dimanche 5 juillet 2020

Actualités du Centre. François Bayrou défend la nomination de Jean Castex et appelle à prendre conscience de la gravité de la crise

François Bayrou

Lors d’un entretien sur les antennes d’Europe1, François Bayrou s’est dit satisfait de la nomination de Jean Castex comme nouveau Premier ministre et il a loué ses capacités.
Par ailleurs, il s’est étonné que les Français ne prennent pas toute la dimension de la grave crise économique et sociale qui se prépare après la première phase de l’épidémie de la covid19.

S’il prône pour la formation d’un gouvernement de combat pour sortir le pays des difficultés que celui-ci va rencontrer, il n’est pas opposé à ce que les réformes soient continuées notamment celle des retraites.

En outre, il s’est dit peu favorable à ce que les exercices du style convention citoyenne deviennent un élément dans la gouvernance de la France estimant que le tirage au sort ne donnait aucune légitimité à ceux qui étaient choisis et aucune pertinence a priori à leurs propositions.

Enfin, il s’est dit inquiet d’une certaine irresponsabilité chez certains nouveaux élus aux municipales notamment en matière d’écologie où la démagogie irresponsable semble souvent être de mise.



►Voici les propos tenus par François Bayrou:



François Bayrou, est-ce que le vrai Premier ministre ne s’appelle pas Jean Macron ?

Je suis en désaccord avec ce que vous dites, avec cette analyse qui s'est répandue dans certains cercles de pouvoir, qui est pour moi absolument fausse. Il n’est pas vrai que la nomination de Jean Castex signifie une diminution du rôle du Premier ministre. Je crois même que c'est exactement le contraire. Il n'est pas vrai que le Président de la République cherche à occuper tout l'espace. Je crois que c'est exactement le contraire. Il n'est surtout pas vrai que le président de la République, par ce choix du Premier ministre, cherche à remplir toutes les fonctions dans l'idée uniquement de la réélection. Tout cela est complètement faux. Je vais vous dire pourquoi. D'abord, parce que Jean Castex existe et qu'il va être, je le crois, un Premier ministre de tout premier plan pour des raisons sur lesquelles nous allons revenir ensemble. Deuxièmement, parce qu’il y a deux choses qui occupent l'esprit du président de la République. La première, c'est le contrat de confiance qu'il a passé avec les Français, et avec ce contrat de confiance - qu'il a essayé de revitaliser au moment des gilets jaunes - aujourd'hui, il ouvre un chemin nouveau. Et deuxièmement, la gravité de la crise qui vient, et dont personne ne parle - ce qui est une stupéfaction pour moi - exige, impose, un rassemblement des forces et une impulsion nouvelle pour que tout le monde comprenne bien que ce que nous allons vivre est extrêmement difficile, mais que grâce à l'enthousiasme qui va être déployé, à la force de conviction qui va être déployée, au courage des décisions qui doivent être prises, nous allons faire face en construisant une France nouvelle. Voilà exactement les raisons pour lesquelles cette décision est très importante et elle n’est pas une décision de repli, elle est au contraire une décision offensive.

Un changement de Premier ministre… Cela dit c'est un Premier ministre de droite qui remplace un Premier ministre de droite. Où est le vrai changement ?

Parce que, pardonnez-moi de vous dire cela, parce que vous vivez avec des schémas qui sont des schémas complètement dépassés… J'ai plaidé toute ma vie pour que l'on sorte de cette grille de lecture absurde, limitée à 2 termes: la gauche et la droite, qui n'ont plus aucun sens l'un et l'autre et pour que l'on cherche une autre grille de lecture que l'on a appelé «le dépassement». Et comme vous savez ma conviction ne date pas de l'élection d’Emmanuel Macron, je l'ai défendue devant les Français et à beaucoup de reprises. Car c'est cet affrontement stupide qui nous a conduits où nous en sommes, qui nous a empêché de rassembler les forces qui méritaient de l'être et qui a fait que les problèmes n'ont toujours été traités que de manière caricaturale. Je pense que l'on n'en est pas encore sorti. Il faut en sortir.

Où est la vraie différence entre les deux hommes ?

Je ne veux pas les mettre en comparaison l'un avec l'autre. Ce n'est pas du tout mon style, cela n'a aucun intérêt. En revanche, qu'est-ce qu’il y a dans la personnalité de Premier ministre qui est absolument vital pour la situation? Il y a plusieurs choses. Primo, une expérience. Une expérience qui n'est pas une expérience «techno» comme vous le disiez. C'est au contraire un homme de terrain, un baroudeur, quelqu'un qui a bourlingué dans tous les espaces de la société française. C'est un élu local. Il vient d'être réélu avec 75 % dans une commune qui vote très largement à gauche, une commune en effet, vous l'avez souligné assez, les commentateurs l'ont souligné à l'envie, une commune loin de Paris, une commune de 6000 habitants mais ce type de commune et l'intercommunalité de 45 communes qui va avec, c'est exactement la France et c'est une France complètement oubliée. C'est une France que les milieux de pouvoir habituels affectent de ne pas voir. Je vais m'arrêter une seconde à ce que tous les commentateurs ont dit. Les commentateurs ont dit: «Oh là là, Jean Castex a de l'accent». Excusez-moi de vous dire que cet accent-là, gascon, l'accent des provinces françaises, l'accent de Cyrano de Bergerac après tout, cet accent-là c'est un des accents français. Et l'espèce de condescendance, de snobisme, des milieux de pouvoir pour qui, il faudrait parler «leur» langue, et je prétends que l'on peut parler la langue française avec une absolue correction et même s'il faut une certaine finesse, avec l'accent de chez nous. Cette condescendance-là, se mettre à porter autant d'attention à l'accent de quelqu'un qui s'exprime parfaitement, c'est la même condescendance à l'égard de l'accent des banlieues, la même à l'égard de l'accent corse, la même à l'égard de l'accent alsacien, savoyard ou breton. Vous ne comprenez pas que la France crève de ce que le pouvoir soit enfermé dans des récipients si clos que les Français le regardent comme extérieur à eux. C'est un des sujets essentiels, un des problèmes principaux de la France aujourd'hui : c'est la rupture apocalyptique entre «le bas de la société» comme ils disent, c’est-à-dire la base des Français, leur vie, et le sommet des pouvoirs médiatiques et politiques. Et heureusement qu'il s'est présenté à Emmanuel Macron le choix d'une personnalité qui pouvait permettre de faire un pont entre les deux, car à la fois il connaît bien l'Etat, les milieux de pouvoir et il connaît bien la société française, y compris la société française provinciale et lointaine, à qui il faut désormais rendre sa dignité et sa reconnaissance. De ce point de vue-là, le snobisme condescendant qui s'est exprimé beaucoup dans les colonnes est totalement déplacé. Et le choix est juste.

On a remarqué dès le début qu'il était à la fois quelqu'un qui connaît bien la machine de l’État mais également la vie locale. Il se définit surtout comme étant un gaulliste social et il se définit surtout comme étant également issu des Républicains. Or vous, vous avez aussi vous-même prôné le dépassement donc dans quelle mesure sera-t-il capable de l'incarner notamment avec ce projet de décentralisation ?

Il l'incarne par nature puisqu'il ne vient pas des rangs de la majorité. Il vient des rangs d'un parti qui s'est situé assez majoritairement dans l'opposition. Il incarne ce dépassement et surtout il a en main la possibilité de réparer la fracture entre le pouvoir local dont on a vu pendant cette crise qu'il était l'ultime recours pour l'Etat lorsque tout va mal. Tout allait mal pendant la crise: on n'avait pas les réponses, on n'avait pas les masques, on n'avait pas les tests, et on a vu qu'à ce moment-là, il existait un appel ultime et cet appel, c'était la grande armée des maires.

Au-delà du symbole, dans l'interview du président à la presse quotidienne régionale vendredi matin, il est quand même assez prudent sur la décentralisation. On ne sent pas un grand acte de décentralisation. Aujourd'hui vous lui dites «allez-y, faites une nouvelle étape importante!»?

Ce n'est pas mon expression et c'est une expression que j'utilise assez peu, voire jamais. Car la question qui se pose, ce n'est pas d’abord de donner les pouvoirs nouveaux aux élus, c'est de les laisser agir. C'est de cesser de les écraser sous les normes, sous les obligations, sous les contrôles divers et variés, a priori et a posteriori. Et je préfère a posteriori qu'a priori. Tout ce qui limite l'action des élus locaux, tout cela, je suis sûr que Jean Castex le sait très bien, il faut que la société française soit irriguée de pouvoir ; pour l'instant, elle est amputée de pouvoir. Tout ce qui doit s'exercer, mais ce n'est pas vrai que pour les collectivités locales, c'est vrai aussi pour les entreprises, aussi pour les associations. On a besoin de rendre à la société française la sève de l'initiative, de l'invention, des pouvoirs. De ce point de vue, l'étape que nous allons vivre est absolument cruciale car on s'est aperçu que l'État, dans sa majesté lointaine, en réalité, était assez souvent - pas sur tous les sujets - une somme d'impuissances. Or, Emmanuel Macron a essayé à plusieurs reprises de poser cette question. Il a essayé et il n'y est pas arrivé. Souvenez-vous qu'il a porté une réforme de la haute Fonction publique et qu'elle est tombée évidemment dans les abîmes de l'histoire. De ce point de vue, là encore, c'est une étape très importante et une personnalité adaptée à cette étape.

 « Réunir la nation » dit Jean Castex. Au-delà de la formule est-ce que cela veut dire qu'il faut faire venir des ministres de tous les bords politiques ou des ministres de la société civile ? Quelle est la bonne alchimie entre les deux selon vous?

Il faut que toutes les grandes inspirations de la société française soient présentes si elles le peuvent au sein de l'équipe gouvernementale.

Gauche, droite, écolo ?...

Oui puis peut-être centre si vous voulez bien ! Car c'est tout de même là, l’assise de la majorité. C'est le courant politique pour lequel j'ai plaidé - comme vous savez - toute ma vie, dont j'ai porté le drapeau toute ma vie et qui a été avec Emmanuel Macron, le socle de la majorité. Donc il faut que toutes ces sensibilités soient présentes. Mais ce qui compte, c’est qu'il y ait cohérence et compétence, les deux et je sais que le Premier ministre et le président de la République sont évidemment très attentifs au mariage des deux. La cohérence est vitale et la compétence est nécessaire.

Vous dites cohérence et compétence. Jean Castex dit : « opérationnalité des ministres » dans son entretien au Journal Du Dimanche. Est-ce que cela veut dire peut-être que dans la précédente équipe gouvernementale certains pêchaient par inexpérience, notamment ceux venus de la société civile ?

Je n'ai absolument aucune envie - et vous ne m'entraînerez pas sur ce terrain - de faire des comparaisons avec la précédente équipe. La précédente équipe, nous l'avons soutenue. Elle a travaillé beaucoup, elle a trouvé la clef d'un certain nombre de changements et maintenant, il faut évidemment avancer et aller de l'avant dans un contexte nouveau qui est marqué par une crise - j'en suis extrêmement troublé - une crise économique si profonde qu'elle va toucher toutes les entreprises ou presque, toutes les familles ou presque, qu'elle est impressionnante par sa dimension et impressionnante car elle n'a pas de cause identifiable. C'est sur toute la planète que le virus a frappé et c'est sur toute la planète que - pardonnez-moi cette expression - le château de cartes de l'économie des échanges internationaux et de la circulation des capitaux des personnes et des biens, ce château de cartes s'est écroulé, il s'est écroulé sous l'intervention du plus petit élément vivant qui existe dans la nature qui est un virus. On dit d'habitude que c'est un grain de sable qui bloque les machines, là c'est un million de fois plus petit qu'un grain de sable. Et donc cela donne donc à réfléchir naturellement, en tout cas pour ceux qui aiment la philosophie y compris la philosophie que l'on fait en famille ou au café du coin. Cette réalité-là, elle est désormais la réalité qui va envahir le champ de conscience ou le champ du réel dans toute la société française, toutes les sociétés européennes et toutes les sociétés du monde. Or je suis absolument frappé de ce qu'on n'en parle pas ou très peu.

De ce point de vue, cette crise majeure qui s'annonce, on l'a compris quand le Président de la République a aussi parlé à la presse régionale, il a repris ce discours difficile que tenait jusqu'à présent Édouard Philippe. Cela veut dire que l'architecture gouvernementale en cours de construction doit répondre à ce besoin ? Il faut un gouvernement pour vous plus resserré autour de ministres qui partent tout de suite à la bataille pour contrer ce qui arrive, c'est cela la manière de donner aussi une efficacité à cette lutte contre la crise selon vous ?

L'architecture gouvernementale doit répondre à 3 exigences. La première : la capacité, la solidité pour faire face à la vague qui vient et quand je disais que l'on n'en parle pas, je ne dis pas que dans les colonnes des journaux économiques on n'en parle pas. On en parle bien sûr. Mais dans les échanges entre Français, dans les échanges dans les familles ou politiques, pour l'instant le sujet ne s'est pas imposé et il faut qu'il s'impose. Donc solidité pour répondre à la crise. Deuxièmement, une équipe gouvernementale qui mesure qu'un certain nombre des problèmes que nous allons rencontrer en raison de la crise sanitaire, préexistaient à la crise. La crise sanitaire frappe et fait mal là où nous étions fragiles. Donc il faut - deuxième exigence - corriger un certain nombre de fragilités qu'on avait laissé s'installer au cours des 30 dernières années et sur celles-ci, vous me le permettrez - en tout cas ceux qui me font l'amitié de me suivre - je n'ai cessé d'alerter au cours du temps. Troisième exigence : il faut que cette équipe solide et lucide soit aussi visionnaire. Il faut qu'elle pense le monde qui vient, car le monde qui vient ne sera pas le même monde que celui que nous avions hier. Il faut donc une dose d'enthousiasme, de volonté de construire, d'optimisme qui s'exprime dans l'équipe qui va avoir à faire face à une crise terrifiante.

Jean Castex n'a pas vraiment une image d’écolo.  Faut-il quelqu'un de très fort auprès de lui pour incarner cette dimension un vice-Premier ministre de l’écologie, quelque chose comme cela ? Comment vous voyez les choses ?

Je ne suis pas très favorable au vice par définition! Je pense qu'il faut en tout cas, oui bien sûr, une personnalité forte. L'écologie ne se distingue pas des autres problèmes. Pour moi, ce n'est pas une question à part : c'est le facteur commun qui doit irriguer les décisions à prendre. Et quand je parlais des fragilités que nous avons laissées s'installer au cours des 30 dernières années, il y a aussi cette distance par rapport à la nature au patrimoine naturel et à l'innovation écologique. Je vous parle de Pau. À Pau, j'ai mis en place le premier transport en commun à haute qualité de service à hydrogène du monde. Vous savez que l'hydrogène est en train d'investir le champ de la lutte contre l'effet de serre car les moteurs électriques alimentés par à l'hydrogène font 0 rejet de gaz à effet de serre. Eh bien, c'est à Pau et c’est ce qui vous prouve que l'on peut avoir de l'innovation sur le terrain, en province et que tout n'est pas obligé de passer par Paris et les cercles de décisions qui y résident.  

Ce qu’on constate aussi, c’est que dès le lendemain du discours du Président de la République à la Convention citoyenne, on a entendu d'autres messages partant de Bercy qui disaient : baisser la TVA sur certaines choses, cela ne marche pas, vis-à-vis du TGV, cela ne marche pas. Donc on a toujours ce sentiment qu’il y a toujours cette intention très volontariste et sincère et, derrière, la machine de l'État reprend son rôle. Est-ce que le combat pourrait être gagné selon vous ?

Quand vous dites la machine de l'État reprend son rôle, ce n'est pas une vision que j'accepte. Je pense que nous sommes devant beaucoup de crises qui vont s'ajouter les unes aux autres et que parmi ces crises il y a évidemment la situation des finances publiques. Ce n'est pas tout à fait par hasard que depuis des décennies, j'ai essayé de convaincre que les déficits à tout va et l'emprunt à tout va, c'était une solution qui allait nous handicaper car, quand on en aurait besoin - et on y est - alors on aurait moins de moyens que les autres. Et comme vous savez, c'est un combat que j'ai mené à l'occasion de plusieurs élections présidentielles. C'est une question très sensible et il est vrai qu'il va falloir inventer un nouvel équilibre des finances publiques. Nous avons la chance formidable grâce à l'Union Européenne d'avoir une Banque centrale européenne qui pèse, hélas pas tout à fait autant que la Banque centrale américaine, mais cependant qui est du même ordre de capacité, et cette banque centrale, elle nous permet d'espérer d'avoir accès aux crédits à des taux qui sont des taux qui nous rassurent, qui vont permettre d'investir dans les équipements publics, d'investir dans les équipements des ménages, on va pouvoir, j'espère pendant un temps certain et pas seulement un certain temps, se projeter dans l'avenir. Si l’Union européenne n’existait pas, nous serions incapables de faire cela.

François Bayrou, vous avez toujours prôné une réduction de la dette. Au fond, est-ce qu’aujourd'hui vous n'êtes pas obligé aussi de vous adapter ?

Heureusement car quelqu’un qui est incapable de s'adapter est condamné à mort. J'ai toujours plaidé si vous avez suivi ces débats, pour l'idée que l'on soit prudent pour pouvoir investir et dépenser si la crise venait. Au fond, ce n'est pas autre chose que les recommandations de père de famille qui dit : il faut faire attention à ne pas dépenser trop tant que cela va bien car si un jour cela va mal, il nous faut aussi avoir mis de l'argent de côté et être capable d'en emprunter de manière crédible. Tout cela, ce n'est pas très différent de ce que nous vivons. Il y a deux faits nouveaux maintenant. Le premier, c'est que dans des pays majeurs comme les États-Unis, les pouvoirs publics et la banque centrale ont décidé d'ouvrir les vannes de la création monétaire, de l'argent à très bas taux pour soutenir l'économie et pour qu’elle ne s'effondre pas notamment en matière de chômage et d'emploi. Le fait que la première économie du monde, qui est la première banque centrale du monde, ait choisi ce cap, fait que les autres banques centrales sont plus assurées, mieux garanties quand elles conduisent cette réflexion-là. Deuxièmement, cette attitude des banques centrales et heureusement et merci que nous avons la banque centrale européenne - je n'entends plus les gens qui prétendaient qu'il fallait sortir de l'Europe car vraiment, c'était une gêne et un carcan - on voit là que nous avons réussi à construire un système qui est une garantie pour chacun d'entre nous.

La planche à billets que vous semblez louer, ce n'est pas de l'argent magique ? Cela va jusqu’où le « quoi qu'il en coûte » présidentiel ? Édouard Philippe justement n'allait pas jusqu'au bout de cette démarche.

Je ne crois pas, je n'ai jamais aperçu de différence entre l'ancien Premier ministre et le Président de la République sur ce sujet. Mais peut-être y en avait-il? En tout cas, ce que je sais, c'est que c'est une chance formidable en période de crise de pouvoir accéder à de l'argent pas cher. Alors certes, il n'est pas vrai que c'est de l'argent que l'on ne remboursera pas. C'est simplement la possibilité de reporter dans le temps ou de reporter pendant suffisamment longtemps... J'avais proposé un système de cet ordre, un report d'échéance pour après le temps où on sera sorti de la crise, j'avais dit 10 ans, et c'est quelque chose de cet ordre. Oui, il est possible de réemprunter en étant sérieux pour financer les investissements qui sont absolument nécessaires. Un pays qui succombe sous la crise, qui laisse grandir le chômage, qui laisse s'installer la récession sans rien faire est un pays condamné à mort. Il n'existe aucune possibilité de s'attaquer aux problèmes sociaux, aux problèmes des services publics et aux problèmes éducatifs si l'on entre par exemple au problème de l'écologie évidemment et au premier chef, si on entre dans une phase récessive. C'est pourquoi je n'ai jamais été du côté de la décroissance car la décroissance, c'est ce qui nous pend au nez si on continue, c'est-à-dire l'effondrement de tout ce que nous avons construit.

Marseille qui bascule à gauche, Lyon à gauche par une coalition aussi, Paris : ce sont des villes symboliques et qui raisonnent comme autant de claques pour la majorité présidentielle après ces municipales.

Je n'analyse pas cela en termes de claque: j'ai toujours été contre la nationalisation des élections locales, toujours, y compris en en parlant à nos partenaires d’En Marche. Nous avons eu des débats avant ces élections. Je suis pour que les élections locales soient des élections locales. C'est une lapalissade mais je pense que c'est très nécessaire. C'est évident qu'il y a eu un mouvement d'opinion, on verra ce que donne ce mouvement d'opinion et si les engagements - certains sont très imprudents - seront respectés.

Vous pensez auxquels ?

Il y a des majorités qui, par exemple, ont dit : on va fermer l'aéroport.

Ce sont les écologistes qui vous inquiètent un peu ?

Non, ce n'est pas les écologistes qui m'inquiètent, c'est une espèce d'intégrisme écologique. Quand vous avez dans une grande ville - on m’a dit que cela avait été le cas à Strasbourg mais ce n'est sûrement pas le seul cas - des majorités qui disent : Nous l'aéroport, on n'en veut plus. Je vous prie de réfléchir à ceci : comment peut-on maintenir le Parlement européen à Strasbourg si la capitale européenne alsacienne n'est plus reliée aux autres grandes villes et aux autres grandes capitales? C'est du suicide. Lorsqu'on est loin de Paris, on a besoin d'être relié et cela me permet de dire qu'Air France a des obligations de service public dont il ne peut pas s'abstraire. Cette compagnie a reçu 7 milliards de l'État, c'est-à-dire des contribuables français. Les obligations de service public de liaison avec des villes périphériques doivent être respectées.

Même à 2 h 30 de TGV ? C'est quoi la frontière ?

J'accepte les 2 heures et demie. Mais c'est très simple, à Pau nous avons 4 h 30 de liaison SNCF. Or Air France a décrété - on avait auparavant 9 ou 10 liaisons quotidiennes et pendant toute la période entre la mi-juin et le 1er juillet, on a eu au lieu de 10 liaisons quotidiennes - 2 liaisons par semaine. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la gifle que cela représente. En tout cas, pour moi c'est inacceptable ! Et pour toutes les grandes entreprises qui sont sur notre sol, que ce soit Safran, le centre de recherche Total, les grandes entreprises agroalimentaires et dans la fibre de carbone, c'est inacceptable ! On a besoin d'être irrigué. Et qu’une compagnie qui vient de recevoir 7 milliards d'argent public s'abstrait de ces obligations de liaison et de service public, c'est inacceptable et si cela ne s'arrange pas, eh bien il faudra mener la bataille contre tout cela.

On comprend également ce que vous dites vis-à-vis d'Air France. On entend également votre méfiance, votre inquiétude vis-à-vis des maires écologistes qui sont arrivés au pouvoir et qui n'auraient pas selon vous assez de pragmatisme pour diriger une ville ? C'est cela ? C'est une école de pragmatisme, diriger une ville.

J'essaie de m'exprimer pour mon propre compte : ne me prêtez pas des arrière-pensées. Mon propos est très clair. Je pense que la fonction de maire aide les élus à progresser beaucoup et à découvrir le réel. Je pense que les campagnes électorales ne sont pas très favorables au réalisme. Je pense que des promesses ont été faites qui, me semble-t-il, pourraient déséquilibrer des villes. Si n'est pas le cas, tant mieux, car cela prouvera qu'au fond ils sont entrés dans une zone de réalisme municipal que je considère comme bienvenue. Mais, je pense que l'idéologie ne doit pas s'imposer lorsqu'on a entre les mains le destin d’hommes, de femmes, de familles et d'entreprises. Je pense qu'il est très important que l'on sache, tout en défendant les valeurs et la vision qui est la sienne, prendre en compte ce que c'est qu'une ville d'aujourd'hui qui a besoin de vivre et d’échanger. C'est aussi simple que cela : j'espère que le réalisme s'introduira et sera respecté.

La convention citoyenne sur le climat, avec ses propositions sur l'écologie, est-ce un format à renouveler sur d'autres sujets et lesquels ?

On verra les idées qui en sont sorties.

Vous êtes sceptique ? 

Inutile de vous dire que je ne suis pas favorable au tirage au sort. Je suis pour les conventions, les échanges, mais le tirage au sort, pour moi - alors peut-être je ne serai pas suivi puisque le gouvernement a décidé d'en faire - mais pour moi, le tirage au sort est le contraire de la démocratie. Un philosophe, que j'aime beaucoup qui s'appelait Marc Sangnier, l'a définie à mon sens de la manière la plus transparente que l'on puisse trouver. Il a dit : "la démocratie, c'est l'organisation sociale qui porte à son maximum la conscience et la responsabilité des citoyens". La conscience, la réflexion, l'information, on partage, on se forge une opinion et la responsabilité, on choisit. Eh bien, tirer au sort, c'est le contraire de la conscience et de la responsabilité. Après, on peut avoir des assemblées consultatives où les gens viennent s'inscrire. Mais la procédure ou, en tout cas, la proposition qui consisterait à remplacer le choix conscient des citoyens par le hasard, est pour moi, le contraire de ce que nous avons à construire comme conscience collective.

le Président de la République a également annoncé devant la Convention citoyenne, qu'elle deviendrait maintenant une instance quasi-officielle de lanceuse d'alerte pour interpeller le gouvernement. Est-ce que pour vous, cela va trop loin dans cette tentative de démocratie directe ?

Démocratie directe ça ne me gêne pas. Démocratie au hasard, cela me gêne. Ce n'est pas du tout la même chose. 

Tout ce qui a été annoncé par le Président, est-ce que cela vous gêne ? 

Ce n'est pas la même chose. Je n'ai pas aucune envie que vous me mettiez en opposition. 

Ce n'est pas vous mettre en opposition, c'est comprendre. 

Vous l'avez compris. Je pense que la concertation, c'est très bien. Les échanges y compris entre élus et citoyens, sont très bien, mais le tirage au sort qui consiste à remettre au hasard le choix des orientations, ce n'est pas la ligne qui est la mienne.

Vous avez évoqué une crise économique à venir, des plans sociaux. Êtes-vous inquiet, au fond, sur le climat social pour la rentrée, cette colère que l'on sent encore en arrière-fond chez les Français ?

Airbus a annoncé 15 000 licenciements, donc 5 000 en France, dont 3 500 à Toulouse. Ce ne sont pas des fantasmes. Ce ne sont pas des illusions. Air France a annoncé 7 500 licenciements. Je rappelle que je suis pour l'obligation de service public. De ce point de vue-là, ce ne sont pas des fantasmes.  C'est partout, la brasserie que j'aime bien au coin de ma rue, a mis son personnel au chômage partiel et n'est plus ouverte que jusqu'à 17h. Vous voyez bien que c'est partout. Les magasins, les entreprises, c'est partout. Cela va nous toucher tous et il faut que l'on se soude pour faire face à cela, et c'est, en effet, la tâche que je soutiens dans le nouveau gouvernement.

Emmanuel Macron se remet aussi en première ligne. Est-ce qu'il doit parler aux Français très prochainement, pour pouvoir justement tenter de les réembarquer comme il dit ? 

Je ne sais pas si le mot est juste. 

C'est le sien. 

La mission du Président de la République est, en effet, d'entraîner. Il voulait dire de rembarquer dans le bateau de la Nation, j'imagine.

Absolument. 

Et de ce point de vue-là, c'est absolument juste. Est-ce qu'on mesure à quel point nous sommes un pays fragmenté. On évoquait tout à l'heure la fracture entre le haut et le bas, entre les milieux de pouvoir et puis, les citoyens dans leur vie de tous les jours et le peuple, mais aussi entre classes sociales, entre manière d'être, manière de vivre et cela s'est traduit par l'abstention. On parle de la crise économique. Elle va être impressionnante. On parle de la crise sociale qui est, évidemment, en lien à cette crise économique. Mais on a 2 sur 3 des Français qui se sont abstenus dans les villes, pour l'élection de proximité et celle de l'élu en qui ils ont le plus confiance. 2 sur 3. Il y a probablement une question de peur de l'épidémie. C'est possible. J'avais plaidé, vous le savez, pour le vote par correspondance et je continue à plaider pour le vote par internet. Mais il y a autre chose, sans doute qu'il y a le sentiment d'un très grand nombre de Français que, au fond cette vie politique, est devenue un théâtre qui n'a plus grand-chose à voir avec leur vie de tous les jours. Quand je regarde le nouveau Premier ministre et le nouveau gouvernement, je dis que, probablement, leur première mission, la plus importante de leur mission, est de faire que les Français reconnaissent enfin leurs attentes et leurs exigences dans l'action publique. C'est vrai à l'échelon local et c'est vrai à l'échelon national. 

Voilà que le Président de la République dit : "je remets la réforme de la retraite sur le travail, dans sa version plus justice sociale, moins réforme des systèmes financiers." Les syndicats commencent à se mobiliser, en tout cas à protester. Est-ce que pour vous c'est le bon moment où il faut que cette réforme des retraites soit passée avant 2022 ?

C'est la responsabilité du nouveau gouvernement d'en décider, car il porte ce genre de réforme. Je suis sûr que des débats auront lieu autour de ce sujet. Encore une fois, vous voyez ce que j'ai à l'esprit, c'est la nécessité de reconstruire le lien civique en même temps que l'élan économique. 

Si les syndicats remobilisent les Français contre une réforme de retraite, renouvellement organisé, n'y a-t-il pas un risque que ce projet soit mis à mal et que les tensions perdurent voire s'aggravent selon vous ? 

J'ai toujours pensé que si une réforme était juste et bien préparée, un gouvernement pouvait entraîner les Français à la suivre, mais on verra maintenant quelles seront les inflexions, les changements. Je ne veux pas me prononcer à la place du nouveau Premier ministre et du nouveau gouvernement. 

C’est-à-dire qu'il faut quand même rechanger ou remodeler un peu ?

Vous avez entendu : "juste et bien préparé". Et j'ajoute une troisième chose : "juste, bien préparé et compréhensible".

On a l'impression que vous disqualifiez l'ancienne réforme. Elle n'était ni juste, ni bien préparée, ni compréhensible. C'est cela ? 

Non. En tout cas, sur le troisième terme, la lisibilité, le caractère compréhensible, oui, je pense que l'on pouvait beaucoup l'améliorer, oui. Même moi, parfois je ne comprenais pas très bien! Mais il est vrai que je suis provincial… Il est vrai que je suis provincial et donc par définition, moins habitué. 

Pour dire autrement les choses, est-ce qu'il y a encore de la place pour continuer à vraiment transformer le pays ? Qu'est-ce que peut faire encore Emmanuel Macron de neuf ? 

Il peut et il doit retrouver les engagements, la charte de confiance qui était celle qui a fait que les Français l'ont élu. Il a été élu sur un engagement, une exigence de transformation profonde et de justice, et de transformation profonde des relations entre le pouvoir et les citoyens. Je suis persuadé que le moment est venu. C'est une chance qui est offerte pour que l'on retrouve cette charte de confiance et je suis persuadé qu'il en est conscient évidemment.  Alors vous dites est-ce qu'il y a la place pour réformer ? Oh je pense que votre expression est très loin de la réalité ! Il y a nécessité de réparer et de construire, de reconstruire et de préparer l'avenir. Nécessité vitale. Ce que nous allons vivre nous oblige à changer en profondeur les cadres, à réparer en profondeur nos faiblesses et à ressaisir en profondeur la volonté de vivre des Français, y compris avec optimisme. 

François Bayrou, vous connaissez parfaitement le fonctionnement du système politique, de l'action publique, le temps que cela prend. Il reste deux ans, c'est-à-dire en réalité 15 mois ultimes.

Est-ce que, au fond, toutes ces urgences que vous déclinez aujourd'hui et qui sont réelles, est-ce qu'il va avoir le temps de les rendre concrètes pour les Français et de les résorber ? Est-ce qu'il n’y a pas une course contre la montre qui est engagée là maintenant ? 

Peut-être vous vous souviendrez du slogan qui était le mien lors d'une élection présidentielle précédente ? J'avais dit : "un pays uni, rien ne lui résiste" car je sentais bien que la division du pays était l'une des principales raisons de notre faiblesse.  Je dis que la question des réformes nécessaires, cela n'est plus une question d'opportunité, mais de nécessité.  La crise va être grave en France. Pourquoi ? Parce qu'on a laissé s'accumuler les faiblesses au travers du temps. Il faut les regarder en face comme des gens courageux, comme des pères et mères de famille, comme des jeunes qui veulent trouver une place dans le pays. 

Mais quelles réformes ? 

Il y en a plein. Je vous ai dit que je pensais qu'il fallait que le pouvoir s'organise différemment. Je vous ai dit qu'il fallait que les acteurs de terrain, que ce soit entreprises, associations, collectivités locales, soient reconnus dans leur droit à l'initiative, à l'action et pas perpétuellement, mis sous cloche par un univers de normes et de blocages, et de défiance. Je vous ai dit qu'il fallait que l'investissement soit soutenu comme il doit l'être et je vous ai dit qu'il fallait que tout le monde perçoive que lorsqu’on a la chance d'aller bien dans une entreprise, il faut que dans l'entreprise, tout le monde en profite. Et tout ceci, c'est, je vous l'assure, un agenda de réformes majeures. 

Vous avez évoqué, François Bayrou, le lien organique, on le connaît entre votre famille politique, votre soutien à Emmanuel Macron. Le gouvernement est en train de se composer aujourd'hui. Souhaitez-vous plus de ministres MoDem au sein du gouvernement aujourd'hui ? 

Si vous m'avez une seule fois dans ma vie, entendu parler d'étiquette pour des ministres, c'est que je devais avoir bu plus que de raison. La Vème République n'est pas un marchandage. La Vème République, c'est une adhésion. Alors après, il faut naturellement que les équilibres soient respectés… 

Une question d'actualité et sur la mémoire, le Président algérien Tebboune a déclaré hier : "attendre des excuses de la France pour la colonisation de l'Algérie. Est-ce que vous pensez qu'Emmanuel Macron doit s'exprimer sur ce sujet peut-être à nouveau et s'excuser ? 

Il s'est déjà exprimé et moi, je ne suis pas trop pour que l'on cultive dans l'histoire cette culture de l'excuse, du mea culpa. L'histoire, c'est l'histoire. La colonisation a été un drame pour tout le monde au commencement et à la fin. Cela a été un drame qui a frappé des millions de personnes.  Ceux qui ont lancé la colonisation, souvenez-vous du célèbre discours de Jules Ferry devant l'Assemblée nationale, l'ont fait avec des raisons qui étaient des raisons généreuses ou qu’ils croyaient généreuses. Beaucoup de Français et d'Algériens se sont engagés dans ce travail de vivre-ensemble et de rénovation du pays. Au bout du compte, cela a très mal fini et peut-être cela devait très mal finir depuis le début. Peut-être que c'était un risque trop important que l'on n'a pas mesuré. Alors moi, je suis pour que l'on y réfléchisse. Je suis pour que l'on en parle ensemble. Je suis pour que l'on n'en fasse pas un sujet de combat et je suis pour que l'on ne passe pas son temps à pointer du doigt les uns sur les autres, parce que cela fera beaucoup de dégâts partout. 

Il se trouve que j'aime beaucoup l'Algérie, la culture algérienne, que je crois que beaucoup d'Algériens sont en sympathie avec ce que je porte. Je vois très bien le pluralisme algérien, culturel, politique. Je crois que c'est une richesse et je n'ai pas envie d'avoir un sujet qui soit un sujet d'affrontement. Ce que je soupçonne d'ailleurs, c'est qu'en poussant ce sujet, on cherche à créer un affrontement de plus et ce n'est pas ma manière de voir. 

