vendredi 23 juillet 2021

Une Semaine en Centrisme. Le centrisme de Biden correspond-il à l’Amérique d’aujourd’hui?

Joe Biden

La question de l’adéquation du centrisme prôné – et mis en œuvre – par le président américain avec la réalité de la société américaine actuelle se pose tant pour Joe Biden que pour les Etats-Unis mais également pour le Centrisme ainsi que pour la conception de la démocratie en ce début de troisième millénaire.

Sa recherche du consensus et du compromis, sa velléité de lutter contre le réchauffement climatique et de faire des Etats-Unis la première puissance verte de la planète, son ambition de réduire les injustices et les inégalités, sa volonté d’une nécessaire de régulation du capitalisme afin de restaurer une saine concurrence tout en combattant le néo-libéralisme sans foi ni loi, sa détermination à défendre la démocratie républicaine face à ses ennemis intérieurs – qui s’attaquent en particulier au droit de vote – et extérieurs, au premier desquels on trouve la Russie et la Chine, de rebâtir une Amérique à nouveau unie qui regarde de l’avant et à destination d’une classe moyenne élargie tout en retrouvant sa dignité sans pour autant stigmatiser quiconque, pour résumer, à suivre une politique progressiste de juste équilibre, sont-elles adaptées à la situation que vit le pays, notamment suite aux quatre années désastreuses de la présidence de Trump mais pas seulement, les cassures et les radicalités datant de bien avant, ayant commencé au début des années 1970 puis sous les ères Reagan et George W Bush?

Est-ce que dans une Amérique divisée où les lignes de partage politique vont jusqu’à la vaccination contre la covid19, les Etats démocrates ont un fort taux de vaccination alors que les républicains traînent en queue de peloton, dans un pays qui se voit attaquer quotidiennement par la Russie et désormais la Chine, cette dernière rêvant de devenir calife à la place du calife, c'est-à-dire première puissance mondiale à la place des Etats-Unis, une politique centriste peut réussir?

En réalité, le centrisme de Joe Biden est la seule réponse crédible et responsable afin d’éviter le délitement de la nation américaine tout en proposant des objectifs qui peuvent permettre d’éviter le déclin du pays.

Tout le programme du président américain, toutes les mesures qu’il a faites voter et qu’il veut faire adopter vont dans le sens d’une modernisation du pays, d’une répartition plus juste des richesses, d’une prise en compte des graves menaces qui pèsent sur l’avenir des Etats-Unis sans pour autant être idéologiquement extrémistes, leurs radicalités pour solutionner les problèmes étant, elles, évidentes.

C’est l’application de cette vision centriste où la réforme nécessaire et juste doit aboutir à contenter le plus de gens possible tout en étant progressiste.

En évitant de tomber dans le partisan primaire mais en se focalisant sur les vrais défis du pays, Joe Biden a fait globalement le bon choix.

Mais ce n’est pas parce qu’il s’agit de la meilleure réponse que celle-ci puisse être mise en œuvre et qu’elle ne comporte pas de risques importants.

Concernant la mise en œuvre, c’est évidemment les résistances, tant à gauche et surtout à droite à se mettre au travail ensemble qui sont les obstacles les plus lourds.

On n’a pas vu les républicains, à part une infime quantité d’entre eux, se déclarer ouvert simplement à la discussion et à adopter un discours de réalité, eux qui continuent majoritairement à prétendre que Trump a remporté la présidentielle…

Or, on ne peut contraindre les gens à s’unir, on ne peut les obliger au compromis et on ne peut faire le consensus tout seul.

Joe Biden parie sur sa capacité à convaincre et à sa longue pratique de la recherche de solutions bipartisanes notamment lorsqu’il était sénateur.

De même, il pense qu’une grande majorité de ses concitoyens peut être réunie autour de challenges importants comme par exemple un plan d’ampleur inégalée pour réparer, et remettre à niveau les infrastructures du pays qui est, dans ce domaine indigne de sa place de première puissance mondiale ainsi que de créer celles du futur.

Le succès de la loi sur l’assurance maladie voulue par Barack Obama et combattue pendant des années par les républicains radicaux et qui, dorénavant, fait l’objet d’un large consensus dans la population prouve que l’on peut s’entendre sur des priorités essentielles.

Cependant il ne faudrait pas croire que le 46e président américain est un doux rêveur irresponsable incapable de fermeté.

Il veut le compromis et le consensus quand cela est possible mais n’hésite pas à avancer lorsque cela est nécessaire ce qui permet d’ailleurs aux républicains qui refusent sa main tendue d’affirmer que son discours bipartisan n’est que de la poudre aux yeux…

Car certains voudraient croire que son centrisme et le Centrisme en général est une faiblesse plutôt qu’un projet politique dont les assises sont solides, une erreur qui leur fait faire tant des mauvaises interprétations et les met en porte-à-faux avec la capacité des centristes à avancer.

Reste la question de savoir, malgré tout, si le centrisme de Joe Biden ne comporte pas des risques trop importants au vu de la situation actuelle.

Ce souhait de l’union ne va-t-il pas paralyser son action?

On vient de répondre à cette première interrogation en expliquant que Biden n’a aucunement l’intention de renoncer à son programme mais qu’il veut simplement avancer avec le plus de monde possible quitte à faire des concessions sur tel ou tel point de tel ou tel plan comme il l’a rappelé récemment à propos de celui sur les infrastructures.

C’est pourquoi, d’ailleurs, il demeure ouvert à toute suggestion qui améliorerait les mesures à prendre.

Quant à un progressisme du juste équilibre, est-il compatible avec les défis qui se présentent aux Etats-Unis?

La première réponse serait d’en douter lorsque l’on fait une analyse de la situation politique du pays et que l’on constate tout le mal causé par Trump et ses complices (dont de plus en plus d’entre eux sont actuellement poursuivis en justice).

La virulence qui caractérise les positions des radicaux de gauche et de droite semble démontrer qu’une recherche consensuelle n’a aucune chance de réussir.

Surtout, la volonté du Parti républicain dans sa grande majorité de s’attaquer à la démocratie avec la restriction du droit de vote, sa propagation continue de fake news (comme celle affirmant qu’il n’y a pas eu de tentative de coup d’Etat lors des émeutes du 6 janvier dernier à Washington ou celle sur la covid19) tout en tentant de bloquer toute action politique du président (ainsi qu’il l’avait déjà fait pour Barack Obama en son temps) peut laisser penser que, non seulement, Biden perd son temps mais qu’il le fait perdre aux Etats-Unis qui n’ont pas ce luxe d’attendre sans rien faire.

Néanmoins, malgré ces inquiétudes, on le répète, il n’y pas d’alternatives fiable, plausible et recevable.

Alors oui, Joe Biden fait un pari – néanmoins calculé et sans faiblesse – mais l’on comprend bien que c’est le seul qui est une chance de réussir à réparer la nation américaine et, au-delà, à remettre la démocratie républicaine libérale à sa place d’étendard de l’Humanité afin d’empêcher les dictatures et autocraties de se poser en futur du genre humain.

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC

 

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