François Bayrou |
Créé par François Bayrou en 2007 au sortir de l’élection présidentielle où il avait terminé en troisième position avec plus de 17% des suffrages exprimés, le Mouvement démocrate également appelé MoDem voulait surfer sur cette dynamique et, surtout, être un outil, pour son fondateur et président, de conquête de l’Elysée.
Cette nature hybride, à la fois parti, à la fois organisme permanent de logistique de campagne pour un seul homme, a été un fort handicap d’autant que le score de Bayrou à la présidentielle de 2012 (moins de 10% des suffrages exprimés) ainsi que les sondages lors de la pré-campagne de 2017 (autour de 7%) montraient clairement que la stratégie et le positionnement du Mouvement démocrate était perdant-perdant.
Car, en 2017, dix ans après sa fondation, la formation n’avait aucun député, quelques sénateurs, peu d’élus locaux et de moins en moins de militants.
Ce qui imposa à François Bayrou un douloureux exercice de renversement des priorités.
Le MoDem n’était plus à son service exclusif mais il devait lui permettre de ne pas sombrer puis disparaitre d’autant qu’à l’époque il avait adopté la posture d’un opposant agressif et sans concession au candidat Emmanuel Macron qui faisait campagne au centre et séduisait une grande majorité de centristes dont les électeurs de François Bayrou.
Alors, dans un retournement spectaculaire obligé mais non souhaité réellement, ce dernier rejoignit le créateur d’En marche!, non pas comme un allié ainsi qu’il le prétend aujourd’hui mais comme un soutien parmi d’autres.
Et il obtint en retour quelques promesses vagues mais, surtout, nombre de circonscriptions gagnables pour les législatives au cas où Macron serait élu ainsi que des postes ministériels.
La victoire d’Emmanuel Macron fut donc ce qui sauva le MoDem de devenir un groupuscule et son chef un has-been de la politique.
Le parti centriste obtint près 47 députés aux législatives qui suivirent et entra au gouvernement avec des postes importants puisque François Bayrou devint ministre de la Justice et sa fidèle lieutenante, Marielle de Sarnez, ministre des Affaires européennes.
Cependant, cela fit également de Bayrou et du Mouvement démocrate des obligés d’Emmanuel Macron et de La république en marche.
Très vite, Bayrou pris conscience que cette dépendance totale n’était pas viable à moyen-long terme pour son parti mais également pour ses ambitions présidentielles qu’il n’a jamais réellement abandonnées.
Très vite, en conséquence, dans ses prises de parole, il distilla quelques critiques et désaccords avec le président de la république et le gouvernement d’autant que l’affaire judiciaire des attachés parlementaires européens du MoDem l’avait obligé à démissionner de son poste ministériel.
Ces critiques et désaccords furent parfois exprimés avec une grande agressivité mais ne furent suivies d’aucune concrétisation.
Parce que François Bayrou savait qu’il avait tout à perdre en quittant une majorité présidentielle dans laquelle LaREM, à l’époque, avait la majorité absolue des sièges à l’Assemblée nationale.
En bon connaisseur de la politique, il savait, en outre, que le temps pouvait agir en sa faveur s’il patientait tout en continuant à affirmer sa petite musique personnelle à périodes répétées.
Une majorité présidentielle, en effet, s’use au même titre qu’un président et un gouvernement parce que, par définition, étant ceux qui détiennent le pouvoir et donc l’exerce, ils sont constamment les cibles, non seulement de l’opposition mais également des médias ainsi que des acteurs économiques et sociaux, de même que de tous ceux qui veulent exprimer leur mal-être.
Et ceux qui s’usent, ce sont d’abord les élus du parti présidentiel, moins ceux des autres partis de la coalition présidentielle.
C’est ce qui s’est produit avec un certain nombre de crises plus ou moins fortes, comme celles, par exemple, des gilets jaunes ou de la covid19.
Bayrou et le MoDem ont alors joué la carte de la fidélité et de la solidarité envers le gouvernement et la majorité tout en exprimant des vues différentes sur certains sujets et demandant des réformes avec plus d’insistance, comme sur la proportionnelle.
Sans oublier les alliances électorales à la carte lors des municipales où nombre d’élus du Mouvement démocrate se sont retrouvés sur des listes avec des membres de l’opposition, ce qui pourrait être le cas lors des régionales de cette année.
Et les fameuses «sources autorisées» de «proches» évidemment anonymes de François Bayrou ont commencé à distillé des propos dans les médias, comme quoi le centriste et son parti songeaient à un clash avec Emmanuel Macron et LaREM pour éventuellement quitter la majorité ou lui mettre une très forte pression, en prenant comme raison principal le blocage sur l’introduction de la proportionnelle pour les prochaines législatives.
Si ces allégations ont été démenties par les leaders du MoDem, il suffit pourtant d’écouter les déclarations récentes de Bayrou – en particulier son interview de dimanche sur France Inter – pour constater que la pression est bien là même si elle ne s’accompagne pas, pour l’instant, de menaces explicites sur un possible clash.
L’idée poursuivie par François Bayrou et ses fidèles est que le Mouvement démocrate soit enfin un vrai parti, avec, à la fois, des élus et une indépendance.
Parce que, jusqu’à présent, depuis sa fondation en 2007, le MoDem a eu l’un ou l’autre.
Comme nous l’avons vu, pendant longtemps il n’a été que le bras armé de François Bayrou pour la présidentielle faisant l’impasse sur être une vraie formation politique avec un programme et des candidats en nombre suffisants, surtout des élus.
Depuis 2017, il a ces élus qui lui ont tant manqué pendant des années mais il a troqué son indépendance contre ceux-ci.
Aujourd’hui, il ne veut plus l’un ou l’autre mais l’un et l’autre ce qui est évidemment normal et légitime pour tout parti politique donc pour le MoDem.
Au-delà de tout ce que l’on vient de dire, retrouver son indépendance pour le Mouvement démocrate est une question de survie.
D’une part, parce qu’il lui faut affirmer une personnalité, une spécificité qui n’en fait pas seulement un allié obligé de LaREM, voire un simple appendice mais une vraie formation politique avec son passé, son, présent et, surtout un avenir.
D’autre part parce qu’il ne peut être associé avec autant de proximité à LaREM qui, s’il peut le booster comme en 2017 peut également l’entraîner dans sa chute en cas de défaite en 2022.
Et une partie de la réponse à cette question de survie, c’est l’instauration de la proportionnelle pour les prochaines législatives parce que dans un système électoral majoritaire, une formation comme le MoDem a très peu de chance d’avoir beaucoup d’élus si elle ne conclut pas des accords électoraux avec d’autres ce qui, lorsque l’on est le plus faible, édulcore son message politique.
On comprend bien, en effet, que ce mode de scrutin permet à tous les partis de se présenter sous leur seul nom et sans devoir faire d’alliance électorale obligée.
D’où le forcing de Bayrou et de ses troupes pour l’instaurer le plus vite possible.
Si Emmanuel Macron et LaREM prennent le bouillon l’année prochaine, Bayrou et le MoDem espèrent, grâce à cette proportionnelle, qu’ils pourront tirer leur épingle du jeu en étant des soutiens critiques ou même des indépendants qui ne dévoileront leur positionnement qu’une fois les élections passées.
C’est évidemment très périlleux -- et encore plus si le mode de scrutin demeure majoritaire – mais, selon la conjoncture politique, peut-être moins que d’être le parti-frère de LaREM si celui-ci se délite.
Concernant François Bayrou, il lui est quasiment impossible de se présenter en 2022 si Macron y va car il passerait alors pour un traitre, ce qu’il disait de Chirac et de Sarkozy, et que certains disent de lui, notamment à droite.
Il prendrait alors un risque politique qui compromettrait sans doute grandement ses chances futures.
Car, oui, il a cette folle espérance pour la présidentielle de 2027 où il rappelle souvent qu’il sera plus jeune alors que ne l’est aujourd’hui Joe Biden, élu triomphalement à la tête des Etats-Unis et qui est un centriste comme lui.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC