François Mitterrand |
On pensait qu’avec sa nomination à la tête du Haut-commissariat au plan, François Bayrou s’occuperait des grandes questions économiques et sociales ainsi que de préparer la sortie de la crise de la covid19.
Mais l’on avait également constaté que sa nouvelle fonction ne l’avait pas empêché de demeurer président du MoDem et donc de continuer à s’occuper de politique politicienne.
Et après une période où il semblait avoir endossé son nouveau rôle d’explorateur du futur, il est vite retombé dans les questions politiques et partisanes.
Ainsi en est-il de sa croisade – c’est comme cela qu’il faut l’appeler – en faveur de l’instauration de la proportionnelle pour les élections législatives de 2022 et pour laquelle il a adressé une lettre à Emmanuel Macron.
Une proportionnelle dont sa formation, le Mouvement démocrate serait un des principaux bénéficiaires…
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le centriste ne s’embarrasse pas d’emphase, de sous-entendus et d’alliances improbables convoquant la démocratie, la justice, la morale, le respect, le pluralisme, rien de moins.
Question emphase, il déclare ainsi au quotidien Le Parisien que l’adoption de la proportionnelle n’est rien d’autre qu’«une obligation démocratique et morale» face à «une injustice inacceptable».
Des grands mots convoqués pour soi-disant débloquer la démocratie française car «on ne peut plus continuer comme ça» et d’ajouter, sur RTL, que «nous ne sommes pas respectés».
Et de surenchérir: «Vous trouvez que l'on a du pluralisme aujourd'hui?»
Surtout une rhétorique qui est plus celle d’un opposant que d’un membre de la majorité présidentielle.
Et de préciser: «Je ne me lance pas dans cette bataille pour la perdre».
On ne sait si ces propos sont une menace en l’air ou bien un avertissement à un an de la présidentielle et des législatives.
C’est sans doute pourquoi tout est bon la gagner à tout prix, même à s’allier, non seulement avec les opposants à cette majorité présidentielle mais à s’allier avec les extrêmes comme le RN et LFI dans une campagne de pression- et non de «chantage», précise-t-il sur RTL – sur le Président de la république.
D’ailleurs, il n’y voit rien de bizarre de se retrouver avec Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon:
«Si c'était une lettre de M. Bayrou au Président de la République, j'imagine d’abord que je n'aurais pas besoin de lui écrire ! Nous pourrions le faire de vive voix, mais l'originalité de cette démarche de lettre est qu'elle a été rejointe ou partagée, c'est un mot plus exact, par les responsables de très grands courants politiques du pays depuis l'extrême gauche jusqu'à l'extrême-droite en passant par le centre et les écologistes. C'est un sujet sur lequel l'alliance des citoyens est nécessaire. A-t-on souvenir qu'il y ait eu une démarche de cet ordre dans la vie politique française ? À mon souvenir non. Que des forces opposées se regroupent ou en tout cas, s'affirment solidaires pour dire : on ne peut pas continuer comme cela, avec un parlement dont les électeurs se détachent, ne participe plus aux élections et lorsqu'ils ont une difficulté avec une décision qui va être prise, ils n'ont plus qu'une chose à faire, manifester, aller vers les blocages, les grèves et les violences.»
Et quand on lui demande si l’absence de proportionnelle a été un élément déclencheur du mouvement de foule des gilets jaunes, il répond «je pense que cela a joué un très grand rôle» alors même qu’aucune preuve n’existe.
D’autant qu’il précise que si la proportionnelle avait existé en 2017, ces mêmes gilets jaunes qui n’existaient pas alors «auraient pu présenter des listes et peut-être avoir des élus»!
Jusqu’où Bayrou est prêt à aller pour imposer la proportionnelle et qu’elle sera sa réaction si sa proposition est retoquée, personne ne le sait exactement et peut-être même pas lui.
Reste qu’à un an des échéances électorales nationales, il prend le risque d’une crise dans la majorité présidentielle s’il mène une véritable campagne pour son instauration et une décrédibilisation de sa parole politique s’il n’est pas écouté.