Emmanuel Macron lors de la campagne de 2017 |
Jacques Chirac, en bon politicien, savait que les réformes divisait et, surtout, rendaient impopulaire d’où ses multiples retournements de veste et voltes-faces à chaque fois qu’une de celles qu’il proposait faisait descendre les Français dans la rue, Alain Juppé a pu l’expérimenter amèrement…
Chez Emmanuel Macron, c’est tout le contraire, la réforme est l’élément central de son identité politique où elle est, à la fois, incontournable pour moderniser le pays et indispensable pour le progrès de la société.
On le voit, par exemple, avec sa volonté de continuer à réformer alors que le pays est dans une crise sanitaire.
Bien sûr, Chirac n’a pas fait que machine arrière et Macron a du mettre parfois de l’eau dans son vin.
Mais si la présidence Chirac restera dans la postérité comme celle de l’immobilisme, celle de Macron le sera comme celle du mouvement, reste à savoir si, en termes politiciens et d’ambition personnelle, qu’elle sera celle qui est meilleure stratège et tacticienne, une question en suspend, notamment parce que l’actuel hôte de l’Elysée est toujours en fonction et sera certainement candidat à sa propre succession.
Toujours est-il que les Français qui ont élu – et les sondages le confirment jusqu’à aujourd’hui – Emmanuel Macron l’ont fait pour qu’il s’attaque réellement aux problèmes et blocages du pays.
Il n’est pas dans le propos développé ici de dire si c’est une réussite ou non, mais de noter les implications pour sa présidence de cette mission que lui ont confiée les électeurs.
Ainsi, les différentes défaites du mouvement qu’il a créé pour se faire élire puis pour avoir une majorité à l’Assemblée nationale pour appliquer son programme dans les rendez-vous électoraux, des municipales aux régionales en passant par les européennes et les sénatoriales, voire dans les législatives partielles, alors qu’il demeure en tête pour la présidentielle 2022 dans les sondages, interroge.
Bien sûr, tout pouvoir en place est en difficulté dans ces scrutins intermédiaires entre deux présidentielles et législatives.
Mais les défaites sans être aussi cuisantes que veulent bien le dire ses opposants, sont tout de même claires et nettes.
Dès lors, on peut émettre une hypothèse qui semble être confirmée par les faits: Emmanuel Macron est perçu comme un réformiste en mission pas un gestionnaire de la durée.
Ce qui implique que sa majorité présidentielle – sauf peut-être s’il est réélu et lors des prochains législatives – n’est pas faite pour s’ancrer dans le paysage politique et, en particulier, dans les territoires.
Cela a comme conséquence également qu’après sa présidence, il y a peu de chances que LaREM subsiste parce qu’en réalité elle n’est qu’un outil que les Français lui ont donné pour gouverner le pays.
En cela, LaREM peut être comparée aux différents partis qui ont soutenu le Général de Gaulle mais ces derniers sont parvenus à exister après le départ de ce dernier du pouvoir parce que leur ancrage dans la vie politique était plus ancien que son accession à la présidence de la république.
Ce qui n’est pas le cas pour Emmanuel Macron dont le mouvement, même s’il a accueilli d’anciens élus de gauche, du Centre et de droite, a fait une place très large à des nouveaux venus sans ancrage local et sans passé politique.
Leur seule légitimité: aider Macron à faire ses réformes.
On peut ainsi supposer que beaucoup des élus novices n’auront pas un parcours politique au-delà de la présidence d’Emmanuel Macron et que ceux qui étaient à de gauche, centriste et de droite retourneront dans leur camp tout en restant dans cet axe central (allant des libéraux progressistes de droite aux réformistes sociaux-libéraux de gauche en passant par les libéraux sociaux progressiste et réformiste du Centre) qui est la colonne vertébrale de la défense de la démocratie républicaine libérale.
Tout dans le parcours politique de l’actuel président de la république plaide en ce sens comme son ascension si rapide, sa proposition d’électrochoc pour réformer la France, la menace de l’extrême-droite et un monde politique dans le désarroi.
En réalité, Emmanuel Macron a plus à voir avec le portrait-robot de l’homme providentiel que Charles de Gaulle dans le sens où il arrive de nulle part à un moment-clé du pays pour une durée assez courte pour une mission précise.
De Gaulle, lui, avait une légitimité plus grande forgée lors de la Deuxième guerre mondiale puis au cours de la IV° République comme son principal contempteur et s’il a été rappelé au pouvoir lors de la crise algérienne, ce n’était pas simplement pour rétablir l’ordre républicain ni même pour proposer une nouvelle constitution mais pour gérer le pays dans la durée.
D’ailleurs, en termes de réformes, Emmanuel Macron – même s’il n’a pas changé de régime – est un cran au-dessus.
In fine, Emmanuel Macron sera réélu si les Français pensent qu’ils ont encore besoin de lui pour moderniser le pays dans une vision progressiste et s’ils estiment qu’il est encore le meilleur rempart contre l’extrême-droite et les populismes radicaux, en un mot, s’ils estiment qu’il n’a pas encore terminé sa mission.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC