L’objectif du «grand parti démocrate» voulu par François Bayrou et défendu par le MoDem et désormais une partie de LaREM est de regrouper sous une seule bannière tout l’axe central qui va des libéraux progressistes de droite aux sociaux-libéraux réformateurs de gauche en passant par les libéraux sociaux du Centre.
Cet axe central s’est constitué de manière informelle ces dernières années de par la défense commune de la démocratie républicaine libérale de ses membres qui répondaient à une pression de plus en plus forte de ses ennemis qui veulent abattre ce régime ainsi que par leur volonté réformiste et leur vision progressiste.
Dans le paysage politique actuel de la France, une grande partie de ce mouvement central s’est uni derrière Emmanuel Macron depuis 2017 avec Agir, LaREM – à laquelle se sont ralliés d’anciens membres de LR et du PS –, le MoDem, Alliance centriste et, plus ou moins, le Parti radical ainsi que plusieurs personnalités venant d’horizons divers comme les écologistes Pascal Durand et Pascal Canfin.
Dans d’autres démocraties, on retrouve des alliances plus ou moins formelles comme par exemple la Grande coalition en Allemagne avec le gouvernement d’union entre le SPD et la CDU.
Tous ces partis et ces personnalités partagent nombre de points de vue et de positions en commun.
Pour autant, ils sont loin d’être identiques et chacun d’eux s’adresse à des électorats qui, s’ils sont proches, demeurent indépendants les uns des autres.
Sans les menaces puissantes qui pèsent sur la démocratie, on peut penser qu’ils seraient plus concurrents que partenaires.
De plus, aujourd’hui, il reste nombre de représentants de l’axe central qui ne font pas partie de la majorité présidentielle tels Yannick Jadot, Manuel Valls, Bernard Cazeneuve, Jean-Louis Borloo, Alain Juppé ou Jean-Pierre Raffarin.
En vue des prochaines échéances électorales de 2022, regrouper tout ce monde semble une bonne stratégie.
D’où un certain nombre d’initiatives prises au cours du quinquennat comme la «maison commune» proposée par les macronistes et, surtout, le «grand parti démocrate» issu des rangs bayrouistes et repris, donc, par la LaREM.
Dans celui-ci, idéalement pour ses partisans, on trouverait toutes les sensibilités de la majorité actuelle avec, en plus, tous ceux qui sont encore à l’extérieur de cette dernière.
Mais est-elle pour autant pertinente?
Si on se limite aux formations politiques de l’axe central, les additions dans ce domaine ont vocation à être toujours plus importantes que le score d’un parti unique parce que pour ratisser large, il faut souvent donner la possibilité de plusieurs choix notamment lors de premiers tour de législatives, quitte à s’unir pour le second.
Certains électeurs de la droite libérale auraient certainement du mal à voter pour un candidat estampillé à gauche et d’autres, sociaux-libéraux de gauche, pour un issu de la Droite.
L’exemple de l’UDF créé en 1978 pour soutenir l’action et la réélection de Valéry Giscard d’Estaing ainsi que de devenir le groupe dominant à l’Assemblée nationale, n’est pas pertinente parce que cette confédération était beaucoup plus compacte idéologiquement que ne l’est l’axe central et penchait essentiellement au centre-droit.
Pour autant c’est bien celui-ci que les promoteurs ont en tête pour mettre sur pied leur «grand parti démocrate»…
Ici l’union serait plus une fragilité qu’autre chose en vue des législatives.
Ce qui n’est pas le cas pour la présidentielle où des formations d’opinions diverses peuvent se regrouper derrière un candidat qui peut ratisser large sur une plateforme consensuelle ce qui a été le cas d’Emmanuel Macron en 2017, de Valéry Giscard d’Estaing en 1974 et de Charles de Gaulle en 1965.
Est-ce qu’il est par ailleurs possible à une personne estampillée à droite de côtoyer dans une même structure une personne qui se dit de gauche?
Pour les tenants de ce «grand parti démocrate», deux exemples semblent dire oui à ces deux questions: l’UDF française, dont je viens de parler, et le Parti démocrate américain.
Sauf que si l’UDF avait une «aile gauche», elle était riquiqui et peser pour pratiquement rien et que le Parti démocrate, lui, a une «aile droite» extrêmement minoritaire et dont on parle actuellement uniquement parce qu’un de ses rares représentants, le sénateur de Virginie occidentale, Joe Manchin, est dans la position d’imposer certains de ses points de vue conservateurs puisque le Sénat est composé d’autant de démocrates que de républicains (avec la voix de vice-présidente, Kamal Harris, présidente de la chambre haute selon la Constitution, et qui a le droit de voter pour départager l’égalité lors d’un scrutin).
Pour faire passer ses réformes, Joe Biden a absolument besoin de Manchin maisd ce dernier ne représente rien d’autre que lui au Parti démocrate.
En réalité, si une structure voit le jour, on peut penser qu’elle durera le temps de la prochaine campagne électorale, voire un peu plus longtemps, mais qu’en tout cas elle ne se changera pas en parti organisé.
Peut-être en confédération assez lâche mais sans doute pas plus.
D’autant que les plus grandes réticences à ce «grand parti démocrate» viennent de… ses propres initiateurs!
En effet, si ceux-ci rêvent de le constituer, chacun le veut à son profit exclusif.
François Bayrou qui était celui qui se battait pour une formation la plus inclusive vient de rétropédaler dès qu’il a compris que LaREM qui reprenait sa proposition uniquement pour le piéger en tentant à nouveau d’inclure son MoDem dans une structure dirigée par la formation présidentielle (c’était le but de la «maison commune»).
Dans l’optique première du président du MoDem, ce «grand parti démocrate» devait se saisir du moment où sa formation compte une cinquantaine de députés, du jamais vu depuis sa création en 2007, et où LaREM est en perte de vitesse pour devenir une sorte de parti attrape-tout de l’axe central qui aurait vocation à inclure petit à petit tous ses membres dont ceux d’En marche en 2022 ou 2027, selon la réélection ou non d’Emmanuel Macron, persuadé qu’il est que ce mouvement n’a pas d’avenir sans ce dernier au pouvoir.
Du coup, le voilà qui plaide désormais pour un parti où chacun garderait ses opinions et la liberté de les exprimer avec l’absence de toute direction unique mais plutôt un organe de coordination et, cerise sur le gâteau, qui serait représenté au Parlement par des groupes différents, du jamais vu!
Car, bien entendu, il ne peut dire aujourd’hui qu’il ne veut pas de ce «grand parti démocrate» à la sauce LaREM qui serait dirigé par les hommes du président alors que dans son esprit il voulait en faire la deuxième jambe de l’actuelle majorité présidentielle à égalité avec LaREM dont, évidemment, il serait le chef incontesté.
Du coup, on va sûrement assister à un jeu de dupes où chacun va faire de grandes déclarations d’amour pour ce «grand parti démocrate» tout en essayant de torpiller les projets de ses partenaires ce qui devrait aboutir, in fine, à une alliance électorale traditionnelle.
Parce que pour qu’il y ait un parti unique, il faudrait un perdant et l’on ne voit pas qui est prêt à se sacrifier pour l’union.
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