La chute de Trump n’a pas été suivie d’un rejet du populiste démagogue par le Parti républicain qu’il avait quasiment pris d’assaut en 2016.
Le refus de 43 républicains contre toute évidence de voter la destitution de Trump pour avoir fomenté un coup d’Etat, montre à quel point le parti demeure proche de lui et de ses partisans, c’est-à-dire d’une droite radicale avec une frange extrémiste et anti-démocratique de la population dont on a pu voir la haine et la violence lors de la prise d’assaut du Capitole début janvier.
C’est pourquoi, certains républicains, actuels ou, surtout, anciens, ont la volonté de créer un nouveau parti qu’ils veulent situer, selon leurs dires, au centre-droit.
Trois questions se posent par rapport à cette initiative: ont-ils une chance d’aboutir dans un paysage politique qui demeure envers et contre tout dominé depuis toujours par deux grands partis (même si ceux d’aujourd’hui ne sont pas les mêmes que lors de l’indépendance du pays), qu’est-ce qu’ils entendent par «centre-droit» et comment attirer à eux un électorat de droite et de droite modérée lorsque l’on sait que 74 millions d’Américains ont voté pour Trump, un record pour un candidat du Parti républicain?
Les tentatives de briser le bipartisme (en réalité il existe une myriade de partis mais deux seulement sont assez puissants pour avoir des élus au Congrès même si quelques «indépendants» réussissent à se faire élire de temps à autre mais, généralement, se rapprochent ensuite au Congrès d’une des deux formations hégémoniques comme c’est la cas du sénateur socialiste Bernie Sanders, par exemple, qui siège avec les démocrates) ont été nombreuses dans l’histoire étasunienne et elles ont toujours échoué même quand une des deux grandes formations connaissait une grave crise interne et/ou d’identité.
L’exemple le plus connu et le plus emblématique parce qu’il montre qu’il y a de la place mais que personne n’a encore réussi à sécuriser sur le long terme une base électorale solide et nombreuse, est celui du Parti progressiste et de son candidat à la présidentielle de 1912, Théodore Roosevelt, qui avait déjà été président sous les couleurs républicaines.
Devant un Parti républicain très à droite, miné par les intrigues ainsi que par les clans et incapable d’améliorer la situation de l’Américain moyen et encore plus des classes les plus défavorisées, le Parti progressiste, essentiellement composé d’anciens républicains, ne parvint pas à avoir un poids suffisant pour concurrencer vraiment les deux grands partis.
Pourtant Théodore Roosevelt aurait pu l’emporter sans des manœuvres politiciennes mais, in fine, sa candidature eut comme seul résultat tangible de faire perdre le candidat républicain et de faire élire Woodrow Wilson…
Après cette échec, les progressistes durèrent encore quelques temps après mais disparurent ensuite en tant qu’organisation importante.
Rien ne dit que la création d’un nouveau parti aurait une quelconque chance de réussir malgré la présidence clivante de Trump dans son propre camp.
D’autant que l’on ne sait pas trop le positionnement qu’aurait celui-ci.
Lorsque les républicains dissidents parlent de l’ancrer au «centre-droit», il est important de dire que c’est par rapport à leur définition de ce qu’est actuellement pour eux le centre-droit et que tout observateur sérieux aurait appelé il y a quelques années un conservatisme pur et dur, sans doute plus à droite que le reaganisme dont ils se réclament et qui n’a jamais été au centre, bien au contraire!
Car, comme l’ont noté nombre de politistes et qu’a expliqué brillamment un ouvrage de deux d’entre eux, un républicain et un démocrate («It’s even worth than it looks» de Thomas Mann et Norman Ornstein), les républicains ont entrepris depuis une trentaine d’années de déplacer de manière totalement injustifiée et illégitime les barrières des différentes tendances.
Ainsi, en se droitisant, ils ont, dans le même temps, prétendu que c’était en fait les démocrates qui se gauchisaient et que donc c’étaient chez eux, au Parti républicain, que se trouvait le vrai courant centriste aux côtés de ceux de droite.
Une fiction totale évidemment mas une entreprise de désinformation qui a parfaitement fonctionné auprès d’une partie de l’électorat et, pire, de nombreux grands médias… jusqu’à la présidence Trump.
Tout cela pour dire que ce n’est pas, en réalité, un parti de centre-droit que la grande majorité d’entre eux veulent créer (il y a néanmoins une vraie tendance centriste mais très minoritaire) mais un parti conservateur dans la tradition reaganienne, laissant l’idéologie du populisme radical incarné par Trump mais aussi d’autres figures et mouvement comme le Tea party, au Parti républicain actuel.
C’est une entreprise qu’il faut néanmoins saluer et soutenir parce qu’il s’agit de refonder un parti profondément démocratique et républicain.
Pour autant, les 74 millions de voix pour Trump évoquées plus haut montrent qu’il sera difficile de trouver une base électorale large.
Ce qui peut donner un peu de baume au cœur des initiateurs de ce projet est que le Parti républicain est malmené dans les sondages par ses propres électeurs dont un nombre grandissant ont une mauvaise opinion de lui.
Cependant, les dernières élections aux Etats-Unis ont montré que le jour de l’élection ces électeurs critiques vont en général voter républicain.
Du coup, il faudra plus d’une réunion médiatique pour faire en sorte qu’il y ait, à nouveau, un parti qui ressemble à celui d’Abraham Lincoln et qui était centriste.
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