Emmanuel Macron |
Lors d’une conférence de presse avant le G7 et le sommet de l’OTAN, Emmanuel Macron a listé les quatre priorités de la politique extérieure de la France:
- Le multilatéralisme efficace à travers les causes et engagements, qu'il
s'agisse du climat, de la santé, de l'égalité, de la régulation du numérique ou
de la fiscalité internationale;
- La souveraineté européenne en matière économique, industrielle, technologique
et militaire;
- Une nouvelle relation et un New deal avec le continent africain;
- La gestion de crises régionales autour de la lutte contre le terrorisme, de
la défense des valeurs de la démocratie française et du respect de la
souveraineté de l'ensemble des Etats.
En outre, il a évoqué la nécessité de «bâtir un nouveau partenariat avec les Etats-Unis d'Amérique».
Un «partenariat de valeur» selon lui, c’est-à-dire une «alliance sur certains sujets», mais également un «partenariat lucide» où l’Union européenne doit gérer elle-même ses relations de voisinage et non être une simple courroie de transmission des Etats-Unis.
«Pour moi, la clé, c'est que les Européens restent unis» a-t-il ajouté afin de défendre «leur souveraineté commune» et «avoir aussi notre voie».
Car s’il doit y avoir «communauté de valeurs» avec les Américains, il faut aussi une «indépendance quand il s'agit de notre stratégie à l'égard de la Chine, quand il s'agit de notre stratégie à l'égard de nos voisins, qu'il s'agisse de la Russie ou de la Turquie» sans oublier une «responsabilité quand il s'agit de gérer nos voisinages, les Balkans, la Méditerranée, le continent africain».
Enfin, le président de la république a évoqué la fin de l’opération Barkhane au Mali tout en précisant qu’il ne s’agissait pas pour la France de se désinvestir de cette région cruciale dans la lutte contre le terrorisme islamiste mais de mettre en place une nouvelle phase de cette dernière avec ses alliés européens et africains présents sur le terrain.
►Déclaration en amont des Sommets du G7 et de l’OTAN
Nous sortons progressivement et je dis ça avec beaucoup
d'humilité et de prudence d'une période de pandémie extrêmement sévère dans
notre pays, sur le continent et partout dans le monde qui a testé notre
capacité collective à réagir et coopérer et nous allons avec en particulier la
nouvelle administration américaine avoir l'occasion de premier sommet, en
particulier le sommet du G7 présidé par le Royaume-Uni, puis un sommet de
l'OTAN. Ceci intervient quelques semaines après le Sommet sur le financement
des économies africaines que nous avons tenu à Paris. Ces échéances sont pour
moi à la fois l'occasion de faire redémarrer la coopération internationale sur
les grands sujets et de faire fonctionner plusieurs engagements et causes sur
lesquelles la France a investi beaucoup depuis 4 ans et des moments aussi de
clarification sur des sujets importants. Je voudrais concentrer mon propos
autour de 4 priorités qui ont sans doute structuré pour beaucoup notre
politique internationale durant ces dernières années.
D'abord, le multilatéralisme efficace à travers les causes et engagements,
qu'il s'agisse du climat, de la santé, de l'égalité, du numérique ou de la
fiscalité. Le deuxième axe, c'est celui de la souveraineté européenne. Le
troisième, c'est celui d'une nouvelle relation avec le continent africain. Et
le quatrième, c'est celui de la gestion de crises régionales qui s'est, depuis
ces dernières années, concentrée autour de la lutte contre le terrorisme, la
défense de nos valeurs et le respect de la souveraineté de l'ensemble des Etats.
Je crois pouvoir dire que la période actuelle va permettre d’obtenir des
résultats sur chacun de ces axes et aussi invite à des clarifications
utiles.
Premier point sur lequel je voulais revenir, c'est celui du multilatéralisme
efficace. Nous l'avons souvent défendu. Durant les 4 dernières années, les pays
européens ont défendu, soutenu en quelque sorte garanti ce multilatéralisme
efficace, alors que les Etats-Unis d'Amérique avaient décidé de quitter les
accords de Paris et renoncé à la coopération dans beaucoup de domaines.
Nous avons porté ensemble et la France y a joué son rôle avec plusieurs
initiatives et opérations, la défense de ce multilatéralisme. Et il me semble
que nous en avons posé des jalons importants lors du G7 de Biarritz. Sur les
sujets de santé, de climat, d'égalité sur chacun des points. Biarritz avait
posé des ambitions, des volontés et la synthèse pourra vous en être refournie,
qui sont en train de trouver des aboutissements concrets durant ces dernières
semaines et des derniers mois et pour certaines, vont se parachever à
l'occasion de ce G7. Et donc, pour moi, c'est vraiment le moment, je dirais, du
retour de la coopération pour permettre à ce multilatéralisme efficace de
pleinement fonctionner. Je vais essayer de revenir sur chacune de ces
thématiques.
La première est celle de la santé. Évidemment, la pandémie a testé notre
crédibilité en la matière. Alors, nous n'avons pas attendu celle-ci pour
défendre ce multilatéralisme. Je rappelle entre autres que nous avions, là
aussi, posé la volonté de renforcer le cadre multilatéral en matière de santé à
Biarritz que nous avions à ce moment-là souligné l'importance de financer l'OMS
et les cadres multilatéraux et que quelques semaines plus tard, nous avons tenu
à Lyon la conférence de financement du Forum mondial qui permet justement la
vaccination et la lutte contre les grandes pandémies, en particulier sur le
continent africain. Nous avions tenu nos engagements là où, à ce moment-là,
beaucoup d'autres avaient réduit et donc qu'il s'agisse de Lyon à l'automne
2019, de notre G7, nous avons ensuite poursuivi ce multilatéralisme en matière
de santé dès le début de la crise sanitaire et à mes yeux, l'initiative la plus
importante des derniers mois a été l'initiative dite ACT-A. Nous l'avons bâtie
avec les Africains. Nous l'avons défendue et portée dans le cadre du G20 et
nous avons construit une initiative dont l'objectif était de permettre de
donner la capacité aux pays les plus pauvres, en particulier à l'Afrique, de
résister à l'épidémie avec des tests, des diagnostics, des traitements et des
vaccins avec l'engagement de renforcer les systèmes primaires et avec
l'engagement, justement, de les financer. Je reviendrai sur chacun de ces
points. ACT-A a poursuivi son chemin et a permis de structurer l’initiative
Covax, ce don de vaccins, et cela en quelque sorte, arrive à un moment de
vérité lors de ce G7. C'est pourquoi, sur les questions de santé, ce G7 est un
moment de réengagement collectif et de clarification.
D'abord, il nous faut définir une cible. On échange sur les sujets de vaccins,
beaucoup d'objectifs et je me méfie des objectifs quand il s'agit d'additionner
des milliards sans calendrier précis et résultats à atteindre. Et je dois dire
que les échanges que j'ai pu avoir avec les Etats, en particulier africains,
puisque je pense que ce sont les Etats récipiendaires qui sont les mieux à même
de qualifier les objectifs que nous devons nous donner, m'ont convaincu qu'il
nous faut viser avant tout une cible de pourcentage de la population à
vacciner. Et c’est l'Agence de crises africaines CDC Africa a ainsi défini 60 %
d'Africains à vacciner d'ici la fin du premier trimestre 2022, avec un objectif
de 40 % pour fin de l'année 2021. C'est un objectif rehaussé par rapport à
celui que nous nous étions engagés à voir dans le cadre de Covax, qui est le
véhicule par lequel la communauté internationale, justement, s'était engagée à
fournir ces vaccins, qui n'était que de 20 %. Je pense que c'est le bon
objectif et c'est celui que nous devons endosser dans le cadre de ce G7. La
France est prête à y prendre toute sa part. Nous avons, comme vous le savez
d'ores et déjà, commencé à donner des doses. Nous nous sommes engagés pour
cette année et donc d'ici fin 2021, à donner 30 millions de doses. Comme les
Allemands se sont engagés à donner 30 millions de doses à date, ce qui permet à
l'Union européenne d'avoir au moins l'objectif de 100 millions. Je pense qu'il
nous faut, en fonction justement des accords, revoir ces objectifs nationaux et
régionaux pour pouvoir les caler sur ces objectifs de vaccination. Et ce que je
veux que la France endosse à due proportion de sa quote-part, c'est cet
objectif de 40 % de vacciner en fin d’année et 60 % à la fin du premier
trimestre prochain. Mais d'ores et déjà, nous avons effectué à date plus de 800
000 transferts de doses via Covax et 1,7 million seront faits à la fin du
mois alloué à 14 pays africains. Ce dont je parle là, ce ne sont pas des
engagements. Ce sont des livraisons déjà effectuées et je pense que c'est important
de les rappeler, 800 000 doses déjà effectuées via Covax par la France et 1,7
million à la fin du mois. Je me réjouis que les Etats-Unis rejoignent
pleinement l'initiative et s'engagent dans cette direction. A court terme, ça
c'est l'objectif, 40 % en fin d'année, 60 % fin du premier trimestre 2022 de
vaccination.
Comment y parvenir ? À très court terme, pour moi, la priorité doit continuer à
être le don de doses. C'est la voie que nous avons décidé de suivre. C'est
celle que je veux que nous puissions accroître dans le cadre des discussions
des prochains jours. Et c'est celle qui me paraît la plus efficace et la plus
juste. Pour la permettre et la renforcer, il nous faut aussi lever toutes les
restrictions à l'exportation. Et le G7 doit permettre de lever tous ces
obstacles. Nous le savons, il y a eu des interdictions d'export de plusieurs
pays membres du G7 qui ont bloqué la production dans d'autres pays et parfois
bloqué la production dans des pays à revenu intermédiaire, essentiel pour la
production de vaccins à destination des pays les plus pauvres. Je ne prends
qu'un seul exemple, l'Inde. L'Inde et en particulier le Serum Institute of
India, a été bloqué dans sa production par les restrictions à l'export
d'ingrédients nécessaires à la production de ces vaccins qui venaient de
certaines économies du G7. Il faut absolument les lever à la fois pour que
l'Inde puisse produire davantage pour elles-mêmes et pour très rapidement
fournir tout particulièrement aux Africains qui sont très dépendants de sa production.
Ensuite, nos mécanismes ne sont pas aujourd'hui uniquement faits de dons de
doses. D'autres veulent racheter des doses. Certains veulent aussi produire
pour donner. Ce sera le cœur de la stratégie américaine. Toutes les stratégies
sont évidemment bonnes à partir du moment où elles permettent d'atteindre notre
objectif de vaccination et de couverture des populations, conformément à
l'objectif de l'Organisation mondiale de la santé. Mais nous allons défendre un
point qui me paraît essentiel sur cette affaire, c'est la transparence.
Aujourd'hui, il n'y a pas de prix de référence pour le mécanisme Covax comme
pour les doses qui sont rachetées par celui ci comme vis-à-vis des pays
récipiendaires. La transparence des prix est un élément essentiel en termes de
justice et d'efficacité. Aujourd'hui, nous ne savons pas à combien Covax achète
les doses aux laboratoires pharmaceutiques. Ce faisant, les États africains,
qui, à juste titre, ont décidé aussi de compléter ces initiatives par des
achats propres, achètent bien souvent deux à trois fois le prix que nous
payons, nous, Etats les plus riches. C'est une injustice complète qu'il faut
ici corriger. Nous devons obtenir non pas la transparence des prix pour les
contrats qui lient les laboratoires avec les États les plus riches ou la
communauté internationale, cela relève du droit des affaires et nous voulons le
respecter. Mais pour les mécanismes de solidarité, il faut une transparence des
prix qui permettra d’avoir des prix de référence pour les États les plus
pauvres pour leurs achats.
Vient ensuite la question de la propriété intellectuelle. Et elle va jalonner
en effet le parcours de notre efficacité. Pourquoi ? Parce que je pense qu’il
nous faut dès maintenant nous organiser, j’en parlais hier avec les ONG les
plus investies sur ce sujet, pour permettre aussi aux pays les plus pauvres et
à revenus intermédiaires de produire pour eux-mêmes. A très court terme, il
nous faut donner et produire pour donner, mais il faut au plus vite permettre
aux économies qui le peuvent de produire pour elles-mêmes, et en particulier
pour l’Afrique. Je crois que c’est un sujet de considération mais c’est aussi
un sujet d’efficacité collective. Aujourd’hui, l’Afrique représente environ 20%
en termes de vaccins. Elle n’a la capacité de production que pour 1% des
vaccins.
C’est cet objectif que j’avais mis au cœur du déplacement fait il y a quelques
semaines, en particulier en Afrique du Sud après le déplacement au Rwanda. Et
nous avons d’ailleurs mené une initiative qui va exactement en ce sens,
conjointement avec l'Allemagne, les Etats-Unis d'Amérique et la Banque mondiale
à travers la SFI. Ce qu'il nous faut donc faire, c'est accélérer les transferts
de technologie et la mise en capacité de tous les pays qui le peuvent dans les
régions les plus pauvres ou à revenus intermédiaires pour produire. Ça ne
pourra pas couvrir les besoins dans les six mois qui viennent. Mais dans les
12-18 mois qui viennent, nous pouvons commencer sur la base de capacités
existantes à produire. Et surtout, c'est ce qui nous permettra de construire
notre résilience pour les pandémies à venir. Nul ne sait dire les besoins que
nous aurons dans le temps pour faire face au Covid-19 parce que personne ne
sait dire les besoins en termes de rappel que nous aurons. Mais à coup sûr,
nous aurons d'autres pandémies et nous avons, on le sait bien, d'autres vaccins
à produire. Sur ce sujet, nous devons nous engager à l'Organisation mondiale de
la santé, à l'Organisation mondiale du commerce pour garantir que la propriété
intellectuelle ne sera jamais un obstacle à l'accès aux vaccins. Et pour moi,
c'est le principe qui doit régir nos travaux. La propriété intellectuelle ne
doit jamais bloquer ces transferts de technologie et la capacité à produire.
C'est pourquoi nous avons décidé de mettre sur la table avec l'Afrique du Sud
pour ce G7 une proposition aussi permettant de travailler à une dérogation
limitée dans le temps et dans l'espace de cette propriété intellectuelle. Nous
défendons la juste rémunération de l'innovation et le respect de la propriété
intellectuelle. Il n'y a pas de grande innovation s'il n'y a pas une juste
rétribution de la propriété intellectuelle. Mais la nature des profits qui sont
faits aujourd'hui et leur magnitude justifient que, pour les pays qui le
peuvent, dans des cas délimités et durant le pic de l'épidémie, nous
réfléchissions, nous avancions et travaillions à ces dérogations en termes de
propriété intellectuelle qui permettront d'accélérer le transfert de propriété
et la production. C'est une proposition initiale de l'Inde et de l'Afrique du
Sud que nous avons retravaillée, que nous souhaitons encore travailler avec
l’OMS, l'OMC, nos partenaires. Mais j'espère qu'elle permettra justement un
accord lors de ce G7. Dans ce cadre-là, et pour compléter notre réponse sur ce
sujet, nous défendons également à court terme l'idée que le don de doses fait
par les États doit être complété par un don de doses des laboratoires
pharmaceutiques.
En effet, je veux ici rappeler que, par le passé, nous avons défini
collectivement de tels engagements pour le secteur privé. Nous avons su, en
particulier lors de l'épidémie de H1N1, définir des objectifs de dons de doses
par les laboratoires avec un engagement à donner 10% des doses vendues par
ailleurs. C'était ce que l'on a appelé le Pandemic Influenza Preparedness
Framework qui avait été adopté à la 64e Assemblée mondiale de la santé. Cet
objectif nous semble particulièrement pertinent. Nous vivons évidemment une
crise internationale. Les Etats, avec l'argent de nos concitoyens, de nos
contribuables partout dans le monde, ont massivement financé la recherche,
l'accélération de la recherche, l'achat de doses pour nous-mêmes, l'achat de
doses pour permettre de donner. Il est légitime que l'industrie pharmaceutique
contribue de manière proportionnée, sur la base de ce cadre déjà existant, à
cette solidarité. Voilà sur le sujet de la santé les principales attentes et
les objectifs que la France défendra qui permettent de compléter ACT-A et
d’aller plus loin, donner, produire pour donner et permettre aux pays les plus
pauvres et à revenus intermédiaires qui le peuvent de produire pour
eux-mêmes.
Le deuxième grand sujet c’est évidemment le climat. Sur ce point, les derniers
mois ont été marqués par le retour des Etats-Unis d’Amérique et je crois que
c’est la décision évidemment la plus structurante pour notre agenda
international. Durant 4 ans, l’Europe, en partenariat avec la Chine a préservé
le cadre de l’accord de Paris. Le retour des Etats-Unis d’Amérique marque une
avancée évidemment très structurante qui nous permet de conforter ce cadre même
s’il nous reste énormément de travail et l’objectif est maintenant un objectif
de mise en œuvre et d’accélération de cette mise en œuvre. L’Union européenne a
pris en la matière ces derniers mois, là aussi, des objectifs extrêmement forts
en rehaussant ses engagements pour 2030,- 55% d'émissions, et en endossant la
neutralité carbone pour 2050. Au mois d'avril dernier, les Etats-Unis
d'Amérique ont donné leurs propres engagements et donc c'est sur ce cadre que
nous allons nous réunir lors de ce G7 pour préparer le rendez-vous important de
la COP 26 de Glasgow. Avec quelques points auxquels nous tenons tout
particulièrement, au-delà évidemment de ces objectifs et maintenant de la mise
en œuvre à la fois des régulations, de tarification du carbone et des
investissements que chaque espace géographique va devoir faire, il nous faudra
évidemment avancer sur la finance climat. Je pense que le G7 est un cadre
adapté, et en particulier à la méthodologie et aux standards en matière de
finance climatique et nous, nous défendons l'idée d'avoir une standardisation
ad hoc en utilisant en particulier l'OCDE. Mais je pense que les Européens ont
un rôle important à jouer en la matière. Et là où nous avons délégué
historiquement les normes comptables aux Anglo-Saxons, je pense que notre rôle
historique est d'endosser la création de normes morales pour notre capitalisme,
qu'il s'agisse de normes environnementales ou sociales. C'est un agenda que je défends
depuis le début de mon mandat, que j'avais présenté à Davos, il y a maintenant
un peu plus de 3 ans et qui se met progressivement en œuvre avec en particulier
ce sujet de normalisation. C'est ce que nous avons en particulier défendu à
travers TCFD et nous allons faire la même chose aussi sur la biodiversité.
