jeudi 23 juillet 2020

Vues du Centre. Europe vache à lait: mais où est passé l’idéal européen?


Par Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella

Dans cette rubrique, nous publions les points de vue de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC. Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international, centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC.

Il se peut bien que l’accord à propos d’un plan de relance d’importance inédite sur lequel les 27 chefs de gouvernements et d’Etats de l’Union européenne soit un événement historique d’ampleur majeure notamment face à la crise épidémique de la covid19 et de ses conséquences économiques et sociales.
Mais tout défenseur de la construction européenne, d’une Europe fédéraliste et donc, tout centriste peut regretter que ce grand succès de l’UE consacre uniquement et encore une fois sa seule dimension économique.
On ne célèbre pas une Constitution européenne ou l’élection d’un président européen au suffrage universel, une seule armée européenne ou un même livre d’Histoire enseigné dans toutes les écoles mais l’Europe vache à lait celle qui a permis, certes, des avancées non négligeables dans des domaines comme l’agriculture ou l’industrie, voire dans la monnaie unique pour ceux des pays de l’UE qui font partie de la zone euro sans oublier bien sûr le marché unique, mais qui n’a rien à voir avec cette union des cœurs et des esprits.
Il ne s’agit nullement de minimiser ces succès de ces politiques communes dont les impacts ont été souvent considérables.
Cependant, toutes ces réussites, et celle du plan de relance en fait partie, ne renforcent guère l’identité européenne, celle d’appartenir à une même communauté et de partager des valeurs communes et de partager un avenir identique.
Si cette identité n’est pas absente, même dans la conclusion de l’accord du 21 juillet, elle est souvent diffuse et marginale, voire même minimisée pour ne pas heurter les sensibilités nationalistes des différents Etats membres.
D’ailleurs, le discours politique qui nous est servi, ici, en France, n’est-il pas celui d’un grand succès franco-allemand avant d’être celui de l’UE toute entière?!
On se met plutôt d’accord parce que l’on a besoin de l’Europe pour tel ou tel problème économique ou social à régler, pas parce que l’on sent européen.
Evidemment, cela nous rappelle que les pères fondateurs de l’Europe avaient préféré passer par l’union économique plutôt que par le fusionnement politique parce qu’ils étaient conscients de la difficulté de ce dernier et estimaient que les bienfaits de la première rapprocheraient inexorablement les peuples et permettraient à l’idéal européen de se structurer et de s’imposer.
Ce n’est pas ce qui s’est passé et tout historique que ce plan soit, il n’est sans doute pas une étape majeure dans l’intégration ou le fondement d’une nouvelle ère qui aurait débuté avant hier.
On aimerait beaucoup se tromper et le futur sera peut-être sans merci avec nos propos.
C’est tout ce que nous souhaitons mais notre raison et notre bon sens nous empêchent une euphorie que tous les européens convaincus ont décidée une bonne fois pour toutes de ne plus afficher inconsidérément au vu de toutes les douches froides qui l’ont suivie.
Oui, nous espérons que les Européens prendront conscience que notre seule planche de salut et pas seulement en matière économique est bien une Union européenne forte, intégrée et porteuse d’une culture européenne et de valeurs humanistes.
Oui, nous espérons qu’une Europe vraiment fédérale voit le jour, autant parce que nous croyons en la paix et le partage que parce que nous savons que c’est la seule voie possible pour nous en sortir.
Non, notre idéal européen n’est pas mort, il est simplement lucide.

Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella