Emmanuel Macron a enfin dévoilé dans un discours-fleuve son plan d'un montant de 30 milliards d'euros pour «répondre aux défis de notre temps» qui passe par un investissement massif, en particulier en matière de transition écologique afin de faire émerger dans les dix ans qui viennent «les futurs champions technologiques de demain et accompagner les transitions de nos secteurs d'excellence, automobile, aéronautique ou encore espace».
Ce plan baptisé depuis longtemps «France 2030» comprend dix objectifs qui doivent répondre au triptyque «mieux comprendre, mieux vivre, mieux produire»
Ceux-ci sont:
1) Faire émerger en France des réacteurs nucléaires de petite taille, innovants
et avec une meilleure gestion des déchets.
2) Devenir le leader de l'hydrogène vert.
3) Décarboner notre industrie.
4) Produire près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides.
5) Produire le premier avion bas-carbone.
6) Investir dans une alimentation saine, durable et traçable.
7) Produire 20 biomédicaments contre les cancers, les maladies chroniques dont
celles liées à l'âge et de créer les dispositifs médicaux de demain.
8) Placer la France à nouveau en tête de la production des contenus culturels
et créatifs.
9) Prendre toute notre part à la nouvelle aventure spatiale.
10) Investir dans le champ des fonds marins.
On comprend bien que ce plan fera partie intégrante de son programme lors de la campagne présidentielle de 2022 même s’il ne s’est pas encore déclaré candidat, ce qu’il fera sans doute dans les premiers mois de l’année prochaine.
► Voici le discours d’Emmanuel
Macron
Monsieur le Premier ministre, Mesdames Messieurs les ministres, Monsieur le
haut commissaire au plan, Mesdames Messieurs les parlementaires, Mesdames et
Messieurs en vos grades et qualité, chers amis, merci d'être aujourd'hui à
l'Elysée pour ce moment un peu particulier.
D'abord parce qu'on va essayer de se projeter loin dans un moment où beaucoup
nous concourent en quelque sorte à nous faire regarder à côté. Et je pense que
c'est d'abord une bonne vertu personnelle, mentale, et c'est aussi très bon
pour un pays comme le nôtre. Merci, parce qu'à travers vos 5 prises de paroles,
vous avez illustré des convictions qui sont vos convictions personnelles. Mais
vous avez un peu aussi rendu compte de tout le travail qui a été fait par
celles et ceux, vous en êtes les contributrices et contributeurs dans cette salle,
qui ont préparé depuis des mois cette stratégie, ce travail collectif et donc
étudiantes et étudiants, chercheuses, chercheurs, universitaires, responsables
d'organisations, de branches professionnelles, syndicales, entrepreneuses,
entrepreneurs, investisseurs, parlementaires et évidemment, les ministres qui
ont piloté ce travail, et je vous en remercie avec l'ensemble des grands
organismes de recherche et de notre politique économique et industrielle.
Ce que je vais essayer ici, ce dont je vais essayer de rendre compte, est un
peu le fruit de votre travail collectif, de notre travail collectif comme
nation. Nous sommes confrontés à des défis qui ne sont pas neufs. On les voit
poindre depuis maintenant quelques décennies. Ils sont en train de se consolider,
de se raffermir et ils ont en quelque sorte présidé à ce que la France comme
l'Europe ont fait ces dernières années, ce qui porte notre conviction
collective et ce qui a été encore raffermi et conforté pendant la crise. Et que
le rapport d'ailleurs, que j'avais commandé il y a quelques mois à messieurs Blanchard
et Tirole avec un collectif d'économistes, a pu confirmer. Donc, la planète est
confrontée à quelques grands défis inédits dans leur concentration et leur
convergence.
Un premier grand défi, vous l'avez tous rappelé, je crois que maintenant, il y
a un consensus sur ce sujet, c'est évidemment le défi climatique,
environnemental, c'est-à-dire le problème à la fois des dérèglements
climatiques et de la raréfaction de la biodiversité. C'est un défi profond qui
change évidemment nos moyens de produire, de produire d'abord de l'énergie, de
faire de l'industrie, de nous déplacer, de consommer, de nous alimenter et donc
qui nous conduit à complètement repenser nos modes d'organisation collective.
Pour autant, il faut continuer à faire tout ce que je viens de dire, c’est une
évidence. Et il faut d'autant plus le faire que la planète, elle, continue à
grandir.
Le deuxième grand défi, il a été aussi éclairé par le plan dans un rapport
récent, c'est le défi démographique. Il est colossal. C'était souvent, et ça a
été ces dernières décennies, un peu un impensé de nos politiques publiques.
Mais ce défi démographique, il a plusieurs composantes. C'est d'abord
l'augmentation du nombre d'habitants sur la planète. Je ne veux pas ici
reconvoquer des thèses malthusiennes qu'on connaît depuis longtemps, mais c'est
un fait, quand on a de la ressource naturelle qui se raréfie, d'attention sur
différents sujets et différents écosystèmes, on a une planète dont la population
croît, mais elle croît, si je puis dire, très différemment. Et donc, nos
sociétés sont confrontées à un vieillissement démographique et dans beaucoup de
nos pays, même si la France a longtemps mieux résisté que d'autres à une chute
de sa natalité et, à l'inverse, à une explosion démographique dans d'autres
pays et donc à la pression des grandes migrations. Ces deux grands défis,
d'ailleurs, se renforcent l'un l'autre, car les défis migratoires trouvent
aussi leur source dans les déséquilibres climatiques que certaines régions
connaissent aujourd'hui. Tout cela se tient. Mais ce deuxième défi
démographique est très important, ce qui le déstabilise là aussi, nos modes
d'organisation en société, le temps que nous passons au travail par rapport au
temps que nous passons à nous former, puis à vivre plus âgés ensuite, et
essayer de vieillir dans les meilleures conditions possibles, le mode de
financement de nos modèles sociaux, etc., etc. Et il crée beaucoup de tensions
aussi entre différentes régions du monde par les migrations.
Le troisième grand défi que nous sommes tous en train de vivre, c'est le défi
des inégalités. Il ne faut pas le négliger. Il est bien pointé par, il y a
beaucoup d'économistes qui sont ici qui l'ont montré, au fond, depuis le 18ème
siècle, nos sociétés démocratiques reposant sur l'économie sociale de marché
avaient une forme de consensus qui était qu'on crée de la valeur, mais il y
avait toujours un progrès constant ; nos enfants vivraient mieux que nous. Ça
s’est à peu près constamment vérifié avec l'exception terrible et historique
des guerres, mais quelque chose est en train de s'enrayer dans notre système,
qui est un dérèglement de l'organisation de notre économie mondiale,
l’explosion des déséquilibres, en particulier, au sein de nos économies par
deux phénomènes : l’hyperfinanciarisation, d’une part, mais peut-être encore
plus ces dernières années, l’accélération des technologies numériques. C’est ce
qu’on appelle la digitalisation maintenant qui est un formidable objet
d’innovation, mais est aussi un levier d’accélération, en quelque sorte, de
l’écartement de notre société avec des modèles comme le nôtre qui sont très
protecteurs, et il faut s’en féliciter, j’y reviendrais, mais que nous avons
plutôt conçus comme des modèles qui venaient corriger les inégalités qui se
forgeaient, là où le système, en quelque sorte, est en train de les produire de
plus en plus vite, et écartent les destinées individuelles de plus en plus
vite. C’est un vrai défi. Tout cela est en train de créer une série de chocs,
des chocs démocratiques dans nos sociétés, liés en quelque sorte au doute que
ces crises, ces grands défis sont en train de créer dans nos sociétés quand la
manière de produire de s'alimenter est faite de tension permanente. On le voit
bien dans nos sociétés quand on est angoissé sur la manière de vieillir, quand
les inégalités sont en train d'augmenter, qu'on ne voit plus les perspectives,
on a un doute démocratique qui s'installe ; toutes les sociétés démocratiques
sont en train de le vivre.
Nous avons à côté de ça un choc géopolitique qui en est la conséquence parce
que quand il y a de la rareté sur les ressources, quand il y a de la
concurrence exacerbée sur les modes d'innovation, quand en quelque sorte, ce
sont des modèles qui jouent leur survie ou leur hégémonie, ça crée de la
tension géopolitique.
Et puis, évidemment, tout ça a aussi créé une forme de choc anthropologique
parce que la transformation, la révolution des usages, des usages liés en
particulier au numérique, crée un changement profond de notre manière de nous
organiser en société, d’imaginer, de vivre les émotions, de communiquer les
informations. C’est le monde dans lequel nous vivons. Je le repose là en début
parce qu’on ne peut pas penser la France de 2030, l’Europe de 2030, essayer de
voir la dynamique qu’on peut prendre sur la décennie si on ne prend pas comme
départ ces grandes tendances qui sont là mais qui sont en train de s’accélérer.
Est-ce que la crise que nous venons de vivre, dont nous l’espérons
collectivement dont nous sortons, la pandémie de Covid 19 a en quelque sorte
remis en cause ces grands défis, ces grandes transformations ? Non, au
contraire. Elle les a plutôt confortés. Mais je pense que nous nous devons
collectivement essayer de tirer aussi quelques leçons de cette pandémie qui
sont importantes, là aussi, pour penser la France de 2030. La pandémie nous a
fait toucher du doigt d'abord notre vulnérabilité. Nous nous sommes rappelés,
et c'est très cohérent avec les défis que je viens d'évoquer, que nous
appartenions à l'ordre du vivant et donc que quelque chose qui se passe quelque
part à 10 000 kilomètres de nous, peut-être entre l'humain et l'animal, peut
bloquer totalement la planète et changer la face du monde et notre organisation
collective. Et donc la première leçon que nous devons collectivement tirer de
ce qui s'est passé, c'est que nous, en effet, nous sommes éminemment
vulnérables. Et on ne peut pas penser notre projection à 10, 15, 20 ans en
quelque sorte, comme si nous n'étions pas dans le vivant, de manière purement
technique, comme si nous étions assimilables à des tableaux de chiffres, à des
équations, à quelque chose qui est réductible. Nous avons cette vulnérabilité
profonde.
La deuxième chose, c'est notre dépendance vis-à-vis de l'étranger. On avait
voulu l'oublier parce que nous vivions dans un miracle, mais dont nous avions
là aussi un peu oublié la fragilité, c'était que le monde était ouvert et que
tout circulait parfaitement et librement. Je suis heureux de vous retrouver
tous avec des masques aujourd'hui, je serai encore plus heureux le jour où vous
n'en aurez plus, ça voudra dire qu'on sera totalement débarrassés de
l'épidémie. Je n'oublie pas qu'il y a 18 mois, nous étions tous soumis au
manque de masques. Personne ne pensait qu'on pourrait manquer de masques,
c'était l'une des choses qui avait le moins de valeur ajoutée. Et d'ailleurs,
nous en avions collectivement, implicitement, parce que ça n'a jamais été un
choix assumé de la nation, on en avait délégué la production à des pays qui
produisaient à beaucoup moins, à beaucoup plus bas coût que nous en disant “Ce
n'est pas important, on en trouvera toujours.” Dépendance et expérience de la
dépendance qui peut être dramatique parce que nous avons vu, à ce
moment-là, quand il y a de la dépendance et qu'on se retrouve dans des
situations où il n’y a plus de coopération, c'est le drame. Et donc on ne peut
plus penser nos économies, nos systèmes de production, comme si tout était
écrit pour que ça aille bien en toutes circonstances. Nous devons donc tirer
cette leçon aussi de la crise qui est que la dépendance choisie et relative est
une chose, c'est des termes de la coopération ; mais on doit rebâtir les termes
d'une indépendance productive, française et européenne parce que je ne suis pas
en train de dire qu'il faudrait tous se mettre à tout reproduire en France.
Nous ne saurions pas le faire. Enfin il faut qu'au niveau de l'Europe, nous
sachions reproduire ce dont nous avons besoin pour aujourd'hui et pour demain,
deuxième leçon de la crise qui n'était pas un immédiat.
Troisième leçon de la crise, c'est quand même la force du modèle éducatif et
social français. On a tenu parce que la nation a décidé d'investir pour être
solidaire. Il ne faut pas, en sortie de crise, qu'on se mette à l'oublier en
pensant qu'on pourrait passer à un autre monde. C'est une force inouïe. Et on
aura d'autres crises de manière certaine. Et donc tout ce que nous devons
penser pour la France de 2030 doit contribuer aussi à renforcer ce modèle qui
est un modèle à la fois productif et solidariste, je dirais, mais qui est
important, avec des équilibres qu'il faut constamment réajuster, qui sont des
choix démocratiquement débattus.
Et puis la quatrième leçon de cette pandémie, à mes yeux, c'est que nous avons
assisté à une extraordinaire accélération de l'innovation. J'y reviendrai sans
doute à plusieurs reprises, c'est ce qui a aussi pour moi présidé au choix en
sortie de crise, de vous proposer collectivement et d'essayer de nous projeter
collectivement à 2030. C'est que nous avons, une fois encore, mais là, de la
manière peut-être la plus vibrante, déjoué tous les pronostics scientifiques.
Je ne l’oublie pas, il faut toujours être lucide sur ses propres défauts et les
choses qu'on a parfois faites de manière approximative. Il y a à peu près un
an, j'expliquais à nos compatriotes “Moi, les spécialistes me disent il y a
très peu de chance qu'on ait un vaccin avant la fin de l'année.” C'était
vraiment ce que les spécialistes me disaient. Parce qu’on ne me disait :
“Jamais dans l'histoire de l'humanité, on a trouvé un vaccin en un an de temps.
Ce n’est jamais arrivé”. Ce qui était vrai. On l’a fait, et il y a eu dans les
dernières semaines de l’année 2020 une accélération exceptionnelle. Je pense
que tous ceux qui l’ont vécu s’en souviennent, on a, d’un seul coup, écrasé
tous les délais.
Donc la quatrième leçon de la crise pour moi, c’est que l’innovation est une
source de solution pour mieux vivre, pour projeter une nation, un continent et
peut-être le monde entier, vers des solutions qui sont bonnes pour l’humanité
mais qu’en quelque sorte, les contraintes de l’innovation dans lesquelles on
vivait jusqu’à présent sont en train de changer pour une forme d’accélération,
de compression du temps, d’accumulation des moyens qui peuvent être mis à un
moment donné, si on considère que cette innovation est une innovation qui peut
tout changer. Et à ce moment-là, c'est assez simple : vous êtes dedans, vous
êtes dehors.
Je dirais que c'est la cinquième leçon de la crise, il faut s'en féliciter,
c'est qu'on a su recréer de la coopération internationale et européenne pour
rester dedans parce que, soyons lucides sur nous-mêmes, si nous n'avions
dépendu que de ce que la France aurait produit, je le dis pour tous ceux qui
plaident le nationalisme excessif, la France ne produit pas de vaccins et elle
ne produit toujours pas de vaccins ARN messager. Donc c'est parce qu'on a su
participer à la coopération internationale qu’il y a eu cette compression de
l'innovation extraordinaire grâce à de très grands scientifiques français
travaillant à travers le monde, mais qu'on a su ensuite recréer de la
coopération pour acheter et reproduire en Europe et le distribuer à nos
compatriotes.
C’est cela les 5 leçons de la crise, il ne faut pas les perdre de vue quand on
veut se projeter. Une fois que je dis ça, on voit bien qu'on est dans un monde
qui est en rupture profonde et au fond, dont l'une des grandes caractéristiques
que nous ne devons pas oublier ce qui fait notre force, je veux dire un pays
qui retrouve aussi le fil du couple innover/produire parce que la production de
demain n'est pas celle d'hier. Et donc, par rapport à ce que je dis aussi, je
suis convaincu que le levier de l'innovation est clé pour produire parce qu'il
faut, en la matière, n'avoir aucune nostalgie. Il n'est pas vrai que quand je
dis qu’on doit travailler plus et produire plus, on ne fera ni
l'agroalimentaire, ni l'industrie, ni les services d'hier, et encore moins ceux
d'aujourd'hui. Ils sont en train de se transformer à marche forcée. La
question, c'est comment nous sommes à la pointe de l'invention de ces derniers.
C'est le seul moyen, en même temps qu'on saisit les défis que j'évoque, d'être
à la hauteur du mal français qui est notre triple déficit : déficit de
croissance potentielle, déficit public, déficit du commerce extérieur. Ce
triple déficit se nourrit depuis des décennies. La clé pour y répondre, c'est
d'avoir une stratégie macroéconomique d'innovation industrielle qui permette
justement de produire ces résultats.
Alors, on ne part pas de nulle part. Depuis un peu plus de 4 années, je crois
qu'on essaie profondément d'avoir une stratégie qui réponde d'abord à ce
constat, ces grandes transformations et qui, si je puis dire, parte de ce socle
de raisonnement et qui commence à produire des résultats d'avant depuis 4 ans
transformés, commencer à transformer notre système éducatif, d'accès à
l'enseignement supérieur, d'apprentissage et de formation professionnelle, d'accès
au travail, à l'emploi. On continue avec la réforme de l’assurance chômage. On
a réformé la fiscalité du capital très profondément et on a mis en place des
réformes du travail, plus des réformes sectorielles.
Tout ça produit des résultats qui sont très tangibles et qui vont dans la bonne
direction. La France est redevenue depuis 2 ans le pays le plus attractif
d'Europe. La France recrée des emplois industriels depuis 2 ans, alors qu'elle
en détruisait depuis 2008. La France est aujourd'hui en sortie de crise à un
niveau d'emplois qu'elle n'avait pas connu depuis 15 ans. Et nous avons atteint
un niveau d'apprentis et d'alternants que nous n'avions jamais connu, plus de
500 000 malgré la crise. Je ne veux pas ici égrener les choses, mais on voit
bien que les choses sont en train de se transformer dans la bonne direction,
qui est le fruit d'une stratégie macroéconomique qui reposait sur ces constats,
qui produit des résultats et qui va dans la bonne direction. Et il faut s'en
féliciter, il faut le consolider. De la même manière, on s'est mis à réinvestir
sur la recherche et l'enseignement supérieur. Il y a des vraies réformes
organisationnelles qui sont portées par nos universités, nos organismes de
recherche. Le classement de Shangaï, qui est ressorti cet été, montre qu'on est
quand même en train de revenir complètement dans la bataille.
Donc les résultats sont là, ils sont dans la bonne direction et ces résultats
n'ont pas été fragilisés par la crise parce que nous avons à la fois eu un
programme d'urgence pendant la crise, que le Gouvernement a porté et je l'en
remercie, puis un programme de relance qui a été très coordonné au niveau
européen, plan de relance européen et plan de relance français qu'il déclinait,
qui a permis de consolider ces résultats et même d'accélérer la sortie de crise
autour de trois piliers : la transition numérique, la transition écologique, la
cohésion sociale et territoriale sur les 100 milliards français, dont 70
milliards sont déjà engagés. Dans ce cadre-là, nous avons même commencé à tirer
les leçons de la crise telle que je l'ai évoqué, puisque le plan France relance
est un plan qui, en accélérant les transitions qu’on avait fait, permet aussi
de relocaliser et de rebaptiser un début de souveraineté. On a une composante
robotique, on a une composante protéine qui est très importante et qui est
plébiscité par le monde agricole. On a une composante santé, on se remet à
produire du paracétamol en France, qu’on avait complètement abandonné ces
dernières années. Donc, tout cela est cohérent, va dans la bonne direction, et
est le fruit, je pense, d’un travail consolidé durant ces dernières années qui
est celui du Gouvernement, des parlementaires et de l'ensemble des parties
prenantes que vous êtes.
Néanmoins, l'extraordinaire accélération du monde que nous sommes en train de
vivre m’a conduit à penser que tout ce qu'on a fait là n'est pas suffisant et
que si on reste à ce rythme et à ce niveau d'intensité, parce que nous avons
aussi pris ces décisions parfois 15 à 20 ans après certains de nos voisins
européens, nous ne rattraperons pas notre retard ou surtout, nous nous
laisserons distancer dans les 10 ou 15 ans qui viennent. Et donc, forts des
constats que je viens d'évoquer, de tout ce qui a été fait, qui va dans la
bonne direction, je pense que la stratégie 2030, elle, s'impose aujourd'hui
parce qu’en raison des grands défis que j'évoquais et en quelque sorte de cette
sortie de crise, nous vivons une extraordinaire accélération du monde de
l'innovation et des ruptures. Et cette accélération me conduit à établir
quelques convictions fortes que je vais ici exprimer et qui vont présider à
cette stratégie.
La première conviction, c'est un peu le fruit de ce qu'on a tous vécu pendant
la crise et ce qu'on avait commencé à vivre avant, c'est au fond qu’innovations
de rupture, innovation technologique et industrialisation sont beaucoup plus
liés qu'on ne l'avait intuité jusqu'alors. On avait dans nos débats politiques,
intellectuels, théoriques, souvent séparés ces sujets. Et je pense qu'il faut tirer
le constat que nous nous sommes trompés sur ce point. D'abord, la France a
longtemps pensé qu'elle pouvait se désindustrialiser en continuant à être une
grande nation d'innovation et de production. Je crois que maintenant, il est
établi que c'est faux. Quand on se désindustrialise, on perd de la capacité à
tirer de l'innovation dans l'industrie et donc de l'innovation, même
incrémentale, et c'est celle-ci qui nourrit le dialogue avec les innovations de
rupture. C'est un continuum où tout se tient. Beaucoup plus que les débats ne
l’avaient montré jusqu'alors. Je parle ici sous le contrôle d'économistes
industriels qui l'ont montré avant moi et beaucoup mieux que moi, mais c'est la
réalité. Et donc, je crois que maintenant, c'est établi et on l'a vécu parce
que sur le plan de la santé, nous avons laissé notre tissu d'industries
pharmaceutiques flétrir, c'est une des raisons pour lesquelles nous avons, il
faut bien le dire, une innovation en santé qui a perdu des rangs au niveau de
la compétition internationale. Et donc, c'est un continuum. S'il n'y a pas
d'industrie, si on ne réindustrialise pas le pays, il n’est pas vrai qu'on
pourra redevenir une grande nation d'innovation et même de recherche. Et aussi
parce que c'est ce qu'on produit avec l'innovation industrielle et ses
débouchés qu'on peut financer une recherche fondamentale.
Ensuite, tout cela est lié, si je puis dire, dans l'autre sens, parce que
l'innovation de rupture a complètement comprimé son temps entre l'invention et
son industrialisation. Et au fond, toute l'organisation internationale est
ainsi faite que l'ensemble des acteurs partout dans le monde sont en
compétition instantanée, pour en quelque sorte réduire le temps qu'il y a entre
l'idée géniale et l'idée de rupture et la possibilité pour que celle-ci change
les pratiques. Et cela touche tous les segments qui sont ici présents. Nos
grandes pharmas qui sont ici, là, nos grands groupes de métallurgie, on le
sait. Et tout ça, c'est une compression du temps, mais c'est aussi une
accumulation du capital et des batailles. Et donc, cette conviction a un point
clé, ça veut dire qu’il faut qu'on mène en même temps la bataille de
l'innovation et de l'industrialisation, on ne peut pas choisir, il faut les
mener ensemble. Et ça veut dire qu'il faut qu'on mette beaucoup d'argent public
et privé parce que le gagnant prend tout, comme disent les Anglo-Saxons. Et
donc, c'est là où il y a une hyper concentration du capital et des talents que
les choses se font et que vous êtes dans la partie ou que vous êtes sortis de
la partie. Et donc nos quantum aujourd'hui ne fonctionnent pas. Donc, ça, c'est
ma première conviction très forte, c'est qu'on doit vraiment sortir de cette
opposition entre recherche fondamentale, recherche incrémentale et
technologique et industrialisation massive, et essayer de comprimer tout ça.
Ce qui va avec, c'est qu'il faut sortir de deux types d'oppositions qui nous
ont fait perdre beaucoup de temps dans nos débats et qui sont liées à nos
tempéraments, à parfois ce que nous sommes. Les oppositions entre les
différents secteurs et disciplines, de recherches académiques ou autres. Les
frontières qui existent entre les sciences humaines, les sciences etc., tout
cela est en train d’exploser totalement parce que les cadres sont en train
d’être repensés, on y reviendra, mais le spatial est un domaine où, en même
temps, on fait de l’hypertechnologie, on fait du quantique, des mathématiques,
des sciences humaines, du droit et où tout cela est en train d’être convoqué
très vite parce que c’est un cadre qui est en train d’être repensé par cette
compression.
Et la deuxième chose, c'est que l'opposition que j'entends encore beaucoup dans
nos débats publics entre les startups et l'industrie, est une opposition du
XXème siècle. Elle est éminemment fausse. Notre pays va se réindustrialiser par
des startups technologiques et ce qu'on appelle le Deep Tech. Et nos grands
groupes industriels vont survivre, se transformer et gagner la partie grâce à
l'innovation de rupture de startups qu’ils auront incubées ou qu'ils auront
rachetées ou avec lesquelles ils auront des partenariats. Il n'y a pas de
France industrielle contre la France des startups ; il n'y a pas de France des
startups qui ne soient qu'à Paris, dans quelques bureaux de quelques
arrondissements. Tout cela est faux. La réalité de la France des startups,
c'est une France qui est partout sur les territoires. Et la réalité de la
France industrielle, c'est qu'elle se nourrit des startups énergétiques.
Première conviction : il faut tordre le cou, si je puis dire, à des
oppositions, mais il y a une compression de toutes ses dimensions.
La deuxième conviction, qui est un peu sa conséquence, c'est que nous avons un
besoin impérieux d'accélérer les investissements publics, créateurs de
croissance, d'emplois et d'indépendance industrielle. Nous avons un débat et
nous devons continuer d'avoir et il faut même le structurer sur la dépense
publique. Il est important et moi, je n'ai jamais pensé qu'on pouvait
construire l'avenir d'un pays à crédit ou à découvert, mais je pense qu'il ne
faut pas que ce débat nous conduise à faire des erreurs profondes dans la
nature des dépenses publiques. Et ça, c'est extrêmement important. Je crois que
depuis 4 ans, on a montré qu'on savait consolider les comptes publics sans
détruire de la croissance, et en baissant même les impôts. C’est exactement la
trajectoire macroéconomique qui est suivie depuis 2017. Baisse historique
d'impôts pour les ménages comme pour les producteurs ; baisse avant crise de la
dépense publique récurrente avec de la vraie transformation et modernisation,
et donc c'est la trajectoire pour moi qui a du sens.
Mais dans ce temps d'accélération, il nous faut bâtir les termes d'une
crédibilité qui nous permette justement d'accélérer l'investissement public
dans l'innovation, l'innovation de rupture et la croissance industrielle parce
que c'est le seul moyen dans le même temps, de construire la production et la
croissance qui va nous permettre de continuer à financer notre modèle social.
Et c'est le seul moyen de construire les éléments de modernisation sectorielle
qui va nous permettre de baisser la mauvaise dépense, c'est-à-dire la dépense
curative. Si nous ne prenons pas ce virage de l'innovation et de
l'industrialisation, nous continuerons de dégrader nos déficits extérieurs,
parce qu'on continuera de dépendre et d'importer, et nous continuerons de créer
trop peu d'emplois, trop peu d'opportunités pour nos jeunes et donc de les
réparer par de la dépense publique. J’assume totalement un pays qui investit
dans la création de nouvelles filières, l'investissement et l'apprentissage
pour moins dépenser dans l'assurance chômage et la réparation des destins. Et
c'est ce changement qu'il nous faut faire. Et c'est maintenant qu'il se joue
parce que c'est maintenant que nos filières existantes, par une modernisation
profonde, se transforment et gagnent la partie. Et c'est maintenant que nous
créons de nouvelles filières.
Et donc, la clé, c'est de comprendre aussi, en quelque sorte par rapport à tous
nos modèles, et je parle ici sous le contrôle collectif de nos ministres, nos
parlementaires, cher Éric et bien d'autres qui connaissent beaucoup mieux que
moi tous ces sujets. Je vois les parlementaires de la commission des finances,
des Affaires économiques qui sont là en particulier. Je pense que nous avons en
quelque sorte, dans nos propres attendus, en France depuis trop d'années,
intégré une forme de sentiment de défaite en considérant que la croissance
potentielle du pays était quelque chose dont il était écrit qu'elle ne changerait
jamais.
Je pense qu'il nous faut réinvestir dans une stratégie de croissance qui
consiste à dire qu’en faisant des investissements, qui sont, par leur
gouvernance, leurs modalités, totalement distincts de la dépense récurrente.
Ainsi, nous devons changer en profondeur les termes de notre croissance
potentielle et augmenter la capacité de l'économie française à croître par
son innovation, par sa réindustrialisation et par les politiques de
formation pour produire de la richesse. De fait, il s’agit de se projeter vers
l’avenir, et dans le même temps, rendre soutenable le modèle social français
qui doit continuer à se moderniser et être plus efficace. En d’autres termes,
c'est le seul moyen d'y arriver. En quelque sorte, je veux que nous retrouvions
un cycle vertueux qui consiste à innover, produire, exporter et ainsi, financer
notre modèle social. Et je pense que ce modèle vertueux, c’est celui qu’on peut
retrouver par un investissement massif dans cette stratégie d’innovation et
d’industrialisation qui vient en quelque sorte compléter, mais en poussant
beaucoup plus loin, ce qui a commencé à être fait sur l’éducation,
l’enseignement supérieur, la formation et l’investissement dans la recherche.
Encore une fois, ce que nous avons fait ces deux dernières années, de très
important avec la loi de programmation et de modification, est un élément de
rattrapage que je ne sous-estime pas. Ceci dit, il faut maintenant porter une
stratégie qui est nettement plus dans la rupture.
Partant de ces constats, de ces convictions, et en quelque sorte de cette ligne
que je veux tracer, la stratégie pour 2030 doit nous conduire à investir 30
milliards d’euros pour précisément répondre à ce déficit qui est en quelque
sorte le déficit de croissance français. Alors, je ne vais pas ici dire que
nous allons être les leaders dans tous les domaines. Nous devons être lucides
sur nos forces et nos faiblesses. Naturellement, je pense que ce n’est pas
parce qu’on le dit qu’on le devient. Je crois à la capacité performative de
certaines paroles mais je suis aussi lucide sur le fait qu’on parle là d’une
compétition ouverte. Il faut simplement savoir où on veut aller, les moyens
qu’on se donne pour y aller et les objectifs qu’on s’assigne. Par contre, je
pense que nous devons dès maintenant nous dire dans quels secteurs et sur quels
domaines nous pouvons être en tête en 2030, en tant que Français et en tant
qu'Européens, et, il y a quelques secteurs où, très clairement, nous pouvons
prendre le leadership. Il y a aussi des secteurs où nous avons pris du retard
et où nous sommes menacés, mais ces secteurs, que nous n'avons pas le droit
d'abandonner parce que si nous les abandonnions, en quelque sorte, nous
construirions une dépendance, laisserions à nos enfants un tissu économique qui
fait qu'ils n'auraient plus les mêmes questions à se poser. Nous avons aussi
des secteurs sur lesquels il faut réinvestir pour leur caractère stratégique.
On doit se dire, d'ici à 2030, qu’il est nécessaire de consolider nos parts de
marché, de ne pas se laisser décrocher. Il y en a d'autres où nous pouvons très
clairement faire plus que résister et être dans le peloton de tête. C'est avec
cet objectif que j’ai, que nous avons collectivement bâti cette stratégie pour
2030.
La clé de tout ça, c'est notre indépendance et la capacité à reprendre en main
le destin de la France et de l'Europe. Au fond, pourquoi faire tout cela ? Je
crois qu'en tant que Françaises et Français, on a une petite idée : nous ne
sommes pas le meilleur pays pour nous adapter aux évolutions du monde. Quand on
nous dit : « Il faut faire cette réforme parce que les voisins l'ont fait », ça
marche assez rarement en France. Nous n'avons pas cette mentalité, je l'ai
plusieurs fois dit, assumant moi-même de l'être, je suis le premier des Gaulois
réfractaires. Nous n'aimons pas quand on nous dit : « Vous ne faites pas bien
les choses, etc. ». Cela ne fonctionne jamais chez nous. Par contre, nous
n'aimons pas qu'on nous dise : « Il faut faire ça parce que les autres le font
et il va falloir s'adapter », mais nous n'aimons pas perdre le contrôle de nos
vies individuelles et du destin de notre nation. C'est ça ce qui nous
caractérise, j’y crois profondément, et c'est d'ailleurs constamment le message
de la France au monde et la promesse de la France. C'est de défendre une forme
d'humanisme, c'est de dire : « Nous, on a toujours choisi. ». On a choisi la
liberté, les Lumières, les droits de l'homme, l'exigence. Même lorsqu’il
s’agissait de combats très difficiles, nous avons résisté. Nous avons résisté
aux folies du monde même lorsque cela paraissait la vague dominante. Je crois
que c'est ce qui est en cause et ce qui est en jeu pour 2030. Quand je dis
bâtir notre indépendance, c'est vraiment de se dire comment la France construit
une stratégie qui fait que nous pouvons défendre l'humanisme dans lequel nous
croyons pour le siècle qui vient. Qu'est-ce que cela signifie bâtir cet
humanisme ? Ça veut dire que compte tenu des défis que je viens d'évoquer, on
voit bien que nous devons mieux produire, nous voulons mieux vivre, on veut
mieux comprendre le monde. Mais, on veut le faire à chaque fois au service de
nos valeurs et d'une certaine idée de l'humanisme qui est la nôtre. Nous
croyons au progrès, scientifique, rationnel. Nous croyons que celui-ci doit
être au service de l'humanité et que l'homme ne doit jamais être en quelque
sorte au service d'un progrès technologique qui lui aurait échappé. Deux idées,
très simples. Mais si, en quelque sorte, nous bâtissons toute notre stratégie
là-dessus, je dirais que l'objectif de la France de 2030 doit être cela : mieux
produire, mieux vivre, mieux comprendre le monde, en servant un humanisme
français et européen qui est le cœur de notre message, de notre promesse et de
ce que nous avons encore à faire demain. Il convient alors de construire les
voies et moyens de le faire en étant plus indépendant en tant que Français et
Européen. Parce que si nous déléguons en quelque sorte les moyens de mieux nous
nourrir, de mieux comprendre le monde à d'autres : ce seront les préférences collectives
d’autres puissances qui le feront. Les chinois sont en train de le faire mais
avec un autre modèle. Ils n’ont pas le même modèle agro-alimentaire que nous,
on le voit bien. Ils n’ont pas le même modèle d’innovation, du respect de la
vie privée et autre. Même les américains n’ont pas le même modèle que nous. On
a les mêmes valeurs sur certains sujets, mais nous n’avons pas les mêmes
préférences collectives. On n’a pas les mêmes rapports à l'égalité et à la
solidarité collective. Nos sociétés ne fonctionnent pas de manière identique.
Si nous, Européens, et en particulier nous, Françaises et Français, voulons
choisir notre avenir, il est essentiel de gagner cette bataille qui est une
bataille pour l'indépendance et une meilleure qualité de vie. Bâtir cet
humanisme du XXIème siècle. Il s’agit de mieux comprendre, mieux vivre, mieux
produire. Pour y arriver, il y a dix objectifs, qu’on va se donner. C'est le
fruit de votre travail. Je ne suis là comme le notaire, le dépositaire de ce
qui a été fait en essayant de lui donner une forme et de l'inscrire dans le
cadre que je viens d'évoquer. D'abord, il faut mieux produire. Mieux produire
au fond, c'est la question qui nous est posée, ce sont les tensions qu'on voit
dans nos sociétés, dans tous nos secteurs, c'est de dire : plus personne
d'entre nous ne met en cause le fait que nous devons faire face à un monde qui
doit émettre de moins en moins de carbone possible, qui doit réussir à de plus
en plus respecter la biodiversité et donc redevenir positif en biodiversité et
neutre en carbone en 2050. C’est ça notre objectif. Et tout cela commence dès
maintenant parce que nos premiers objectifs concrets sont en 2030. C'est
vraiment une série de révolutions dans la capacité à produire l'énergie, à
faire de l'industrie, à nous déplacer, à nous organiser.
Le premier objectif, l'objectif numéro un, c'est faire émerger en France, d'ici
à 2030, des réacteurs nucléaires de petite taille innovants, avec une meilleure
gestion des déchets. Sur ce sujet, pourquoi le mettre en premier ? Parce que le
premier sujet, c'est la production de l'énergie. Pour produire de l'énergie, en
particulier l'électricité, nous avons une chance, c'est notre modèle
historique. Le parc installé, le nucléaire. J'aurai l'occasion de revenir dans
les semaines qui viennent sur l'opportunité de construire de nouveaux réacteurs
et sur la stratégie, puisqu'il y a d'abord un travail que nous avons demandé
avec le Premier ministre et la ministre à RTE et qui continue d’avancer. Mais
il faut bien le dire, le rappeler, les 200.000 Françaises et Français qui
travaillent dans le secteur du nucléaire, c'est une chance parce que c'est ce
qui nous permet d'être le pays en Europe qui est parmi ceux qui émettent le
moins de tonnes de CO2 par électricité produite. Nous devons réinvestir pour
être à la pointe de l'innovation de rupture dans ce secteur. Ça passe par une
série de familles technologiques et il ne convient pas de les départager ici.
Celles-ci ne sont pas exclusivement des choix industriels qu'on doit faire aussi
à plus court-terme, à la fois sur le nucléaire et les énergies renouvelables.
Nous devons absolument nous préparer à des technologies de rupture et des
transformations profondes sur le nucléaire. La promesse de ce qu'on appelle les
small modular reactor,
qui sont les petits réacteurs, beaucoup plus petits et beaucoup plus sûrs parce
que la sûreté est un point clé du débat sur le nucléaire. Il y a aussi les
technologies pour mieux gérer nos déchets, certaines sur lesquelles nous
commençons à avancer, certaines que nous n'imaginons même pas avec là aussi, un
travail fait par nos organismes de recherche qui, pour certains, sont déjà très
avancés par nos grands industriels historiques et également par des entreprises
de taille intermédiaire, des start ups et des PME françaises qui sont en train
de proposer des innovations de rupture en la matière.
Pour y parvenir, nous devons ouvrir le jeu de manière totalement inédite et
nous sommes prêts à y investir 1 milliard d'euros d'ici 2030, en commençant
très vite avec des premiers projets très clairs. De fait, il faut lancer
plusieurs projets sur des familles technologiques différentes mais essayer
d'avancer pour accélérer sur ce volet. C'est absolument clé parce qu'on sait
qu'on continuera à avoir besoin de cette technologie. Au fond, on doit traiter
deux sujets clés : améliorer toujours et encore la sûreté en baissant les coûts
et réduire les déchets qui est un point clé quand on parle de nucléaire.
Le deuxième objectif : devenir le leader de l'hydrogène vert en 2030. Là, je le
dis en l'assumant totalement, je pense que ça fait vraiment partie d'un des
secteurs où nous pouvons être leader. C'est, réellement, une filière dans
l'énergie où nous pouvons encore le faire parce que nous avons des atouts. On a
un premier atout, c'est encore une fois le nucléaire. Pour produire de
l'hydrogène, il faut de l'électricité parce qu'il faut faire de l'électrolyse.
Il y a beaucoup d'élèves d’école d'ingénieurs, donc j'ai l'impression de le
dire à des citoyens qui le savent beaucoup mieux que moi, comment tout cela
fonctionne, mais je le dis pour que ce soit clair, parce que sinon, on le perd
de vue de nos débats. Donc, on a besoin de faire de l’électrolyse. Ça consomme
beaucoup d’électricité. Si on produit de l’hydrogène en utilisant de l’énergie
fossile, ça ne sert à rien. Il y a en fait deux grandes stratégies de
production d’hydrogène vert. Il y a une stratégie qui consiste à aller faire
les énergies renouvelables et faire l'électrolyse très loin et réimporter
l’hydrogène, un peu comme on le fait le gaz liquéfié. Il y a une deuxième
stratégie qui va être le cœur de la nôtre : on va essayer d’en produire
beaucoup en France parce qu’on a la possibilité de faire de l’électrolyse et,
en plus, de faire de l'électrolyse très décarbonée. C'est une énorme chance,
c'est ce qui nous permettra d'être un leader. À côté de ça, on a de la très
bonne recherche, on a de très bons acteurs : Air Liquide et quelques autres
industriels. En plus, on a un tissu de start-ups, d'équipementiers, d'entrepreneurs,
d'innovateurs qui sont prêts à y aller et qui sont organisés. Et donc, ce que
nous devons faire absolument sur l'hydrogène, c'est ne pas répéter les erreurs
que nous avons faites sur les énergies renouvelables. On a trop peu investi sur
l'offre et la capacité à développer notre filière. On l'a laissé filer
ailleurs. On doit développer notre offre industrielle dans l'hydrogène et donc
investir massivement dans cette filière. Tout ça nous permettra de décarboner
notre industrie, d'alimenter nos camions, nos bus, nos trains, nos avions. Ce
qui est une voie absolument formidable. Ce qui fait que d'ici à 2030, la France
doit pouvoir compter sur son sol au moins deux giga-factories d'électrolyseurs
afin de massivement produire de l'hydrogène et l'ensemble des technologies
utiles à son utilisation.
En parallèle de ce deuxième grand objectif, nous aurons aussi un objectif
d'investissement de plus de 500 millions d'euros dans les technologies de
rupture, dans les énergies renouvelables, en particulier les éoliennes,
terrestres, en mer et le photovoltaïque. La stratégie d'investissement dans les
énergies renouvelables est un point clé pour l'innovation de rupture. C'est ce
triptyque, si vous voulez, nucléaire, hydrogène et énergies renouvelables par
ses innovations de rupture qui nous permettra de produire différemment de
l'énergie et de l'électricité et à commencer à contribuer justement à ce monde
où on produit mieux, et plus décarbonée. Nous avons, comme vous le voyez, de
vrais leviers. On a des vrais avantages historiques, mais il faut accepter d'y
mettre les investissements que je viens d'évoquer pour atteindre ces objectifs.
Troisième objectif : décarboner notre industrie. Décarboner notre industrie,
qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu’à côté de la production de
l'électricité, on a de toute façon ce que font nos grands industriels. Ils
sont, et c'est normal, des émetteurs de CO2 par leurs activités quotidiennes.
Dans notre stratégie pour 2030, nous nous sommes engagés à baisser entre 2015
et 2030 de 35 % de nos émissions dans le secteur. C'est, comme vous le voyez,
un point important, c'est même un effort colossal, baisser de 35 % les
émissions de gaz à effet de serre par rapport à 2015 pour 2030, c'est une
révolution productive. On est en 2021, on a fait 4 %. Donc, c'est simple, on ne
va pas fermer ces usines. Parce que je ne serai pas cohérent sur ce que je vous
ai dit sur l'indépendance productive. Alors, nous devons massivement investir
pour les aider à décarboner. Ce sera un investissement public et privé, mais
sans un investissement public, c'est impossible, c’est insoutenable. Si
l'Europe ne conduit pas cette stratégie, sa base productive ira produire de
l'autre côté du monde. Et donc, toute la stratégie européenne que nous avons
commencé à lancer est une stratégie qui vise à accompagner les investissements
du privé pour décarboner. Il s’agit de changer complètement le processus
industriel, mettre un mécanisme d'ajustement aux frontières pour pénaliser les
industriels hors Europe qui n'auraient pas fait ces réformes et essayer de
bâtir des transitions climatiques tout en maintenant notre compétitivité
productive et industrielle. La présidence française de l'Union européenne nous
permettra, en tout cas, nous nous battrons pour cela, de faire avancer l'agenda
sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Mais, en parallèle, nous
devons tous accélérer sur la décarbonisation de nos industries. C'est une
stratégie qui est poursuivie au niveau européen, mais que chaque pays porte
aussi et qui est extrêmement onéreuse. Les montants sont énormes pour chaque
site industriel. Pour chaque site industriel, l'Allemagne vient d'annoncer sa
stratégie. C'est la même chose que nous lançons aujourd'hui, de la même
manière. Qu’est-ce que cela signifie ? Ça veut dire complètement transformer
nos grandes aciéries, nos grandes cimenteries, pour leur permettre de continuer
à produire d'ici à 10 ans en réduisant leurs émissions de CO2. L’acier, le
ciment, les produits chimiques, ce sont les carburants de toutes les grosses
industries, ce sont des bases pour notre tissu industriel, on ne peut pas les
perdre, mais, on doit continuer de les produire en baissant beaucoup plus
rapidement les émissions. Cette stratégie de décarbonation comprend des
investissements massifs de plusieurs centaines de millions d'euros par site
industriel. C'est évidemment la préservation de plusieurs milliers d'emplois
industriels sur chacun des sites, mais, c'est aussi la clé pour qu'ils ne
partent pas se délocaliser à l'autre bout du monde. En parallèle de cela, notre
stratégie de décarbonation se complète par la digitalisation et la robotisation
de notre industrie, qui est aussi un point clé. Vous l'avez rappelé tout à
l’heure, cher Frédéric Sanchez. On a commencé à le faire avec France Relance.
On va justement accélérer avec la stratégie France 2030 qui consiste à
véritablement digitaliser et robotiser pour, là aussi, aller vers une
décarbonation de notre industrie.
Au total, ce sont plus de 8 milliards d'euros qui seront investis pour réellement
atteindre ces trois premiers objectifs de décarbonation de notre industrie et
de financement d'un nouveau mix électrique et d'innovation dans la production
d'électricité.
Reprendre le contrôle et produire mieux, comme je l'ai évoqué, c'est aussi
répondre industriellement aux défis de nos modes de transport. C'est pour ça
que le quatrième objectif pour moi est de pouvoir produire en France, à
l'horizon 2030, près de 2 millions de véhicules électriques et hybrides. Alors,
cet objectif, qu'est-ce que ça veut dire ? Ça veut dire qu'on le voit et
l’imagine correctement. C'est toujours la même ligne directrice. Nous voulons
continuer de produire. Nous croyons en l'industrie et nous savons que nous
devons continuer à réduire nos émissions. C'est ce qu'on fait depuis plusieurs
années. On doit pour cela continuer à convertir ce que l’on appelle notre parc
automobile, et, donc, réussir à faire que les vieux véhicules polluants soient
remplacés par de nouveaux véhicules, électriques ou hybrides, voire même des
véhicules de dernières générations qui polluent beaucoup moins. Mais, il faut,
là aussi, appuyer cette stratégie qui doit se compléter par une stratégie de
transport collectif, de nouvelles formes de déplacement et une stratégie
industrielle. Ce que nous ne voulons pas, nous, grandes nations de
l'automobile, c’est devenir la nation qui roulera le plus vert avec des
voitures qui ne sont plus produites chez nous, ça n'a aucun sens de faire ça.
Soyons lucides sur nous-mêmes, les trente dernières années ont été cruelles
pour l'industrie automobile française. C'est le fruit d'erreurs de politique
industrielle. C'est le fruit de stratégies non coopératives entre les acteurs
de l'industrie eux-mêmes. Ils ont une énorme responsabilité dans cette
situation. C'est aussi le fruit d'un choix qui a été longtemps le choix
français, d'une sous-compétitivité industrielle. Ça, c'est simple : quand on
décide que l’on fait tout payer par le facteur travail, qu'on ne rémunère pas
bien le capital, on sous-investit. Quand les acteurs décident de ne pas
coopérer, eux-mêmes délocalisent ; et vous avez à peu près le résultat de
l'industrie automobile française qui a détruit beaucoup d'emplois durant les
dernières décennies. Je fais confiance en tous les acteurs, je les reverrai
dans quelques semaines pour véritablement remobiliser les choses, puisque l’on
prend des grands investissements, mais le changement, c'est aussi un changement
de culture. On doit réinvestir massivement, aller à fond sur l'industrie
automobile de demain. Nous ne referons jamais en France du moyen et haut de
gamme en classique ; ce n'est pas vrai. Concernant cette bataille,
objectivement, on s'est fait distancer et on le sait très bien. Luc est là pour
la plateforme, qui joue un travail depuis maintenant quelques années, un
travail extraordinaire. De fait, on a besoin d'aller sur les technologies de
rupture et sur l'innovation. On a commencé à le faire sur les batteries. On va
continuer à le faire sur les nouveaux véhicules. Tout ça ne marche que s'il y a
une vraie stratégie coopérative, en particulier de nos grands constructeurs. Si
les grands constructeurs français ne jouent pas le jeu – je le dis ici parce
qu'ils ont leur part dans cette affaire – nous ne réussirons pas cette partie.
Ce n'est pas qu'une politique de l'État. Ça ne marche que s’ils ont une
stratégie d'investissement sur le tissu productif français, d'achats à l'égard
de leurs sous-traitants et un comportement beaucoup plus coopératif.
Par contre, ce quatrième objectif, il est tenable, celui d'avoir pour 2030 près
de 2 millions de véhicules électriques et hybrides. Ça consiste en quelque
sorte à préserver les parts de marché au niveau européen, qui sont ceux de la
France. Dans un marché qui va prendre de l’ampleur, qui va être en expansion,
c'est vraiment de réussir à tenir. Cette révolution du véhicule électrique est
en marche. Les primes et les bonus de France Relance ont permis de l'accélérer.
Et là-dessus, nous avons montré l'efficacité de nos dispositifs. Nous devons
continuer à y prendre part, tant sur le segment véhicules où nos grands acteurs
sont en pointe, que sur le segment batteries que nous développons et que nous
continuerons à développer. On a actuellement 3 giga-factories qui sont en développement. Je
pense vraiment que cet objectif, de rouler électrique, et cet objectif à 2030
de 2 millions de véhicules hybrides et électriques, il est atteignable par la
France. À la fin du mois, je reverrai l’ensemble des acteurs de la filière à la
fois concernant les infrastructures et les investissements. Si nous continuons
à investir sur les batteries, le tissu industriel et la montée, justement en
modernisation et digitalisation, nous pouvons y arriver. C’est vraiment un
objectif que je nous assigne collectivement puisque c’est absolument clé pour
beaucoup de nos territoires pour là aussi avoir une stratégie de transition
énergétique qui soit cohérente avec la production industrielle.
Le 5ème objectif, c’est produire en France à l’horizon 2030 le premier avion
bas carbone. Je pense que c'est tout à fait faisable. Pourtant, les meilleurs
experts m'ont dit « Jamais avant 2035. ». Ceci dit, les meilleurs experts me
disaient il y a huit ans « on ne verra jamais des petits lanceurs », et il y a
un an « vous n'aurez pas de vaccin », je me dis que je suis, à mon avis,
beaucoup trop pessimiste à donner un horizon 2030 pour le premier avions bas
carbone français. Sur tous ces sujets, c'est un sujet de mobilisation et de
concentration des efforts. On ne doit pas être en quelque sorte les otages de
nos processus passés. La France est un grand pays d'aéronautique. Sur ce volet,
nous allons là aussi investir massivement pour permettre de déployer d'ici à
2030 ce premier avion bas carbone qui doit être un projet français, nous nous
lançons, mais, l'objectif est de l'européaniser au maximum. Comme vous le
savez, pour ce segment c'est la stratégie que nous avons depuis le début.
C'est ce qu'on fait pour l'avion de combat du futur, c'est ce qu'on a fait
historiquement pour les grands groupes industriels, et on doit continuer d'accélérer.
Sur l'automobile et l'aéronautique, j'assume complètement ici leur place dans
cette stratégie. Ce sont deux secteurs qui sont au cœur de l'imaginaire
industriel français. Ce sont deux secteurs qui doivent être au cœur de l'avenir
industriel français, et nous avons les moyens de le faire. On a eu des moments
difficiles, en particulier dans l'automobile. On a eu des peurs difficiles, en
particulier dans l'aéronautique, pendant la crise. Nous devons réinvestir
massivement et trouver aussi des logiques d'acteurs. Je tiens vraiment à
remercier l'ensemble des parties prenantes qui sont dans la salle et qui, ces
dernières années, ont beaucoup œuvré pour qu'on retrouve une logique beaucoup
plus coopérative sur ces filières et je pense que c'est essentiel. Mais, au
total, ce sont près de 4 milliards d'euros qui seront investis sur ces acteurs
des transports du futur.
Mieux produire, vous l'avez compris, va véritablement tourner autour de ces
cinq grands objectifs. Ensuite, quand on parle de mieux vivre, mieux vivre
c'est avoir une qualité de vie pour la population française et avoir une
contribution française pour cette qualité de vie qui, à mon avis, repose sur
quelques objectifs d'ici 2030.
Le sixième objectif que nous devons nous assignés, c'est précisément d'investir
dans une alimentation saine, durable et traçable. C'est en quelque sorte
accélérer la révolution agricole et agroalimentaire que nous sommes en train de
mener et sur laquelle la France est un des pays leader. La France, là aussi, et
c'est notre passé industriel et agricole, a à chaque fois réussi les objectifs
agricoles que la nation lui assignait. Au sortir de la Deuxième Guerre
mondiale, on a assigné comme objectifs à nos paysans de nourrir le pays, au
niveau français puis au niveau européen. La ferme française l'a fait, elle a
réussi à travers deux grandes révolutions historiques, celle de la mécanisation
puis celle de la chimie. Mais, elle a réussi à produire, produire de plus en
plus, nourrir une population qui était en croissance, la nourrir de mieux en
mieux aux standards de qualité et exporter. N’enlevons quand même rien de cette
fierté française qui a ensuite été transférée au niveau européen, on a réussi à
le faire. Nous avons une transition aujourd'hui qui est en train de s'accélérer
et le monde est en train de s'accélérer. C'est certainement l'un des secteurs
qui est le plus au confluent de toutes les tensions que j'évoquais tout à
l'heure. Il faut nourrir de plus en plus de monde, la biodiversité est devenue
une denrée rare alors que ça n'avait pas de valeur il y a dix ans pour
beaucoup, et, aussi, il faut décarboner la production. C'est donc l'un des
secteurs qui est en train de se transformer le plus rapidement sous contrainte
alors même que nos sociétés, depuis maintenant une quinzaine d'années, ont fait
le choix d’acter le fait l'alimentation n'avait presque plus de valeur. Dans le
panier moyen des Françaises et des Français, l’alimentation va beaucoup moins
bien qu’il y a quelques décennies. Donc, au moment où il faut investir, faire
toutes ces transformations, on a décidé, il y a une dizaine d’années, de dire
que le prix qu'on devait assigner dans notre budget moyen était de plus en plus
faible. Pour vous remettre dans notre vision stratégique, c’est ce qu'on est en
train de faire depuis maintenant quatre ans, remettre de la valeur dans
l'agriculture. En réalité, s’il n’y a pas de valeur, ce erroné de dire qu'on
fera quoi que ce soit. Il faut donc dire : nos agriculteurs doivent être payés
pour le travail fait. L'investissement fait. On doit aider à réinvestir et
on doit aider à l'ensemble de ces transitions : Egalim 1 et Egalim 2, les
stratégies de filières, les deux piliers, la PAC, etc. Parce qu'il nous faut
réussir à ce que chaque agriculteur puisse vivre de son travail, qu'on réussisse
une transition démographique au moment où nous avons un transfert de
transmission entre générations inédites dans notre pays et produire de plus en
plus avec une qualité et une sécurité alimentaire qui soit toujours améliorée.
Pour réussir cette nouvelle révolution de l'alimentation saine, durable et
traçable, qui sont les trois objectifs que nous devons nous donner pour 2030.
Nous devons investir dans trois révolutions qui vont en quelque sorte être la
suite de la révolution mécanique et de la révolution chimique qu'on a connue :
le numérique, la robotique, la génétique. Ce sont les trois transformations
essentielles. Cela passe par de l'investissement, là aussi, mais également par
des technologies de rupture dans la robotique agricole pour parfois permettre
de sortir de certains pesticides, de sortir de certaines pratiques, pour aussi
améliorer la qualité de vie et améliorer la productivité. La donnée est aussi
là pour nous aider, elle permet à la fois une gestion plus fine des productions
en fonction des différents aléas et le traçage des aliments – c’est évidemment
ce que demandent les consommateurs – dans la diversité génétique pour des
productions plus résilientes et plus solides dans les bio-solutions, dans la
captation du carbone pour une agriculture qui soit compatible avec les
exigences environnementales. C’est de fait la révolution dans laquelle nous
sommes, c'est celle numérique, du robotique, de la génétique, et c'est celle
qui nous permettra de continuer à produire pour nous nourrir en améliorant
toujours la qualité de notre alimentation, en améliorant notre compétitivité et
en baissant les émissions de CO2. Si on ne traite qu'un de ces termes, on ne
répond pas à la question. Si on a une transition agricole qui ne règle que le
problème de l'émission de CO2 de notre agriculture, c'est simple, on aura moins
d'agriculture française, mais on importera plus de produits qui sont faits
ailleurs sur des standards qui sont moins bons que les nôtres. C'est ça
l'erreur, celle à ne pas faire. Il faut maintenir une stratégie française,
qu'on veut dupliquer au niveau européen, mais qui là aussi passe par évidemment
des transitions, des aménagements, mais aussi par de l'investissement pour
permettre d'accompagner ces ruptures. Au total, 2 milliards d'euros, dont des
fonds propres, seront consacrés à ces enjeux. Mieux vivre, c'est donc mieux se
nourrir et réussir cette transformation profonde de l'alimentation d'ici à
2030.
Mieux vivre, c'est aussi mieux se soigner. Là-dessus, je serai très rapide
parce que je l'ai déjà évoqué au mois de juillet dernier à travers le Plan
Santé Innovation santé 2030. Mais, au fond, si on veut bâtir une stratégie de
santé – plusieurs acteurs du secteur sont présents, qui ont beaucoup et qui
continuent à beaucoup se battre sur ce secteur – on doit regarder là aussi nos
forces et nos faiblesses. Nous avons une très grande recherche en matière de
santé au sens large du terme. Nous avons un modèle français de CHU qui est à
réformer, à moderniser, mais qui est une force française en ce qu’il lie la
clinique et la recherche. Nous avons un système de santé qui est juste, et qui
a tenu, sur lequel nous avons décidé d'investir beaucoup à travers le Ségur.
Mais nous avons perdu et reculé sur ce secteur de la santé ces dernières
années. La France était au premier rang de la production européenne il y a 20
ans. Nous sommes aujourd'hui au quatrième rang. C'est une réalité. C'est le
fruit de la désindustrialisation que j'évoquais tout à l'heure, de mauvais
choix qui se sont opérés concernant des ruptures dans ce secteur, dans des
segments où les anglo-saxons, en particulier, sont allés beaucoup plus vite que
nous. À titre d’exemple, les biotechs.
Alors, justement, on a raté pendant plusieurs années cette porte, mais, les
résultats sont là et ils sont assez cruels pour nous. Les traitements les plus
innovants ont eu tendance à s'inventer ailleurs avec un impact majeur et avec
un impact qui peut ensuite, je dirais, croître à la fois sur l'accès aux
traitements, mais aussi sur notre capacité même à financer notre modèle. Donc,
nous n'avons pas d'autres choix que celui d'accélérer et là, pour le coup, de
revenir vraiment dans les meilleurs, à la tête du secteur de la santé. Nous
avons les capacités humaines, nous avons les infrastructures de recherche et de
pratique. Maintenant, c'est une question de choix scientifiques et
technologiques et d'investissement collectif. À travers le plan Santé
Innovation 2030, qui est un plan, sur notre santé, pour lequel j'ai, à la fois
sur ces nouveaux crédits et ceux du PIA déjà annoncés, décidé d'investir 7
milliards d'euros. Quel est notre objectif ? C'est de nous dire : nous avons la
possibilité d’être à la tête sur une médecine plus prédictive, plus préventive,
plus innovante et avec un tissu productif davantage fabriqué en France. La
révolution médicale, elle, se fera sur ces critères, c'est-à-dire la
convergence des innovations de rupture en santé, mais aussi de la convergence
avec le quantique, l'intelligence artificielle et tout ce qui nous permet, là
aussi avec l'Internet des objets, de faire converger des familles
technologiques qui étaient jusqu'alors séparées. C’est ce qui permet à la fois
d'avoir les meilleurs traitements, de répondre aux défis d'un pays vieillissant
comme le nôtre qui est celui des maladies chroniques, et de ne pas avoir une
explosion de nos dépenses de santé collective. Il s’agit d'avoir une médecine
qui est de plus en plus personnalisée et prédictive. On le sait bien. C'est de
l'investissement dans des techniques de rupture. Donc, je ne reviendrai pas sur
le plan que j'avais présenté en détails. Mais, il vient en complément de la loi
de programmation pluriannuelle pour la recherche, qui a déjà beaucoup investi
sur la santé et qui permettait sur beaucoup de filières de commencer à
raccrocher, voire de consolider nos points forts. L'objectif concret que nous
devons nous donner d'ici à 2030, c'est d'avoir au moins 20 biomédicaments
contre les cancers, les maladies émergentes et les maladies chroniques, dont
celles liées à l'âge, et de créer les dispositifs médicaux de demain en France.
C'est un objectif très concret, mais il est atteignable au-delà de l'écosystème
de santé et d'innovation en santé que j'ai rappelé il y a quelques semaines.
Avoir au moins ces 20 biomédicaments et ces dispositifs médicaux de demain,
c'est un objectif sur lequel nous devons concentrer tous les efforts et
l'Agence d'innovation en santé sera un point, à mes yeux, extrêmement important
pour y arriver.
Huitième objectif, c'est placer la France en tête de la production des contenus
culturels et créatifs. Pourquoi je le mets dans le mieux vivre ? Parce que nous
en avons fait l'expérience pendant cette crise. Mieux vivre, c'est mieux nous
nourrir, mieux nous soigner et pouvoir avoir l'imaginaire qui correspond à ce
qu’est cet humanisme français. C'est ça la France. Et donc, mieux vivre en 2030
et autres, c'est aussi être dans un pays, dans un monde où l'imaginaire, les
histoires dans lequel nous évoluons sont les nôtres, en tout cas, font partie
de notre histoire, de notre vision du monde, de nos valeurs, de ce que notre
civilisation porte. Et je pense que cette bataille à dessein, je la mets là,
est une bataille aussi d'innovations et de ruptures. Les industries culturelles
et créatives sont des industries ouvertes qui sont en compétition. Les séries,
les films que nous regardons sur les plateformes comme Netflix, Amazon, Disney
+, plus les jeux vidéo auxquels nos enfants sont confrontés forgent nos
imaginaires, nos accès à l'information, mais aussi nos accès à des représentations,
à des héros, une forme de nouvelle anthropologie collective. Et c'est une
réalité. Et donc, la France d'abord a quelque chose à dire là-dessus parce que
nous sommes un pays de littérature, de création, de philosophie. Et ensuite
parce que je pense que les conséquences humaines, anthropologiques et
politiques du rapport justement au contenu, à la création et à tout ce qui va
se dire secrets, s'échanger dans le monde en 2030 est essentiel pour nous. Si
notre jeunesse en 2030 ou nous tous, nous n'avons le choix qu'entre des
contenus qui sont produits, pareil, par d'autres grandes puissances, que nos
histoires sont perdues, que nos scénaristes ne sont plus ceux dont nous lisons
les histoires, que les fictions que nous regardons ne sont plus celles qui sont
produites en France, que notre patrimoine culturel comme notre création
contemporaine ne sont plus celles auxquelles nous avons accès, nous changeons
le monde drastiquement. Et ce que je suis en train de dire est possible. Alors,
la France a toujours réussi à construire un modèle, qu’on a longtemps appelé
d'exception culturelle française parce que nous étions aux avant-postes. Nous
sommes le pays qui a inventé les droits d'auteur, qui a protégé les créateurs,
qui a inventé l'exception culturelle, qui a inventé justement la capacité à
préserver une littérature, un théâtre, un cinéma qui ne soit pas digéré par
l'uniformité mondiale. C'est un combat du mieux vivre et c'est un combat pour
la France de 2030. C'est un combat qui est à la fois civilisationnel et créateur
de valeur. Ce n'est pas un combat nostalgique du tout, c'est un combat très
conquérant. Mais je pense qu'il est beaucoup plus important que beaucoup de
combats dont on nous rebat les oreilles aujourd'hui. Parce qu'on ne peut avoir
tous les débats derrière aujourd'hui si ce qui est en train de se passer
continue de se jouer, ce seront des débats pour les archives. La question,
c'est qui aujourd'hui bâtit l'imaginaire français, européen et mondial de
demain et c'est une compétition. Ni plus ni moins. C'est une vraie compétition,
avec des vrais chiffres. Aujourd'hui, les industries culturelles et créatives,
ce sont 640 000 emplois, 91 milliards de chiffre d'affaires et l'industrie qui
exporte. Aujourd'hui, je regarde beaucoup de nos voisins, ils investissent des
milliards d'euros dans ces industries pour créer des studios, développer des
séries et autres. Sur ce sujet, il y a évidemment tout le secteur privé qui
doit être largement contributeur. Je ne pense pas du tout que ce soit à la
puissance publique de développer les industries culturelles et créatives de
demain. Mais dans le pays de Colbert, des manufactures, de Malraux, nous avons
cette tradition et il faut d'ailleurs l'assumer en la modernisant. Le rôle de
la puissance publique est de déclencher des pratiques d'investissement et la
création de filières, en tout cas, sa consolidation. Et donc, l'objectif à
travers justement ce huitième objectif, c'est véritablement, avec les acteurs,
de déployer une stratégie d'investissement massive pour nos studios, la
formation de nos professionnels et les investissements dans le développement,
justement, de nos contenus. Il s'agit là d'inverser complètement la dynamique
telle qu'elle est en train de se jouer aujourd'hui. Plusieurs territoires ont
d'ores et déjà été sélectionnés, identifiés. Qu'est-ce que cela veut dire ?
C'est-à-dire que nous avons des grandes écoles, dont celle d'ailleurs des
Gobelins, pour former les jeunes. Nous sommes en train de manquer de
techniciens, de scénaristes, de professionnels dans tous les secteurs de la
création. Nous devons avoir une stratégie de formation, de déploiement de ces
métiers qui vont du moins qualifiés aux plus qualifiés, aux plus créatifs, dont
la diversité est extrême. La deuxième chose est de parler aussi d'investissements
concrets. Tous les grands pays qui veulent être compétitifs dans les industries
culturelles et créatives sont en train de construire des grands studios
parce qu'ils vont révolutionner, ils sont en train de révolutionner justement
le modèle industriel de production de ces contenus. Nous devons être dans la
partie. 3 sites ont déjà été sélectionnés, mais c'est la France entière qui
doit y contribuer. Et ensuite, on doit accélérer et stimuler en quelque sorte
les investisseurs privés, ils sont en train de continuer à accélérer, pour
créer des synergies, investir encore davantage sur les nouveaux canaux et les
nouveaux vecteurs. Sur ce sujet, cet objectif, je considère que c'est un
élément essentiel du mieux vivre en 2030.
Enfin, mieux comprendre. Il y a deux objectifs qui sont un peu plus en rupture.
Mais quand on parle de la France de 2030 et de ce vers quoi nous devons nous
projeter, je pense qu'on ne doit pas oublier de continuer à être des
défricheurs. Et c'est à la fois notre histoire, ce sont des rêves fous, c'est
ce qui a poussé beaucoup de jeunes et moins jeunes à aller vers les métiers,
justement, de la science, de l'industrie, etc. Ce sont en quelque sorte les
grandes odyssées d'exploration et d'aventures à la fois humaines,
intellectuelles et de recherche. Et il y en a deux qui sont les deux derniers
objectifs qui ressortent de vos travaux pour 2030, qui me paraissent
extrêmement importants, c'est celui de l'espace et des grands fonds marins. Et
je le dis à dessein parce que nous sommes une nation qui a un capital
historique, industriel, géographique et imaginaire sur ces deux grands sujets.
Ce sont deux sujets qui ont d'abord toujours attiré les grandes innovations.
Par le spatial, nous avons toujours tiré les grandes innovations, dans l'aéronautique
ou dans beaucoup d'autres secteurs. Et quand je parle du marin, nous sommes la
deuxième puissance maritime au monde. Et donc on ne peut pas penser la France
de 2030 sans penser ces deux espaces, si je puis dire, en tout cas, ces deux
reconquêtes. Je vais essayer très rapidement de dire ce vers quoi nous voulons
aller.
Notre neuvième objectif dans mieux comprendre, c'est de prendre toute notre
part à la nouvelle aventure spatiale. Il y a ce qu'on appelle un New Space qui est en train
de se construire. Il y a ici aussi beaucoup des acteurs de celui-ci et de bien
plus experts que moi. Mais de quoi s'agit il ? Le monde qu'on pensait
impossible est arrivé beaucoup plus vite qu'on ne le croyait. Et donc, le monde
du spatial dans lequel nous vivions était un monde oligopolistique tenu par
quelques Etats et dans ces États, quelques opérateurs qui ont eu un rôle et qui
ont continué à avoir un rôle très important, qui ont permis d'ailleurs à des
filières industrielles de se développer, de se consolider et d'avoir des
résultats exceptionnels et qui sont très importantes pour la France. De
nouveaux acteurs ont émergé beaucoup plus vite qu'on ne pensait ces dernières
années. Vous les connaissez. Et ils ne sont pas arrivés par la grâce ou le
hasard, investissements massifs de départements, d'agences d'Etat et d'argent
fédéral et innovations de rupture portées par des acteurs innovants, c'est le
modèle SpaceX. Beaucoup d'argent du département américain et un innovateur de
rupture qui change des pratiques et des habitudes industrielles. Ça marche. On
est en train, en tout cas sur ce sujet, d'avoir une accélération des pratiques
industrielles de l'innovation, mais ce faisant aussi du comportement des
puissances. Et donc, il y a une accélération technologique, industrielle, des
usages et de la géopolitique dans le spatial. Je ne veux pas être ici trop
long, mais c'est ce qui est en train de se passer. C'est ce qui d'ailleurs a
présidé à nos décisions dans la loi de programmation militaire de créer un
nouveau commandement de l'espace au sein justement de notre armée de l'air pour
faire face à ces défis. Mais il y a des nouvelles conflictualités, il y a
de nouveaux acteurs qui arrivent. Et donc, la question de la confiance, de la
sûreté dans l'espace est en train de se poser dans des termes radicalement
nouveaux. Je ne veux pas être ici trop long. Mais donc, tout ça suppose que la
France, en assumant de travailler avec les acteurs établis, mais aussi avec des
acteurs qui peuvent innover et changer la donne dans ce domaine, c'est le
mariage que nous devons réussir culturellement ensemble à faire, que la France
réussisse à innover dans les nouvelles explorations spatiales, les nouveaux
usages et tout ce qui redéfinit les nouveaux termes de la souveraineté et de la
confiance dans l'espace. Pour ça, à court terme, nous avons plusieurs objectifs
: les mini-lanceurs réutilisables, qui est un objectif qu'on doit pouvoir
atteindre d'ici 2026, mais aussi les micro minisatellites, les constellations
de demain et l'ensemble des innovations technologiques et de services qui sont
au cœur justement de ce nouvel espace.
Dixième objectif enfin dans ce mieux comprendre, c'est l'investissement dans le
champ des grands fonds marins. La France, je le disais, est la deuxième
puissance maritime du monde. Et il y en a aujourd'hui pour comprendre,
connaître les grands fonds marins, des innovations de rupture à conduire pour
mener ses explorations et pour permettre le travail scientifique. J’entends
déjà le débat venir, je ne parle pas d'exploitation à ce moment-là, je parle
d'exploration. Mais qui peut accepter que nous laissions en quelque sorte dans
l'inconnu la plus complète une part si importante du globe ? Et nous avons dans
nos zones économiques exclusives, la possibilité d'avoir accès à ces explorations,
qui est un levier extraordinaire de compréhension du vivant, peut-être d'accès
à certains métaux rares, de compréhension du fonctionnement de nouveaux
écosystèmes, d'innovation en termes de santé, en termes de biomimétisme, etc.
Il y a des familles d'innovations derrière, justement l'exploration des grands
fonds marins qui est inouï. Et donc, notre volonté est aussi, pour cette France
de 2030, d'assumer un investissement de la nation dans le champ des grands
fonds marins qui soient la clé là aussi, pour ensuite évaluer les applications
possibles et conduire ce cheminement.
Voilà les 10 grands objectifs pour à la fois mieux produire, mieux vivre et
mieux connaître le monde de 2030. 10 grands objectifs dont vous voyez bien qu’à
chaque fois, l'idée est de retrouver notre indépendance et en quelque sorte, de
vivre mieux compte tenu des grands défis du monde que j'évoquais. Je crois
qu'avec ces 10 objectifs, si nous arrivons ou à être leader ou à rattraper le
retard ou à être dans le peloton de tête, nous pouvons nous dire : la France
aura la possibilité de choisir son avenir, apportera une contribution au monde
et permettra en quelque sorte de définir ce qu’est ce vivre mieux en
choisissant notre destin. Pour ce faire, une fois que je dis tout ça, il y a des
conditions de réussite. Et donc, il nous faut sécuriser les conditions de
l'innovation. Les 10 objectifs que j'ai donnés, c'est une façon en quelque
sorte menée par les finalités, plusieurs filières industrielles, d'innovation,
de rupture ou de recherche. Et je l'assume. Mais on ne réussira pas tout cela
au-delà des grandes réformes macroéconomiques que j'évoquais au début de mon
propos si dans le même temps, nous n'arrivons pas à sécuriser 5 grandes
conditions.
La première, ce sont les matières. Tout ce que je viens de dire, en tout cas la
plupart de ce que je viens de dire, ne peut pas fonctionner si nous ne
sécurisons pas autant que possible l'accès à nos matériaux. Nous avons vécu au
début de la crise. On le vit en sortie de crise, aussi dès que l'économie
mondiale qui accélère sur telle ou telle priorité est en concurrence, on a un
problème d'accès aux matériaux. Là-dessus, nous devons être lucides, nous
sommes en retard dans nos stratégies. Les Chinois ont intégré bien avant nous
cette dynamique de rareté dans l'accès aux matériaux parce qu'elle s'est pensée
bien avant nous comme une grande puissance qui pouvait être en surchauffe. Et
donc, pour cela, on doit se mettre en situation, ce que nous avons commencé à
faire, mais avec ce plan France 2030, on doit l'accélérer de garantir notre
approvisionnement en plastiques et métaux et investir dans le recyclage, ce
qu'on appelle l'économie circulaire. Et donc, dans le plan France 2030, il y a
une série d'initiatives très concrètes sur l'approvisionnement en plastiques et
métaux et l'économie circulaire pour sécuriser ces filières et permettre
justement soit de moins dépendre, soit de réduire notre dépendance à
l'importation sur ces métaux et matériaux. Autre élément clé pour la
sécurisation de ces matériaux : la consolidation de la filière bois que nous
avons commencé et qui est absolument clé, on le voit, et qui est un élément
absolument structurant pour cette sécurisation. Pour pouvoir aussi produire
demain nos batteries au lithium ou au nickel, nos moteurs électriques, qui sont
faits de terres rares, nos solutions aéronautiques au titane, nous devons non
seulement importer ces matériaux très concentrés géographiquement, mais les
recycler massivement. Et donc sur tous ces métaux et terres rares, nous avons
commencé le travail de cartographie de nos dépendances et donc l'idée de
réduire au maximum celle-ci, sécuriser nos apports, mais là aussi, travailler
sur nos chaînes de recyclage et de réutilisation de ces métaux et matériaux
pour permettre, là aussi de réduire nos dépendances. Il s'agira à cet égard de
faire émerger des acteurs français du recyclage chimique enzymatique, mais
également de construire des usines qui permettront, par exemple, de recycler
les terres rares. Et donc sur ses volets, et là vous le voyez bien, une
stratégie de sécurisation de l'approvisionnement, il y a une stratégie de
recyclage puisque nous en avons qui tourne dans notre industrie, qu'il faut
pouvoir réutiliser. Mais il y a aussi une stratégie d'innovation, de rupture
pour inventer soit des substituables, soit, véritablement avec les startups qui
sont en train de le bâtir pour notre industrie, sécuriser beaucoup mieux notre
approvisionnement en matériaux. C'est la première condition pour réussir tout
ce que j'évoquais. Il faut le faire dès maintenant parce que si on part sur les
10 objectifs que j'évoquais en oubliant ça, nous ne réussirons pas la route.
