Emmanuel Macron |
Dans une interview au quotidien Le Figaro centré sur les problèmes de sécurité, «enjeu majeur pour le pays», Emmanuel Macron dit se battre pour «le droit à une vie paisible».
De même, il estime que le combat pour la sécurité – avant tout social – est un combat pour la liberté.
Et d’affirmer: «Jamais je n’accepterai que l’on s’attaque à ceux dont le métier est de nous protéger», un message à l’attention des forces de l’ordre durement critiquées par la Gauche qui dénonce leur violence excessive et particulièrement défendue par la Droite qui estime qu’elles sont victimes de plus en plus de violence.
Selon lui, «il n’y a pas de violence systémique de la police, c’est faux ; il n’y a pas de racisme systémique de la police, c’est faux, pas plus qu’il n’y en a dans la gendarmerie ou au sein de l’État».
Néanmoins, précise-t-il:
«J’ai dit et je répète aussi que le respect suppose l’exemplarité. C’est
pourquoi j’ai toujours demandé à nos policiers et nos gendarmes d’être
irréprochables dans leurs comportements.»
Des forces de l’ordre qui doivent pouvoir travailler partout et ne laisser aucun territoire à la délinquance:
«Je tiens à ce que la police aille partout, en particulier dans les zones où s’est installée une délinquance chronique»
«Et elle le fait», ajoute-t-il pour s’en persuader.
Et de dresser le constat ainsi que l’affirmation d’une
volonté:
«Je suis lucide et je regarde la réalité en face: depuis plus de trente ans
certains quartiers et certaines rues sont devenues invivables pour nos
concitoyens, et notamment pour les plus modestes, les plus fragiles: la personne
âgée qui va faire ses courses, la femme qui rentre seule le soir du travail.
Non. Ce n’est pas l’idée que je me fais de ce que la République doit aux
Français.»
En outre, il s’est félicité que la loi permette désormais la création de polices municipales: «En matière de sécurité comme dans d’autres, quand État et communes avancent main dans la main, comme cela a été illustré dès juillet dernier à Nice, c’est une bonne nouvelle pour les citoyens».
Concernant le terrorisme islamique, il estime que «l’islamisme qui cherche à détruire nos démocraties et notre civilisation n’a en rien désarmé».
Mais s’il faut lutter contre les «séparatismes», «il ne faut pas confondre islam et islamisme: ce serait tomber dans le piège des terroristes».
«Lutter contre les séparatismes, poursuit-il, c’est défendre les principes républicains et la laïcité en sachant isoler le mal, en le nommant.»
Enfin, s’il s’élève contre toute discrimination en rapport à
l’origine et à la couleur de peau, il précise:
«je ne valide pas le concept de
«privilège blanc», ni celui de
«racisme systémique», parce que je ne valide pas la négation
absolue des principes républicains que porte cette idéologie. Je crois en
revanche que la République sera d’autant plus forte face à ces mouvements qui
entendent la fracturer, voire la détruire, qu’elle tiendra toutes ses promesses
en luttant contre les discriminations, les injustices, en donnant sa chance à
chacun. La République au concret, c’est le meilleur remède contre les
séparatistes de tous horizons.
► Voici les propos d’Emmanuel Macron
- Le pays est le
théâtre d’affrontements, de règlements de comptes et de faits divers. Depuis
quatre ans ces violences, qui ciblent aussi la police, ne cessent d’augmenter.
Pensez-vous, comme votre ministre de l’Intérieur, que la France est menacée
d’ensauvagement?
