’Etat australien se
nomme Elizabeth II, reine du le Royaume Uni!
Oui, les Etats-Unis veulent enfin se concentrer – avec raison
– sur la réelle menace chinoise et ont besoin, dans la région Indo-Pacifique de
l’Australie à leurs côtés plus que de la France.
Oui, par ailleurs, les Etats-Unis, dans une rare duplicité à
notre égard, nous ont doublés mais s’attaquer à la France comporte pour eux peu
de risques à long terme.
Mais, non, ce n’est pas vrai que la France n’a pas été à la
hauteur.
Quoi qu’il en soit, et plus fondamentalement, ce «coup dans
le dos», selon l’expression utilisée par Jean-Yves Le Drian, repose de manière encore
plus prégnante la question de l’indispensable, de l’incontournable, de l’essentielle
Europe de la Défense.
Nous devons, nous, Européens, prendre enfin nos
responsabilités le plus rapidement possible car, aujourd’hui, nous comptons de
moins en moins sur la scène internationale, ce qui veut dire que nous ne sommes
plus écoutés et que nos intérêts vitaux dépendent de plus en plus de la
décision d’autres pays.
L’«humiliation» de la France dans cette «crise des contrats»,
c’est aussi l’humiliation de l’Europe.
C’est en notre pouvoir de ne pas l’accepter, maintenant.
Demain il sera trop tard.
Jean-François Borrou & Alexandre Vatimbella