Si Donald Trump a gagné la présidentielle américaine en surprenant la quasi-totalité des analystes, politologues et politistes, c’est grâce à la conjonction de plusieurs phénomènes.
On peut lister les principaux:
- la montée du populisme radical et extrémiste en ce premier quart du XXI° siècle dans l’ensemble des démocraties et un affaiblissement du soutien au régime de la démocratie républicaine;
- des médias traditionnels bienveillants et/ou fascinés et/ou opposés à son adversaire et/ou en recherche d’audience donc de rentrées publicitaires mais aussi dans leur volonté de ne pas se faire distancer par les médias sociaux dont la montée en puissance inexorable mais aussi l’instrumentalisation sont des faits majeurs de ces dernières années en matière de communication politique;
- le relativisme pratiqué par les journalistes entre ses thèses et celle de son adversaire; une alliance de fait entre la droite et la gauche radicales pour désigner un même ennemi en la qualité de son adversaire qui serait, à la fois, une néolibérale mais aussi, dans un paradoxe qui ne manque pas de piquant, ressemblerait à Trump;
- une complète sous-estimation de sa dangerosité par nombre d’intellectuels et de médias qui n’ont pas compris que derrière son allure de clown grossier et vulgaire se cache un ennemi de l’Etat de droit démocratique;
- son statut de star de la téléréalité;
- un système électoral incohérent qui ne donne pas systématiquement la victoire au candidat qui a remporté le vote populaire.
Dans le cas de la situation française à tout juste un peu plus d’un an de la présidentielle, quels sont les éléments similaires qui pourrait permettre un scénario catastrophe «à la Trump», c'est-à-dire en faisant élire un(e) populiste radical(e), voire extrémiste?
On pense ici, évidemment, à Marine Le Pen qui est la mieux placée mais cette interrogation vaut également pour les candidatures de Jean-Luc Mélenchon, de Nicolas Dupont-Aignan voire d’Eric Zemmour ou d’un autre représentant de ces mouvances.
On peut tout de suite éliminer les deux derniers critères (star de la téléréalité et système électoral incohérent) mais si Eric Zemmour se présente, on doit incorporer le fait qu’il est un chroniqueur vedette de la télévision.
En revanche, les quatre premiers sont présents dans la paysage politico-médiatique français et pourrait très bien permettre l’élection de Marine Le Pen, voire de Jean-Luc Mélenchon, même si, pour ce dernier, la probabilité est très réduite aujourd’hui (mais ne doit pas être écartée, loin de là).
La France n’est d’ailleurs pas que suiviste par rapport aux Etats-Unis en l’espèce mais les ont précédés sur un critère: la présence d’un populisme extrémisme représenté par la famille Le Pen depuis les années 1980 et la présence d’un de ses représentants au deuxième tour de deux présidentielles en atteste, alliée à un affaiblissement de l’adhésion au régime de la démocratie républicaine dans le même temps.
Quant à l’existence de médias bienveillants et/ou fasciné et/ou opposés à son adversaire et/ou en recherche d’audience donc de rentrées publicitaires, le nombre d’invités du RN sur les plateaux de télévision et le dénigrement systématique de l’action d’Emmanuel Macron par l’ensemble de la presse font un parallèle saisissant entre le cas Trump-Clinton (avec, en plus, des attaques très dures sur la fin de la présidence d’Obama) et le cas le plus probable selon les sondages, Macron-Le Pen.
Quant aux accusations de néolibéralisme et de ressemblance, rappelons que les médias français ainsi que l’extrême-droite et l’extrême-gauche (voire la Gauche) accusent depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron d’être un néolibéral.
Depuis peu, l’accusation à la mode est une comparaison entre lui et Marine Le Pen qui ne seraient que pile et face d’une même pièce.
Et, comme pour les Etats-Unis en 2016, un certain nombre de voix à gauche s’expriment déjà pour affirmer qu’elles ne voteront pas pour Macron au second tour en cas de duel avec Le Pen.
Enfin, au cours des années, la «dédiabolisation» du FN et désormais du RN n’a sans doute pas portée totalement ses fruits encore qu’il n’y a plus aucun ostracisme à reprendre les thèses de l’extrême-droite (on se rappelle même d’un article du Monde qui, pour critiquer Macron, reprenait l’argumentation de Marine Le Pen!), à lui donner la parole sans limite, voire à prétendre qu’il n’est pas un parti totalitaire et que si la démocratie pâtirait de son passage au pouvoir, elle ne serait pas en danger.
On le voit, la majorité des caractéristiques de la situation qui a porté au pouvoir Trump aux Etats-Unis sont également présents en France pour 2022.
Néanmoins, le système électoral français prévoit un second tour si aucun des candidats n’obtient la majorité des voix au premier, cas de figure qui ne s’est jamais produit jusqu’à présent et qui ne se produira pas l’année prochaine au vu du nombre de prétendants qui devraient se présenter.
Du coup, un séisme à l’américaine est moins probable parce que l’électeur ne peut pas faire semblant de n’avoir rien vu venir.
Au second tour, quel que soit le candidat qui sera opposé à Marine Le Pen (si elle y est comme le prédisent les sondages), il y aura cette chance d’une prise de conscience et d’une responsabilité écrasante de ceux qui, projetant de n’aller pas voter, permettront à l’extrême-droite de parvenir au pouvoir suprême.
Reste que la politique n’est pas une science exacte et les prédictions électorales les plus «sérieuses» sont souvent contredites.
Rappelons que si Trump est parvenu au pouvoir c’est aussi parce que personne ne pensait qu’il pouvait gagner.
Et il a gagné.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
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