L'autre point, évidemment, c'est justement cet agenda de biodiversité. Nous
avons la COP 15 de Kunming en fin d'année. Nous aurons l'UICN à Marseille en
septembre et nous souhaitons, ancrée dans le cadre du G7, la lutte justement
pour préserver la biodiversité qui est complètement jumelle de notre combat
contre le dérèglement climatique. C'est le suivi à cet égard de l'OPS
biodiversité qui s'est tenue ici même en début d'année.
Troisième grand sujet sur lequel le multilatéralisme efficace avance et sera
consacré lors de ce G7, c'est la régulation du numérique. Ce sujet, et nous
aurons l'occasion à coup sûr d'en reparler, est essentiel pour nos démocraties.
Nous avons vu ces dernières années le dérèglement des esprits à l'œuvre sur le
numérique. Je vous le rappelle, au printemps 2017, nous avons — tout début de
l'été 2017 — lancé une initiative pour lutter contre les contenus terroristes
en ligne avec, à l'époque, la première ministre Theresa May. Nous avons dans un
premier temps, aussi fou que cela puisse paraître aujourd'hui, largement
échoué. Et au nom de la défense de la liberté d'expression, nous avions été
renvoyés en quelque sorte dans nos propres terrains de jeu. Les choses ont
avancé malheureusement. Et après le terrible attentat de Christchurch, en
Nouvelle Zélande, au printemps 2019, nous avons tenu ici même à l'Elysée, en
mai 2019, une réunion appelée l'appel de Christchurch qui a permis de réunir
plusieurs gouvernements et grandes industries de la technologie et des réseaux
sociaux pour mettre en place un premier cadre innovant, dans lequel nous nous
sommes engagés au retrait en une heure de contenus terroristes ou prônant le
terrorisme, mais aussi dans une méthode de coopération entre les Etats et les
acteurs du numérique. Cette méthode a eu des résultats. Nous avons eu des
résultats concrets parce que toutes les plateformes qui l'ont signées s'y sont
conformées. J'en veux pour preuve ce que d'ailleurs la France a eu à vivre à
l'automne dernier, lorsque nous avons eu à subir des attentats. Ce sont les
plateformes qui nous les ont signalés et qui ont retiré ces contenus en
premier, dans l’heure. Surtout, l'Europe est venue compléter cette avancée
puisque nous avons passé des textes juridiquement contraignants qui maintenant
mettent dans notre droit l'obligation de retirer en une heure ces contenus
terroristes. Il nous faut maintenant aller plus loin à deux égards.
Le premier, c'est d'élargir les pays membres de cet appel. Et à ce titre, en
mai dernier, nous avons eu une avancée substantielle puisque les Etats-Unis
d'Amérique ont acté leur décision de rejoindre l'appel de Christchurch. Ce qui,
évidemment, compte tenu du nombre d'entreprises présentes sur le sol américain
et incorporées aux Etats-Unis d'Amérique, est un élément transformant et je
m'en réjouis.
La deuxième chose, c'est d'avancer pour créer le cadre qui permettra, aussi
efficacement que nous l'avons fait pour le terrorisme, de lutter contre tous
les discours de haine en ligne : discours racistes, discours antisémites et
tous les discours aussi de harcèlement. Vous savez que nous avons poursuivi en
franco-français cet agenda, et nous allons le poursuivre jusqu’au bout. Nous
souhaitons le poursuivre au niveau européen à travers les directives qui ont
été proposées en fin d’année dernière par la Commission, qui sont le fruit de
cet agenda de Christchurch. Nous souhaitons aussi que dans le cadre
international, il y ait un engagement du G7 à aller dans cette direction. C’est
ce que nous portons pour véritablement avoir un multilatéralisme efficace en
termes de régulation de l’Internet et de ses contenus. C’est la seule condition
pour avoir un cadre efficace que nous porterons ensuite en G20 qui permet de
lutter contre un ensauvagement des esprits, et de la communication, et donc un
ensauvagement de notre nouvel ordre public mondial. Les algorithmes sont en
particulier un élément essentiel que nous devons viser dans ces régulations.
C’est à la fois un cadre coopératif avec ces réseaux et ces grands groupes, ces
grandes plateformes, mais nous avançons aussi toujours en même temps sur un
cadre plus contraignant puisque nous passons des législations nationales et
européennes pour le compléter. Cette initiative est la clé pour éviter - nous pourrons
y revenir si vous le souhaitez dans les questions - une fragmentation de
l’Internet mondial. Parce que ce qu’il se joue c’est notre capacité à réguler
l’internet mondial. Le risque sinon étant que des régulations de fait
s’imposent à nous qui soient structurées autour des préférences chinoises d’une
part, et des préférences américaines de l’autre. Ce pour quoi nous nous battons
là, c’est défendre nos valeurs, celles qui sont précisément au cœur du
multilatéralisme et de l’universalisme, bâti dans la deuxième moitié du 20ème
siècle.
