Etre le parti pivot de la coalition centriste et centrale qui soutient Emmanuel Macron pour 2022 et pour l’après, va être l’objet d’une compétition entre LaREM et le MoDem à partir de la rentrée et en vue des élections générales de l’année prochaine.
François Bayrou, de son côté, veut que le Mouvement démocrate dont il est le président, se transforme en un Parti démocrate attrape-tout, du centre-droit au centre-gauche à l’image de ce qu’est celui-ci aux Etats-Unis (ou, plutôt, de ce qu’il croit qu’il est).
Stanislas Guerini ou son successeur, lui, a reçu la mission d’Emmanuel Macron de faire de La république en marche – dont il est le délégué général – une formation qui agrège autour d’elle tout ce qui va de la social-démocratie à la droite libérale et soit à la tête de cette «maison commune», expression qui hérisse tant Bayrou qui n’y voit qu’une manière de brider ce qu’il estime être une dynamique de son MoDem.
Rappelons que les dirigeants de ce dernier ont récemment refusé de signer un texte en ce sens proposé par leurs «amis» du parti présidentiel.
Rappelons aussi que la nouvelle ambition de Bayrou est venue de l’effritement continu de LaREM qui a perdu nombre de députés ces quatre dernières années dont certains ont ralliés le MoDem – ce qui avait provoqué quelques tensions entre les deux formations –, surtout, la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Dès lors, une opportunité de sortir de l’ombre de la «grande sœur» a été possible, voire de la concurrencer plus ou moins frontalement.
On n’a pas oublié les mouvements d’humeurs des députés bayrouistes et les déclarations parfois agressives de leur président Patrick Mignola afin de marquer leurs différences avec LaREM dans une évidente opération de communication médiatique «nous et eux ce n’est pas la même chose».
Si, donc, du côté du MoDem, il s’agit de faire émerger un parti directement concurrent de LaREM, du côté de ce dernier, il s’agit d’élargir la coalition macroniste tout en demeurant l’élément central et dirigeant de celle-ci.
Ainsi François Bayrou a de nouveau évoqué le sujet en juillet dernier en déclarant:
«Il me semble qu'il y a besoin d’un grand courant démocrate à la française, d’un grand parti démocrate à la française qu'il faut construire en respectant ce que chacun est et en respectant ce que chacun a: comme le verbe être et le verbe avoir. Je pense que si ces deux précautions sont remplies, alors on peut avancer. Il faudra le faire à la rentrée.»
Quant à Stanislas Guerini, il vient de déclarer que «Je crois que LaREM a vocation à être au centre d'une majorité présidentielle qui continuera demain à s'élargir».
Non seulement ces deux projets se télescopent mais il n’y aura la place que pour l’un d’entre eux.
Sans doute que Bayrou se contenterait d’un rééquilibrage dans la majorité actuelle où les deux entités seraient sur un pied d’égalité tout en espérant inverser la tendance sur le long terme, par exemple à la fin d’un possible deuxième mandat de Macron qui pourrait d’ailleurs être également la fin de l’aventure de LaREM.
En revanche, du côté des dirigeants du parti présidentiel, il n’est pas concevable d’avoir un autre schéma que leur prééminence.
Comment va se dérouler cette compétition à hauts risques puisqu’il s’agit de demeurer uni tout en se disputant les faveurs des électeurs, une sorte de remake des alliances UDF-RPR ou PS-PC du passé?
C’est difficile à dire parce que dans ces cas de figure, les choses peuvent rapidement déraper alors que l’intérêt principal des deux formations serait de demeurer dans une même coalition en escomptant le moins de vagues.
Est-ce que Bayrou voudra tester la résistance de LaREM au-delà d’un possible point de rupture et est-ce que les dirigeants de cette dernière n’auront aucune flexibilité pour trouver un terrain d’entente, personne ne le sait vraiment.
De même, il est très difficile de savoir ce que peut représenter un Mouvement démocrate sans le soutien de La république en marche puisque tous ses députés doivent leurs élections à des largesses de Macron en 2017 (c’est si vrai qu’avant ces législatives, il n’avait aucun député à l’Assemblée nationale).
Jouer l’indépendance à tout crin est donc très risqué pour François Bayrou dont le parti pourrait redevenir cette coquille vide qu’il a été pendant dix ans.
Sans parler d’être pointé comme le responsable d’une défaite en 2022.
Mais LaREM a aussi besoin des électeurs MoDem dans bien des cas et il n’est sans doute pas envisageable d’aller à la bataille électorale sans le parti centriste.
Bien sûr, il est fort probable que l’on se dirige vers des compromis tant les deux partis n’ont aucun intérêt à la division qui serait synonyme de défaite aux législatives et, sans doute, déjà de leur candidat commun à la présidentielle si celui-ci s’appelle Emmanuel Macron.
Reste l’inconnue de la situation politique du pays dans les mois à venir en cette période instable qui peut aussi bien déboucher sur une majorité allant unie devant les électeurs qu’à un chacun pour soi, surtout si le président de la république ne se représentait pas.
Si tel était le cas, il est à parier que les deux projets se disputeraient l’espace central avec une réelle opportunité pour le MoDem d’en sortir gagnant.
En tout cas, cette compétition fait déjà saliver les adversaires de la majorité présidentielle comme le sénateur UDI Hervé Marseille qui s’est amusé dernièrement à tenter de mettre de l’huile sur le feu entre les deux partenaires en affirmant qu’«au MoDem, ils commencent à s’inquiéter des offres que pourrait faire LaREM aux UDI et aux LR, ils se disent qu’Emmanuel Macron, s’il se fait réélire, pourrait pousser plus loin et se passer d’eux...».
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC