Petit rappel.
Depuis que le parti du Président de la république a perdu sa majorité absolue à l’Assemblée nationale, les médias sont dans tous leurs états sachant que, désormais, pour passer une loi, le gouvernement a besoin d’un vote de ses alliés jusque là «inutiles», le MoDem ou Agir, voire simplement de leur abstention.
Une situation qui n’est guère alarmante pour LaREM qui peut se permettre de perdre encor quelques députés, ce qui sera certainement le cas parce qu’elle n’est qu’un rassemblement assez large et peu compact politiquement parlant de personnes élus sur un mouvement qui a tout emporté sur son passage plutôt que sur des piliers et des canons idéologiques, certains élus du parti ayant même vu une occasion de profiter du raz-de-marée pour des ambitions uniquement personnelles.
D’autant qu’il était assez facile de s’identifier au macronisme qui était une sorte de référentiel où l’on pouvait se dire proche de son créateur tout en étant de droite, de gauche ou du centre, voire d’ailleurs!
Mais une situation qui peut néanmoins donner plus de pouvoirs à ses alliés au premier rang desquels on retrouve le Mouvement démocrate de François Bayrou à la recherche d’une légitimité identitaire qu’il ne pas su se forger jusqu’ici.
On a donc vu les dirigeants de la formation centriste, par petites touches mouchetées, tenter de dire «nous c’est nous» et «eux c’est eux» tout en montrant que le MoDem avait ses qualités propres et qu’il pouvait devenir une sorte de pivot de la majorité, rôle évidemment tenu par LaREM actuellement.
Et c’est là que Patrick Mignola a mis les pieds dans le plat par une déclaration peu ambigüe:
«À la tête du groupe MoDem, mon rôle est de rassembler le plus largement possible tous les députés qui appartiennent à cette grande famille du centre et qui sont aujourd’hui répartis dans plusieurs groupes, de la majorité et de l’opposition. Je tends la main. Si demain des parlementaires d’autres groupes que le MoDem veulent nous rejoindre, on les accueillera à bras ouverts. Mon groupe a vocation à s’élargir pour élargir la majorité. L’objectif n’est pas de faire du débauchage, mais que les parlementaires se sentent à l’aise. Et d’éviter la création d’un onzième ou douzième groupe, quand quatre à cinq sont déjà issus de la majorité! Il faut arrêter ce spectacle désolant. Si on peut avoir un peu moins de groupes, nous travaillerons mieux et les Français nous respecterons mieux. Je veux que nous soyons en ordre de marche d’ici au 1er octobre.»
D’où les réactions indignées de plusieurs ténors de LaREM comme Christophe Castaner ou François de Rugy.
Des réactions qui ont obligé Mignola à faire une mise au point:
«Aragon parle d’or : «fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat». Ni querelle ni condescendance dans cet article, ni jamais dans les paroles des députés MoDem. Élargir la majorité, ce n’est pas parler des nôtres mais s’adresser aux autres.»
Mais l’utilisation d’une citation du poète stalinien n’a pas convaincue totalement puisque quelques jours plus tard, le même expliquait:
«Oui, il y a des envies [chez les députés LaREM] de rejoindre le groupe MoDem à l'Assemblée et nous en sommes heureux et honorés, mais la priorité est que la majorité reste une majorité jusqu'au bout. On sait comment avait fini le quinquennat de Nicolas Sarkozy avec la compétition Copé-Fillon, celui de François Hollande avec les frondeurs. Donc la priorité est d'élargir la majorité, qu'elle regarde au-delà d'elle même. J'ai tendu la main à ceux qui peuvent venir renforcer la majorité. Mais le but est de l'élargir, pas de la réorganiser ou de la redispatcher en interne.»
C’est un peu confus sachant que le premier et le seul à avoir répondu à l’appel est jusqu’à présent un député LaREM qui a évidemment était accueilli à bras ouverts par Patrick Mignola…
Parce qu’il y a une réalité incontournable.
Plus que la tentation, le MoDem a la nécessité d’exister dans les moins de deux ans qui nous séparent des prochaines présidentielle et législatives avec enfin une fenêtre qui vient de s’ouvrir et qu’il ne faut pas laisser se refermer tout en faisant bien attention que cela ne crée pas un courant d’air qui emporte toute la majorité, MoDem compris.
Une manœuvre compliquée qui nécessite doigté et tactique, voire ruse, dont on ne sait si les dirigeants du parti en sont capables, notamment Patrick Mignola.
Alors qu’il ne fallait pas faire de vagues et se montrer en parfait allié sans grand pouvoir jusque là, il faut désormais montrer que le pouvoir on l’a, que l’on a également une personnalité propre et que l’on peut peser sur les décisions tout en démontrant que l’on peut attirer du monde chez soi et être plus que la roue de secours que l’on était depuis 2017.
Pour autant, il ne faut pas fâcher la grande sœur LaREM parce que, seul, encore aujourd’hui mais peut-être pas demain, on ne représente encore pas grand-chose électoralement parlant.
On comprend bien qu’il en va à terme de l’existence même du Mouvement démocrate et que le rendez vous est bien en 2022, c'est-à-dire demain.
Si la formation centriste ne profite pas du moment, non seulement elle risque de le regretter, mais elle laissera passer une opportunité qui risque de ne pas se représenter.
Les exemples du passé entre UDF et RPR, PS et PC et autres duos des majorités montrent que l’on peut s’opposer tout en se réunissant pour des élections.
Est-ce encore possible aujourd’hui?
Sans doute mais il faut avoir les reins solides, ce que le MoDem au cours de son existence n’a guère montré.
En revanche, il a démontré sa capacité de résilience qui pourrait bien lui être utile dans cette nouvelle étape de son développement qui n’est pas optionnel mais bien obligatoire.
Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC
Jean-Louis Pommery
Directeur des études du CREC