François Bayrou |
De déclarations en déclarations, François Bayrou tente depuis quelques mois de relativiser le combat contre le RN et l’extrême-droite.
Ainsi, lors de son interview sur LCI, hier, il a déclaré:
«Je ne suis pas un expert de l'extrême droite (?) et, comme vous savez que je ne me reconnais pas dans ses approches. Ma sensibilité est de ne pas faire du RN la question obsédante de la politique française, de ne pas faire du RN le sujet unique de toutes les élections qui viennent, de toutes les campagnes qui viennent et de toutes les batailles qui viennent, car c'est lui donner un coup de pouce formidable.»
Puis de préciser:
«Je refuse de considérer le RN comme la question unique de la politique française.»
Et d’y revenir encore:
«Je ne veux pas entrer dans le jeu qui consiste à ne parler que du RN.»
Quelques jours auparavant, il avait affirmé sur BFMTV:
«Je vais vous dire quelque chose qui peut-être est différent de ce que beaucoup de responsables politiques vous disent. Ce n'est pas en faisant du Rassemblement National l'épouvantail universel que des batailles se gagnent. Passer sa vie dans l'obsession de Marine Le Pen ou de sa famille, ce n'est pas du tout comme cela que l'on construit un pays.»
C’est assez surprenant venant d’un centriste mais peut-être pas aussi incongru que cela semble le paraitre au premier abord.
On peut comprendre en effet que le président du MoDem refuse de faire du RN et de l’extrême-droite le cœur du débat politique devant des défis aussi cruciaux qui se présentent à la France comme le réchauffement climatique, la reprise économique, le déclin démographique, le remboursement de la dette.
Ensuite, donner une importance démesurée au RN dont la candidate ne dépasse jamais jusqu’à présent les 30% dans les sondages en vue de la présidentielle de 2022, c’est focaliser de manière outrée l’attention sur un parti qui est très loin d’être majoritaire dans le pays et même en capacité de gagner des élections à lui tout seul.
Enfin, vouloir réduire l’affrontement politique à un duel entre Macron et Le Pen, LaREM et le RN, c’est moins parler des autres dont… François Bayrou et le MoDem qui deviennent a lors des appendices du président de la république et de son parti et pas seulement dans la lutte contre l’extrémisme.
Et puis, il y a peut-être les raisons plus ou moins cachées.
La première est que le RN est un allié objectif du MoDem dans la croisade initiée par François Bayrou pour faire adopter la proportionnelle aux élections législatives.
Car si le parti centriste serait gagnant si le système électoral changeait en ce sens, c’est avant tout la formation d’extrême-droite qui serait la mieux servie et Bayrou le sait pertinemment.
Même si le président du Mouvement démocrate met les formes en expliquant que la proportionnelle est une question d’équité politique et que le RN a droit à sa représentation légitime, le terrain demeure miné parce rien dans la proportionnelle n’est plus «naturel» que l’élection majoritaire à deux tours dans l’optique de permettre à un pays d’avoir un gouvernement stable capable de diriger sans avoir à faire constamment des petits arrangements pour trouver une majorité à l’Assemblée nationale.
La deuxième est que François Bayrou dans sa «conversion gaulliste» qui date plus particulièrement de la présidentielle de 2012, laboure certaines terres où le RN puise son électorat.
Ne pas être dans la critique systématique du RN, ce n’est évidemment pas préparer une alliance avec lui mais cela peut permettre de séduire des électeurs avec un discours qui, tout en restant patriote, flirte avec le nationalisme, la défense du pays profond –Bayrou met très souvent en avant son origine modeste et de terroir – et une certaine idée de la France aux valeurs chrétiennes.
Enfin, on n’oublie pas cet improbable «destin commun» entre le RN et le MoDem, tous deux accusés d’avoir utilisé l’argent de l’Union européenne pour combler leurs dettes et faire fonctionner leur organisation alors que celui-ci aurait du servir exclusivement à leurs députés européens.
Mais même si l’on enlève ces dernières motivations, le discours de François Bayrou vis-à-vis du RN est peu compréhensible.
D’abord, le RN est là et n’est pas une menace virtuelle.
La lutte contre l’extrême-droite n’est pas à venir car celle-ci est de plus en forte, elle séduit de plus en plus et elle bénéficie de l’aide de médias complaisants qui lui offre des temps d’antenne exorbitants, et même si on ne l’a pas souhaité, le combat s’impose à tous les démocrates, c’est une obligation, un devoir.
Ensuite, vouloir minimiser le danger que ce parti représente pour la démocratie est une erreur qui, au lieu, de l’affaiblir, le banalise au sens qu’il acquiert la même respectabilité que les formations démocratiques.
Cela permet à ceux qui votent pour lui et, surtout, ceux qui voudraient voter pour lui, de ne plus ressentir aucune culpabilité.
De même, cela permet de crédibiliser une parole qui est tout sauf responsable et basée sur le réel.
Et on se rappelle alors de ce que disaient les partis conservateurs allemands lorsqu’ils firent entrer Hitler au gouvernement après les bons résultats obtenus par les nazis aux législatives.
Selon eux, ils allaient le contrôler et, surtout, en le banalisant et lui donnant l’occasion de prouver ses capacités, démontrer qu’il n’était qu’un dangereux extrémiste irresponsable et mentalement atteint et qu’en conséquence, la population allait se détourner de lui et le renvoyer dans les bas-fonds d’où il venait.
On connait la suite…
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC
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