Par Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella
Dans cette rubrique, nous publions les points de vue
de personnalités centristes qui ne reflètent pas nécessairement ceux du CREC.
Ces points de vue ont pour but d’ouvrir le débat et de faire progresser la
pensée centriste.
Aris de Hesselin est un avocat international,
centriste et un européen, défenseur d’une mondialisation humaniste.
Alexandre Vatimbella est le directeur du CREC.
Comme l’explique l’historien Philip Nord au quotidien Le
Monde, la défaite de 1940 «n’est pas ce jugement moral sur la III° République
qu’en a fait Vichy puis les modernisateurs ou les gaullistes eux-mêmes après la
guerre».
«Après tout, poursuit-il, les Allemands n’ont gagné que grâce
à une attaque surprise extrêmement risquée et ont été eux-mêmes étonnés de la
percée des chars de Guderian à Sedan, le 13 mai, qualifiée de ‘miracle’».
Cette opinion est loin d’être iconoclaste.
Au fur et à mesure que le temps passe, que les études
historiques progressent et que les légendes sont mises à mal, on est,
aujourd’hui, non pas dans une réécriture de la défaite cuisante des Français,
mais dans une explication moins partisane et, surtout, plus en relation avec
les faits et la situation d’alors.
Quelques points parmi d’autres.
D’abord, l’armée française n’avait rien à envier à son
homologue allemande qui cumulé de très nombreuses faiblesses.
Cette dernière était moins nombreuse, moins expérimentée,
n’avait pas assez de munitions et de carburant pour mener une guerre de longue
durée.
Quant à l’armement français, il était, dans bien des domaines,
supérieurs à celui des Allemands.
Ensuite, l’attaque dans les Ardennes n’a pas été du tout une
surprise pour le commandement français.
Même Gamelin qui pensait qu’elle était
impossible et qui restait sur ces certitudes stratégiques,
avait prévu que si cela été quand même le cas, il serait
toujours temps d’envoyer des troupes pour la bloquer à Sedan.
De même, les soldats français, loin d’être les lâches ou les
défaitistes que l’on s’est plu à caricaturer et à railler, se sont battus avec
courage et héroïsme, en témoignent les combats très durs qui se sont déroulés
dans la Somme (ce qui a permis au corps expéditionnaire anglais de pouvoir
réembarquer en nombre à Dunkerque) et la défense acharnée de Lille qui fut
saluée par les généraux allemands.
Et oui, personne ne pensait qu’une attaque par les Ardennes
avait une chance de réussir.
Rappelons que c’est parce que les plans d’invasion des
Allemands avaient été récupérés par les Alliés que ceux-ci ont du changé de
stratégie qui était au départ, comme en 1914, de passer par la Belgique en
violant une nouvelle fois sa neutralité, parce que c’était la seule solution
raisonnable, d’où la concentration des troupes d’élites françaises et anglaises
à la frontière franco-belge.
Que si Hitler s’est résigné à choisir le plan d’un de ses
généraux, c’est uniquement parce qu’il n’en avait pas d’autres et qu’il savait
qu’il ne pouvait s’engager dans un conflit de plusieurs années voire même de
plusieurs mois.
Que si ce plan improbable a réussi, c’est surtout du à des
conditions météorologiques particulièrement favorables à l’armée allemande, à
de la chance et… à la drogue, la pervitin, une méthamphétamine, que les soldats
ont pris en quantité phénoménale qui leur a permis de ne pas dormir pendant
plusieurs jours puis les a rendu accros…
Enfin, si les Français ne voulaient pas d’une guerre,
sentiment hautement respectable, ils savaient qu’il allait falloir se
confronter à Hitler à un moment ou à un autre, surtout depuis l’invasion de la
Tchécoslovaquie.
Dès lors, la France ne s’est pas effondrée de par son
impréparation, de la gangrène politicienne qui minait ses fondations et parce
que la III° République était à bout de souffle.
Tout cela est une écriture à chaud des événements qui avait
un but: un monde nouveau voulu, tout autant, par Pétain que par De Gaulle.
Et si c’est ce dernier qui est sorti vainqueur de cet
affrontement entre deux militaires qui avaient travaillé étroitement ensemble,
l’Histoire n’a pas été pour autant réhabilitée après la chute du régime
scélérat de l’Etat Français, bien au contraire, mais a continué à être
instrumentalisée par les gaullistes, la Résistance et les dirigeants des partis
politiques à la Libération.
Puis, rapidement la légende a été forgée avec un discours
convenu d’une soi-disant réalité qui n’a jamais existé d’une France à la dérive
en 1940 et qui n’a compris sont intérêt qu’en 1958 après avoir à nouveau commis
les mêmes fautes avec l’instauration de la IV° République.
Et si tout le monde est devenu gaulliste aujourd’hui, c’en
est bien la résultante avec un général devenu un super-héros mythique!
Il ne s’agit pas ici d’amoindrir les mérites de ceux qui se
sont opposés à Vichy et aux nazis et dont l’héroïsme est une gloire de la
France.
Ni même le rôle qu’a joué le général de Gaulle dans la
victoire finale.
Il s’agit de dire que nous vivons depuis 80 ans sur une fable
qui voudrait que la France fautive a payé ses errements en 1940 et
qu’heureusement, le 18 juin, par un appel, un homme providentiel s’est levé
pour la sauver.
C’est pourquoi, il ne faut pas se tromper quand nous célébrons
cet appel.
Celui-ci n’est pas ce passage entre un ancien monde vers un
nouveau mais le refus de baisser les bras devant une catastrophe et une volonté
de continuer le combat coûte que coûte.
Vouloir en faire la première pierre d’une ère salvatrice et
rédemptrice est autant une illusion sur ce que nous sommes qu’une insulte à
ceux qui ont été.
C’est aussi de vouloir introduire une sorte de sentiment d’infériorité
dans la population française qui n’a pas lieu d’être.
En revanche, ce qu’il nous faut célébrer le 18 juin, c’est
cet esprit de résistance face à l’inacceptable.
Et ce n’est pas rien, surtout actuellement.
Aris de Hesselin et Alexandre Vatimbella