Quatrième sujet essentiel de ce multilatéralisme efficace qui est presque la
poursuite de ce que je viens de dire, c'est la fiscalité internationale. Vous
le savez, depuis quatre ans, la France se bat pour que nous corrigions une
injustice profonde de notre organisation internationale. Le fait que des grands
groupes qui font des surprofits, parce qu'ils arrivent à optimiser grâce à la
numérisation de leur activité en particulier, ne payent pas leur juste part
d'impôts. C'est inexplicable pour nos contribuables et nos concitoyens. C'est
injuste pour nos entreprises, en particulier les PME ou les TPE qui, elles,
payent l'impôt alors qu'elles sont parfois sur le même secteur. Cet agenda,
nous l'avons porté. Nous nous sommes battus pour, à l'OCDE d'abord. Et cet
agenda, quel que soit le travail remarquable que l’OCDE et ses équipes ont mené
depuis le début, et je veux ici les saluer, a été bloqué par l'administration
américaine durant les quatre dernières années. Nous avons ensuite décidé de le
porter au niveau européen. Et il a lui-même en quelque sorte attendu les
avancées de l'OCDE. Et donc à quelques Etats membres, nous avons décidé de
mettre en œuvre nos taxes numériques pour aller de l'avant, ce qu'a fait la
France et ce qu'elle a assumé. Et au moment où nous sommes en train de vivre
une avancée, je veux ici quand même redire le rôle que nous avons joué, et
surtout le rôle que certains secteurs économiques français ont joué, qui ont
été en quelque sorte les victimes des représailles. Et au moment où nous sommes
en train d'enregistrer une victoire pour cette taxe internationale, j'ai une
pensée pour nos viticulteurs et beaucoup d'entreprises parfois modestes qui,
durant les deux dernières années, ont payé les sanctions de la rétorsion
américaine parce que nous avions mis en place une taxe numérique. C'est comme
ça que ça s'est passé, ne l'oublions pas. Il y a eu des gens pour être
contre. Il y a eu des gens pour avancer cachés. Je me félicite que nous n'ayons
pas avancé cachés, pour ce qui nous concerne, et que certains secteurs
économiques en ont payé le prix. Et je les en remercie parce qu'ils ont été en
quelque sorte les victimes collatérales de notre sens des responsabilités.
C'est pourquoi il est, je dirais évident, que nous attendons maintenant
uniquement la date que nous aurons toutes les assurances pour que de telles
taxes ne réémergent pas.
Je crois qu'il n'y a plus de sens à une conflictualité commerciale puisque nous
sommes tous d'accord et que nous allons enfin pouvoir mettre en place cette
juste taxation qui se construit autour de deux piliers, comme vous le savez,
l'un qui permet de taxer les surprofits et donc en particulier ceux des grands
groupes du numérique, et le deuxième qui permet de mettre en place un impôt
minimal d'au moins 15%, ce qui évite l'optimisation fiscale pour les grands
groupes. Les derniers détails techniques viendront dans les semaines qui
viennent, mais c'est pour l'économie française quelque chose qui tournera rond
entre 5 et 10 milliards d'euros sans doute, et pour les économies européennes
quelque chose qui tournera autour de 50 milliards d'euros. Et donc vous voyez
l'importance de ces avancées qui seront réelles autour de 2025. Donc il ne faut
pas mollir, mais la justice fiscale permet aussi d'avoir plus d'efficacité et,
en quelque sorte, d'alléger la charge d'autres contribuables. Cet accord a été
consacré au niveau des ministres des finances du G7. Nous allons l’endosser au
niveau des chefs d’Etat et de gouvernement. Début juillet, il sera porté dans
le cadre du G20. Et il sera parachevé dans un cadre inclusif qui est celui de
139 Etats pilotés par l’OCDE. Parce qu’évidemment une telle taxation est
efficace s’il n’y pas la moindre fuite de paradis fiscaux qui se tiennent hors
de ce cadre. Mais ce faisant, nous allons parachever un travail qui a commencé
depuis la crise financière de 2008-2010 et qui avait permis de mettre fin au
secret bancaire puis de mettre fin aux mécanismes d’évasion fiscale par érosion
des bases fiscales. Donc c’est une avancée massive pour une mondialisation plus
efficace et plus juste.
Dernier point en matière de multilatéralisme efficace, c’est justement la lutte
contre les inégalités. La pandémie a fortement accru ces inégalités et donc
nous devons nous engager pour là aussi renforcer nos propres investissements en
la matière. La France, comme vous le savez, est en train de voter une
trajectoire qui réhausse son aide publique au développement à très court terme
de 0,5%, 0,55% de notre production nationale et nous le porterons ensuite à
0,7%, mettant fin, ce faisant, à plus d'une décade de décrue ou stabilisation
de notre aide publique au développement. Et au cœur de cette lutte contre les
inégalités, nous souhaitons porter, comme nous le faisons là aussi depuis quatre
ans, la lutte contre les inégalités de genre. Nous l'avions mis au cœur du G7
de Biarritz, et le G7 de Biarritz a permis des avancées concrètes. Je veux en
citer deux : le mécanisme de financement pour l'entrepreneuriat féminin, que
nous avions lancé à Biarritz, dit AFAWA, porté par la Banque africaine de développement
et Angélique Kidjo, a permis de lever 1 milliard d'euros de financements pour
des projets d'entrepreneuriat féminin partout en Afrique. De la même manière,
nous avions lancé le bouquet législatif poussant chacun des Etats membres à
prendre des législations, comme d'ailleurs nous sommes en train de le faire.
Nous l'avons fait en France. Il a permis d'avancer dans plus de 14 pays
partenaires pour prendre des législations favorables à l'égalité femmes -
hommes, qu'il s'agisse d'égalité salariale ou d'égalité statutaire.
Nous souhaitons poursuivre évidemment ces avancées à l'occasion de ce G7, en
particulier nous prendrons des engagements pour le refinancement du Partenariat
mondial pour l'éducation que nous avions coprésidé il y a maintenant trois ans
avec le Sénégal pour la conférence de refinancement et nous flécherons 50% du
financement pour l'éducation des jeunes filles. Je le dis parce que c'est
un combat que nous menons là aussi depuis le début avec quelques autres, mais
en matière de lutte contre les inégalités, l'investissement dans l'éducation
des jeunes filles, tout particulièrement sur le continent africain, est
essentiel. Elle a reculé ces derniers mois à cause de la pandémie et à cause
des conflits qui se passent dans toute la région. Nous accroitrons notre
engagement en le fléchant sur l'éducation des jeunes filles. L'autre point,
c'est évidemment que nous préparons le travail à destination du forum
“Génération Égalité” que nous coprésidons avec le Mexique et ONU Femmes et qui
se tiendra ici même dans les derniers jours de juin et les premiers jours de
juillet, et qui permettra là aussi, 25 ans après Pékin, de nous battre pour
préserver les droits des femmes partout dans le monde, et y compris dans des
régions qui sont les plus proches de notre pays où ces droits sont bien souvent
menacés, qu'il s'agisse du droit des femmes à disposer de leur corps ou qu'il
s'agisse simplement de droit à avoir une juste place dans la société. Aux confins
de l'Europe, ces droits sont aujourd'hui remis en cause et ce rendez vous sera
absolument essentiel à cet égard. Voilà le principal et le premier point sur
lequel je voulais revenir, ce sommet du G7, comme vous le voyez, point d'orgue
en quelque sorte des derniers mois, c’est pour nous, grâce au retour de
l'administration américaine qui partage l'essentiel de nos convictions, grâce
aussi au travail que nous avons fait ces quatre dernières années, la
possibilité d'avoir des vrais résultats en complément de tout ce que nous avons
poursuivi ces derniers temps.
Le deuxième grand axe, et je serai beaucoup plus rapide, qui est pour moi au
cœur de ces jours à venir, c'est celui de la souveraineté européenne. Vous
m’avez souvent entendu défendre ce concept auquel je crois profondément, celle
d'une Union européenne qui a besoin de construire le cadre de son autonomie
stratégique en matière économique, industrielle, technologique, de valeurs
militaires. Nous avons un solide bilan à cet égard ces dernières années : une
Europe de la défense a avancé comme elle n'avançait plus depuis les années 50,
des coopérations renforcées, un Fonds européen de défense, des projets communs
en particulier franco-allemands que nous avons élargis à quelques autres
partenaires qui, ces dernières semaines, ont connu des avancées massives. Nous
avons réussi à présider un réveil en termes de souveraineté technologique sur
la 5G, mais aussi sur les composants essentiels, avec une Commission qui porte
beaucoup plus cet agenda et en particulier sur le plan, d’ailleurs, du
numérique, les directives DMA/DSA et nous avons bâti une souveraineté
économique et financière durant la crise inédite, en particulier grâce à
l'initiative germano-française de mai 2020 puis au sommet de juillet qui a
permis de bâtir une capacité d'endettement commune et un plan d'investissement
inédit.
Et cela, nous, nous arrivons à ce G7 et ce sommet de l'OTAN avec tout cet
héritage et pour moi le premier objectif, c'est que nos partenaires
reconnaissent cette nouvelle donne européenne et que nous sachions bâtir un
nouveau partenariat avec les Etats-Unis d'Amérique. Partenariat de valeur,
alliance sur certains sujets, mais aussi partenariat lucide qui consiste à dire
que notre voisinage, c'est à nous de le gérer parce que nous avons aussi appris
de l'histoire collectivement et de tout particulièrement l'histoire des 20
dernières années. Et c'est dans cet esprit que j'aborde, justement, ce G7 est
ce sommet de l'OTAN. Je me félicite du réengagement américain dans le concert
des nations et dans ce multilatéralisme coopératif. Et pour moi, la clé, c'est
que les Européens restent unis. Et attentif à leur souveraineté commune et que
nous puissions avoir aussi notre voie, communauté de valeurs, mais indépendance
quand il s'agit de notre stratégie à l'égard de la Chine. Indépendance quand il
s'agit de notre stratégie à l'égard de nos voisins, qu'il s'agisse de la Russie
ou de la Turquie. Responsabilité quand il s'agit de gérer nos voisinages, les
Balkans, la Méditerranée, le continent africain.
À ce titre, 3 choses sont à mes yeux essentielles pour le sommet de l'OTAN qui
vient. Le premier, c'est que précisément, ces efforts de consolidation soient
respectés dans le dialogue et que l'autonomie stratégique capacitaire des
Européens soit reconnue. La France a, en 2020, investi 2 % de son produit
intérieur brut dans sa défense des sujets militaires. La deuxième chose, c'est
que nous mettions en œuvre le rapport des Sages. Là aussi, l’esprit de
responsabilité et de continuité. Je faisais le suivi du G7 de Biarritz de l'été
2019. Il faut faire le suivi du sommet de 2019 et en quelque sorte de cette
sonnette d'alarme que j'avais tirée au sujet de l'OTAN. Il y a eu un rapport
des Sages. Qu'est-ce qu'il dit ? L'OTAN doit clarifier ses valeurs communes.
L’OTAN doit bâtir une règle de conduite entre alliés et l'OTAN doit clarifier
son concept. Il sera scandé par le travail de boussole stratégique sous
présidence française de l'Union européenne, puis, quelques mois plus tard, la
clarification et la finalisation du concept otanien par l'ensemble de ses
membres. Je pense que ce rendez-vous lundi prochain doit être l'occasion
justement de consacrer cet agenda, l’avancer le fait que l'OTAN doit bien
clarifier quel est son rôle et sa stratégie à cet égard et surtout, ancrer cet
apport du rapport des Sages, c'est-à-dire les règles de conduite entre Etats
membres. Et le troisième point qui me paraît très important dans ce contexte,
c'est que nous assumions, nous, Européens, d'être les acteurs de la maîtrise des
armements sur notre sol. Je pense que c'est un sujet essentiel pour les mois et
les années qui viennent. Le traité FNI ayant été dénoncé par les Etats-Unis
d'Amérique en 2019 non respecté par la Russie. Nous ne pouvons pas accepter de
revenir à une grammaire qui serait celle de la guerre froide. L'Europe n'est
pas simplement un objet ou un territoire de la répartition des influences. Nous
sommes un sujet de la géopolitique internationale et nous devons l'assumer. Les
Européens ont donc à décider pour eux-mêmes de la maîtrise des armements qui
les concerne. La France, en tant que puissance dotée membres permanents du
Conseil de sécurité et qui assume d'être une puissance dotée et qui a investi
dans la composante nucléaire, entend bien porter, justement, ses valeurs, sa
place dans ce dialogue.
Troisième axe des prochains jours, c'est cette nouvelle relation avec l'Afrique
et le New Deal avec l’Afrique. Je serai très rapide sur ce point, mais il
m'importe parce qu'il est aussi le fil rouge de ce que nous faisons depuis le
début du discours de Ouagadougou du G7 présidé par la France, où nous avons,
pour la première fois associé, les Etats africains à la construction de notre
propre agenda. Ils étaient partie prenante de ce G7 jusqu'à ACT-A que nous
avons bâti avec les Africains et aux initiatives pour le vaccin que nous
construisons ensemble. J'arriverai à ce G7 avec la même conviction. Là aussi,
les Africains ont à être partie prenante des ambitions que la communauté
internationale a à leur égard. Et c'est essentiel. C'est pour ça que pour les
vaccins, je considère que nous devons prendre les objectifs de l'Union
africaine et de l'Afrique et nous devons avancer sur cet agenda avec eux. Le
cœur, au-delà de ce que j'ai déjà dit en matière de santé, de ce que nous
voulons porter pour l'Afrique est en matière de financement des économies
africaines et de faire le suivi du sommet de Paris. Pourquoi ? Parce que si
l'Afrique a vécu un choc sanitaire comme nous tous, elle a vécu un choc
économique d'une ampleur inédite. Les fermetures d'économies, la fermeture du
commerce international, les restrictions ont un impact sur le continent
africain sans égal par rapport aux nôtres, et les économies africaines n'ont
évidemment pas nos capacités budgétaires. Mais elles n'ont pas non plus nos
instruments monétaires. Tous les grands espaces économiques du monde ont joué
avec une politique monétaire extrêmement accommodante durant cette période. La
Chine avec son propre système, les Etats-Unis avec la Fed et la zone euro avec
la BCE. L'Afrique n'a pas eu ces mécanismes et donc les besoins de financement
créés par la crise Covid sont au bas mot de 290 milliards de dollars entre
aujourd'hui et 2025. Et je dis bien au bas mot. Ce n'est pas qu'un esprit de
solidarité, c'est un devoir aussi d'efficacité, comme pour le vaccin. L'Afrique
est le continent le plus jeune du monde. 70 % de sa population a moins de 25
ans. C'est un continent qui, chaque année, accroît sa part dans la
population internationale. Il représentera d'ici 2050, au bas mot, un quart de
celle-ci, de cette population sur toute sa jeunesse. Si nous laissons l'Afrique
face à ses besoins de financement, nous prendrions la même responsabilité que
nos alliés ont prise au sortir de la Deuxième Guerre mondiale en laissant
l'Europe face à ses dettes. C'est un élément de lucidité de la communauté
internationale, et en particulier des Européens, dans le moment où nous parlons
d'aider l'Afrique, de l'aider pour elle-même et de l'aider pour nous-mêmes,
parce que nous devons changer cette relation, ne plus avoir une relation de
défiance, de sécurité, de migration subie, mais permettre aux économies
africaines de bâtir l'avenir de leur jeunesse en leur redonnant les leviers
pour se faire.
À très court terme, ceci passe par un investissement massif dans les économies
du continent africain. Nous avons plaidé depuis novembre de l'année dernière,
lors du Forum mondial de Paris pour la paix, pour une émission exceptionnelle
de droits de tirage spéciaux du Fonds monétaire international. Qu'est-ce que
c'est ? C'est une augmentation de capital du Fonds monétaire international qui,
en quelque sorte, vaut création monétaire pour les économies qui en sont
actionnaires. L'administration américaine nouvelle a soutenu ce projet. Nous
sommes, nous avons donc bâti un accord pour avoir 650 milliards de droits de
tirage spéciaux. Résultat historique. Si les clés de répartition du FMI sont
mécaniquement appliquées, ceux-ci ne représentent que 33 milliards pour
l'Afrique, dont 24 milliards pour l'Afrique subsaharienne, c'est-à-dire un
dixième du besoin. Pour ce faire, il nous faut, nous, pays les plus riches,
réallouer nos droits de tirage spéciaux pour les leur reverser. C'est là que se
joue la solidarité. La France s'est engagée lors du sommet de Paris à le faire
pour qu'il y ait au moins 100 milliards qui aillent vers les Africains. La
vérité, c'est qu'il nous faudrait viser 150. Nous ferons le maximum pour avoir
ce consensus. Cela suppose que nous ayons l'accord évidemment des Etats-Unis
d'Amérique et la décision du Congrès et du reste de nos partenaires européens.
Le rendez-vous du G7 doit permettre d'obtenir cet accord historique avec comme
objectif d'avoir au moins 100 milliards de droits de tirage spéciaux qui vont
vers l'Afrique. C'est un début essentiel. Ce mécanisme devrait être complété
par un accord pour vendre aussi une partie de nos réserves d'or et financer ses
investissements. Pourquoi ? Parce que les réserves d'or du FMI ont augmenté en
valeur au bénéfice de la crise. Parce que l'or a été une valeur refuge.
Utilisons ce surprofit pour justement le donner aux pays les plus pauvres, en
particulier africains, qui en ont aujourd'hui besoin. Pas dans 20 ou 30 ans,
aujourd'hui.
Troisième point nous devons aussi œuvrer pour permettre aux banques régionales
africaines d'utiliser ces droits de tirage spéciaux, ce qui leur permettra
d'avoir un effet de levier et d'être des vrais partenaires de leur
développement. Nous défendons le fait que l'Union africaine, la Banque
africaine de développement, les autres banques régionales puissent bénéficier
de ces droits de tirage spéciaux et les utiliser pour faire davantage de dons
et prêts à leurs économies. Enfin, nous portons de compléter cette initiative
par deux éléments. Le premier, un investissement massif du secteur privé. C'est
pour cela que nous avons lancé l'Alliance justement pour l'entrepreneuriat et
l'investissement privé, en lien avec la SFI, filiale du Groupe Banque mondiale,
et d'autre part, par la reconstruction du cadre budgétaire et financier international
du FMI et de la Banque mondiale. Les règles aujourd'hui de déficit, de suivi du
déficit et de réformes du FMI doivent être retravaillées en partenariat avec
les États récipiendaires. Là aussi, par respect et par cohérence, toutes les
économies du monde ont revu leurs dogmes budgétaires, nous-mêmes Européens,
avons levé les contraintes que nous nous étions imposées à nous-mêmes il y a
près de 30 ans. Pourquoi continuer à imposer le même cadre aux économies
africaines alors que leur défi est encore plus grand que le nôtre compte tenu
de leur réalité démographique ? Il faut repenser ce cadre et accepter, en tant
qu'économie du G7, de porter cette action.