Présidentielle USA 2020. Parti républicain: de Nixon à Trump, l’inexorable montée de la droite dure ou la lente disparition des centristes


Nixon a préparé Reagan qui a préparé Bush qui a préparé Trump, une descente en enfer extrémiste et populiste dont une des conséquences majeures et catastrophiques pour la politique américaine a été la disparition presque totale des centristes républicains.
De la droite dure à la droite réactionnaire puis à la droite radicale et enfin l’extrême droite populiste en attendant le prochain épisode, voici comment quatre présidents américains, dans l’ordre, Richard Nixon (1969-1974), Ronald Reagan (1981-1988), George W Bush (2001-2008), Donald Trump (2016-2020) – tout juste y eu-t-il une sorte de pause avec le «modéré» George HW Bush (1989-1992) – ont conduit le Parti républicain aux confins extrêmes de la droite et de la réaction ce qui, au passage, a éliminé quasiment tous les centristes de la formation d’Abraham Lincoln, de Theodore Roosevelt et d’Ike Eisenhower.
Bien sûr, il serait caricatural de faire commencer la dérive droitière des républicains à l’ère Nixon.
Barry Goldwater, le candidat malheureux du parti face à Lyndon Johnson en 1964 où il fut littéralement balayé par le président démocrate sortant est sans doute un des républicains les plus radicaux de l’histoire, charriant avec lui tous les côtés les plus sombres qui se sont lentement agrégés à une formation créée à l’orée de la Guerre de sécession et qui se voulait avant tout libérale (au sens premier du terme et non de celui qui est aujourd’hui utilisé au Etats-Unis et qui caractérise quelqu’un de gauche plus ou moins modéré) et, bien sûr, contre l’esclavage.
Cependant, la ligne politique du Parti républicain a toujours oscillé entre une droite conservatrice (comme pour des présidents comme Taft ou Hoover) une droite modérée voire un centre-droit (comme pour des présidents comme Théodore Roosevelt ou Eisenhower).
Jusqu’à la fin des années 1970, il y avait même une forte implantation de républicains centristes et/ou modérés sur la côte Est du pays, le plus représentatif d’entre eux étant alors Nelson Rockefeller qui fut gouverneur de New York et même vice-président du pays sous l’Administration de Gérald Ford après la démission de Richard Nixon suite à l’affaire du Watergate.
Aujourd’hui, si l’on cherche un représentant du courant centriste dans le parti, la tâche est bien compliquée et le nom de Mitt Romney, le sénateur de l’Utah et candidat malheureux face à Barack Obama en 2012, est souvent cité alors qu’il serait plutôt un homme de droite au conservatisme modéré comme le fut également le sénateur de l’Arizona, John McCain, candidat lui aussi face à Obama en 2008 et depuis décédé.
En tous cas, les deux hommes représentent les quelques républicains qui se sont opposés le plus vivement mais en vain à la montée en puissance de la droite réactionnaire dans le parti, que ce soit sous George W Bush (notamment le courant représenté par le vice-président Dick Cheney) ou sous Donald Trump.
S’il convient d’utiliser le terme «globalement» à propos de leur positionnement contre les deux présidents, c’est parce que plus d’une fois ils ont validé leurs lignes politiques radicales voire extrémistes.
Toujours est-il que le Parti républicain est désormais un parti de droite radicale parce qu’il l’a voulu et parce qu’il a mis en place une stratégie pour y parvenir, étant le réceptacle de toutes les frustrations et les récriminations de cette frange importante de la population blanche qui se sent à tort ou à raison déclassée (souvent par des décisions prises par… les républicains!) et aux relents racistes, devenue son noyau électoral, frustrations et récriminations instrumentalisées par beaucoup de grandes fortunes du pays (on pense ici aux frères Koch ou à Sheldon Adelson, entre autres) par leurs généreuses donations aux hommes et aux mouvements les plus réactionnaires qui ont émergé à l’intérieur du parti (comme Newt Gingrich, Karl Rove ou Steve Miller), soit qui ont conduit des OPA réussies de l’extérieur (comme le Tea party ou Steve Bannon).
Les campagnes d’une violence inouïes menées contre les centristes Barack Obama et Hillary Clinton par le Parti républicain (et pas seulement par ses dirigeants ou ses candidats) démontre la réalité sans équivoque de ce déplacement idéologique et de la volonté d’y demeurer.
Dès lors, il semble illusoire d’attendre un recentrage des républicains dans les années à venir parce que le cœur de leur électorat n’est plus au centre, pire, est constitué d’adversaires résolus, voire haineux, des valeurs centristes.
C’est plutôt le contraire qui pourrait se produire car même les rébellions qui se font jour actuellement contre Trump ne viennent pas de centristes mais de conservateurs comme par exemple ceux qui ont mis sur pied le «Lincoln project» et souhaitent la défaite du populiste démagogue en novembre prochain face à Joe Biden afin de sauver le parti de l’extrême-droite et le pays du chaos.
Ce qui désespérant dans cette lente dérive vers l’extrémisme, c’est que Nixon, Reagan et Bush junior ont été réélus pour un second mandat, le seul qui n’a pas réussi était Bush sénior pourtant le moins éloigné du Centre…
Tous ont eu, en outre, maille à partir avec des scandales, Nixon avec le Watergate, Reagan avec les Contras, W. Bush avec la guerre en Irak.
Quant à Trump, il y en a tellement…

Alexandre Vatimbella
Directeur du CREC