Si la démocratie est définie par la formule un peu trop lapidaire (il faut y ajouter ce qu’en disait Albert Camus: «la démocratie ce n’est pas la loi de la majorité mais la protection de la minorité») mais néanmoins puissante du président américain Abraham Lincoln, comme «le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple», dans sa dérive populiste, elle devient ce que l’écrivain Irlandais Oscar Wilde pensait de ce régime, «l’oppression du peuple par le peuple pour le peuple».
Dans le premier cas, l’individu s’y retrouve, pas dans le deuxième.
Et, pour Wilde, cette situation imposait la révolte de l’individu.
Non pas celle des populistes – qui n’est en fait qu’une litanie d’insultes suivie, parfois, d’émeutes violentes – mais de ces personnes libres qui refusent le diktat de la foule qui veut régir et assujettir tous les esprits affranchis parce qu’elle ne supporte pas les différences même si elle prétend se révolter contre un Léviathan mais qu’en fait elle veut simplement en prendre la direction pour ses propres fins.
On le constate tous les jours dans les pays qui ont installé par les urnes des populistes au pouvoir comme le Brésil, l’Inde ou la Hongrie (et, bien entendu, les Etats-Unis pendant la présidence de Trump) où les attaques continuelles contre l’Etat de droit démocratique ont pour but de museler tous ceux qui ne pensent et ne votent pas «correctement» avec leur stigmatisation et leur érection en boucs émissaires de tous les tourments possibles et imaginables.
De mauvais citoyens en quelque sorte.
On le constate dans les différents mouvements populistes qui ont vu le jour ces dernières décennies et qui n’étaient ni plus ni moins que la négation de la démocratie et non pas comme certains le prétendent dans des thèses abscondes, des rappels démocratiques voire des approfondissements de la démocratie.
A moins que selon eux la démocratie ne soit un grand carnaval permanent où l’on a le droit de faire n’importe quoi, de se prendre pour n’importe qui et d’agir en toute impunité en s’en prenant à tous ceux que l’on considère comme les «responsables» d’un monde que l’on fuit plutôt que de le bâtir pour qu’il soit meilleur.
Les slogans éructés lors des manifestations des gilets jaunes ou de l’assaut du Capitole n’ont rien d’une demande de plus de démocratie, n’ont aucun élément équivoque qui pourrait laisser penser à un message subliminal en la matière.
Pendre le président français ou le vice-président américain ne semblent pas des revendications qui l’a font avancer!
A tout le moins ce sont des avertissements sur l’irresponsabilité, l’immaturité et la dangerosité d’une partie de la population.
D’où des mesures urgentes qui passent, d’abord, par la neutralisation des séditieux qui veulent détruire la démocratie – la justice américaine semble plus efficace en la matière que la française –, ensuite, par toute une série de mesures de moyen-long terme sur la formation et l’information citoyennes pour enfin les sortir de leur obscurantisme qui se nourrit d’élucubrationisme (complotisme), d’ignorance et de haine.
A l’inverse du populisme qui a besoin d’un individu le moins formé et informé possible et qu’il déresponsabilise en lui faisant d’abord adopter une posture de revendications irréalisables, d’oppositions systématiques et de négation des réalités pour ensuite, une fois le pouvoir acquis, le diluer dans une masse informe de partisans marchant au pas, la démocratie, elle, a besoin de son adhésion effective et concrète en le faisant participer à son fonctionnement ce qui signifie d’impliquer sa responsabilité dans la décision politique prise et de lui faire accomplir un service civique, c’est-à-dire littéralement de rendre service à la communauté de laquelle il reçoit des droits mais qui également lui enjoint des devoirs de solidarité.
In fine, le but d’un régime populiste, c’est bien de faire du «peuple», un objet, alors que celui d’un régime démocratique, c’est de faire des individus, des citoyens actifs, des sujets.
Sans se leurrer qu’il y aura toujours des ennemis de la démocratie et qu’une partie d’entre eux sont les populistes.
Croire qu’il peut y avoir alliance entre les démocrates et les populistes, pire, que les populistes peuvent être une sorte de révélateur ou d’avant-garde qui permet à la démocratie un examen de conscience puis une régénération qui apportera un approfondissement de ses pratiques sont des vues de l’esprit, des fantasmagories coupables parce qu’elles donnent une légitimité à des gens qui instrumentalisent cette démocratie à des fins partisanes et surtout pour la détruire de l’intérieur.
D’ailleurs, l’on peut même dans ce contexte, rapprocher la définition de Lincoln de celle de Wilde.
Si le pouvoir est donné au «peuple», notion que dénie par exemple Hans Kelsen comme légitime parce que ne recouvrant pas la diversité de ses constituants, alors il est possible à celui-ci de l’utiliser comme oppression à ceux qu’il considère comme ne faisant pas partie de cette communauté.
D’où le contrôle de ce peuple dans ses dérives par la protection de la liberté et du respect de la dignité de chacun qui empêche la majorité d’asservir la minorité.
Encore une fois, il faut écouter les aboiements des gilets jaunes et des partisans de Trump contre tous ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux dans cette formule totalitaire bien connue «qui n’est pas avec moi est contre moi».
Le populisme est une tare de la démocratie, une déviance qui ronge celle-ci avec des crises plus ou moins fortes à périodes répétées avec le risque que l’une d’elles emporte tout l’édifice patiemment construit.
C’est pourquoi il est, avec l’extrémisme, le repoussoir indiscutable de tous les démocrates.
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