Enfin, et je m'arrêterai sur ce point, la gestion des crises, je ne les
couvrirai pas toutes. Mais nous parlons de gestion des crises. Je veux là aussi
poursuivre et conclure sur l'Afrique. La gestion des crises, pour ce qui nous
concerne depuis 4 ans, a consisté à suivre quelques fils rouges.
D'abord, nous engager partout où il fallait lutter contre le terrorisme
international, et en particulier le terrorisme islamiste. Parce que nous avons
été touchés sur notre sol et parce qu'ils déstabilisent des régions voisines et
amies. Le Proche et Moyen-Orient, depuis trop d'années, avec la question,
évidemment, de notre implication dans le cadre de la coalition en zone irako-syrienne,
mais aussi avec le dossier iranien et d'autre part l'Afrique, puisque
l'épicentre aujourd'hui du terrorisme international s'est déplacé en Afrique
durant les deux dernières années.
Deuxième principe qui nous a toujours guidé, c'est de défendre nos valeurs. Et
là aussi, partout d'intervenir devrait pour que les valeurs que nous défendons
dans le cadre international soient promues, défendues, respectées.
Le troisième principe, c'est de respecter la souveraineté des Etats. C'est une
grammaire à laquelle, je crois, vous m'avez aussi souvent entendu dire et je ne
pense pas qu'on puisse se substituer à un peuple souverain pour construire son
bien à la place de lui-même. On peut influencer, on peut œuvrer, on peut durcir
avec les Gouvernements. Je ne crois pas à une politique qui consiste à se
substituer à lui. C'est d'ailleurs ainsi que nous avons constamment œuvré au
Proche et Moyen-Orient comme en Afrique. En la matière, comme vous le savez, la
France s'est engagée depuis maintenant un peu plus de 8 ans au Sahel après
l'intervention salutaire décidée par le Président François Hollande au Mali,
qui a permis de sauver Bamako et de stopper la déstabilisation de l'Etat malien
à la demande de celui-ci et de la Cédéao, nous nous sommes ensuite installés à
la demande des Etats souverains de la région et de la Cédéao, dans une
opération dite Barkhane de longue durée qui a structuré la protection de ces
Etats contre le terrorisme justement islamiste dans toute la région, la menace
contre leur souveraineté étatique.
Beaucoup de nos soldats sont tombés. Et en vous disant ça, j'ai une pensée
profonde pour eux, pour leur famille, parce que nous leur devons la cohérence,
la poursuite de la mission jusqu'au bout et la clarté à l'égard de nos
missions. J'ai eu l'occasion de repréciser le cadre de notre intervention lors
du sommet de Pau au début de l'année 2020, de faire le suivi de celui-ci au
début de cette année à N'Djaména. Et nous arrivons aujourd'hui à un moment qui
impose de mettre en œuvre ce que j'avais commencé à définir à Pau, ce que nous
avions conçu en fin d'année dernière et que je n'avais partagé avec nos
partenaires parce que le temps est venu. La poursuite de notre engagement au
Sahel ne se fera pas à cadre constant. Nous allons, avec nos partenaires
engagés à nos côtés, mais aussi avec les pays de la région, parce que j'ai toujours
eu ce souci de les associer et de travailler avec eux, tirer les enseignements
de ce qui a fonctionné, notamment les évolutions que nous avions impulsées
justement à Pau, puis à N'Djamena. Mais tirer aussi les enseignements de ce qui
n'a pas fonctionné. La présence durable dans le cadre d'opérations extérieures
de la France ne peut pas se substituer au retour de l'Etat et des services de
l'Etat, à la stabilité politique et au choix des Etats souverains. Nous ne
pouvons pas sécuriser des zones qui retombent dans l'anomie parce que des États
décident de ne pas prendre leurs responsabilités. C'est impossible, ou alors
c'est un travail sans fin.
C'est pourquoi, à l'issue de consultations que nous conduirons avec nos
partenaires, en particulier nos partenaires américains qui jouent un rôle
essentiel depuis le début et je veux ici les en remercier, et nos partenaires
européens, qui sont aussi à nos côtés, en particulier dans le cadre de l’EUTM,
nous amorcerons une transformation profonde de notre présence militaire au
Sahel, dont les modalités et le calendrier seront précisés dans les semaines à
venir et je le ferai d'ici à la fin du mois de juin, mais je vais initier ce
travail dès les jours prochains. Cette transformation se traduira par un
changement de modèle. Il impliquera le passage à un nouveau cadre c'est-à-dire
la fin de l'opération Barkhane en tant qu’opération extérieure pour permettre
une opération d'appui, de soutien et de coopération aux armées des pays de la
région qui le souhaitent et de la mise en œuvre d'une opération militaire et
d'une alliance internationale associant les Etats de la région et tous nos
partenaires strictement concentrés sur la lutte contre le terrorisme. Ce
nouveau cadre préservera nos engagements auprès de nos partenaires engagés à
nos côtés dans la force Takuba et dans l'opération EUTM qui devront poursuivre
leur montée en puissance. EUTM sera un des éléments de la formation de toutes
les armées partenaires et Takuba sera le pilier de cette force de lutte contre
le terrorisme. Les armées françaises en seront évidemment la colonne
vertébrale, mais elles seront complétées par les forces spéciales des armées de
la région partenaires qui le souhaiteront et le pourront, et évidemment par les
forces spéciales de nos partenaires européens. Beaucoup d'entre eux s'étant
déjà engagés à nos côtés dans ce cadre. Ces évolutions, nous allons les
travailler dans les prochaines semaines et elles seront présentées dans le
cadre de la Coalition pour le Sahel que nous avons mise en place lors du sommet
de N'Djaména et qui se réunira justement très prochainement et j'aurai à les
présenter dans le détail à la fin du mois de juin.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Les commentaires anonymes ne sont pas publiés ainsi que ceux qui seraient insultants ou qui ne concernent pas le Centre et le Centrisme.