Dépassons le débat sémantique, nous avons trop souvent le chic pour passer
des semaines à polémiquer sur des mots. Celui d’ensauvagement a été d’abord utilisé
par l’extrême-droite ; en d’autres temps, mon ami Jean-Pierre Chevènement
avait, lui, parlé de
«sauvageons». La réalité est que, depuis 2017, si la France connaît
une baisse entre 18 et 25% des vols avec violences, cambriolages et des vols de
véhicules, elle doit faire face, c’est vrai, à une forte augmentation des
violences sur les personnes. Mettons un peu à part le rebond de 38% des
violences intrafamiliales et des violences sexuelles, clairement dû à la
salutaire libération de la parole des victimes et à la mobilisation des forces
de l’ordre. Il reste la progression des violences du quotidien, qui visent tout
particulièrement les détenteurs de l’autorité: les agressions dont ils sont
victimes ont doublé en quinze ans. Les policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers,
élus sont les principales victimes de la progression de la violence dans notre
société.
-Comment expliquer ce mal qui ronge le pays?
Il ne date pas d’hier, il n’est pas propre à la France, mais il s’est sans
doute accéléré sous l’effet d’une désinhibition provoquée par les réseaux
sociaux et la culture de l’anonymat. Si nous nous mobilisons avec force, c’est
parce que ce combat est essentiel. C’est un combat pour la liberté, dont la
condition première est la sécurité. C’est un combat social: la violence s’ancre
d’abord dans les quartiers les plus pauvres, parfois délaissés au point que les
difficultés économiques et sociales se sont enkystées, elle touche d’abord les
plus modestes. Tous ont le droit de prétendre à une vie calme, où qu’ils habitent.
Je me bats pour le droit à la vie paisible.
- Justement, dans l’affaire des policiers brûlés à Viry
Chatillon, cinq condamnations seulement viennent d’être prononcées en appel
alors qu’on jugeait treize assaillants. Les avocats des victimes parlent de «naufrage judiciaire».
Que leur répondez-vous?
Une décision de justice a été rendue. Il ne m’appartient pas de la
commenter. Mais j’ai avant tout une pensée pour les victimes, leur famille et
tous les policiers et tous les gendarmes de France. Les actes commis sont
ignobles et d’une rare cruauté. Ils resteront gravés dans nos mémoires. Jamais
je n’accepterai que l’on s’attaque à ceux dont le métier est de nous protéger.
C’est aussi pour cela que j’ai voulu augmenter le budget des forces de sécurité
de 1,7 milliard depuis mon élection. Pour que les policiers et les gendarmes
soient mieux équipés, que leur sécurité soit mieux assurée. Mais il faut que la
nation toute entière se mobilise: nous devons lutter contre toute forme
d’impunité.
- La violence n’est donc pas une fatalité?
Non, pas du tout et nous la combattons pied à pied. Quand nous sommes
arrivés au pouvoir, la France, meurtrie par les attentats, vivait sous le
régime de l’état d’urgence. Au début du quinquennat, nous avons concentré nos
efforts à la lutte anti-terroriste. Ce fut le cœur du travail de Gérard Collomb.
Nous avons musclé le renseignement territorial, tant sur le plan technologique
que sur le plan humain, mais aussi fait monter en puissance la Direction
générale de la sécurité intérieure et créé le renseignement pénitentiaire. Nous
avons par une loi fondatrice permis de sortir de l’état d’urgence tout en
durcissant l’arsenal législatif et bâti un nouveau parquet national
antiterroriste. Et les résultats sont là, je ne laisserai personne prétendre le
contraire. Nos services ont ainsi déjoué 35 attentats. Sans relâcher en rien
nos efforts en ce domaine, nous avons ensuite décidé d’accentuer notre action contre
les trafics de stupéfiants, qui explosent. Christophe Castaner, Laurent Nuñez
ont lancé ce travail ; Gérald Darmanin l’a décliné sur tout le territoire
national. Ces trafics forment la matrice économique de la violence dans notre
pays. Les éradiquer par tous les moyens est devenu la mère des batailles,
puisque la drogue innerve certains réseaux séparatistes mais aussi la
délinquance du quotidien, y compris dans les petites villes épargnées
jusqu’ici. Ne laisser aucun répit aux trafiquants de drogue, c’est faire
reculer la délinquance partout.
- L’éradiquer, mais comment?
Après avoir créé un Office anti-stupéfiants particulièrement puissant, nous
passons à la vitesse supérieure: harceler les trafiquants et les dealers. Sur
les 4 000 points de deal répertoriés récemment, plus de 1 000 opérations «coup de poing» ont été
réalisées ces dernières semaines. Et chaque jour, nous fermons un point de
deal. Allez voir dans les quartiers comment cela change la vie! Autre
instrument: 70.000 amendes forfaitaires délictuelles ont été dressées depuis
septembre dernier. Ça veut dire quelque chose de clair: si vous vous faites
prendre comme consommateur, vous savez que vous allez devoir payer et que vous
n’allez pas y échapper. Ça change le rapport de force.
- Et pourtant, il existe toujours en France des zones de
non droit où prospèrent les dealers, mettant en échec votre stratégie de «reconquête républicaine des
quartiers»?
Je suis lucide et je regarde la réalité en face: depuis plus de trente ans
certains quartiers et certaines rues sont devenues invivables pour nos
concitoyens, et notamment pour les plus modestes, les plus fragiles: la personne
âgée qui va faire ses courses, la femme qui rentre seule le soir du travail.
Non. Ce n’est pas l’idée que je me fais de ce que la République doit aux
Français. Je tiens à ce que la police aille partout, en particulier dans les
zones où s’est installée une délinquance chronique, et elle le fait. C’est pour
cela que nous avons ciblé 62 quartiers de reconquête républicaine -, dont 58
ont déjà été mis en place, qui captent l’essentiel des renforts en sécurité
publique. La Goutte-d ’Or à Paris ou Lille-sud sont ainsi devenus des quartiers
témoins, où nous avons injecté des moyens massifs pour changer en profondeur le
quotidien de nos concitoyens. On doit franchir encore des étapes.
- C’est-à-dire?
J’évoquais les amendes forfaitaires pour sanctionner la consommation. Je
crois qu’il faut aller encore plus loin, provoquer une prise de conscience. À
l’inverse de ceux qui prônent la dépénalisation généralisée, je pense que les
stups ont besoin d’un coup de frein, pas d’un coup de publicité. Dire que le
haschisch est innocent est plus qu’un mensonge. Sur le plan cognitif, les
effets sont désastreux. Combien de jeunes, parce qu’ils commencent à fumer au
collège, sortent totalement du système scolaire et gâchent leurs chances? Et je
ne parle même pas des effets de glissements vers des drogues plus dures. La
France est devenu un pays de consommation et donc, il faut briser ce tabou,
lancer un grand débat national sur la consommation de drogue et ses effets
délétères. Ceux qui prennent de la drogue – et cela concerne toutes les
catégories sociales – doivent comprendre que non seulement, ils mettent
leur santé en danger, mais qu’ils alimentent aussi le plus grand des trafics.
On se roule un joint dans son salon et à la fin on alimente la plus importante
des sources d’insécurité…
- La loi
«Sécurité globale», dont l’article 24 relatif à la diffusion des
images des forces de l’ordre en action a fait beaucoup de bruit, n’est-elle pas
finalement en deça de vos attentes, et de celles des policiers?
La solution trouvée en accord avec le Sénat est proportionnée et protège la
liberté de la presse. Si j’ajoute à cela le fait que nous sanctionnons beaucoup
plus fortement les atteintes aux policiers et aux gendarmes, en empêchant
notamment les réductions de peine automatiques pour ceux qui les agressent, je
pense qu’on améliore très clairement les choses. La «Sécurité globale», ce sont aussi les
caméras-piétons. Elles vont tout changer. Ce moyen vidéo portatif fixé sur la
tenue de l’agent est aussi un instrument destiné à prévenir les dérapages qui
sont à sanctionner. Conformément à mes engagements, nous allons donc
généraliser les caméras dès cet été dans toutes les brigades, puis un an plus
tard pour tous les policiers. Ce dispositif va inhiber les gens violents, parce
que je peux vous garantir que quand vous vous savez filmé, vous réagissez
différemment.
- Ne regrettez-vous pas d’avoir repris, même du bout des
lèvres, l’expression
«violences policières»?
J’ai dit et je répète: il n’y a pas de violence systémique de la police,
c’est faux ; il n’y a pas de racisme systémique de la police, c’est faux, pas
plus qu’il n’y en a dans la gendarmerie ou au sein de l’État. J’ai dit et je
répète aussi que le respect suppose l’exemplarité. C’est pourquoi j’ai toujours
demandé à nos policiers et nos gendarmes d’être irréprochables dans leurs
comportements.
- Les policiers l’ont mal ressentie…
Certains syndicats ont voulu instrumentaliser ce débat, soit. Moi j’ai
toujours été très clair: en soutien, non pas simplement dans les mots, mais
dans les actes. Ce n’est pas moi qui ai supprimé des compagnies de CRS ou
appauvri certains commissariats! Quant aux responsables politiques qui
polémiquent aujourd’hui, ce sont les mêmes qui ont sabré dans les effectifs
lorsqu’ils étaient aux responsabilités. Donc, avec le premier ministre et le
ministre de l’Intérieur, nous nous engageons, nous mettons, des équipements des
policiers sur le terrain, nous les protégeons mieux et dans la loi. Et je
souhaite que la police de la République soit sans reproche. Parce que j’estime
que nos forces de l’ordre doivent être défendues, je tiens à ce que la
protection fonctionnelle des policiers soit accordée dès le début de toute
procédure qui les met en cause. Mais je veux aussi que l’on tire toutes les
conséquences disciplinaires quand il y a un rapport à charge, ce qui n’est pas
toujours le cas, et que l’on rende publics ces rapports. Sur la proposition de
Gérald Darmanin, je souhaite enfin que l’on puisse renforcer le contrôle du
Parlement en créant, comme on l’a déjà fait pour le Renseignement, une
délégation parlementaire chargée du contrôle de nos forces de l’ordre.
- Mais n’avez-vous pas mis de l’huile sur le feu en
suggérant que la police pratiquait des contrôles au faciès?
Il faut nommer les choses et les regarder en face. Vous ne pouvez pas
laisser s’installer un face-à-face entre nos forces de sécurité intérieure et
une partie de la population. Si dans tous les sondages, toutes les enquêtes de
terrain, des jeunes vous disent qu’ils subissent des contrôles au faciès, leur
dire: «non, il n’y en a pas,
c’est un sentiment que vous avez», c’est aussi insensé que d’aller
expliquer à des gens: «vous
avez peut-être un sentiment d’insécurité mais ce n’est pas une réalité».
On n’a jamais raison contre le réel. C’est pour cela que la bonne réponse est
la transparence: la création d’une plateforme le 12 février dernier permet de
signaler toutes les discriminations et nous permet de savoir et d’agir.
- Allez-vous atteindre l’objectif annoncé au début de
votre quinquennat de 10.000 policiers et gendarmes supplémentaires?
On tiendra le calendrier et il est normal qu’on parvienne à l’objectif
progressivement puisqu’il faut le temps de former les policiers recrutés. Ils
seront tous sur le terrain avant la fin du quinquennat. Aujourd’hui, 4 508
policiers et 1 706 gendarmes ont déjà été recrutés, soit 6 214 membres des
forces de l’ordre. Nous aurons en complément, dès cette année, 2 000 policiers
et gendarmes de plus. Et parmi ces nouveaux policiers, l’essentiel iront
directement en Sécurité publique, c’est-à-dire sur la voie publique.
- Il va falloir cravacher pour rattraper le retard…
Nous n’avons pas pris de retard et nous n’avons pas détruit d’effectifs. Au
contraire: j’en ai réaffecté dans les quartiers de reconquête républicaine.
Nous irons au bout du bout de ce plan des 10.000. Chaque circonscription de
police aura plus de policiers à la fin du quinquennat qu’au début. Sans
exception. J’annonce aussi la création d’une réserve de 30.000 hommes dans la
police, tandis que celle de la gendarmerie passera de 30.000 à 50.000 hommes.
Concrètement, cela veut dire que chaque Français verra plus de bleu sur le
terrain en 2022 qu’en 2017. Ça rassure les gens, ça dissuade les délinquants.
Ce travail est au cœur du
«Beauvau» que le ministre a lancé avec volontarisme au début
d’année et qui nous permettra de renforcer notre stratégie et de programmer les
moyens à venir. Nous allons aussi, côté policier, renforcer l’encadrement,
améliorer profondément les formations et créer une forme d’école de guerre avec
de la formation continue qui sera installée dans l’agglomération de
Montpellier. Les policiers, tout au long de leur parcours, passeront par cette
académie de police pour suivre des formations de trois à six mois. Nous allons
encore d’ici la fin du quinquennat, renouveler 50% du parc automobile de la
police. C’est du jamais vu. Nous allons même changer l’uniforme des policiers
et remplacer la casquette par un calot, pour moderniser un peu tout cela. Le
message est limpide: fierté et reconnaissance de la République pour ceux qui
protègent.
- Mais ce débat sur les effectifs n’est-il pas illusoire?
Le problème des policiers, c’est qu’ils ont l’impression de toujours courir
derrière les mêmes voyous, et alors ils pointent du doigt la Justice…
Vous admettrez qu’avoir davantage de policiers et de gendarmes, c’est mieux
que d’en avoir moins. Mais c’est vrai: il ne sert à rien de bander les muscles,
en déployant des uniformes dans la rue si, derrière, la justice ne suit pas.
Depuis son arrivée à la Chancellerie, le Garde des Sceaux fait une
démonstration de pragmatisme, de lucidité et de partenariat avec le ministère de
l’Intérieur. C’est la philosophie qu’a été présentée par le Premier ministre
Jean Castex dès sa déclaration de politique générale. La justice de proximité,
ce n’est pas un slogan: c’est de l’efficacité, plus de justice, plus proche,
plus vite. Pour cela les moyens suivent: 8% d’augmentation du budget, 1 000
effectifs de plus pour régler plus vite les dossiers, le raccourcissement des
délais des procédures, ce sont des éléments d’efficacité pour avoir une réponse
judiciaire beaucoup plus adaptée et plus rapide.
- Et les 15.000 places de prisons supplémentaires
annoncées pour le quinquennat?
Nous en avons déjà lancé 7 000 et je tiendrai là aussi les 15 000.
Nous ferons les 8 000 restantes dans la foulée. Dès cette semaine, le
gouvernement présentera le plan d’action et les sites pour ces places
supplémentaires. Il faut quand même se garder de cette maladie française qui
veut que lorsque l’on déploie des efforts sans équivalent, l’on s’entende
toujours dire: «ce n’est pas
assez».
- En renforçant les pouvoirs de la police municipale, ne
crée-t-on pas les conditions du désengagement de l’État?
Non. Nous le refusons. Il y a eu ce débat avec la loi «Sécurité Globale»:
donne-t-on aux polices municipales le pouvoir de faire actes privatifs de
liberté? La réponse est non. La France, ce n’est pas cela. Nous ne sommes pas
un modèle fédéral, avec des shérifs. Nos concitoyens sont attachés à ce que
l’ordre public reste dans la main d’un ministre qui est responsable devant le
Parlement. Par contre, partager de l’information entre polices, mutualiser des
moyens: en somme, du bon sens, cela est dans la nouvelle loi. Je me félicite
qu’on ait enfin créé des forces de police municipale à Paris. Elles viendront
en complément des celles de la préfecture de police. À Montpellier, nous allons
créer d’ici fin 2022 cinquante postes de policiers nationaux, la ville en
créera quarante de plus en police municipale, sans parler des caméras de rue.
En matière de sécurité comme dans d’autres, quand État et communes avancent
main dans la main, comme cela a été illustré dès juillet dernier à Nice, c’est
une bonne nouvelle pour les citoyens.
- Dans l’affaire du meurtre antisémite de Sarah Halimi,
vous aviez estimé qu’il y avait un
«besoin de procès». La cour de Cassation vient d’en décider
autrement. Faut-il, comme le réclame le grand rabbin Korsia, que soit voté un
amendement dans le projet justice pour revoir les conditions d’irresponsabilité
en cas de prise de stupéfiants?
Il ne m’appartient pas de commenter une décision de justice, mais je
voudrais dire à la famille, aux proches de la victime et à tous nos concitoyens
de confession juive qui attendaient ce procès, mon chaleureux soutien et la
détermination de la République à les protéger. Dans ce cas précis, la Cour de
Cassation a appliqué de manière très stricte les textes existants: il n’existe
pas, c’est vrai, de principe d’exclusion systématique de l’irresponsabilité
pénale en cas d’absorption volontaire de stupéfiants. En République, on ne juge
pas les citoyens qui sont malades et n’ont plus de discernement on les traite.
Mais décider de prendre des stupéfiants et devenir alors «comme fou» ne devrait
pas à mes yeux supprimer votre responsabilité pénale. Sur ce sujet, je souhaite
que le Garde des Sceaux présente au plus vite un changement de la loi. Là
aussi, pas de fausse impunité.
- L’élection présidentielle a lieu dans un an. Vous
mettez l’accent aujourd’hui sur la sécurité. Est-ce à dire que vous considérez
que ce thème sera un des enjeux centraux de la bataille électorale?
Ce que je sais, c’est surtout que c’est un enjeu majeur pour le pays. Je
n’ai pas en tête un quelconque agenda politique. À la place où je suis, vu le
moment historique que traverse la Nation, je prends mes responsabilités à
chaque minute: réussir la sortie de l’épidémie de Covid 19, répondre aux
préoccupations quotidiennes des Français, face à de tels défis on n’a pas le
droit de se reposer ou de penser à autre chose.
- Vous pensez qu’il est possible d’avoir des résultats
dans l’année qui vient sur ces sujets régaliens dont nous venons de parler?
Nous avons déjà des résultats et, parce que nous persévérons, ils vont
s’amplifier. Quoiqu’il arrive, je présiderai jusqu’au dernier quart d’heure.
Sur la sécurité, sur l’économie et l’industrie, sur les réformes, sur le
social, sur l’éducation, sur l’environnement, j’agirai jusqu’au dernier quart
d’heure. C’est ce que j’ai promis aux Françaises et aux Français et c’est ce
que leur dois. Je n’ai jamais cru qu’on avait le droit d’être inactif ou
contemplatif là où je suis. Le moindre centimètre de résultat est un centimètre
gagné.
- En moins de vingt ans, le nombre d’islamistes recensés
par les services de renseignement est passé de 5 000 à plusieurs dizaines
de milliers de salafistes et de Frères musulmans. Que pouvons-nous faire de
plus pour lutter contre le terrorisme islamiste?
Nous nous sommes dotés, avec la loi
«sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme», d’un
instrument efficace pour lutter, dans la durée et en respectant l’État de
droit, contre la menace terroriste. Il peut encore être amélioré. Il faut le
faire sans manquer en rien au respect de nos libertés, individuelles ou
publiques, mais sans naïveté aucune. Aujourd’hui, nous devons mieux suivre le
bas du spectre: ces individus qui ne sont pas perçus comme les plus dangereux,
mais qui peuvent passer à l’acte sans aucun signe avant-coureur. Nos préfets,
nos forces de l’ordre, nos services de renseignement s’y attellent sans
relâche. Il nous faut aussi être attentifs à ce terrorisme «exogène», piloté depuis
l’étranger, mais qui peut trouver un relais dans certaines communautés
présentes sur le territoire national. Il n’a pas disparu. C’est pour cela que
nous sommes si déterminés à ce que la coalition internationale reprenne avec
force le combat contre Daech en Syrie. C’est pour cela que je pense qu’il est
indispensable que nous allions au bout de la lutte contre le terrorisme en
Afrique. Car l’islamisme qui cherche à détruire nos démocraties et notre
civilisation n’a en rien désarmé. Ce terrorisme qui lutte de manière méthodique
contre les minorités religieuses, et notamment les chrétiens d’Orient, contre
notre modèle de société, contre la paix et la sécurité dans plusieurs
continents, demeure notre principal ennemi.
- Quatre fédérations membres du Conseil français du culte
musulman (CFCM), dont deux proches de la Turquie, ont refusé de signer la
charte des principes de l’islam de France, que vous avez qualifiée «d’engagement net et précis en faveur
de la République». C’est l’échec du CFCM?
Il ne faut pas confondre islam et islamisme: ce serait tomber dans le piège
des terroristes. Lutter contre les séparatismes, c’est défendre les principes
républicains et la laïcité en sachant isoler le mal, en le nommant. De ce point
de vue, les choses changent. La charte, qu’une majorité d’organisations
musulmanes ont signée, est un immense progrès. On en parlait depuis des années,
on le fait là, maintenant. Et c’est la fin d’une grande hypocrisie. Voyez le
débat autour de la mosquée de Strasbourg: il y a quelques années, les plus
hautes autorités trouvaient tout naturel de signer des accords avec la
Confédération islamique du Millî Görüs. Désormais, ce n’est plus le cas…
- Mais à la fin, Millî Görüs aura toujours sa mosquée
- la plus grande d’Europe - à Strasbourg…
La mosquée est déjà en partie là, nous ne pouvons pas la détruire. Mais les
masques sont tombés: parce que ses responsables ont refusé de signer la charte,
l’État a fait un recours contre la délibération de la mairie de Strasbourg qui
accordait une subvention de 2,5 millions au Millî Görüs.
- Quand vous faites une loi contre «les» séparatismes,
nommez-vous vraiment le mal? Les catholiques, les juifs, les protestants se
demandent pourquoi on vient leur chercher des noises alors qu’ils n’ont jamais
posé aucun problème…
J’ai entendu ces craintes. Elles n’avaient pas lieu d’être, et d’ailleurs
je crois qu’elles s’apaisent. Comme en 1905 - et c’est Aristide Briand qui
avait cette formule, «la loi
n’est pas une loi de défiance envers les religions» mais au
contraire «une loi de
liberté». C’est contre une idéologie, l’islamisme politique,
qu’avec cette loi, nous luttons de manière intraitable. Jusqu’ici, les armes
juridiques dont nous disposions étaient fragiles: il fallait par exemple se
fonder sur des motifs sanitaires pour fermer une école illégale. Avec la
création du délit de séparatisme, on donne à l’État les moyens de faire. Par
exemple de contrôler les financements venant de l’étranger, et de les interdire
si nécessaire, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. De fermer des mosquées ou
même des écoles qui, sous l’influence d’une puissance étrangère, poseraient un
problème pour la sécurité nationale. C’est un changement radical de
philosophie. Si un prêche dans une mosquée, par exemple, contrevient à la loi,
nous pourrons enfin remonter jusqu’à l’association qui gère le lieu, la
poursuivre pour délit de séparatisme et la dissoudre, ce qui n’était pas
possible jusque-là. Et nous irons plus loin: je veux que l’on puisse structurer
une forme de conférence du culte musulman en France, avec dans chaque
département des partenaires qui signeront la charte que j’évoquais et
s’engageront à lutter de manière déterminée avec nous contre le séparatisme.
- Selon des journaux locaux, certains préfets auraient
donné la consigne d’appliquer plus souplement le couvre-feu en raison du
ramadan. Qu’en pensez-vous?
Je fais pleinement confiance aux préfets pour s’adapter aux réalités du
terrain. Pour le reste, le couvre-feu s’applique sur l’ensemble du territoire
et pour tout le monde, sans distinction. C’est une mesure efficace pour limiter
la circulation du virus et protéger des vies. Le précédent ramadan était déjà
en plein confinement l’année dernière. Les musulmans ont été très responsables,
comme l’ensemble des croyants de toutes les religions qui ont connu ces
derniers mois des restrictions dans la pratique de leur foi en raison de l’état
d’urgence sanitaire. Je ne doute pas que les efforts se poursuivront cette
année.
