Par Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella
Dans
cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui
ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but
d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen,
défenseur d’une mondialisation humaniste.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC.
Palais de l'Elysée |
Alors que 9% privilégient un pouvoir d’un seul et 45% un pouvoir qui s’entourent de conseillers institutionnels, 45% des Français selon un récent sondage sont tentés par un exécutif partagé «par plusieurs dirigeants qui prennent les décisions ensemble en trouvant un compromis», selon un sondage récent.
Cela s’appelle un directoire.
Le régime directorial ou collégial est en vigueur dans un seul pays, la Suisse où l’exécutif est représenté par un Conseil fédéral de sept membres, et le fut en France lors de la Révolution entre 1795 et 1799 où le pouvoir était distribué entre cinq directeurs.
Il a existé sporadiquement dans plusieurs autres pays comme dans l’Etat de Pennsylvanie (avant l’adoption de la Constitution américaine), en Uruguay ou en Bohème.
45% ce n’est pas rien et mérite que l’on y réfléchisse.
D’autant que les démocrates et les républicains s’ils vont jusqu’au bout de leurs convictions, ne peuvent s’accommoder d’être représentés par un chef unique qui, s’il est élu, a toutes les caractéristiques d’un monarque même si, heureusement, il n’en a pas les pouvoirs ainsi que la durée.
Incarner un régime de liberté et d’égalité dans une seule personne est un non-sens, une contradiction qui, en plus, est nocive pour celles-ci.
Les centristes, font partie de cette lignée qui n’aime pas un exécutif omnipotent incarné dans la figure d’un(e) seul(e), d’une personnalisation du pouvoir.
Ils ne se sont jamais fait totalement à la présidentialisation du régime politique français sous la Cinquième république.
Parce qu’un président omnipotent peut devenir facilement un président autoritaire voire plus.
Leur préférence est toujours allée à un régime parlementaire avec la prééminence de l’Assemblée nationale où le gouvernement exécute les choix décidés par les représentants du peuple, c’est-à-dire où une pluralité détient le réel pouvoir.
Ils ne se sont ralliés en partie aux institutions actuelles parce qu’elles ont montré qu’elles étaient capables d’assurer une certaine stabilité face à la réalité mais il n’en reste pas moins vrai qu’il ne s’agit pas pour eux du régime ultime et parfait, loin de là.
Dans ce cadre, ils sont naturellement portés à la direction collégiale de l’exécutif qui pourrait être une panacée entre un régime parlementaire qui serait trop instable et un régime présidentiel qui serait trop personnel.
Le directoire permettrait aussi à toutes ou la plupart des forces politiques d’y être associées par le biais d’une représentation proportionnelle et/ou d’un accord de gouvernement obligatoire entre forces politiques partageant un même programme.
En règle générale, tous les membres d’un directoire assument une gouvernance collégiale et les décisions sont prises à la majorité.
Chaque directeur se voit attribué la gestion d’un ou plusieurs ministères et l’un d’entre eux devient président du directoire selon une formule le plus souvent tournante et le pouvoir de celui-ci n’excède pas ceux des autres.
On voit bien tout l’intérêt d’une collégialité qui permet une politique plus raisonnée et responsable puisque toutes ou la plupart des forces politiques partagent le pouvoir exécutif même si évidemment, au Parlement, le ou les partis qui ont remporté les élections forment la majorité qui vote les lois et contrôle l’action du directoire.
Il faut ajouter à ce stade que si le Directoire mis en place en 1795 en France a mauvaise presse, ce n’est pas à cause de sa collégialité ou de son fonctionnement technique mais parce qu’il était issu d’une Constitution peu démocratique, chargée avant tout de solder l’époque de la Terreur tout en évitant le retour de la monarchie, et que les mécanismes mis en place pour assurer les relations entre le Parlement et l’exécutif ne permettaient pas d’éviter les crises, ce qui provoqua de nombreux coups d’Etat dont le dernier, celui du 18 brumaire an VIII (9 novembre 1799), porta Napoléon Bonaparte au pouvoir avec le Consulat puis l’Empire.
Sans entrer dans les détails «techniques» qui sont nombreux, qui doivent être discutés et qui devront trouver la meilleure solution possible si ce régime était une option possible ou que sa mise en, place était décidée, passons en revue quelques problématiques qui se posent à son sujet.
Parmi celles-ci, il y a sa possible moindre efficacité en cas de décision rapide à prendre ainsi que les blocages qui pourraient naître d’une confrontation entre ses membres d’opinions différentes.
Pour éviter que le directoire ne devienne un champ de bataille partisan où les protagonistes prendraient à témoin la population, ses délibérations doivent être encadrées et les votes des directeurs doivent demeurer secrets pour que la collégialité ait une légitimité intacte.
Néanmoins, comme ce régime serait beaucoup plus parlementariste que le régime présidentiel, le Parlement, lui, pourrait continuer à fonctionner en cas de blocage de l’exécutif s’il dispose, bien sûr, d’une majorité solide.
Il est sûr qu’une gouvernance collégiale serait beaucoup plus démocratique sur le fond et la forme que le régime présidentiel que nous connaissons en France.
Une question essentielle est de savoir comment serait élu ce directoire.
En Suisse, le Conseil fédéral n’est pas élu par le suffrage universel mais par les deux chambres du Parlement comme le directoire l’était également en France.
Cela amoindri son pouvoir même si, en Suisse, le Conseil une fois mis en place n’est pas responsable devant le Parlement et ne peut être révoqué par celui-ci.
En France, on peut supposer que si un directoire voyait le jour, il devrait être élu par le suffrage universel pour être légitime aux yeux de la population et qu’une stricte séparation entre le pouvoir exécutif qu’il représente et le pouvoir législatif de l’Assemblée nationale et du Sénat, si ce dernier est sauvegardé dans la nouvelle constitution qui verrait le jour.
En outre, il conviendrait de trouver un mécanisme simple mais efficace empêchant une paralysie d’une direction collégiale du pays.
Un nombre impair de directeurs en fait partie (nombre qui ne devrait pas excéder cinq ou sept) tout comme la possibilité pour les électeurs via une consultation qui pourrait prendre la forme d’un référendum de trancher une division du directoire qui bloquerait son fonctionnement (et une procédure, en attendant le verdict populaire qui permettrait au Parlement de désigner un exécutif qui gérerait les affaires courantes).
In fine, un régime de directoire, s’il est bâti intelligemment est assurément démocratique et consensuel, ce qui hérissera certainement les extrêmes et les populismes ou ceux qui ne voient la politique que comme un champ de bataille.
Il permet à la majorité, voire à l’ensemble des forces politiques, d’avoir un comportement responsable puisqu’elles sont associées au pouvoir, que ce soit au sein de l’exécutif ou au Parlement.
Si ce système politique garde les caractéristiques d’un régime démocratique et républicain tel que nous le connaissons actuellement, il peut faire évoluer, dans le temps, les pratiques de gouvernance et de représentativité, c’est-à-dire de permettre un approfondissement de la démocratie et de la république.
C’est la raison pour laquelle il est plus qu’intéressant de développer une réflexion sur sa possible existence et organisation alors même que nous avons dérivé, quelle que soit la pays démocratique envisagé, vers un renforcement du pouvoir exécutif d’un seul, qu’il soit président ou premier ministre, chef d’Etat ou chef de gouvernement.
Et le directoire aurait à ce titre un autre intérêt éminent, faire perdre cette personnalisation du pouvoir qui est tout sauf démocratique.
Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella
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