La crise de la covid19 est un révélateur symptomatique de
premier ordre sur les comportements humains, non pas seulement dans ce qu’elle
pourrait enseigner de nouveau ou de cacher mais également dans ce qu’elle
confirme un certain nombre de réflexions sur l’évolution des rapports sociaux
et des comportements individuels ainsi que de grandes tendances les concernant
dans les démocraties républicaines.
Un des fondements de l’existence pérenne de ces dernières
est l’émergence, par la formation et l’information, d’un individu responsable,
c'est-à-dire d’un citoyen capable de savoir et comprendre où est son intérêt mais
aussi, de manière tout aussi prégnante, de savoir et comprendre où est sa
responsabilité dans le collectif où il vit, en un mot être un citoyen, celui
qui est capable, dans le cadre du lien social, d’utiliser au mieux ses droits
et de respecter du mieux ses devoirs.
Or, le système politique des démocraties du XXI° siècle
semble faillir à produire une telle personne et, au contraire, à faire émerger
un humain à l’autonomie irresponsable, égoïste, irrespectueux au comportement
essentiellement consumériste, n’ayant retenu du savoir qu’il lui est transmis
que la réalisation de ses désirs par ces droits sans se préoccuper le moins du
monde du bien vivre ensemble et des règles essentielles qui sont à sa base,
c'est-à-dire ses devoirs.
Et une démocratie républicaine responsable ne peut pas
survivre éternellement sans individus responsables.
L’impossibilité de parvenir à cette conscience et d’agir en
regard des valeurs humanistes qu’elle véhicule par la majorité des membres de
celles-ci montre qu’elles butent sur un mur dont il faut se demander
sérieusement s’il est fait de briques que l’on peut desceller les unes après
les autres comme l’espéraient ses premiers promoteurs ou s’il est constitué
d’un béton armé inattaquable.
La réalité actuelle semble malheureusement devoir
privilégier la deuxième composition.
La montée des populismes où les revendications égocentriques
ne sont aucunement contrebalancées par des comportements altruistes en est une
preuve tout comme les comportements égocentriques dans cette crise pandémique
que nous vivons en ce moment où l’on entend plus des récriminations sur le
devoir faire attention à l’autre, le plus faible et le plus exposé au virus – cet
autre qui serait un empêcheur de jouir –, que la reconnaissance de l’obligation
morale de respecter l’autre en appliquant les règles sanitaires pourtant d’une
simplicité extrême mais, oui, contraignantes.
Cette situation se retrouve dans le monde entier et pas
seulement en France.
De même, il ne faut pas obscurcir à l’extrême le tableau, beaucoup
de personnes agissent de manière responsable et respectueuse de la dignité de
l’autre.
Cependant, 244 ans après la guerre d’indépendance des Etats-Unis,
231 ans après la Révolution française qui furent des moments-clés dans
l’émergence de la démocratie républicaine et de régimes s’en réclamant, force
est de constater que nous sommes encore loin de pays composés que de citoyens,
pire, que cet espoir d’émancipation qu’elle porte a été détourné vers des aspirations
uniquement narcissiques, pour la satisfaction unique des égos et de plaisirs
immédiats.
Ce qu’il faut bien comprendre ici, le point essentiel, c’est
que la faillite de l’individu responsable – qui n’est pas encore totale et peut-être
pas inéluctable – sera suivie très vite de celle de la démocratie républicaine.
La découverte de vaccins et de traitements pour soigner la
covid19 est un espoir que nous voulons tous voir réaliser au plus vite pour sauver
le plus de vies possibles et nous permettre de ne pas sombrer dans le chaos
politique, économique, social, sociétal et international.
Mais, sur le fond, cela ne règlera pas la question existentielle
de l’individu responsable.
Et une fois cette crise terminée, elle n’aura sans doute
même pas été un élément de prise de conscience sur la nécessité d’un vivre
ensemble humaniste comme nous l’enseigne malheureusement l’Histoire.