Deuxième élément qui est à sécuriser, ce sont les composants. Là aussi, la
crise nous a montré nos défaillances. Nous sommes en train de sortir de crise
avec une crise, si je puis dire, une rareté extrême sur les semi-conducteurs,
parce que tout le monde y va en même temps : l'automobile, les applications, la
téléphonie, etc. Il y a un moment de surchauffe, il y a eu aussi des stratégies
d'achats différentes, mais on voit bien qu'on a un problème. La crise nous a
montré toutes ces défaillances. On l'a vécu aussi dans les composants, dans le
domaine médical. On le voit donc dans les composants électroniques et
robotiques, là aussi. De manière très claire, nous avons sur le sujet des
composants, en particulier électroniques, un énorme défi. C'est la deuxième
condition qu'on doit remplir si on veut réussir France 2030. L'Europe ne
produit plus que 10 % des composants électroniques mondiaux. Elle a perdu une
part importante de son autonomie sur plusieurs équipements de robotique et de
numérique. Or, de plus en plus, tout est robotique, tout est électronique et
donc on a besoin de sécuriser l'ensemble de ces composants sur la filière.
Ce qui veut dire que nous devons avoir une stratégie européenne et française.
Elle doit être européenne, compte tenu des masses et de l'enjeu. Mais il y a
aussi de la concurrence intra-européenne, donc on doit assumer d'avoir une
stratégie française. Nous voulons être en capacité de doubler notre production
électronique d'ici 2030 et de construire une feuille de route vers des puces
électroniques de plus petite taille pour rester un des leaders du domaine. Mais
il faut les deux : produire davantage pour réduire notre dépendance et aller
vers les plus petites tailles pour, là aussi, vers les applications les plus
innovantes, réussir à moins dépendre. Cette stratégie, elle est absolument clé,
elle doit aussi s'étendre à la robotique qui, on le sait, est désormais au cœur
de la compétitivité industrielle comme je l'ai évoqué. Au total, sur nos
composants physiques et électroniques, ce sont près de 6 milliards d'euros que
nous investissons pour justement, là aussi, créer les conditions de possibilité
d'atteindre nos objectifs.
La troisième condition, une fois qu'on a les matériaux, qu'on sécurise les
composants, c'est évidemment de maîtriser les technologies numériques
souveraines et sûres. Sur ce sujet, je serais très rapide parce que nous avons
déjà posé les bases de cette stratégie à travers ce que nous avons mis en place
: les plans pour l'intelligence artificielle, la cybersécurité, le cloud
jusqu'aux ordinateurs quantiques. Mais il nous faut poursuivre et intensifier
cette stratégie. Pourquoi ? Parce que nous sommes en train de créer des
dépendances et des ouvertures partout. Est-ce que nous aurons un cloud
totalement souverain à 5 ans ? Il y a plus d'experts que moi dans la salle, je
crois que ce n'est pas vrai de se le dire, parce qu'on a pris beaucoup de
retard et parce que la différence d'investissement entre la plaque européenne
et américaine, c'est un facteur 10 aujourd'hui chez les acteurs privés. Par
contre, on doit sécuriser les briques les plus sensibles et nous devons
investir sur les éléments les plus souverains pour sécuriser nos écosystèmes.
Et donc, là, c'est très complémentaire avec tout le travail que la French Tech
fait admirablement, que font nos investisseurs qui sont là pour former,
investir dans nos startups, les aider à se développer et continuer à monter en
gamme, mais nous devons assumer d'avoir aussi des investissements publics au
niveau national et européen pour consolider les stratégies que nous avons
développée, en particulier dans le quantique, dans le cyber et dans le cloud,
pour structurer véritablement les briques technologiques, les éléments les plus
sensibles sur lesquels nous avons absolument besoin d'une solution européenne
ou française lorsque la solution européenne n'existe pas. Cet élément est
absolument clé.
Quatrième condition pour y arriver, ce sont les talents. Vous l'avez très bien
dit, je serai très rapide, mais il y a dans France 2030 un investissement
massif de 2 milliards et demi d'euros pour nos talents. Pourquoi ? Pour
permettre d'accélérer la formation sur des nouvelles filières, d'accélérer la
formation et peut-être de regarder l'accélération de certaines formations dans
des segments de pointe et en lien avec justement, nos universités, nos écoles,
nos organismes de recherche, de nous doter d'une stratégie à 10 ans, de prévision
des besoins de concentration des moyens sur ces nouvelles filières et de
définition de stratégies de nouvelles filières, au fond de démultiplier et
passer à l'échelle, ce que nous avons fait depuis 4 ans à travers justement la
réforme de l'enseignement supérieur et la loi de programmation, c'est un volet
absolument clé. C'est pourquoi ces 2 milliards et demi sont évidemment une
composante clé pour tenir les 10 objectifs que j'évoquais.
Puis le cinquième point, c'est le capital. Il n'y a pas de révolution
industrielle et pas de France 2030 si on n'arrive pas à mener cette révolution
du capital, alors elle a commencé. Je le disais, nous avons profondément changé
la fiscalité sur le capital en rendant plus attractif l'investissement en
France. Et on voit les résultats. Nous sommes redevenus les plus attractifs
d'Europe. Nous avons réussi à structurer ensuite un capital qui accompagne les
entreprises dans la croissance. C'est ce qu'on a fait avec les fameux fonds
Tibi pour ramener une partie des investisseurs institutionnels vers ce qu'on
appelle, pardon de cet anglicisme, le NextStage, donc aider à monter
l'investissement et des tickets plus importants. Ce qui nous permet d'avoir de
plus en plus de startups et de PME qui deviennent des ETI et qui deviennent des
champions. Nous dépasserons largement l'objectif de 25 licornes pour 2025. J'ai
compris que certains veulent aller au décacorne
maintenant, et je suis totalement pour et le maximum. Mais
continuer à développer en tout cas des très grands champions français. Donc
pour y arriver, il faut continuer la stratégie macroéconomique qui est la
nôtre, de continuer à investir beaucoup de capital et rendre attractif cet
investissement en capital en France. Mais nous avons un point sur lequel nous
sommes en difficulté et qui fait le lien avec tout ce que je vous ai dit depuis
tout à l'heure, qui est l'investissement dans l'industrialisation de
l'innovation de rupture et sur lequel, qu'il s'agisse d'ailleurs des secteurs
très industriels ou de la bio, il y a une faille de marché parce qu'on n'a pas
encore suffisamment d'investisseurs en France. Il faut beaucoup, beaucoup
d'argent très vite au même endroit. Et si on perd la bataille avec
l'industrialisation qui se fait ailleurs, souvent, on perd le marché avec. Or,
un démonstrateur industriel, ce sont plusieurs dizaines de millions d'euros
pour une start up et donc on change tout de suite d'échelle. Et donc c'est
pourquoi, dans le cadre de ce plan France 2030, cinquième point sur lequel je
voulais insister en préconditions dont nous voulons nous doter, c'est une
stratégie en investissement, en capital qui est l'investissement dans la Deeptech et dans les
start-ups industrielles. Et donc, Bpifrance, structurant là aussi un fonds de
fonds et l'ensemble des acteurs du domaine, comme elle l'a très bien fait
d'ailleurs pour les autres domaines que nous avons choisi depuis plusieurs
années, sera en charge de ce programme.
L'objectif, c'est quoi ? C’est de permettre à des start-ups qui sont dans les
premières phases, d'industrialiser très vite leur innovation et de monter en un
temps le plus rapide possible leur prototype, leur démonstrateur industriel et
donc de pouvoir avoir un investissement de 20, 30, 40, parfois 50 millions
d'euros, vous le savez mieux que moi, pour pouvoir développer ce démonstrateur
en France et commencer leur industrialisation en France. Si on arrive à faire
ça, on arrive ensuite à développer l'industrie qui découle de ces innovations
sur le sol français et à recréer encore plus d'emplois et a démontré ce que
j'évoquais tout à l'heure, de la réconciliation entre les start up et
l'industrie. C'est ce qui est en train de se passer, mais il faut pouvoir
l'accélérer.
L'objectif que nous devons avoir en 2030 est d'avoir au moins 100 sites par an,
100 sites industriels, qui émergeront ainsi dans le cadre de cette Deeptech. Il
nous faudra également accélérer dans ce cadre la croissance de ces entreprises
à un niveau européen. Et l'idée, c'est de démultiplier ce qu'on a fait au
niveau français, au niveau européen. Au total, ce sont près de 5 milliards
d'euros, dont 3 milliards en fonds propres, que nous sommes prêts à injecter
pour la croissance de nos écosystèmes de recherche et d'innovation en la
matière.
Voilà les 5 conditions clés si on veut tenir nos 10 objectifs sur lesquels je
voulais insister, sur lesquels on va investir en particulier.
Alors, pour conclure, un mot de méthode pour arriver à tout ça. Cette vision,
c'est le fruit de ce constat établi, des crises que nous avons traversées tous
ensemble ces 4 dernières années, et du travail collectif pour faire émerger une
ambition, un rêve de la nation, mais aussi ce que j'appellerais une ambition
raisonnable. Alors, pour y arriver, quelques éléments de méthode très simple.
D'abord, l'ambition est là, 30 milliards d'euros pour 2030, auxquels s'ajoutent
des fonds propres. C'est un investissement important, je l'assume et nous
devons collectivement l'assumer compte tenu de ce que j'évoquais tout à
l'heure, c'est le seul moyen de changer notre croissance potentielle, notre
capacité à créer de la valeur dans la durée et donc notre capacité à continuer,
voire à créer davantage d'innovation, d'emplois, de formation et donc prévenir
les inégalités futures et choisir notre destin.
Il s'agit d'argent que nous lèverons sur les marchés et qui sera sanctuarisé.
Et là, je pense qu'il faut être très modeste. Il faut s'inspirer de ce qui a
été très bien fait avec les programmes d'investissements d'avenir et qui
étaient une bonne méthode. C'est une bonne méthode parce qu'elle a permis de ne
pas confondre l'investissement d'avenir avec les investissements courants, de
le sanctuariser dans les règles budgétaires et de dire c'est un investissement
qui a des retombées qui ne sont pas des services de court terme, mais qui sont
justement de la création de richesse. Et donc ça, il faut absolument le garder.
Et donc, dans la méthode, il faut garder, un, le fait que c'est un
investissement nouveau - c'est du vrai argent, nouveau, en plus des PIA déjà
décidé - deux, il sera sanctuarisé, et trois, on doit garder les éléments de
méthode que les différents programmes d'investissement d'avenir ont appris à
l'écosystème français. L'exigence, la transparence, les jurys indépendants sont
des bonnes méthodes. Je le dis très sincèrement et je pense qu'il ne faut pas
abandonner ces méthodes. Elles sont parfois critiquées. On n'est jamais content
de ne pas gagner un concours, mais je pense que c'est malgré tout beaucoup
mieux que l'arbitraire. Il y a des choix qui, à un moment, sont politiques. Il
faut les assumer. C'est le choix d'une nation et ils sont démocratiques. Et à
un moment donné, dans la technique des choix, il est important que ce soient
les meilleurs jurés internationaux qui puissent décider de l'émergence de
projets. Donc ça, nous devons le garder véritablement pour servir notre
ambition et avoir une vraie innovation de rupture et garder la meilleure
exigence en termes scientifiques et académiques. Ensuite, je souhaite que ce
plan, c’est quelque chose qu'il nous faut essayer d'améliorer par rapport à
notre expérience passée, soit encore davantage construit avec l'Europe.
Ces 18 derniers mois, c'est ce que nous avons essayé de mieux faire avec la
chancelière Merkel sur la relance. Vous l'avez sans doute vu, on a lancé
beaucoup de projets communs sur l'hydrogène, sur les batteries et beaucoup
d'autres. Le plan France Relance va s'accompagner d'une stratégie allemande.
Elle a commencé, le cycle démocratique allemand n'est pas le même, mais il est
important qu'il y ait une synchronisation de nos approches et que ce plan soit
au maximum européen. Je pense que c'est très important. Nous avons tous
nos spécificités, nos différences. Elles doivent s'enrichir. Il y aura des
éléments de compétition, c'est normal, de la même manière qu’il y a de la compétition
en franco-français, mais nous devons au maximum créer des synergies entre
Européens, car la vraie compétition est entre grandes puissances planétaires.
Et donc, nous nous coordonnerons, nous nous associerons et je souhaite que la
présidence française soit un élément de ces deux structurations.
Ensuite, ce plan doit commencer vite. C'est pourquoi, dès le 1er janvier 2022,
les premiers crédits seront budgétés avec une cible de 3 à 4 milliards d'euros,
mais ce qui permet assez vite de pouvoir enclencher une dynamique et de pouvoir
ainsi ensuite, en fonction des choix que fera une fois le Gouvernement et le
Parlement, pouvoir de manière transparente, avoir les crédits engagés, les
crédits de paiement. Mais il faut de la sincérité budgétaire et que sur les premiers
projets on puisse réussir à aller vite, car tout ce dont j'ai parlé a déjà
commencé partout dans le monde.
La gouvernance de ce plan, elle sera finalisée d'ici la fin de l'année et donc
c'est début 2022 que sera présenté en quelque sorte la manière de structurer le
suivi de ce plan. Et je le fais à dessein et je vais vous le dire, instruit à
la fois par l'expérience des dernières années et la conviction profonde qui est
la mienne aujourd'hui. D'abord parce qu'on doit absolument garder ce que vous me
permettrez d'appeler un « esprit commando ». Le grand risque que nous avons une
fois qu'un tel plan est donné par le président de la République, je le dis pour
l'avoir vécu, c'est que les acteurs en place disent : l'argent est là pour moi,
je le reprends et au fond, vous ne financez pas vraiment la rupture. Ils
financent les habitudes. Et donc, il nous faut créer les bonnes incitations et
les bons anticorps et la bonne gouvernance pour être sûr que cet argent, il va
être avec les acteurs existants, et qu’il puisse y avoir le bon niveau de
concurrence, d'évaluation et de transparence. Donc, on va finaliser la
gouvernance d'ici la fin d'année très tranquillement, mais je veux qu'on garde
ce que j'appellerais donc un « esprit commando » et donc que l'équipe pilote
fasse appel à tous les talents : universitaires, membres de la recherche,
entrepreneurs, investisseurs, grands groupes privés. Et donc qu'on est une
équipe assez unie qui permette avec nos administrations de pouvoir piloter cela
avec quelques principes simples.
Le premier, la simplicité, vous l'avez évoqué. En même temps que nous bâtissons
cette gouvernance, on doit simplifier les gouvernances établies. Je pense
qu'avec le temps, on a sédimenté beaucoup de structures. Nous allons tous être
lucides sur nous-mêmes. Il y a beaucoup de commissions, de secrétariats,
d'organismes, etc. Nous avons un modèle français du pilotage, de la recherche,
de l'innovation et du développement industriel qui n'est plus adapté. Il y a
des choses qu'on pourra faire dans le temps utile des prochains mois. Il y a
des choses qui mériteront sans doute des débats démocratiques plus profonds. Je
suis aussi lucide sur ma propre condition, je vous rassure. Mais il faut au
moins les travailler, les nourrir et ne pas faire commencer cet exercice de
manière impropre. Et donc, premier principe, la simplification. Simplification
de l'organisation du pilotage de France 2030, simplification des procédures.
Deuxième point qui va avec, c'est la rapidité. C'est pour ça que je veux des
crédits vite. Je suis frappé de tous les retours durant les consultations à la
fois de nos jeunes en école d'ingénieurs, en université, de nos entrepreneurs,
tous nous disent : on a des systèmes qui sont très intelligents, mais on met 4
à 5 fois plus de temps à avoir les crédits qu'ailleurs. De nos organismes
publics, de nos structures, 4 à 5 fois plus de temps. C'est simple, c'est
mortel ou éliminatoire pour un innovateur. Et donc, il faut garder la beauté du
modèle que nous avons, ce que j'évoquais tout à l'heure, des jury indépendants,
de la bonne science, etc. Mais faire de la bonne science avec 6 mois de retard,
ça ne sert à rien. Si ailleurs, à l'autre bout de l'océan, des gens ont investi
beaucoup plus fort, beaucoup plus vite sur les concurrents. C'est ce qui se
passe aujourd'hui. Et nous mettons trop de temps à essayer de mener des tickets
qui sont parfois trop uniformes. Et donc dans les critères de la rapidité, il y
a pour moi un élément de pragmatisme. Il faut accepter de parier très vite sur
des premiers projets, de leur permettre très vite même de se tromper. Mais la
rapidité du premier investissement est clé. Les investisseurs privés le font
beaucoup mieux que les investisseurs publics, je dois le dire, mais on doit
acquérir ça dans la la feuille de route, si je puis dire, que je donne à la
petite équipe. Rapidité.
Troisième élément clé, faire confiance à l'émergence. Ce sera un des éléments
pour réussir ce qu'on est en train de se dire. Je connais tous les débats qui
animent toutes les filières. Tout le monde est en train de se dire “Est-ce que
l'argent va bien aller pour moi ?” Et tous les débats, c’est “Est-ce qu'il y a
bien x% qui va bien pour les grands groupes, y% pour les PME ou les ETI ?”
Faites-moi plaisir, sortez de ces débats. Si on part comme ça, on a déjà perdu.
On a déjà perdu, je vous l'écris. La vérité que je suis obligé de constater,
c'est que l'on doit essayer de capitaliser sur nos points forts, mais
d'apprendre de nos erreurs. Quels sont nos points forts ? On a le CAC40 - c'est
un gros mot en France - on a un tissu de grands groupes industriels. C'est une
chance exceptionnelle. On est le premier pays européen à cet égard. Donc jouons
là-dessus. C'est des grands groupes qui ont des capacités à investir, à tirer
des filières. Formidable. On a un problème, l'innovation de rupture ne se fait
plus dans les grands groupes et la valeur ne se crée plus dans les grands
groupes. Ce n'est pas une offense, c'est une réalité. Donc il y a des grands
groupes qui sont en train de se transformer très vite, il faut les aider. Mais
si la stratégie des grands groupes est de tuer l'innovation qui vient des
acteurs qui sont les plus innovants, ils se tueront eux-mêmes à terme ou ils
aideront leurs compétiteurs. Et donc nous avons besoin d'un premier élément de
coopération, c'est de considérer qu’il faut accepter de financer vite et de
manière simple l'innovation où elle est. Et donc je ne sais pas dire
aujourd'hui quel pourcentage ira à des grands groupes ou à des plus petits. Je
sais simplement dire qu'il faut qu'elle puisse aller à des startups, des PME,
des ETI, et qu'il faut qu'on ait à peu près quand même au moins 50% qui aille à
ces acteurs-là. Mais peut-être que ce sera beaucoup plus, peut être que ça doit
être un peu moins, et que le plus innovant gagne et appelle au financement.
Mais c'est un point essentiel pour réussir cette stratégie.
La capacité à faire confiance à l'émergence, elle passe aussi par les
politiques d'achat. Et là je parle pour l'Etat comme pour les grands groupes.
Si nous avons des politiques d'achat qui ne sont pas cohérentes avec ce que je
viens de dire du côté des grandes administrations publiques, des collectivités
locales et des grands groupes français, tout ce que je viens de dire
n’adviendra pas. Et donc dans la feuille de route que je donne aussi à
l'équipe commando, c'est d'intégrer nos politiques d'achat. Pourquoi nous
n'avions plus de masques en France ? Parce qu'il n’y avait plus aucun acheteur
public qui achetait des masques en France, c'est ça la réalité. Pourquoi on n'a
plus de sous-traitants industriels, ou si peu, ou en si grandes difficultés, de
rang 2 ou 3 dans l'industrie automobile ? C'est parce qu'il faut bien dire que
le reste de la chaîne a été les massacrer pour baisser les coûts et acheter
ailleurs. Donc réveillons-nous en tant que nation et considérons que dans ce
moment où l'innovation de rupture est clé, la vitesse, l'accumulation du
capital sont clés, mais la coopération entre les acteurs d'un même écosystème
est clé.
La coopération entre les acteurs est clé. Ce n'est pas de la naïveté, c'est de
l'intérêt bien compris. Et donc, pour moi, le troisième principe clé, c'est
cette confiance dans l'émergence confiance dans les acheteurs, dans les choix
qui sont faits d'allocation, dans les choix qui sont faits en termes
d'investissements, dans les choix en termes d'achats et de commandes publiques.
Et donc dans la feuille de route d'ici janvier prochain, il y aura aussi un
changement profond des règles et de notre organisation en la matière.
Dernier élément, vous l'avez évoqué, c'est la prise de risque. Ce que nous
devons accepter, c'est la prise de risque massive. Et donc je le dis tout de
suite pour purger les débats et, si je puis m'exprimer ainsi, soulager les
acteurs, il y aura beaucoup d'échecs derrière les dix objectifs que j'ai
donnés. Il faut qu'il y ait beaucoup d'échecs. La seule chose qui est
nécessaire, c'est qu'à chaque fois qu'il y a un échec, il puisse être le plus
rapide et le moins coûteux possible. C'est ça ce que nous devons réussir. Sortons
d'une habitude prise qui consiste à dire l'échec est un drame, s'il y a un
échec, il faut tout faire pour l'empêcher ; et il faut le rendre le plus
pénible pour tout le monde et donc à la fin le plus coûteux possible ; et y
avoir mis toute l'énergie du monde. Non. On va faire plusieurs paris
technologiques et d'acteurs. Ce n'est pas nous qui choisirons, c'est à la fois
les logiques scientifiques, d'innovation, d'organisation du marché et autres.
Mais il faut se mettre en situation de les avoir fait émerger vite, de leur
avoir donné les moyens, d'avoir été coopératifs pour faire émerger les nouveaux
acteurs, et d'avoir éliminé le plus vite possible nos échecs pour pouvoir
rebondir.
Voilà les quelques points de méthode qui, comme vous le voyez, correspondent à
une petite révolution culturelle pour nous tous. Mais c'est essentiel parce que
nous ne ferons pas la France de 2030 avec les termes, aussi culturels, qui ont
parfois conduit à des échecs relatifs ou des ratés par le passé. Voilà les
quelques points de méthode qui doivent présider aux travaux dans les prochains
mois pour que, début d'année prochaine, nous puissions finaliser tout cela.
Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais partager avec vous. Tout ce
travail va être dès à présent décliné, d'abord par cette équipe sous l'autorité
du Premier ministre. Ensuite, c'est un travail qui va impliquer l'ensemble des
partenaires sociaux, des organisations professionnelles, des collectivités
territoriales et l'ensemble des acteurs dans leurs différentes catégories que
j'évoquais. Mais ce qui m'importe, pour terminer mon propos, de vous dire,
c'est que je ne suis pas en train de vous parler d'un rêve impossible. Je suis
en train de vous parler d'un rêve faisable si on s'en donne les moyens. Mais
c'est parce que je crois profondément dans le moment que vit notre pays en
sortie de crise. D'abord parce qu'il y a une accélération du monde et
des transformations qui l’exige, et ensuite parce que je pense que nous ne
devons céder ni à un court-termisme qui fait perdre tout sens à l'action
publique, ni à une vision de long terme qui, en quelque sorte, nourrirait une
forme de défaitisme. Je crois dans un volontarisme lucide. Je pense que la
France est une grande nation qui a toujours été au rendez-vous de son histoire,
toujours. Même de manière extraordinairement inattendue. Parce que nous avons
l'esprit de résistance et l'esprit de conquête. J'ai défini les termes de ce
défi. Je pense que nous avons les moyens de le prendre. Mais tout le monde a
une part à y jouer : les étudiants ici présents, les chercheurs, les
enseignants, les entrepreneurs, les investisseurs, les fonctionnaires, les
responsables politiques, tout le monde dans sa part. Si nous nous mettons en
quelque sorte tous en ligne pour dire “La France doit redevenir une grande
nation qui choisit son destin et qui apporte sa contribution au monde pour
mieux vivre face à ces défis.” On commençait avec des défis qui pouvaient avoir
quelque chose d’accablant, je crois que nous pouvons terminer avec quelque chose
qui relève du rêve possible, de l'ambition faisable, en tout cas de celle que
je veux que, collectivement, nous nous donnions à nous-mêmes pour notre nation.
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