- Vis-à-vis de l’Algérie, vous mettez en avant votre
volonté de «réconcilier les
mémoires». Alors que le voyage du premier ministre à Alger vient
d’être annulé, ne trouvez-vous pas que vos efforts sont assez peu récompensés?
Je crois au contraire que cette volonté est très largement partagée,
notamment par le président Tebboune. Il est vrai qu’il doit compter avec
quelques résistances…
- Comme ce ministre qui a déclaré que la France était «l’ennemi traditionnel et éternel»
des Algériens?
Évidemment, c’est inacceptable. Mais ne vous y trompez pas, derrière le
sujet franco-algérien il y a d’abord un sujet franco-français. Au fond, nous
n’avons pas réconcilié les mémoires fracturées ni construit un discours
national homogène. J’ai été parfois caricaturé, attaqué, sur ces questions,
mais c’est un sujet essentiel. La mémoire fracturée, c’est celle des
pieds-noirs, celle des harkis, celle des appelés du contingent, celle des
militaires français, celle des Algériens venus ensuite en France, celle des
enfants de cette migration, celle des binationaux… Toutes ces mémoires
cohabitent sur notre sol et vivent dans un même pays dont elles partagent le
projet national. Il faut les réconcilier. Je ne suis ni dans la repentance ni
dans le déni. Je crois dans une politique de la reconnaissance qui rend notre
nation plus forte.
- Didier Leschi, directeur de l’Office français de
l’immigration et de l’intégration affirme:
«Il n’y a jamais eu autant d’immigrés en France en pourcentage de la
population .» Comprenez-vous ceux de nos compatriotes,
notamment issus des catégories populaires, qui disent: c’est trop? Pensez-vous,
comme certains l’affirment à droite ou au RN, que cette question pourrait faire
l’objet d’un référendum…
Depuis le début du mandat, nous avons fait beaucoup pour lutter contre
l’immigration irrégulière et on nous l’a beaucoup reproché. Mais je l’assume:
un État doit pouvoir contrôler ses frontières - et nous le faisons encore mieux
avec Frontex et l’Europe, il doit pouvoir appliquer le droit pour tous et donc
choisir de reconduire ceux qui sont présents illégalement sur notre sol. C’est la
condition pour pouvoir intégrer correctement par la langue, le travail, la
culture, toutes celles et ceux qui, obtenant l’asile, ont un avenir en France.
Accueillir moins peut-être, mais pour accueillir mieux.
- Quand vous évoquez un
«privilège blanc», n’encouragez-vous pas les divisions au sein
de notre société?
Je ne me reconnais pas du tout dans cette thématique-là. J’ai même
toujours dit l’exact contraire. Si j’ai évoqué cette expression, c’était
précisément pour la déconstruire. J’ai simplement dit, factuellement, que nous
sommes dans une société où quand vous vous appelez Emmanuel Macron et que vous
avez ma tête, vous avez plus de chance de réussir que le garçon qui s’appelle
Nordine, par exemple, et qui est né en Seine-Saint-Denis. C’est de l’évidence,
du bon sens. Mais de la même manière que je ne valide pas le concept de «violences policières»,
je ne valide pas celui de
«privilège blanc», ni celui de
«racisme systémique», parce que je ne valide pas la négation
absolue des principes républicains que porte cette idéologie. Je crois en
revanche que la République sera d’autant plus forte face à ces mouvements qui
entendent la fracturer, voire la détruire, qu’elle tiendra toutes ses promesses
en luttant contre les discriminations, les injustices, en donnant sa chance à
chacun. La République au concret, c’est le meilleur remède contre les
séparatistes de tous horizons. Et là aussi, nous avons encore beaucoup de
travail. Agissons!
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